Stephanie Gasana

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00 : 12 >> Sa.G. : Bonjour Stéphanie. >> St.G. : Bonjour. >> Sa.G. : Merci de nous accorder une entrevue. >> St.G. : Ça me fait plaisir. >> Sa.G. : Je sais que tu as déjà participé au projet Histoires de vie, donc je n’ai pas besoin de te présenter le projet. >> St.G. : Non. >> Sa.G. : Alors, pour commencer, pour ceux qui ne te connaissent pas encore, présente-toi. >> St.G. : Je m’appelle Stéphanie Gasana, j’ai 22 ans, je suis Rwandaise, je suis étudiante à Concordia, en Communication, et « … », qu’est-ce que je peux dire d’autre [en train de réfléchir] ? J’ai grandi en Éthiopie, [en train de réfléchir], voilà! >> Sa.G. : Très bien, une bonne introduction. Alors, on va vraiment remonter dans tes souvenirs les plus lointains, les plus lointains, « … » Est-ce que tu as connu tes grands-parents? >> St.G. : Je n’ai pas connu mes grands-parents, ni du côté maternel, ni du côté paternel. Par contre, j’ai tellement entendu parler d’eux que j’ai l’impression de les avoir connus. C’est, c’est vraiment ce point-là surtout du côté maternel. Ma mère avec qui j’ai grandi, donc toute ma vie, me parle de sa mère, m’a parlé de sa mère pendant toute mon enfance. Sa mère qui s’appelait Adèle et son papa aussi. « … » elle me parlait aussi de la mère de mon père, beaucoup, beaucoup, beaucoup, elle me parlait de ma grand-mère paternelle, et qui je pense qu’elle était assez proche, et donc oui, mais je n’ai pas eu l’occasion, je n’ai pas pu les voir et ils sont morts pendant le génocide. Je pense que ma grand-mère paternelle est morte un peu avant, quelques années avant, oui elle est morte en 1990 quand je suis née. Donc c’est ça, je n’ai pas connu mes grands-parents. >> Sa.G. : Euh…[en train de réfléchir]. Alors, parlez-moi de… vos plus lointains souvenirs de vos parents. Comment c’était la vie en famille ? >> St.G. : La vie en famille! [en train de réfléchir]. Ça me fait drôle d’y penser! « … » les plus lointains souvenirs, mon Dieu, comment c’était? [en train de réfléchir]. Je pense que ça remonte à mes trois-quatre ans, en Éthiopie. Avant ça c’est flou mais, c’est…, c’est ça, mes trois- quatre ans, en Éthiopie avec ma maman, toujours avec ma maman. Et puis c’est, c’était un dimanche, « … » tous les dimanches ma mère m’amenait au restaurant, [pause] restaurant éthiopien, moi j’aime la bouffe éthiopienne et ma mère aussi. Donc les dimanches, on allait des fois à l’église ou des fois…, des fois non. Et comme la bonne n’était pas là, donc la bonne c’est celle qui prépare la nourriture, était en congé, elle m’amenait manger les tops qui est le plat traditionnel. Et puis j’avais trois ans, elle disait : "raconte-moi ce qui se passe à l’école, raconte-moi ta vie". Et je me rappelle que je mangeais et en même temps je racontais mes amis, ma meilleure amie ce qu’elle m’avait fait, pourquoi, … je parlais de toute ma vie. Et ma mère m’écoutait attentivement comme toi là, ce que tu fais tout de suite. En me regardant comme ça, et tout ce que je disais était très très important, et surtout elle me demandait le lendemain comment ça s’était passé, si j’avais fait la paix avec mon amie, si, si je n’aimais pas ma coiffure, je me rappelle que c’était une période coquette, j’aimais pas les tresses et puis elle me disait qu’on allait changer et puis on me parlait vraiment de tout. Ah je me rappelle de ces dimanches-là. Ces dimanches où je mangeais des tops avec ma maman et puis que je parlais de mes problèmes et j’en avais beaucoup, beaucoup, beaucoup [rires]. >> Sa.G. : [Rires aussi] Oh c’est bien. « … » [En train de réfléchir] donc ça c’était les souvenirs les plus lointains, « … », est-ce que vous avez des frères et sœurs ? Est-ce que tu as les frères et sœurs? >> St.G. : Oui, j’ai trois grandes sœurs, Solange, Sylvie et Sandra et deux petits frères, Raul, Yano, ‘’Yan’’. « … » , Solange, Sylvie et Sandra habitent ici au Canada avec moi et mon frère Raul, qui est mon frère adoptif, habite à Londres et mon autre petit frère qui est mon demi-frère, habite à Ottawa avec mon père. Et oui. >> Sa.G. : C’est quoi la relation que vous avez avec chacun d’eux ? >> St.G. : Mes sœurs ? >> Sa.G. : Et vos frères. >> St.G. : Et mes frères ? « … » [En train de réfléchir]. >> Sa.G. : En grandissant jusqu’aujourd’hui. >> St.G. : Malheureusement, je n’ai pas grandi beaucoup longtemps avec mes sœurs, je suis née en 1990, mes sœurs étaient en Libye avec mon père. Mes parents se sont séparés quand j’étais très jeune, mes sœurs ont grandi un peu avec mon père, donc, j’étais fille unique, jusqu’à mes quatre ans, je pense, et là mes sœurs sont venues de Libye, puis ensuite « … », donc j’étais très jeune, je me rappelle que mes sœurs notamment ma sœur Solange était « … », aimait se promener avec moi. Je me rappelle, elle était là depuis 1993, elle, je pense que oui, je me trompe, elle était là depuis 1993, c’était mes deux autres sœurs qui étaient toujours en Libye, puis c’est ça, elle aimait m’acheter des sucettes, elle aimait un peu passer du temps avec moi. Ensuite mes deux autres sœurs sont venues et je me rappelle que j’étais très, très contente, parce que, parce que j’avais encore beaucoup plus d’attention et comme elles ne me connaissaient pas très bien et me voyaient peut-être en vacances, elles aimaient aussi passer du temps avec moi… et puis j’étais gâtée, j’étais choyée. De 1994 à 1997 on a habité ensemble. Là, elles sont parties au Canada pour les études et mon petit frère adoptif est venu, donc « … », je pense. Non, mon petit frère adoptif est d’abord venu et puis ensuite mes sœurs sont parties. Mon frère adoptif avec qui j’ai grandi de 1997 à 2008, notre relation « … ». On est très, très proche ..., mes sœurs je les voyais quand même pendant les vacances et tout ça, donc oui on est proche, mais il y a une grande différence d’âge. Ma sœur, la plus jeune a dix ans de plus que moi, puis la plus vieille, donc Solange, a quinze ans de plus que moi. Ce qui fait que…c’est différent, très différent. Mais on a réussi quand même à se rapprocher, surtout plus je grandis, plus on est proche, je pense, oui. Mon petit frère, Jan euh…, que j’ai rencontré quand il avait deux ou trois ans, je pense, habite à Ottawa, il est très jeune, il a onze ans maintenant … j’essaye d’être là pour lui et j’essaye de passer du temps avec. Euh puis… Oui, je pense qu’on est assez proche aussi. >> Sa.G. : Et alors quand tu étais à l’école au primaire notamment maternelle, les souvenirs sont vagues, quel souvenir tu gardes de ton primaire? >> St.G. : Mon primaire, mon primaire, … [En train de réfléchir]. L’école primaire à Addis Abeba, « … » je me rappelle, ça c’est, je me rappelle de ma première année au CP, qui est la première année du primaire, j’étais en CP B et j’avais un professeur qui s’appelait monsieur Lafenêtre, je trouvais ça tellement drôle, c’était hilarant, pour moi c’était hein… [Grande exclamation !!]. Toute l’année je devais dire à tout le monde que mon professeur s’appelle monsieur La Fenêtre. Ça, ça me faisait rire [gros rire de joie!]. Je me rappelle que j’ai appris à lire cette année-là, que ma mère me forçait à lire tous les jours… et me forçait à faire mes devoirs, surtout j’avais des devoirs à faire, j’avais peut-être une phrase à lire, mais ma mère m’obligeait à faire plus de travail, je me rappelle que je n’aimais pas beaucoup ça, et donc c’était combien d’années? C’était cinq ans de primaire, « … » [En train de réfléchir] où je j’avais quand même une pression, il fallait que je sois la première de la classe ou que ce soit près de là, pour que ma mère soit fière. Donc je me que « … », que je devais beaucoup étudier plus que les autres « … », mais sinon ça, ça reste des souvenirs, de bons souvenirs, je jouais beaucoup, j’avais beaucoup d’amis et je me rappelle que j’aimais beaucoup sauter à la corde, jouer à la marelle, « … » qu’est-ce que j’aimais faire d’autre? [En train de réfléchir] C’est ça, et puis j’ai fini par aimer étudier et donc aimer lire, aimer faire mes devoirs « … », je n’avais pas le choix, c’est ça, donc j’étais plutôt la timide de la classe, très timide, je sais que je n’aimais pas, je n’aimais pas du tout avoir à réciter les poèmes, c’était un moment très difficile pour moi. « … », donc c’est ça, j’étais un peu la fille qui aimait rester dans son coin, qui s’asseyait souvent devant en classe et puis « … », et puis qui était la bonne élève, oui! >> Sa.G. : Est-ce que tu avais une matière préférée? >> St.G. : « … » est-ce que j’avais une matière préférée? [En train de réfléchir]. Oui, ça a toujours été le français, le français, mes cours de français j’aimais beaucoup, parce que ma mère aimait beaucoup m’apprendre la grammaire et la conjugaison et c’est quelque chose qui ne m’embêtait pas par rapport aux autres élèves, je, j’aimais bien écrire, faire une dictée sans faute d’orthographe, hein, j’adorais ça, oui, le français. 10 :13 >> Sa.G. : Et donc ton secondaire tu l’as fait dans la même école ? >> St.G. : La même école. Donc de la maternelle de mes trois ans à 18 ans, j’étais 15 ans à la même école française d’Éthiopie Lycée Guèbre-Mariam. >> Sa.G. : C’est comment d’être à la même école toute sa scolarité? >> St.G. : C’est bien et ce n’est pas bien [pause]. C’est, j’étais très contente parce que je me sentais très à l’aise. « … », surtout au secondaire où j’étais vraiment celle qui accueillait les nouveaux, puis c’était ma cour, c’était…c’était un peu moi la seule, qui mettait les gens à l’aise puis, là j’avais commencé à être un peu plus sociable, je connaissais les femmes de ménage, je connaissais, les gardiens, qui m’avaient vu grandir, je connaissais tous mes professeurs, parce que les professeurs, surtout mes professeurs français ou même les éthiopiens qui étaient là pendant plusieurs années, ils me connaissaient aussi, m’avaient vu grandir; donc c’est comme si j’étais une famille, c’est une deuxième famille. J’avais la famille à la maison et j’avais une autre famille du lycée. Donc tous les employés me connaissaient, ils m’appelaient par mon nom et puis j’avais l’impression que..., que c’était, voilà, je me sentais très bien. En même temps, j’ai toujours voulu être une nouvelle dans une autre école, je me rappelle que je voulais déménager, je voulais aller au Canada, je voulais même, même n’importe où. Je me rappelle que je disais à maman : "j’en ai un peu assez de la même école, moi aussi je veux être la nouvelle de la classe, je veux…, est-ce que tu ne pourrais pas, est-ce qu’on ne pourrait pas déménager ?" Mais bon, c’était …c’était un rêve quoi, puisque je savais très bien que je n’allais jamais quitter l’Éthiopie. Donc…, non c’était ça, c’est bien d’être dans son propre élément, après quand tu changes de pays, beaucoup, beaucoup de défis qui se présentent, puisque j’ai toujours été dans la même école, mais euh…, pendant le temps que ça a duré quand même c’était bien, je me sentais bien. >> Sa.G. : Est-ce que tu avais des hobbies, est-ce que tu avais des passe-temps en dehors de l’école? >> St.G. : Est-ce que j’avais des passe-temps, qu’est-ce que j’aimais faire? [En train de réfléchir]. >> Sa.G. : Au secondaire peut-être? >> St.G. : Au secondaire « … », [en train de réfléchir]. Mais c’est l’Afrique, c’est l’Éthiopie et puis ce n’est pas la même chose qu’ici, beaucoup moins de choses à faire [en train de réfléchir]. Alors c’était beaucoup aller chez les amis donc il y avait des fêtes d’anniversaire, puis « … », puis sinon c’était passer des après-midi chez les amis, et puis qu’est-ce qu’on faisait, on regardait les films, puisque qu’on regardait beaucoup de films, on empruntait les DVD, des cassettes à l’époque et puis les DVD ensuite, et « … », [en train de réfléchir]. Il y avait les kermesses, donc des activités organisées par l’école où on se retrouvait et puis « … », puis on jouait à des jeux, il y avait des compétitions. Je n’étais pas très sportive, donc « … », je ne faisais pas de sport comme d’autres ont pu le faire. J’ai fait de la danse classique un moment pendant deux ans. J’ai pris deux ans de, des cours de piano, « … » [En train de réfléchir]. Qu’est-ce que j’ai fait d’autre? Ensuite, ouais, par la suite j’étais très impliquée dans ma classe, donc j’étais déléguée de classe pendant une année. Déléguée de classe, c’est s’occuper des problèmes de la classe, donc il y avait des réunions avec tous les autres délégués, puis il fallait organiser des fêtes de fin d’année, moi j’aimais bien ça. Donc j’avais quand même quelques activités que j’aimais bien faire, oui. >> Sa.G. : Et puis les grandes vacances, est-ce que tu partais en vacances? Est-ce que tu es allée au Rwanda? Comment ça se passait l’été ? >> St.G. : L’été! [En train de réfléchir]. Je suis allée au Rwanda en 1995 et en 1996. Malheureusement je n’ai pas de, de souvenirs, pas beaucoup de souvenirs je, j’ai quelques petits souvenirs, imbeba [ça veut dire souris en kinyarwanda]. Le seul vrai souvenir vraiment que je garde c’est les souris, j’avais peur des souris; il y avait des souris au Rwanda et je ne voulais pas retourner au Rwanda à cause de ça [rires]. Il n’y avait pas de souris en Éthiopie, donc je n’avais pas de problèmes. « … », donc oui j’allais en vacances en 1995 et 1996. En fait c’est comme si j’allais en vacances une fois sur deux, je pense. En 1998, je suis venue au Canada pour la première fois, ça je me rappelle un peu plus, c’était tout ce dont j’avais rêve que ce soit, hein! Comme dans les films! Puisque j’étais aussi passée par Londres avant, il y avait une amie à ma mère qui travaillait là-bas, qui habitait là-bas où j’ai passé quelques jours, ensuite je suis venue au Canada où j’ai passé deux mois, les plus beaux mois de ma vie, je pense! Euh…, j’ai voyagé un peu aussi dans le Canada, à Ottawa, Toronto. Je me rappelle que cette année je suis revenue à l’école à la rentrée, là j’avais, j’en avais des histoires à raconter, j’étais fière. J’ai beaucoup voyagé, je suis allée aux Seychelles en 2000 avec toute ma famille. « … », je suis allée, « … », non, à l’île Maurice pardon, à l’île Maurice en 2000, en 2004 je suis allée aux Seychelles, je suis revenue au Canada en 2005 et en 2006. Sinon, entre … entre tout ça, je passais l’été en Éthiopie. Oui, j’ai voyagé beaucoup, j’étais, j’étais très contente, j’étais contente parce qu’il y avait des élèves dans ma classe qui n’avaient peut-être pas cette chance là et puis je m’estimais heureuse de pouvoir faire partie des gens qui allaient en vacances. >> Sa.G. : Et puis donc c’est fini ton baccalauréat, comment ça se passe ta dernière année, terminale ? >> St.G. : « … », Ça c’était en 2008, je, donc j’avais très, très hâte de quitter l’Éthiopie après avoir passé 18 ans là-bas, j’étais prête à vraiment commencer un nouveau chapitre de ma vie, et puis à sortir de ce que j’avais toujours connu. Et surtout comme je venais ici pendant les vacances, j’avais déjà des amis, je rêvais d’habiter avec mes sœurs aussi. Et puis « … », donc ma dernière année est très vite passée dans ce sens où je planifiais, je rêvais tellement d’être au Canada que, je ne sais pas, c’est passé très vite. « … », je pensais que j’étais très distraite, je… [En train de réfléchir] justement parce que je pensais à tout ça, et puis parce que j’étais très jeune, je fais comme si ça faisait très longtemps mais voilà c’était une période de ma vie où l’école me préoccupait peu, c’était plutôt penser « … » mon Dieu, c’est ma dernière année et c’était un gros bilan, je savais que je n’allais pas revenir en Éthiopie avant longtemps, je préparais mon départ, je « … », oui! C’était une belle année! 17 :20 >> Sa.G. : Et puis tu es venue tout de suite après ton bac ? Tu es venue l’été de ton bac? >> St.G. : Non je suis venue en novembre 2008, donc mes papiers avaient pris un peu plus de temps que prévu et, voilà c’est, c’est et surtout comme j’avais très hâte de venir, le fait que ce soit prolongé, que je n’aie pas mes papiers, c’était une grosse frustration dans ma vie, je dramatisais beaucoup les choses à l’époque; je me rappelle que je n’étais vraiment pas contente parce que tous mes amis étaient déjà partis et moi donc pourquoi je dois rester? Et, tous mes camarades de classe étaient en France et j’avais choisi de ne pas m’y inscrire et du coup j’ai regretté, je me disais, hein, j’aurai été en France maintenant au moins, il fallait que j’y pense, et donc voilà, j’étais là, en Éthiopie, mais bon ça a duré juste quelques semaines et surtout mes sœurs étaient venues en vacances à cette période-là, donc c’est passé un peu plus vite et puis, puis je suis venue au Canada, donc ça s’est bien passé finalement. >> Sa.G. : Alors, raconte-nous ton arrivée au Canada, comme tu connaissais déjà le Canada mais y arriver pour t’installer, c’était comment ? >> St.G. : [En train de réfléchir]. Arrivée pour m’installer à Montréal, je suis arrivée le 12 novembre 2008, belle date pour moi, oh mon Dieu, première fois que j’avais voyagé toute seule, je suis passée par Washington où j’ai passé plusieurs heures. Donc encore là, j’avais hâte d’arriver à Montréal. Il faisait froid, je me rappelle que c’était pas si froid que ça finalement que je viens de passer quatre hivers ici, mais il devait faire peut-être zéro degré, je portais un petit veston et puis j’ai senti le froid que je n’avais jamais senti de ma vie. C’était « … », là je me suis dit yaahh, peut-être que ça ne va pas être si facile finalement [rires]. Mais c’est ça, j’habitais avec l’une de mes sœurs, Sylvie, et son mari et sa fille « … », [En train de réfléchir], c’est ça les premières, les premières semaines se sont bien passées. C’était la préparation, c’était les fêtes de Noël, et puis c’est « … », c’est vraiment célébré en grand ici à Montréal, pas du tout la même chose en Éthiopie, j’étais très impressionnée par les sapins de Noël, les lumières partout, les décorations, les shoppings de Noël, tout ça, tout ça c’était tellement excitant. J’ai passé Noël avec mon père pour la première fois, ça aussi c’était « … », c’était une première et puis j’étais habituée à passer en fait Noël avec mon frère et ma maman. Des fois, on allait visiter d’autres familles mais ça c’était surtout au Nouvel An mais à Noël, on était souvent à trois. Et puis on fêtait avec un petit sapin bien préparé et puis c’était tout! Alors que là, c’était vraiment tra lala, les cadeaux, les quoi, il fallait s’offrir les cadeaux entre nous et puis on offrait aux autres, et puis « … » non c’est ça, c’était une belle expérience et j’étais overwhelmed. Je ne sais pas comment on dit ça en français « … ». >> Sa.G. : Dépassée. >> St.G. : Dépassée, c’est ça, c’était « … », tout m’impressionnait, je me disais, oh mon Dieu, c’est à partir de maintenant que « … », c’est ça que ça va être mes Noël! Donc, j’étais très contente, c’est un peu difficile parce que c’est la première année où j’étais loin de ma mère à Noël et de mon frère aussi. Et « … », mais « … », on va dire quand même que je me suis vite habituée, oui! >> Sa.G. : Et donc, c’est après Noël que tu as commencé l’Université? >> St.G. : Oui! Le 03 janvier 2009. >> Sa.G. : Ok, c’était comment l’Université pour la première fois ? >> St.G. : Ah [soupir], c’était « … », même rien que d’y penser j’ai un goût amer, c’était vraiment une expérience horrible, les premiers jours je pense il y avait une tempête de neige et je m’étais perdue, j’ai vu des histoires d’horreur où j’avais une oreille qui avait, qui était gelée parce que je n’étais pas assez couverte et que je suis sortie du bus, je pense, trop tôt ou trop tard, je ne trouvais pas mon building « … », bon mon Université, et puis, [en train de réfléchir], je me suis perdue « … », et puis je ne savais pas où me réfugier, il devait faire moins vingt degrés et je commençais à pleurer [elle se couvre le visage]. C’était trop pour moi, c’était trop pour moi puisque je ne connaissais pas tout ça, je venais à peine de me débrouiller toute seule, devoir arriver à l’Université par moi-même c’était trop me demander. Donc, non, les premières semaines étaient difficiles, c’était un problème de traduction que je trouvais difficile aussi « … », non, mon intégration n’était pas vraiment à la hauteur de me « … », de ce que j’avais espéré. >> Sa.G. : Est-ce qu’à l’Université, il y avait des services pour les nouveaux arrivants et tout ça, pour les nouveaux étudiants, l’endroit où tu pouvais aller « … » >> St.G. : Il y en avait, il y en avait, maintenant que je connais bien le milieu universitaire je sais qu’il y a toute sorte d’aide mais il faut aller chercher aussi, ce que je ne savais pas faire. Donc avec le temps j’ai appris, j’ai compris qu’il fallait aller chercher mais comme je commençais aussi en janvier ce n’était pas si évident. Septembre c’est beaucoup plus, je ne sais pas si on se voit plus, si c’était de ma faute, il n’y avait aussi beaucoup de nouveaux aussi dans mon programme, enfin de nouveaux immigrants arrivants, c’était toutes des personnes d’ici. Bon, je suis timide donc je n’allais pas vers les gens, oui, si je pouvais refaire ça, je vais changer beaucoup de choses et même il y a beaucoup d’aide. Il faut juste aller chercher et puis il faut s’informer et sur internet et puis, il y a beaucoup, beaucoup de services pour les nouveaux. >> Sa.G. : Et donc, pendant combien de temps tu as fait ce programme-là ? La traduction ? >> St.G. :[En train de réfléchir] 2009, je l’ai fait pendant un mois [un an?] et demi, trois sessions, oui. Je l’ai travaillé pendant trois sessions, la dernière session j’ai réussi un peu à m’échapper parce qu’il y avait une grande grève des chargés de cours, je pense, et puis mes cours étaient donnés par les chargés de cours, donc ils nous ont donné l’option de soit pouvoir rattraper les cours, il y avait une grève de deux mois, je pense, c’était soit rattraper les cours, donc pour que la session soit prolongée, ou soit de se faire rembourser. J’ai, j’ai pris, j’ai préféré me faire rembourser. Donc, c’est comme ça que j’ai pu échapper un peu à la troisième session. Et sinon « … », oui, un an de traduction. >> Sa.G. : Et pourquoi tu n’aimais pas ça ? >> St.G. : Je n’aimais pas ça, parce que, la première session je pense que je n’aimais pas ça parce que je n’excellais pas là-dedans, donc je me suis dit ça doit être pour ça, je pense que je m’étais mise à fond, j’avais essayé. En même temps, il y avait plein de choses qui se passaient en même temps dans ma vie et je découvrais beaucoup de choses, je me suis dite : "O.K., je n’ai pas d’autres bonnes notes, alors je n’aime pas le programme parce que je n’y ai pas mis tous les efforts qu’il faut". C’est pour ça [que?] j’ai décidé de me donner une deuxième chance, qu’en septembre là, j’ai vraiment pris le temps de me concentrer, ça passait toujours pas, ça ne me plaisait pas et puis quand quelque chose ne me plaît pas c’est très difficile de, d’y mettre l’effort [en train de réfléchir]. Voilà, la troisième session c’était un peu pensé à tout ça et puis trouver une solution et surtout changer, et ce qui par la suite a été de changer de programme. Mais c’était « … », l’annoncer aux parents qui, bien sûr, n’étaient pas contents, l’idée de savoir que j’avais perdu un an et demi, ce qui vraiment n’est pas dramatique maintenant que j’y pense mais bon, à l’époque, c’était waouh [rire sarcastique]. 26 :00 >> Sa.G. : Et là comment vous avez pu changer? Vous avez fait quoi après ça ? >> St.G. : J’ai fait, j’ai pris des cours à Concordia, histoire pour un peu me chercher et puis savoir exactement ce que je voulais faire. Et puis je suis tombée sur un programme de communication qui m’intéressait beaucoup, parce que j’étais impliquée dans un projet qui s’appelait Happy Memories [ça veut dire mémoires heureuses], qui un peu m’a donné l’envie de faire ce programme-là. Puis c’est un programme de communication très pratique, donc on apprend à filmer, à enregistrer et à faire du montage. Donc comme je le faisais avec Happy Memories, je me suis dit que ça allait sûrement me plaire comme programme. Et puis c’est ça, c’est ça je suis là depuis un an et donc « … », puis j’aime ça je pense. >> Sa.G. : Oui tu penses ? >> St.G. : Oui j’aime bien ça! [Rires] >> Sa.G. : Tu aimes bien ça mieux que la traduction ? >> St.G. : Ça se passe mieux que la traduction, il y a de l’intérêt au moins, et puis après il faut des efforts, tout programme va être du travail mais « … », [En train de réfléchir] mais j’aime ça au moins. >> Sa.G. : Est-ce que tu travailles en même temps que tu étudies ou bien tu étudies seulement ? >> St.G. : Oui je travaille, je travaille, je travaille les vendredis, je travaille une fois par semaine, mais j’ai d’autres choses aussi que je fais des fois sur le côté. [En train de réfléchir] donc , c’est ça, je vais chercher l’argent! Oui, je ne peux pas, je ne peux pas me permettre de ne pas travailler parce que j’habite en colocation, donc, mes parents m’aident, ma famille m’aide mais il faut un peu d’argent de poche aussi, oui. >> Sa.G. : Et euh…, est-ce que tu es impliquée dans la communauté rwandaise de Montréal ? >> St.G. : [Rires], oui, je pense que je suis quand même assez impliquée, puis c’est quelque chose qui est vraiment très important pour moi, mes sœurs étaient très impliquées dans la communauté rwandaise pendant plusieurs années, donc à chaque fois que je venais ici je voyais, je voyais que c’était quelque chose de très important, qu’il y avait un groupe de danse qui s’appelait Isangano, que ma sœur « … », dans lequel ma sœur dansait, et, il y avait aussi d’autres activités qu’elle faisait, chacune avait un peu son pied là-dedans et puis les premières personnes que j’ai connues à Montréal sont des personnes qui faisaient partie de la communauté rwandaise et puis qui étaient dans Isangano ou autre. Donc j’ai toujours su qu'en arrivant à Montréal j’allais faire partie de cette communauté-là, c’était, ça me plaisait beaucoup. Je, je les aimais et puis « … », puis j’aimais aussi retrouver des gens qui me ressemblaient, mes semblables, qui parlent comme moi, puis qui ont vécu à peu près la même chose que moi, puis j’aime beaucoup danser, c’était une des premières choses que ma mère m’avait incitée à faire quand j’étais plus jeune, donc, j’étais très contente à l’idée de savoir que j’allais faire partie d’une troupe de danse. Donc c’est comme ça que j’ai commencé mon implication, ensuite, ma sœur travaillait pour le Centre d’Histoire Orale et elle aimait, elle aimait beaucoup, beaucoup son travail, et donc j’ai commencé un peu à avoir de l’intérêt là-dedans, puis je lui demandais de m’en parler et elle m’expliquait beaucoup de choses, elle m’a inscrite à des ateliers où j’ai appris un peu plus, notamment dans des ateliers de vidéographie, d'intervieweuse d’interviewés pour être intervieweuse et puis cette idée de faire des entrevues avec des gens, pour apprendre un peu plus l’histoire de mon propre pays, ça me plaisait beaucoup! Parce que, parce que je voulais apprendre des choses sur le Rwanda et puis je ne connaissais pas beaucoup de choses sur le Rwanda. 30 :25 J’en avais assez que des gens me posent la même question : "Ah tu viens du Rwanda? Comment ça se passe là-bas ? Qu’est-ce que c’est?" Alors que je n’en savais pas plus qu’eux. Donc c’était, j’étais complexée, des fois même je préférais dire que j’étais éthiopienne parce qu’au moins j’allais pouvoir plus parler d’Éthiopie, j’en savais plus sur ce pays-là. Donc voilà, c’est, c’est drôle à dire mais quand je suis venue au Canada, je savais que j’allais être plus rwandaise qu’en Éthiopie où c’était plus facile d’être éthiopienne, où surtout aussi les gens ne me posaient pas des questions, je n’avais pas ce besoin de m’identifier, expliquer d’où je viens « … », c’est dans mon petit cocon où j’étais rwandaise ou éthiopienne selon ce qui me plaisait, et voilà! Donc c’était très important pour moi de m’impliquer, puis mon père était fier de moi, ma mère aussi, les commémorations j’aidais ma sœur aussi, puis c’est ça je commençais à connaître les gens de la communauté et, [en train de réfléchir], puis aujourd’hui ça fait quatre ans, oui j’aime bien ça, je vais continuer à faire ça. >> Sa.G. : Est-ce que tu es aussi impliquée dans la communauté éthiopienne ici à Montréal ? >> St.G. : Non, malheureusement. Je ne suis pas impliquée dans la communauté éthiopienne parce que j’avais l’impression qu’il n’y avait pas beaucoup d’éthiopiens ici, par contre j’ai appris récemment qu’il y a quand même une communauté, mais bon, j’ai l’impression que maintenant je suis un peu plus rwandaise qu’éthiopienne et que je n’aurai pas le temps pour tout ça, je choisis l’un ou l’autre. Mais il y a une communauté éthiopienne, une très petite communauté, mais [en train de réfléchir], c’est ça, c’est intéressant, je n’ai jamais pensé à m’impliquer vraiment, quoi que ça me ferait plaisir quand même d’être avec les Ethiopiens, je les croise parfois et puis euh… je n’hésite pas à les voir et en parler tout ça. Et puis euh…, c’est ça, j’aime bien faire ça mais bon, c’est moins évident parce que je ne ressemble pas particulièrement à une Ethiopienne, ce n’est pas comme si les Ethiopiens eux en me voyant vont venir vers moi alors que, n’importe quel Rwandais qui va me voir va venir vers moi et puis ça y est, on va se rendre compte qu’on se connaît, qu’on connaît les mêmes personnes, et que c’est beaucoup plus [propos inaudible]. >> Sa.G. : Mais est-ce que tu es encore en contact avec des gens avec qui tu étais au lycée en Éthiopie ? >> St.G. : Oui, j’ai beaucoup d’amis qui sont venus d’Éthiopie aussi, qui ne voulaient pas aller en France pour, je ne sais pas pourquoi, mais Montréal est devenu une ville qui attire beaucoup de gens, parce que c’est en Amérique du Nord mais c’est quand même francophone, donc les gens veulent venir ici, il y a de bonnes Universités, c’est pas si cher que ça, le coût de la vie non plus. Oui, j’ai beaucoup d’amis d’ailleurs, j’ai eu la chance, j’ai des amis que je ne côtoie pas autant parce que justement je me suis fait dans un autre cercle, que ce soit la communauté rwandaise ou même quelques autres amis, donc [en train de réfléchir], oui, je, j’ai quitté l’Éthiopie pas pour la retrouver ici quoi, je, ce n’est pas toujours quelque chose qui « … ». Mais je passe quand même du temps avec eux des fois surtout à l’occasion, ça me fait toujours plaisir de les revoir, oui. >> Sa.G. : Et est-ce que tu as l’occasion de retourner en Éthiopie depuis ? >> St.G. : Non, malheureusement. >> Sa.G. : Depuis quatre ans ? >> St.G. : Non, malheureusement pas mais j’espère que je vais y retourner cet été, j’ai très, très hâte! Euh… [En train de réfléchir], ça me manque beaucoup, il y a beaucoup, beaucoup de choses qui me manquent de l’Éthiopie, euh…J’ai aussi envie d’aller au Rwanda, parce que comme maintenant je fais partie de la communauté rwandaise, tout le monde parle du Rwanda, tout le monde retourne au Rwanda, il y a beaucoup de choses qui se font là-bas et c’est un pays en pleine expansion, je veux faire partie de ça aussi. Donc, je suis même, j’ai envie d’aller au Rwanda plus qu’en Éthiopie. J’ai plus envie d’aller à Kigali et puis je côtoie beaucoup plus de Rwandais et j’habite avec des Rwandaises et c’est ça, ils en parlent tellement que ça donne vraiment envie d’y aller. Donc voilà, en quatre ans je ne suis pas encore retournée mais je retourne cette année. >> Sa.G. : Ok, et quels sont les projets, donc vous allez terminer le bac à Concordia, c’est quoi les projets après ça, est-ce que « … »? 35 :04 >> St.G. : [En train de réfléchir] Je ne saurais pas te dire exactement. Si ça dépendait de moi, oui mais en fait ça dépend de moi, c’est vrai, idéalement je « … », je voyagerais un peu mais je ne pense pas que ça va être possible puisque j’ai aussi envie de continuer mes études. Je veux aussi poursuivre mes études puisqu’aujourd’hui il faut faire une maîtrise pour avoir un bon boulot et « … ». Je me dis que tant qu’à faire il faudrait que j’entame juste après « … » [En train de réfléchir], donc voilà, rester aux études ça veut dire « … », ça implique beaucoup de choses. Dans mon cas, le « … », la vie est quand même chère et comme j’habite en colocation, ce n’est pas évident pour moi, donc retourner aux études à temps plein, ça veut dire pas travailler et encore quelques années dépendre de mes parents, ce n’est pas quelque chose aussi qui « … », que je voudrais faire. Donc voilà, je suis un peu dans un dilemme, je ne sais pas si je vais faire ça ou si « … », ou si je vais juste travailler ou même si ce n’est pas dans mon domaine travailler pour faire de l’argent et puis continuer cette routine là et payer le loyer et nanana [En train de gesticuler]. Mais « … », non je ne pense pas, je pense que je vais « … », [En train de réfléchir], je vais trouver une solution, soit habiter chez mon père, donc retourner, aller à Ottawa, ce serait une bonne occasion pour moi de « … », d’habiter avec mon père, de tisser des liens avec lui et puis surtout parce que je pense ça lui ferait plaisir que je poursuive mes études et ça pourrait m’aider financièrement aussi [en train de réfléchir], donc, c’est une option qui m’est le plus « … », oui, envisageable. >> Sa.G. : Et est-ce que dans tes projets, peut-être à plus long terme, est-ce que tu te vois travailler au Rwanda? >> St.G. : [En train de réfléchir], en fait j’aimerais savoir, je, je, j’aimerais « … ». Je pense que je vais avoir une petite, une meilleure idée cet été quand je vais y aller. Je me dis, ça dépend de comment je me vais me sentir en fait. Je sais qu’en Éthiopie j’aimerais par exemple travailler là-bas, il n’y a pas de doute. J’aimerais, j’aimerais vraiment m’établir là-bas, avoir mes enfants là-bas et puis je pense que, je serais très contente là-bas. Maintenant, je suis quand même attachée à Montréal aussi depuis quelques années, donc je pense que, je vais quand même revenir ici. Le Rwanda, je n’ai jamais, je n’ai jamais habité là-bas, je ne me rappelle même pas la dernière fois où je suis allée, mais, la même vague dont je parlais tout à l’heure, le fait que ce pays a tellement de projets et que tout le monde en parle, ce qui fait que je suis fière d’être Rwandaise maintenant, d’ailleurs je le dis partout et puis je pense que je vais trouver ma place là-bas, je pense que moi aussi je peux participer à ce développement-là. Et puis surtout, je peux « … », je crois que je pourrais amener de nouvelles idées, des choses qui n’ont pas été faites, donc c’est ça qui est cool! C’est ça qui pourrait être intéressant, je ne pense pas que je voudrais vivre là-bas longtemps, mais peut-être… pourquoi pas, mais je suis plus, je ne sais pas, je ne sais pas. >> Sa.G. : Tu auras une meilleure idée quand tu « … » >> St.G. : Oui, quand je vais y aller. C’est pour ça que j’ai, j’ai vraiment hâte. >> Sa.G. : Ouh! Et comment tu trouves justement, on dépeint le Rwanda dans les cinémas, dans les films, et tout ça, est-ce que tu trouves que c’est la réalité ? >> St.G. : [En train de réfléchir] Je sais que la plupart des personnes qui me demandent d’où je viens et quand je dis que je suis Rwandaise, ils me demandent tout de suite si j’ai [vu?] Hôtel Rwanda [titre d’un film] et puis c’est bien qu’ils aient vu ce film, parce que, parce que ça explique, ça raconte quand même, la même histoire du génocide. Par contre, je ne sais même pas s’il a été fait au Rwanda, les acteurs ne sont pas Rwandais. Donc, non j’ai l’impression que, le Rwanda qu’on nous montre dans les medias « … », mais ça dépend au fait. Avant je pense que c’était beaucoup plus sur le génocide et puis, bien sûr, il y avait souvent des effets comme sensationnels, je pense que c’est le mot, sensationnel. Je pense que, peut-être, il y a un peu de de dramatisation, d’exagération, mais en même temps-là, je vois, je lis les articles, je vois des vidéos qui justement parlent de « … », d’investisseurs qui retournent au Rwanda puis du développement qu’il y a là-bas, économique, dans tous les secteurs. Et « … », et c’est ça, j’ai, j’ai l’impression que cette image a changé en fait. Il y avait une image très péjorative avant, péjorative peut-être pas, mais juste qu’ils parlaient un peu plus du génocide et c’était que ça. Et « … », et maintenant j’ai l’impression qu’on dit plus du bien du Rwanda, oui. 41 :00 >> Sa.G. : Et on parle beaucoup, justement de euh…, pas de génocide mais en ce moment quand même beaucoup de transmission, de la mémoire de génocide, comment c’est important d’en parler aux plus jeunes justement, etc…, qu’est-ce que tu penses de ça toi, est-ce que tu penses qu’on devrait transmettre cette mémoire aux plus jeunes ? >> St.G. : Absolument. Oh mon Dieu! Je pense que c’est vraiment, je suis impliquée dans ce projet et c’est vraiment ça que ça m’a appris, parce que euh…, [en train de réfléchir], ça fait partie de l’histoire, ce n’est pas quelque chose qu’on peut effacer. Ce n’est pas quelque chose qu’on peut oublier, c’est clair parce que ça revient et puis, par exemple la fête de commémoration arrive et euh…, c’est une période qui est difficile pour toutes les personnes, enfin surtout pour les générations de nos parents. C’est quelque chose qui nous ont fait vivre, veut, veut pas, que [silence], on a vécu tous ensemble. Je me rappelle de, de, quand je, j’ai entendu parler du génocide, les premières fois où… j’ai su qu’il y a une guerre dans mon pays [en train de réfléchir], euh…, comment dire, c’est, c’est quelque chose qui m’a marqué. Euh…, c’est quelque chose que je sais qui a été douloureux et je, je connais beaucoup de Rwandais de mon âge, eux aussi qui ont vécu la même chose. Et on essaie d’en parler, on essaie d’apprendre, de demander à nos parents qui, bien sûr, au début sont réticents parce qu’ils veulent, ils ne veulent pas nous… [En train de réfléchir], nous donner, nous transmettre cette peine-là. Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que ça fait partie d’eux, donc ça fait partie de nous, on a l’impression qu’il y a quelque chose qui nous manque, on ne peut pas, on ne peut pas connecter, on ne peut pas, il y a quelque chose qui manque. Sans cette transmission-là, c’est comme s’ils nous cachaient quelque chose [En train de réfléchir], et quand on voit ça partout dans les medias, et que tout le monde en parle, je veux dire, ça, on ne peut pas…, se voiler les yeux, c’est là, il faut faire quelque chose avec. Il faudrait nous transmettre, moi aussi je vais en parler à mes enfants aussi, je vais « … », j’en parle à tout le monde déjà maintenant, donc je sens que c’est très important oui. >> Sa.G. : Et concernant la notion du pardon, ça aussi c’est un autre élément qui est à la mode au Rwanda, est-ce qu’on devrait demander pardon? Est-ce qu’il y a moyen de vivre côte-à-côte aujourd’hui au Rwanda? Est-ce que vous pensez que c’est important aux Rwandais de demander pardon ? >> St.G. : Oui. C’est très important de demander pardon. Le cas du Rwanda je, je ne sais pas si c’est « … » [En train de réfléchir]. Je pense qu’on a fait du bon travail pour l’instant, il faut que ça soit graduel. En fait, je pense que il y a des « … », il y a eu des accords qui ont été signes de paix, je pense qu’il y a eu des, si je ne me trompe pas, je pense que quand même il y a eu des personnes qui ont demandé pardon sans doute. Mais comme c’est encore frais, j’ai l’impression que ça fait 18 ans, c’est beaucoup et en même temps, pas assez en même temps. On demande pardon mais comme je n’ai pas vécu cette expérience-là, je ne fais que supposer, je ne peux pas parler à la place de rescapés et de personnes qui, qui l’auraient vécue. Je ne sais pas si c’est« … », si c’est assez en même temps, si on peut faire plus en même temps. Je « … », c’est quelque chose qui, je ne sais pas, je ne sais pas quoi penser de ça. Mais il faut « … », il faut définitivement pardonner à un moment ou à un autre, parce que c’est comme ça qu’on va avancer. Maintenant, je ne sais pas si les générations ou du moins les rescapés, les générations de nos parents sont prêts à vraiment pardonner, c’est peut-être trop tôt, c’est peut-être trop tôt. Mais je sais que de notre génération du moins, on essaye de pardonner et surtout non pas de pardonner mais d’oublier ça, de pas faire de différence entre les deux ethnies ou les trois ethnies. J’espère que les générations futures auront encore plus, éviter de faire cette différence-là et surtout se pardonner mutuellement. Mais je ne sais pas, il faut quand même un peu de temps, je pense, je pense. >> Sa.G. : Et pour terminer, qu’est-ce que vous voulez que les gens retiennent de votre histoire? >> St.G. : [En train de réfléchir] Qu’est-ce que j’aimerais que les gens retiennent de mon histoire!... [En train de réfléchir]. Que… waouh, c’est une question très intéressante, qui mérite beaucoup de réflexions [Rire]. Mais, mon histoire, je, j’ai eu une belle enfance, [silence], j’ai eu une belle adolescence, je m’estime très, très privilégiée. Je « … », j’ai beaucoup de choses, d’ailleurs on me le dit souvent, j’étais la plus gâtée, j’ai « … », je n’ai jamais manqué de rien. Et puis euh…, et puis c’est ça, je suis très contente par rapport à ça, parfois ça ne veut pas dire que…, que je n’ai pas eu de période de crise, [rires], « … » notamment c’est ça, identitaire ou même, oui je pense que c’est plutôt ça. Et j’aimerais que les gens sachent que c’est un peu de ça que je faisais dernièrement. C’est « … », je suis impliquée dans plusieurs projets, et « … », on va dans des écoles pour parler de nos histoires. Donc je parlais de mon histoire à des écoles [écoliers?], un peu partout à Montréal et je leur disais que c’est très important de parler, de poser des questions, au sein de sa propre famille, de sa communauté, parce que je sais que moi ça m’a beaucoup aidé et qu’aujourd’hui je me sens un peu plus Rwandaise. En tant que Rwandaise j’ai l’impression que « … », on a tous vécu des choses très similaires, j’ai l’impression que le génocide a eu un très grand impact sur toutes les familles, toutes les expériences, toutes les« … ». C’est une richesse en quelque sorte, je me dis qu’il faut voir ça d’un bon côté et donc j’aimerais que les gens retiennent plus « … », que c’est très important de garder ça, de garder l’histoire de son pays, d’en savoir beaucoup sur qui on est, sur ce que notre famille a vécu, parce que moi ça m’a beaucoup aidé, parce qu’aujourd’hui je suis beaucoup plus à l’aise avec moi-même et je pourrais continuer à m’informer, puis à apprendre mais c’est ça, je suis satisfaite et j’ai beaucoup, beaucoup de rêves et j’ai beaucoup de projets et puis « … », qu’est-ce que d’autre j’aimerais qu’ils retiennent [en train de réfléchir], qu’ils sachent [En train de réfléchir], qu’il faut être reconnaissante de ce qu’on a « … », [En train de réfléchir] et puis voilà, je pense que c’est ça « … » [rires]. >> Sa.G. : Merci beaucoup pour votre entrevue! >> St.G. : Merci![Rires]