Alors, Bonjour Radegonde Ndejuru !
Bonjour,
Tout d’abord merci d’avoir pris
le temps de partager votre histoire de vie
avec nous. Avant de commencer, je vais vous
demander de vous présenter en quelques mots
et ensuite on rentrera dans l’entrevue.
Ok, alors je m’appelle Radegonde
Ndejuru, je suis une Rwandaise, je travaille
actuellement au Rwanda dans une organisation
qui s’appelle Imbuto Foundation comme Directrice
générale.
Ok très bien. Alors là, on va aller
dans les plus lointains souvenirs que vous
avez. Et je vais vous demander si vous avez
connu vos grands-parents?
… j’ai connu, j’ai bien connu
ma grand-mère maternelle…, c’est d’elle
seulement que je me souviens…, je pense
que…, j’ai vu mon grand-père mais je
m’en souviens pas vraiment.
Ok, la grand-mère maternelle…,
quels sont les souvenirs que vous avez d’elle?
Mais c’était quelqu’un qui
nous gâtait beaucoup, c’était l’endroit
où on allait en vacances, où on buvait du
lait…, c’est ça, quelqu’un qui nous
gâtait…, c’est ça mes souvenirs et puis
après…, après 59 [1959], donc sa maison
a été brûlée, donc elle a été obligée
de…, de fuir et après elle est venue habiter
avec nous, donc jusqu’à ce que je quitte
le Rwanda en 73, elle habitait avec nous.
Donc c’était quelqu’un de dynamique,
quelqu’un qui…, qui nous protégeait,
qui a continué à nous gâter beaucoup…
Quel était son rapport avec vos
parents? Donc vous avez habité ensemble tous?
Mais on a habité ensemble mais
avec mon père…, elle n’a pas habité
longtemps parce que c’était vraiment dans
la période trouble quoi, entre 59 et la mort
de mon père et puis…, donc elle est venue
habiter dans la maison de mon père à Nyanza
mais elle a été d’abord là toute seule
parce qu’elle habitait avec sa fille et
puis mon père et ma mère eux, comme mon
père travaillait pour le gouvernement mais
ils n’habitaient pas là nécessairement
quoi... Donc je les vois pas vraiment avec
mon père mais je la vois bien après, une
fois que mon père a été tué et que ma
mère est revenue, donc on a toujours habité
avec les deux ma mère, ma grand-mère, ma
tante, moi je les voyais quand je venais en
famille, puis c’était de très bonnes relations,
elles travaillaient ensemble, elles étaient
très respectueuses l’une de l’autre donc…,
elles habitaient dans la même chambre, on
mangeait là le soir dans leur chambre, très
bonnes relations, très, très cordiales…,
très respectueuses...
Et parlez-nous de vos parents alors…,
quels souvenirs vous gardez de vos parents?
Ah là, là…, ça c’est beaucoup
d’émotions…, comme ils sont morts tous
les deux, quels souvenirs je garde ? Je garde…
du souvenir quand j’étais jeune, d’abord
quand si je parle de mon père, mon père
est mort…, j’avais onze ans et puis je
pense le meilleur cadeau que j’ai eu dans
ma vie…, d’être sûre d’être aimée
complètement. Tu sais au Rwanda dans la culture,
il y a personne qui te dit je t’aime...,
qui t’approche ou qui..., bon ce n’est
pas dit comme ça… Mais avec mon père…,
c’était un amour inconditionnel connue
de tout le monde…, et je pense que ça,
ça m’a beaucoup, beaucoup aidé dans la
vie, de sentir que tu comptes énormément
pour quelqu’un…, et donc mon père c’est…,
moi je suis née, j’étais la fille après
quatre garçons, j’avais eu une autre grande
sœur mais qui était morte et donc pour mon
père c’était... Moi j’ai grandi, je
pensais que je m’appelais ma fille parce
que mon père m’appelait toujours ma fille
et les amies de mon père m’appelaient ma
fille…
Donc c’était vraiment…, donc je sentais
que j’étais importante quoi… pour quelqu’un
et je savais qu’il allait me protéger tout
le temps, personne ne pouvait me toucher,
personne ne pouvait…, j’étais vraiment
gâtée et adorée quoi…, et ça je le savais,
je me rendais compte tout le monde le savait,
l’entourage le savait et tout. Donc…,
je garde le souvenir, je savais comment mon
père était très diffèrent avec les garçons
qu’avec moi, avec les garçons il était
très sévère, avec moi il était un peu
gâteau la…, et donc je me sentais super
protégée et c’était vraiment une figure
de protection là que je sentais…, et puis
d’amour inconditionnel. Et…, ça c’est
le souvenir que j’ai. Quand il est mort,
je pense…, j’ai pas accepté, j’ai pas
compris et j’ai pas pleuré. Je dirais que
quand j’ai fait le deuil de mon père, c’est
vraiment…, j’ai le deuil de mon père
quand j’ai eu…, quand je me préparais
à me marier et c’est là que j’ai vraiment
pleuré, pleuré…, on me parlait de…,
quand on est allé voir un prêtre Pierre
et moi, pour la préparation du mariage et
puis…, il m’a demandé : « est-ce que…
tu as des parents »? J’ai dit : « oui,
oui, j’ai ma mère », et puis il a dit :
« et ton père, qu’est-ce qui est arrivé
à ton père »? Et puis là, j’ai pas
pu raconter, j’ai pleuré pendant toute
une séance et puis Pierre ne comprenait pas
parce que d’habitude je racontais comment
il était mort, comment il avait été tué
mais c’était une histoire… Mais là c’était
comme si avant le mariage, tu t’engages
avec quelqu’un…, je ne sais pas en tout
cas…, c’est en ce moment-là que j’ai
fait ce deuil-là, que j’ai vraiment pleuré
mon père et puis…, et que j’ai senti
ce manque quoi… Donc c’est ça, de mon
père c’est ça. De ma mère…, c’est
une femme j’admire beaucoup pour ce qu’elle
a fait avec nous, elle a été veuve très
jeune, elle n’avait pas 40 ans…, elle
avait six enfants, quatre grands garçons
et puis…, moi qui avait 11 ans, puis ma
sœur qui en avait un ou deux là, je me souviens
pas…, et elle nous as élevés, elle nous
a éduqués…, elle a continué à nous donner
tout ce qu’on avait du temps de mon père,
donc l’éducation, c’est sûr que ses
ainés…, les garçons l’ont aidée mais
c’était quelqu’un qui avait une discipline
très, très, très forte… Tu sais là…,
C’était une personne vraie…, c’est
comme ça que ça doit se passer et c’est
comme ça que ça doit se passer…, donc
vous suivez les règles… Elle était très
sévère, très sévère surtout avec moi,
moi je pensais…, c’est ça, je pense le
fait de penser…, c’est une fille, il faut
qu’elle soit bien élevée pour que probablement
elle puisse trouver un bon mari ou je ne sais
pas…, moi je trouvais qu’elle était très,
très sévère avec moi…, et quand elle
a…, moi je me souviens toujours qu’elle
nous a dit…, qu’elle nous disait…, en
Kinyarwanda on dit : « les enfants d’une
femme, abana b’umugore »…, ça, ça
veut dire : « vous avez manqué la discipline,
vous avez manqué la touche d’un papa quoi
»…, je me souviens très, très bien qu’elle
disait : « je veux pas qu’on dise que
vous êtes les enfants d’une femme »…,
donc elle faisant et le papa et la maman...,
et après, même si jeune, peut-être je trouvais
qu’elle était très sévère mais je suis…,
j’étais vraiment très fière d’elle
et puis j’ai eu le temps de lui dire avant
sa mort…
Parce qu’elle était à Montréal, que si
elle n’avait pas été…, si dure avec
nous, peut-être qu’on n’aurait pas…,
on n’aurait pas été où on est…, on
n’aurait pas travaillé si fort comme on
travaille, donc c’est ça…, et puis elle
me disait toujours : « tu sais, tu auras
tes propres enfants puis on verra comment
tu vas faire avec ». Donc j’ai vu qu’avec
les enfants, en ayant les enfants, j’ai
vu que ce n’était pas facile non plus…
Donc je l’ai compris…, même si jeune
je trouvais qu’elle était sévère. Mais
je pense que j’ai pris beaucoup d’elle…,
je pense que je suis sévère aussi…, c’est
ça, tu n’aimes pas nécessairement te voir…,
quand je pensais comment je la trouvais sévère,
pour moi je n’aimais pas ça et puis là
je me dis : « oups…, moi aussi je suis
sévère la… », et puis mes enfants doivent
me trouver comme ça, des fois c’est comme…,
mais c’est ça…, donc c’est des souvenirs
que j’ai d’eux…, des gens qui ont travaillé
beaucoup…, qui sont partis trop vite...,
c’est ça…
Vous avez parlé de vos frères et
sœurs, parlez-moi de chacun de vos frères
et sœurs et la relation que vous avez avec
chacun d’eux?
Oh là, là…, alors j’ai quatre
frères…, le plus vieux Aimable…, c’est
difficile de dire la relation parce que la,
la relation évolue aussi, donc Aimable…,
quand mon père est décédé, il a vraiment
pris le relais quoi de…, c’est lui qui
a payé nos études, qui a aidé maman, qui
a fini ses études, il a commencé à travailler
pour pouvoir nous élever…, donc Aimable
c’était la figure du père quoi, on n’a
pas tellement d’années de différence,
je pense qu’on a neuf ans mais pour moi
c’était le papa quoi…, c’était lui
qui m’amenait chercher les écoles, c’était
lui qui me conduisait quand j’étudiais
à Kigali par exemple, c’était le père,
je pense que je le craignais plus que mon
père parce que mon père je savais que n’importe
quoi que je disais, ça pouvait passer, mais
avec Aimable, c’était la figure du père
mais le père sévère, sévère…, donc
ça a pris beaucoup de temps je pense…,
pour qu’il accepte…, même après, même
quand j’étais mariée…, j’étais pas
son égale avec qui on peut causer…, il
a gardé beaucoup de... Maintenant non…,
c’est un grand frère quoi, avec qui j’échange,
avec qui je peux parler de n’importe quoi…,
de tout et de rien, des soucis que j’ai,
lui aussi va me parler mais c’est ça…,
c’était d’une figure de père sévère,
on s’est adapté là, maintenant qu’on
s’entend très, très bien… Et puis j’étais
beaucoup proche de sa femme, des enfants,
donc on a été très, très proche. Je pense
c’est cette année, cette année c’est
la première fois que je lui ai écrit, il
y avait la fête des pères, et puis je lui
ai écrit un petit mot en disant : « mais tu
sais, tu as été quand même notre père…»,
et puis je pense que ça lui a fait plaisir,
donc en vieillissant on relit l’histoire
différemment…, non ça a été vraiment
quelqu’un de chouette quoi...
Et puis Émile…, c’est le deuxième…,
je l’ai pas connu beaucoup…, c’est ça
avec les quatre là c’était…, en fait
il y avait comme André et Émile qui étaient
amis et puis il y avait Aimable et Bello…,
qui se ressemblaient et tout…, et puis moi
j’étais plus avec le groupe André et Émile,
mais j’ai pas vraiment de souvenirs avec
Emile, le deuxième... Et puis quand papa
est décédé…, lui il est parti étudier
au Congo à Kinshasa, donc on n’a pas été
vraiment proche pendant longtemps quoi…,
non, pas de souvenirs…, je sais qu’il
était gentil…, mais pas plus...
Bello…, aussi il était un peu espiègle,
quand il était jeune, il rapportait beaucoup…,
je sentais bien que c’est quelqu’un en
tout cas qu’il vaut mieux avoir de son côté
quoi…, et je me souviens des tas de trucs
ou quand mon père nous amenait quelque part,
mon père…, ça lui prenait des fois de
nous prendre en voiture, de nous amener se
promener et puis, là il nous amenait chez
la grand-mère…, la grand-mère disait :
« mais…, laisse-moi les enfants », puis
mon père disait : « oui, oui, vous pouvez
rester ». André et moi, on restait toujours,
Bello jamais, parce qu’il n’avait pas
demandé la permission, parce qu’il savait
qu’il allait être grondé s’il retournait,
etc… Mais il était…, très sage, inquiet,
il faillait qu’il fasse tout bien et s’il
le faisait pas bien, il rapportait quand il
faisait pas quelque chose de bien…, donc
c’est quelqu’un avec qui on se méfiait.
Et puis il y a André…, c’est celui avec
qui on se suit…, André c’est mon préféré…,
il m’a protégée depuis que j’étais
petite quoi…, c’était vraiment un grand,
un grand protecteur jusqu’à ce qu’on
ait quitté le Rwanda en 1973, on a toujours
été ensemble…, c’était un peu mon rôle
modèle…, sauf que même dans ce qu’il
faisait de pas correct, moi je l’imitais,
quand il fumait, je voulais fumer, quand il
buvait, je voulais boire [rires]…, mais
c’est un gars extraordinaire jusqu’à
maintenant. Et André…, il voyait comment
comme fille…, c’était difficile…, il
faillait que ce soit moi qui balaie, il faillait
que ce moi qui leur sert le thé à tout le
monde, donc moi avant que j’aille manger,
boire, manger petit déjeuner, il faillait
que tout soit prêt, tout soit propre et tout…,
et puis je pouvais pas m’assoir pour lire,
j’adorais lire mais je pouvais pas…, pendant
les week-end, pendant les vacances et donc
André, il lisait et puis il venait me raconter
l’histoire... Donc les romans…, les trois
mousquetaires, des trucs comme ça, lui et
tout ce qui tombait dessous, les garçons
avaient le droit de lire, pas les filles,
donc lui il lisait et puis après il venait
me raconter…, on était assis dehors et
là il me disait : « alors Athos a fait
ça…», alors je connaissais toute l’histoire
mais moi je lisais pas c’était lui qui
lisait et tout… Donc avec André, on a fait
les cents coups…, André quand je voulais
sortir danser, quand j’ai commencé à danser,
c’était lui qui me sortait danser, donc
avec André…, c’est vraiment une belle
histoire-là d’amour entre frère et sœur…,
et puis ça a continué…, peut-être moins
maintenant on se voit plus comme adultes,
on a plus des discussions à tout…, mais
avant c’était vraiment le grand protecteur
quoi. Donc…, et puis juste…, pour parler
de mes frères…, tout le monde on était
à l’internat, donc on se rencontrait juste
pendant les vacances, à Noël, à Pâques
et puis les grandes vacances.
Vous étiez dans le même internat
tous ?
Non, les garçons étaient à Butare
au Groupe scolaire, moi j’étais à Nyanza,
moi je me suis baladée pas mal, mais on se
rencontrait toujours pendant les vacances.
Et… Je pense que dans ma jeuneuse, ce que
je retiens c’est comment j’étais révoltée
quand j’étais jeune jusqu’à ce que je
comprenne le féminisme, j’étais vraiment
révoltée parce que je me rends compte comment
on n’était pas égale moi comme fille,
comme j’étais la plus jeune c’était
moi qui devrait servir les plus vieux, j’étais
fâchée quand j’étais jeune tous les matins
je pense que j’étais furieuse, j’étais
fâchée parce que j’aimais pas servir les
garçons et puis pour eux, c’était comme
oui, quoi amène du thé, amène ceci, je
faisais leur lit, je balayais , je nettoyais
la maison et eux ils avaient le droit de s’assoir,
de lire, mes frères là, disons qu’une
chance qu’il y avait André, mais en général
je n’étais pas très en amour avec eux
et c’était pas eux qui exigeaient, c’était
ma mère et quand je refusais, elle disait :
« si tu veux pas le faire, moi je vais le
faire », donc je pouvais pas laisser ma
mère servir les garçons.
Ma sœur, j’ai pas beaucoup de liens avec
elle, elle est née donc on avait 9 ans-10ans
de différence, donc moi j’étais à l’internat,
c’était bien d’avoir…, je me souviens
quand elle est née, j’étais quand même
grande, c’était mignon tu as une petite
poupée, tu vas danser pour elle, j’aimais
occuper un peu comme ça, mais après on était
mal séparé parce que j’étais à Butare,
Nyanza à l’internat et je sais pas trop
où elle allait là, j’ai pas vraiment beaucoup
de souvenirs et puis après elle a quitté
un peu avant en 1973 parce qu’elle a vraiment
autant nous ont pu étudier sans qu’il ait…,
le facteur…, le fait qu’ils empêchaient
les Tutsi continuer, nous ça nous a pas vraiment
touchés ou pas beaucoup, en tout cas à ce
moment-là mais ma sœur elle, en finissant
le primaire, elle pouvait pas continuer, donc
il faillait qu’elle aille dans les écoles
privées mais c’était vraiment le…, tu
sais où les Tutsi n’avaient pas le droit
d’aller dans les écoles, elle quittait
comme elle avait plus étudié ici, elle a
quitté trop jeune, et là elle étudiait
au Congo au secondaire, mais après nous aussi
on a quitté, après moi j’étais au Canada,
elle était en Allemagne, en fait on s’est
retrouvé quand ils sont venus au Canada et
moi j’étais déjà mariée, j’avais mes
enfants. Avec ma sœur, je dirais qu’on
s’est rapproché plus maintenant mais je
l’ai pas vraiment connue, moi j’étais
plus proche des garçons que d’elle, c’est
pas quelqu’un que je saisis facilement,
comme la dernière fois quand j’étais à
Montréal, quand elle était malade, je pense
que ça nous a rapprochés plus, elle voyait
que j’étais là pour elle, je passais beaucoup
de temps avec elle et puis on pouvait parler
des choses et d’autres, mais sinon je dirais
que avant c’était une relation superficielle
quoi, que je restais quand même la grande
sœur, je pense que dans la famille comme
la plus grande de fille après la mort de
ma mère, je pense qu’à un moment donné,
je pense que c’était comme moi le lien
entre les frères, la famille et tout ça.
Ça se rassemblait plus autour de moi, c’est
moi qui les invitait plus, donc c’est à
ce moment-là peut être que je me suis rapprochée
d’elle, sinon ça restait quand même, je
ne peux pas dire que je la cernais bien ou
que c’est bonne amie, on peut bien rire,
on n’a pas été vraiment beaucoup ensemble
ou que c’est une bonne amie.
Ce que vous avez gardé de votre
enfance, donc le primaire comment c’était,
vous avez fait beaucoup d’internats j’imagine?
R.I : Oui j’ai fait beaucoup d’internats,
je pense que j’étais très heureuse. Il
paraît que j’étais très turbulente, tout
le monde se souvient de moi, même ici quand
je reviens au Rwanda, tout le monde, les gens
avec qui j’étais au primaire, mais j’ai
dit : « comment vous pouvez se souvenir
de moi »? Ils disent : « tu étais turbulente,
tu rigolais tout le temps ». Je pense que
je m’éclatais beaucoup à l’école parce
qu’à la maison je travaillais. Les souvenirs
que j’ai, je me souviens je rigolais, je
rigolais beaucoup, j’aimais bien mais je
n’ai pas beaucoup des souvenirs en fait,
moi c’est grave mon cas, je me souviens
de rien. Mais je me souviens par exemple les
bonnes sœurs. Les bonnes sœurs comment elles
n’étaient pas gentilles, je me souviens
qu’elles nous frappaient tous les mercredis
après-midi, je ne sais pas pourquoi, pour
nous prévenir ou pour…, je ne sais pas
trop. Je ne sais pas, je n’aimais pas, j’avais
peur des gens qui me frappaient, pourtant
on était frappé souvent. Je garde ces souvenirs-là,
j’allais beaucoup à la messe, on était
obligé mais c’était une sortie, ça c’était
mes années primaires. J’avais des bonnes
amies, je me souviens de deux ou trois bonnes
amies qui maintenant, je…, plus. Je me souviens
aussi quand on parlait de Hutu, Tutsi, je
me souviens nous on était à Nyanza, donc
tous les mercredis après-midi ou souvent
en tous cas, je me souviens pas si c’était
tous, on allait à Rukari où habitait…,
était le roi et puis on voyait la reine et
puis on allait danser pour elle, puis on était
petites, donc on allait…, elle aimait bien
les enfants et puis je me souviens qu’on
allait danser pour elle, pour moi je me souviens
pas si c’est à ce moment pour moi Tutsi,
quand on me disait Tutsi, c’était la reine,
elle était toujours assise, très tranquille,
le port avec la coiffure rwandaise, elle se
tenait toujours comme ça…, elle nous regardait,
très digne et puis elle était très belle
et puis pour moi être Tutsi, c’était ça,
c’était la reine Rosalie Gicanda. Pour
moi c’était ça être Tutsi. Alors quand
on a commencé à nous dire que nous on était
Tutsi, moi je disais : « non, nous on n’est
pas Tutsi », et puis j’ai été voir ma
mère…, et oui j’ai dit : « on nous
a demandé si on était Hutu ou Tutsi! Mais
nous on n’est pas Tutsi ». Elle dit : « pourquoi
tu dis ça »? Parce que moi je connais les
Tutsi, c’est comme la reine Rosalie Gicanda
et puis là, ma mère m’a rien dit, elle
m’a pas dit si oui ou non, mais pour moi
l’image de Tutsi c’était ça, c’était
cette dame-là. Je pense j’avais jamais
vue le roi à ce moment-là, il était mort…,
en tous cas, mais je l’avais pas vue. Mais
pour moi c’était ça les Tutsi. Alors quand
on nous disait : « vous êtes Tutsi… »,
comment on peut être Tutsi? Ça c’est mes
souvenirs du primaire.
Et puis après au secondaire, j’étais à
Save, j’étais à Byimana et puis j’ai
fini mon secondaire à Kigali au Lycée, c’était
les souvenirs, les belles années. C’est
sûr que le secondaire c’était après la
mort de mon père mais..., quand j’étais
au primaire j’avais vu des maisons qui brûlaient,
donc on savait que c’était pas la paix,
mais moi je pense que ça m’intéressait
pas, je me posais pas trop des questions,
il y a même la dernière fois que j’ai
vu mon père, il était venu en vacances à
la maison de Nyanza qu’il venait de compléter
et puis on les a attaqués, il est venu avec
ma mère, ma grand-mère, ma tante puis ils
sont venus à l’école où j’étais, ils
se sont réfugiés là, puis mon père m’a
salué le matin et puis après il est parti,
c’était la dernière fois que je le voyais.
Mais ma mère, ma grand-mère, elles sont
restées là pendant une semaine. Mais moi
je trouvais ça bien, je ne pouvais pas réaliser
qu’on avait détruit notre maison, ils venaient
comme réfugiés, ce qui me faisait plaisir
c’est que j’avais ma mère, moi-même,
ma grand-mère, ma tante puis que j’avais
entrevu mon père et puis c’est ça...
Est-ce qu’il y avait plusieurs
personnes qui avaient leurs parents aussi
dans votre école ou vous étiez les seuls?
Non eux ils se sont réfugiés là
parce qu’ils habitaient pas loin, donc on
était comme à huit kilomètres, donc ils
sont venus de chez nous à pied, ils sont
venus se réfugier là. Pas les autres parents.
J’étais la seule qui avait toute ma famille
là.
Et puis je me souviens, ça c’est drôle,
c’est pas drôle, mais je me souviens que
le jour où mon père est mort, il a été
tué le 27 mars, ce jour-là, quand on sortait
de l’école, on nous disait d’aller balayer
dehors, ce jour là j’y étais et puis j’ai
pris un morceau de bois, je me souviens très
bien, je creusais un trou et puis je mettais
une croix et puis j’écrivais Pierre Claver,
c’était le nom de mon père. C’est ce
jour qu’il est mort, donc j’ai reconstitué
ça après, mais tout le monde venait, puis
là les autres me disaient : « mais qu’est
ce que tu fais »! Non je m’amuse, mais
c’était un trou, une croix et le nom de
mon père autour. Et puis comme il a été
tué à Byumba, je pense les sœurs l’ont
appris comme deux-trois jours après et tous
les enfants étaient pétrifiés parce qu’elles
disaient : « mais vous vous souvenez qu’elle
creusait un trou et qu’elle mettait le nom
de son père » ? Et moi les sœurs sont
allées me dire ça, ton père est mort, ce
n’est pas possible…, je ne voulais pas
comprendre, et puis après elle dit : « va
à l’église, va prier... », moi la peur
que j’avais, c’est qu’ils m’ont dit
ça, il était six heures du soir, la nuit
tombait, puis moi j’avais peur du noir,
puis là elle m’envoyait dans une chapelle
où c’était noir, ils venaient de me dire
que mon père est mort, moi je n’ai pas
pensé à mon père du tout…, ça doit être
une histoire, j’avais juste peur, je me
disais : « mon Dieu, fais qu’ils me sortent
dans cette chapelle qui est noire et tout…»
C’est vraiment qu’on peut dire qu’ils
n’avaient pas beaucoup de tact pour raconter...,
dire…, pour annoncer les morts comme ça.
J’ai vécu un peu dans le déni après ça.
Mais après ça, j’étais à l’école
secondaire, j’avais toujours des grandes
filles qui m’aimaient beaucoup, qui prenaient
soin de moi et puis… Moi vraiment à l’internat,
j’étais très contente et puis après j’ai
fini à Kigali, c’était des belles années
où tu es adolescente, tu commences à avoir
des petits amours, tu aime l’amour pas nécessairement
les…, donc j’ai fini à Kigali à 69 [1969]
et puis là, c’était aller à l’université.
Et puis moi je voulais aller à l’université,
j’ai demandé pour étudier en économie,
mon frère Aimable voulait absolument que
j’aille étudier la kinésithérapie, je
ne savais même pas ce que ça voulait dire,
ça n’existait pas au Rwanda, donc il y
avait peu de chances qu’on m’amenait là-bas,
et finalement il y a une école d’infirmières,
créée par les Canadiens, qui s’ouvrait
à ce moment-là, et puis il n’y avait personne
qui avait appliqué pour ça, donc ils nous
ont mis dedans, je pense qu’on était six
personnes. Et c’est comme ça…, moi j’ai
jamais rêvé, aimé, être infirmière, médecin,
c’est vraiment quelque chose qui me tentait
pas, mais donc on m’a dit : « tu vas
aller à l’école des sciences infirmières »,
ça ouvrait, c’était la première fois
qu’il y avait une au niveau universitaire
et puis moi j’ai dit : « non, je ne suis
pas capable de voir le sang, je ne peux pas ».
Alors Aimable est venu, il m’a dit : « tu
as le choix, tu as 18 ans, ou bien tu vas
aller enseigner, mais est-ce que tu te vois
à 18 ans commencer à enseigner, ou alors
tu prends ça, c’est déjà une chance et
tu étudies, on ne sait jamais ». Donc je
l’ai écouté une fois de plus, j’ai étudié
et j’ai fini en 72 [1972], ça a été…,
là j’étais une grande fille, j’avais
21 ans, j’avais André qui sortait beaucoup
avec des volontaires du progrès, donc je
sortais, je sortais même si ce n’était
pas très courant, mais je sortais toujours
parce que j’avais quand même mes frères.
Donc ils étaient tous à Kigali
à ce moment ?
Oui, André et Bello étaient à
Kigali, ils travaillaient à Kigali, Émile
était parti à Kinshasa, après Kinshasa,
il était en Belgique, il n’était pas revenu,
il est venu bien après, quand nous on a quitté ;
Aimable était en Allemagne, donc il y avait…,
et puis Assumpta était au Congo. C’était
moi avec mes deux frères, donc eux venaient
me voir à Butare, à l’université puis
on sortait, c’était des belles années
de liberté…, ou en même temps je savais
être une bonne fille avec ma mère, je mettais
des mini-jupes mais après je mettais un pagne
quand je rentrais à la maison pour que maman
ne me voit pas. Et puis j’étudiais, je
n’étais pas très intéressée, c’était
pas vraiment quelque chose que j’aimais,
ça me faisait peur un peu des accouchements,
des affaires comme ça, mais je l’ai fait,
j’étudiais, j’ai fini et quand j’ai
fini, j’ai tout de suite un poste à l’hôpital
universitaire de Butare, sauf qu’on m’a
jamais payé. Donc j’ai eu un poste, j’ai
fini disons au mois de juillet, j’ai dû
commencer à travailler au mois d’ août
et on sentait, parce qu’il y avait des évènements
au Burundi, on sentait que c’était pas
très sécuritaire au Rwanda, mais jeunes
comme on était, on a continué à s’amuser
et puis au mois de février, c’est là que
vraiment ça commençait au Rwanda, on nous
a dit : « on veut pas des Tutsi », et
c’était les jeunes qui étaient visés.
Donc tu allais au travail, moi je suis allée
à l’hôpital et puis sur un arbre il y
avait liste des noms, vous n’êtes plus
désirables, donc là j’ai vu mon nom…,
je suis rentrée à la maison et c’était
la même chose avec mes frères. À Butare,
mon frère André travaillait chez Phillips,
c’était une boîte privée, on les avait
chassés, mon frère Bello travaillait au
ministère, on les avait chassés, donc moi
comme je n’étais pas loin de chez nous,
je suis allée directement à la maison chez
maman et puis ma mère était catastrophique
quoi. Elle disait : « non, non, on n’a
déjà tué mon mari, je l’ai vu, on l’a
tué devant mes yeux, je ne veux pas qu’on
tue mes enfant, si vous pouvez partir, il
faut partir ». Et puis nous, on disait « mais
maman, on ne peut pas te laisser… », elle
dit : « non, non, partez, je peux pas…,
je ne veux pas vous voir ». Donc moi je me
souviens pas si je suis allé à Kigali, oui,
elle a dû me dire d’aller voir mes frères,
donc je suis venue à Kigali, on a essayé
de s’enfuir de Kigali, on était allé à
Gisenyi pour essayer de passer à Goma, mais
il y avait quelqu’un qui nous suivait tout
le temps, on a vu qu’on était vraiment,
c’était un Hutu qui nous suivait et donc
on est revenu, on était avec les amis français,
on est revenu et dans la même nuit, on a
décidé de revenir et puis de tenter notre
chance pour traverser du côté de Bukavu.
Donc en chemin c’était avec un Français
qui nous conduisait, on arrêtait là, c’était
André et moi, Bello avait décidé de rester
à Kigali, il a dit : « partez, moi je
vais voir qu’est-ce qui se passe, puis je
viendrais après ». Et on nous a arrêtés
à Nyanza pour dire au revoir à maman, et
puis après on a continué Butare, on a traversé
Nyungwe, puis André avait fait des contacts
avec des gens, je me souviens qu’on est
arrivé à quatre heures du matin chez un
monsieur que je connais d’ailleurs, même
au retour ici je l’ai revu, j’avais ce
souvenir là…, on arrive à quatre heures
du matin, on était dans une maison et puis
il faillait pas qu’on sorte parce qu’il
voyait…, parce que les gens voient qu’on
est là, parce qu’ils voyaient qu’il y
avait les gens qui commençaient à s’enfuir
du côté du Congo, et puis donc notre voiture
est restée loin, et puis on nous as enfermés
dans une maison, et puis lui il était allé
traiter les passeurs qu’ils puissent nous
passer la nuit suivante.
Et donc nous, on est resté dans la maison,
ils nous ont mis un seau, on faisait pipi
dans le seau dans la maison parce qu’il
faillait pas que les gens voient qu’on cherchait
à fuir. Donc on est resté là toute la journée,
toute la nuit, je pense au milieu de la nuit
vers les trois heures du matin, ils sont venus
nous chercher, il nous a amenés à la rivière,
là où il y avait des pirogues pour qu’ils
nous fassent passer et puis quand on est passé,
André avait de l’argent puis il m’avait
donné de l’argent… un peu d’argent,
il faillait qu’on se partage l’argent,
il m’avait donné un peu d’argent…,
mettre dans la brassière, dans la culotte
pour qu’on trouve pas et il a commencé
à négocier avec les passeurs, lui il disait :
« j’amène ma sœur qui vas aller étudier
au Zaïre, il faut qu’on parte tout de suite
parce qu’il y a une voiture qui nous attendait
de l’autre côté ». Et puis là les gens
négociaient, combien tu nous donnes? Et puis
après il y a quelqu’un, je me souviens,
moi j’étais là en arrière, il y a quelqu’un
qui est venu dire : « Eh…, qu’est-ce
que tu dis »? André a dit : « Ah shut… »,
et puis le gars a pris un sifflet [elle siffle
par la bouche]…, et puis des collines on
a vu des gens qui sont arrivés sur nous.
Et là André m’a dit : « cache-toi »,
et ça c’était la nuit, cache-toi parce
qu’ils pouvaient nous attraper et nous faire
mal, je dis : « mais André, où est-ce
que tu veux que je me cache » ? On était
au bord de l’eau, "jya mubyatsi , mu gihuru",
vas dans les herbes et puis je dis : « je
ne peux pas aller parce que j’ai peur de
rencontrer des serpents ». Il dit : « tu
es bête », mais moi c’était ma plus
grosse hantise, « tu vois plein de gens
qui nous descendent dessus avec des machettes
et toi tu as peur des serpents » ? C’est
comme si j’avais jamais pensé qu’on pourrait
tuer quelqu’un, ils nous ont dit de partir,
on est parti ; moi je ne voyais pas trop,
mais là j’ai compris parce que là, ils
se sont approchés, ils ont dit : « non,
non, vous êtes les Tutsi, vous voulez vous
enfuir ». André disait : « non, j’amène
ma sœur étudier là ». Il a commencé
à négocier : « combien vous voulez ? »
Puis là il donne l’argent, je sais pas
combien qu’il a donné puis là il nous
dit : « ok vous pouvez partir ». Là
je n’étais pas allée dans les forêts
pour me cacher là, le pire était à venir
parce que là, je tremblais, là vraiment
j’avais eu peur, je sentais que la vie était
en danger là je tremblais tellement, je rentre
dans une pirogue mais vraiment une pirogue,
c’était affreux, j’avais jamais entré
dans une pirogue et là je rentre dedans je
tremblais vraiment et vous savez…, et je
ne savais pas nager. André me dit : « mais
on va se noyer, arrête de trembler », « mais
André tu penses que je le fais exprès » ?
Arrête, puis il me tient comme ça, puis
là on rentre dedans, on passe, on arrive
de l’autre côté, il y avait une colline
qu’on devait monter comme ça…, pour aller
du côté du Congo, là on était presque
du côté du Congo mais…, et puis là on
a vu une pirogue où il y avait des militaires
qui arrivaient et puis on montait, j’imagine
qu’on disait des prières parce qu’on
se disait : « s’ils nous tirent dessous…»,
parce que là on était bien à découvert
là, on montait comme ça…, mais on était
passé, d’ailleurs il y a des gens qui sont
arrivés après nous qui sont arrêtés ;
donc ces pirogues surveillaient en fait pour
attraper les gens qui s'enfuyaient puis les
ramenaient. Donc nous, on a eu le temps de
passer et puis on était déjà rendu au Zaïre
et puis je ne sais pas si c’est là où
a eu lieu un coup de sifflet, si c’est eux,
non c’était un coup de sifflet que j’avais
entendu puis que j’ai vu là-haut les gens
qui descendaient de la colline mais après,
on est arrivé à Bukavu, et je sais pas pourquoi,
là je me suis rendu compte comment il y avait
des sifflets, mais j’entendais un sifflet,
je figeais, même jusqu’aujourd’hui si
j’entends un sifflet, moi j’arrête tout
de suite parce que je sais ça veut dire danger.
Donc là on était allé…, on était allé
à Bukavu, et André, en fait j’ai eu beaucoup
de chances parce que André en 72 il avait
des amis Canadiens qui voulaient faire le
tour d’Afrique avant de rentrer au Canada,
c’était des grands amis d’André, et
puis ils lui avaient dit : « André si
tu veux, on peut faire le tour ensemble, mais
on veut que tu mettes de l’argent de côté,
on va pas tout te payer, tu mets de l’argent
de côté ». Donc au moment où on a quitté,
parce qu’en fait eux, ces amis-là, Albert
et Paulette Lévesque, au moment où ils ont
quitté, ils voyaient que ça commençait,
l’instabilité quoi. Là ils ont laissé
tomber leur projet de voyage de tour du monde,
ils ont décidé de rentrer directement au
Canada, mais la chance pour nous c’est qu’André
avait de l’argent de côté quoi, sinon
on n’aurait pas eu d’argent pour faire
tout ce qu’on a fait quoi. Donc il avait
de l’argent et il avait pu donner ça à
quelqu’un pour qu’il nous amène cet argent
quand on serait au Congo, et je me souviens
l’angoisse qu’on avait parce qu’il lui
avait laissé tout son argent, on se disait :
« et s’il ne vient pas » ? Donc le
gars lui avait dit… Donc nous, on a traversé
trop tôt le matin et puis le gars lui avait
dit : « on vous rejoindra à quatre heures,
on viendra vous porter de l’argent là à
quatre heures », et puis à partir de trois
heures c’était comme…, « et s’ils
ne viennent pas qu’est-ce qu’on va devenir
? » Et puis à quatre heures, le gars est
venu, il lui a donné son argent et c’est
comme ça qu’on a pu…, donc on est resté
très peu de temps à Bukavu, on ne connaissait
pas beaucoup de gens. J’étais tellement
« … ». Tout ce que je t’ai dit qu’on
est parti, moi j’avais un petit sac et j’avais
des sous-vêtements de rechange, une brosse
à dents, c’est tout ce que j’avais. André
je pense qu’il avait à peu près la même
chose, lui avait même pas de sac. On est
arrivé à Bukavu, on se sentait en sécurité,
on dit : « on va danser ». Je suis allée
danser, premier jour on me vole mon sac et
tout ce que j’avais. Donc je n’avais rien
et on n’est pas resté longtemps à Bukavu.
Il a loué une voiture avec d’autres personnes,
on a traversé en contournant le Rwanda, on
a traversé pour aller au Burundi et au Burundi,
on était bien parce que les gens chez qui
André travaillait, Phillips, c’était des
Belges, un de ses anciens patrons était à
Bujumbura. Donc nous, quand on est arrivé
à Bujumbura, on n’a pas vraiment cherché…,
aller dans les homes ou aller dans des familles…,
on avait peut-être…, mais en tout cas on
était là directement vivre chez ce belge
là. Et on est resté là pendant trois, quatre
mois, mais on vivait très bien et on a « … ». On
était plus en train d’aider d’autres
réfugiés qui arrivaient, qui n’avaient
pas là où aller et nous on avait de quoi
manger, on était vraiment…, on était très,
très bien. Donc on voyait bien, on voyait
beaucoup de réfugiés mais nous ça a été
très facile au Burundi tout le temps qu’on
était là, nous notre but c’était d’aller
en Europe pour rejoindre ou Aimable en Allemagne
ou Émile en Belgique et Assumpta était en
Belgique aussi. Et puis…, mais entre-temps,
je me souviens pas comment Bello a quitté
le Rwanda après nous, il quittait en juillet
après la chute de Kayibanda, après il a
quitté, il était allé chercher Assumpta
au Congo, et puis ils sont partis, je ne sais
pas comment ils sont partis, je ne me souvient
pas, on n’avait pas de nouvelles, de toute
façon, moi j’étais avec André, Bello
était avec Assumpta, on se disait…, on
verra bien, on va se rencontrer…, et donc
finalement au Burundi, on a eu beaucoup des
gens qui nous aidaient et on a pu avoir nos
papiers de refuge, des titres de voyage, on
a eu des titres des voyage, une fois qu’on
a eu nos titres de voyage, on a essayé en
tout cas c’était très compliqué mais
heureusement qu’André était là, donc
on a pu avoir un visa d’Allemagne et puis
d’Allemagne…, nous on voulait aller en
France en fait, parce qu’on avait le Blanc
qui nous avait accompagné, c’était un
français, puis c’était un très bon ami
à nous, et puis nous on se disait aussi bien
on pourrait aller vivre en France, on parle
français, qu’est-ce qu’on va faire en
Allemagne et tout…, donc on voulait aller
vivre en France, mais la France ne voulait
pas nous donner le visa, la Belgique ne voulait
pas…, donc on était allé en Allemagne
pour un visa en Allemagne et on a eu le visa
d’Allemagne et puis je ne sais pas comment
ça s’est fait, mais on a quitté le Burundi
parce qu’André avait mis de l’argent
à côté, on a pu prendre l’avion, on est
passé au Congo à Kinshasa, je pense qu’André
était tombé en amour avec quelqu’un là-bas,
donc lui il ne voulait plus partir mais moi
j’ai continué. Et moi je suis allée en
Allemagne je me souviens, je suis arrivée
en Allemagne toute seule sans parler…, c’était
la première fois qu’on prenait l’avion
et tout…, mais André m’a rejoint deux
semaines plus tard, mais au moins en Allemagne
il y avait mon frère-aîné, il y avait Rosalie,
il y avait les deux filles qui étaient déjà
là, qui étaient nées, donc on est resté
en Allemagne, mais on voulait absolument aller
à un endroit où on parle le français, on
ne voulait pas rester en Allemagne, donc d’Allemagne
on a pu avoir un visa pour la France et on
a traversé, on est allé en Belgique saluer
Émile et on est allé en France. Et en France
là, quand on était arrivé, on a demandé
le statut de réfugié en France. Mais quand
tu demandais un statut de réfugié, ils te
prenaient tous tes papiers et ensuite ils
décidaient quand est-ce qu’ils vont t’appeler.
Mais moi, c’était vraiment la partie de
ma vie depuis qu’on était au Burundi où
je me suis rendu compte comment je ne pouvais
pas rester sans rien faire quoi. Donc au Burundi
je disais à André, c’est bien on a une
belle vie, je ne peux pas continuer à vivre
comme ça, je ne peux pas continuer être
en vacances. Non j’ai fini mes études comme
infirmière, je vais aller à un hôpital,
je veux travailler, mais on ne peut pas continuer
à être assis, à boire, à sortir, à aller
visiter…, ce n’est pas une vie quoi. Donc
déjà quand j’ai quitté le Burundi, j’en
avais marre et voilà que ça recommence quand
on arrive en France. On nous prend tous les
papiers et puis on nous dit, oui on fait la
demande mais ça a pris du temps, mais heureusement
comme Jean-Pierre notre ami, on était allé
habiter à Dijon, on était allé habiter
chez ses parents et puis après il a pris
une voiture puis on se promenait, et puis
on connaissait beaucoup de Français qui avaient
fait leur coopération au Rwanda, donc on
était allé partout, on a visité…, c’était
bien mais une fois que tu fais ça trois,
quatre mois, tu te dis : « mais mince comment
qu’on peut vivre et puis on dépend des
gens, on n’a pas d’argent », donc après
on était en contact aussi avec les gens du
Canada, les amis d’André qui avaient su
qu’on avait fui, qu’on était…, qu’on
avait passé partout et puis là, qu’on
était en France et puis là, ils m’ont
dit : « mais écoute, toi comme tu as étudié
chez les infirmières chez des Canadiens,
on va essayer de voir si on ne peut pas pousser
et puis comme tu viennes comme immigrante
parce qu’ici on a besoin des infirmiers ».
Et donc c’est comme ça moi…, et ils sont
allés chercher du travail chez les bonnes
sœurs canadiennes et puis ils m’ont envoyé
un papier comme quoi ils confirmaient que
si j’arrivais au Canada, j’allais avoir
un travail. Donc ça faisait déjà six mois
qu’on était en France et puis un moment
donné, l’ambassade canadienne m’appelait,
ils m’ont dit : « venez faire l’application,
vous avez un travail au Canada ». André
aussi avait essayé mais comme il avait étudié
la sociologie, il avait moins de chance, donc
c’est comme ça que moi j’étais…, j’ai
fait mes papiers et j’ai eu mon visa comme
immigrant et donc depuis là, j’ai dit à
la France : « mais gardez mes papiers,
j’ai pas besoin… ». Donc j’ai quitté,
et je suis rentrée…, moi je suis rentrée
au Canada en septembre, donc presque sept
mois après, ça a duré sept, huit mois depuis
que j’avais quitté le Rwanda…
Je suis rentrée au Canada en septembre ou
octobre avec un visa d’immigrant, sauf que
le papier qu’ils m’avaient donné comme
quoi j’allais avoir un travail, c’était
un papier bidon, c’était juste me faciliter
d’avoir ça, donc je suis arrivée-là,
j’avais 100 dollars en poche, et je ne connaissais
personne, les amis d’André qui étaient
au Rwanda depuis…, là ils avaient déménagé
à Moncton, heureusement ils avaient demandé
à leur famille de venir me prendre à l’aéroport,
donc je suis arrivée là, comme ça j’ai
commencé ma vie canadienne en septembre 1973.
Le Canada, donc je suis arrivée au Canada,
100 dollars en poche, j’ai habité chez
des Canadiens qui sont de la famille de nos
amis. Je ne me souviens pas si c’était
des étudiants en médecine, ils étaient
jamais à la maison et moi je ne comprenais
pas absolument rien quand ils parlaient, j’atterrissais
quoi vraiment…, je me suis dit : « il
faut absolument que je me trouve du travail ».
J’ai été voir les bonnes sœurs qui m’avaient
donné les papiers et là ils m’ont dit :
« on ne peut pas t’engager parce qu’il
y a l’ordre des infirmiers, il faut que
tu passes par l’ordre d’infirmiers, et
puis c’est pas facile, il faut que tu te
présentes… », là il fallait que je présente
tous mes diplômes, j’avais rien moi…,
mais là il fallait absolument que je travaille,
donc j’ai dit aux sœurs : « mais comment
je vais faire ? Il faut que je vive, j’ai
besoin de travailler ». Elles ont dit :
« ben…, on peut attester que tu es infirmière
effectivement mais en attendant que ton dossier
soit fait, tu peux travailler comme infirmière
auxiliaire et puis comme ça, tu vas t’habituer
et tout… ». J’ai commencé à travailler
comme infirmière auxiliaire et puis tout
de suite j’étais…, je n’ai pas eu beaucoup
de difficultés, j’ai vraiment commencé…,
je ne pense pas que j’ai fait plus que trois
semaines, j’ai commencé à travailler là
et puis comme je savais que j’allais être
payée, j’ai tout de suite pris… un appartement,
j’étais dans…, c’est un genre de home,
ça existe toujours centre Maria Goretti,
coin de Côte Sainte Catherine et Decelles…,
je pense que ça a changé le nom, mais j’habitais
là donc, on pouvait avoir une chambre, à
ce moment si tu voulais avoir un téléphone
dans la chambre, je pense à ce moment-là
ça coûtait 90 dollars, donc même avec mon
argent j’habitais au centre Maria Goretti
et j’ai commencé à travailler à l’hôpital
qui s’appelait Sainte Jeanne d’Arc, proche
de l’Hôtel-Dieu. Quand j’ai commencé
à travailler, j’ai travaillé de minuit
à 8h du matin, et puis j’ai travaillé…,
de 8h du matin jusqu’à 8h du soir, je dormais,
je mangeais presque pas parce que d’abord,
d’une part j’avais pas d’argent au début,
mais après j’étais tellement crevée que
j’avais juste l’envie d’aller me coucher
avec mes…, en travaillant de nuit avec mes
collègues de travail la nuit c’est pas...,
tu n’as pas beaucoup d’interaction tellement
avec les gens, et avec les clients je ne comprenais
absolument pas ce qu’ils me demandaient,
et juste de voir ce que les autres faisaient
et je faisais la même chose parce que j’étais
tellement nulle et incompétente, mais la
nuit ce n’était pas beaucoup de techniques,
ça allait quoi. Mais moi depuis toujours
quand je faisais les cours des sciences infirmières,
tout ce qui m’intéressait, la seule chose
qui m’a intéressé, c’était la psychiatrie,
donc moi pendant tous mes trois ans, ce qui
m’a un peu passionnée, c’était la psychiatrie
et donc…, mais au Rwanda à ce moment-là,
il n’y avait même pas un hôpital psychiatrique,
c’était très théorique ce qu’on apprenait,
donc je n’avais même pas…, mais je trouvais
ça, ça me fascinait travailler avec les
fous furieux et au Rwanda les fous que tu
voyais, c’est des fous furieux qui sont
dehors, tous sont tout-nus, qui ont des cheveux
de côté mais c’est ça qui m’intéressait.
Et puis c’est resté, puis quand je suis
arrivée au Canada, je me suis dit : « tiens,
pourquoi pas un hôpital psychiatrique » ?
Donc pendant le temps que je faisais aussi
reconnaissance de mes papiers pour avoir…,
pour être reconnue infirmière mais en même
temps je travaillais là, donc oui avec les
gens qui ne connaissaient pas les Noirs, l’Afrique,
ils me demandaient : « est-ce que c’est
en Amérique du sud » ? Je ne parlais pas
du Rwanda, je parlais d’Afrique, ils ne
connaissaient pas, je voyais les Haïtiens
mais moi aussi je n’avais pas beaucoup lu
sur Haïti, c’est des Africains, entre les
Blancs qui ne connaissaient pas l’Afrique,
les Noirs qui ne connaissaient pas l’Afrique,
mais je vivais…, en fait je vivais pas de
vie, pas d’amis, je travaillais, je mettais
l’argent de côté, je lisais, j’adore
lire, et puis tout ce que je me disais, c’était
à la fin, au bout de six mois ou quand j’ai
des vacances, je vais aller en Belgique ou
en Allemagne voir ma famille, donc c’était
tout ce qui m’intéressait. D’abord avoir
les amies canadiennes c’était pas possible,
on ne se comprenait pas, ils me trouvaient
niaiseuse possiblement, moi je les trouvais
incompréhensibles, quand j’arrivais au
centre Maria Goretti, même si c’était
un centre des filles, moi je travaillais de
nuit, je ne faisais que dormir, je ne savais
pas où est-ce que je pourrais prendre un
petit déjeuner, finalement on m’a dit qu’il
faillait rentrer dans une pharmacie qui était
à côté et ou bout d’une pharmacie, il
y avait une cantine, donc c’est là que…,
j’arrivais, je prenais mes repas là-bas
et puis j’allais me coucher et je me réveillais
le soir, la cafétéria était fermée, donc
le temps de me préparer, je retournais travailler,
donc les trois premiers mois c’était…,
sauf qu’un moment donné, j’ai rencontré
une fille qui travaillait là, qui s’appelait
Diane, une québécoise qui travaillait là,
qui travaillait à l’hôpital Sainte Justine,
qui est juste à côté et puis qui avait
passé du temps en Afrique au Gabon, donc
elle revenait d’Afrique, mais enfin voilà
quelqu’un qui sait l’Afrique. Donc on
a beaucoup causé, on a beaucoup sympathisé,
elle m’a demandé où je travaillais, elle
me donnait des tips comment…, si tu veux
faire ça…, tu peux aller voir s’il y
a des postes affichés, tu peux demander de
travailler le soir, le jour c’est plus difficile
mais le soir tu peux avoir un poste, donc
c’est elle qui…, c’était vraiment…,
c’est une très bonne amie. Et c’est avec
elle que j’ai dit : « moi j’ai toujours
voulu travailler en psychiatrie », elle
dit : « ah bon…, mais il y a un gros
hôpital psychiatrique dans l’Est de Montréal,
tu peux appliquer, il cherche tout le temps
les infirmières et tout». Donc j’ai appliqué,
ça s’appelait Saint Jean de Dieu à ce
moment-là, il s’appelle Louis Hyppolyte-La-Fontaine
maintenant. Et donc…, appliquer, elle m’a
appris…, aller dans un autobus et tout ça
et puis j’ai appliqué et puis j’ai eu
un poste. Et puis elle m’a dit : « mes
parents ne travaillent pas loin…, ils ont
une maison pas loin de là, donc si tu veux,
tu peux louer une chambre chez mes parents ».
Donc j’ai commencé à travailler…, j’ai
quitté le centre-ville et j’étais dans
l’Est, je travaillais dans l’hôpital
et j’habitais dans une famille québécoise
et donc je me suis intégrée très vite.
Et au niveau professionnel, et au niveau social,
j’étais dans cette famille-là, c’était
comme ma famille, et ils avaient une maison
dans le bas du fleuve, pendant les vacances
on allait dans le bas du fleuve, donc ils
m’avaient vraiment adoptée. Ils m’avaient
adoptée mais je trouvais que les relations
étaient froides quand même…, mais ou moins
ils avaient des filles qui avaient mon âge
et puis c’était bien. Je vivais dans une
famille québécoise, j’apprenais, j’avais
un accent québécois à couper au couteau
tout le monde, en tout cas je suis devenue
plus québécoise que les Québécois quoi.
A ce moment-là, une fois que j’étais bien
installée, j’avais mon boulot, j’avais
ma petite chambre et j’avais un petit ami
entre temps qui était venu me joindre au
Canada, le français qui nous avait sauvés,
était devenu mon petit ami, il est venu me
joindre au Canada et puis c’est ça…,
c’était quand même une période difficile
dans le sens où..., en même temps j’étais
très libre, j’avais tout ce que je voulais…,
mais en même temps je sentais l’œil de
ma mère qui me surveillait, mes grands frères
alors…, d’avoir un petit copain, c’était
quand même en 1974 et puis décider de vivre
avec…, sans être mariée, j’étais pas
en paix avec moi-même quoi, donc je vivais…,
je pense que j’ai beaucoup intériorisé
notre culture dans mon éducation et puis
je voulais pas faire mal à ma mère, je me
disais : « mon Dieu, je vis avec un gars,
je ne suis pas mariée mais c’était bien
d’avoir quelqu’un que tu connais, qui
connaissait le Rwanda et tout ça…, et puis
ça m’aidait de passer à travers ces premières
années et en même temps mon travail et tout…,
mais en même temps je lui ai dit : « Jean
Pierre, on ne peut pas vivre ensemble sans
être mariés, c’est impossible ». Donc
lui comme il avait vécu au Rwanda, il savait
et il fallait gusaba, il faillait…, là
j’ai dit : « non, il faut qu’on fasse
ça, ma mère elle vit au Rwanda », donc
lui il a tout arrangé, il avait des copains,
un qui était encore au Rwanda, il lui a demandé
d’aller acheter une vache, d’aller gusaba
et tout ça…, donc je me sentais un peu
en règle là, et puis on avait décidé de
nous marier au mois de mai, fin mai, le mariage
civil au Canada et puis mariage religieux
en France chez ses parents et puis en même
temps, ma famille d’Allemagne et de Belgique
pourrait venir et puis…, donc ils ont fait
les fiançailles au Rwanda, ils ont le gusaba
au Rwanda et puis le mois de mai, je pense
deux semaines avant qu’on se marie, j’ai
toujours eu un instinct, là je veux dire
je me sentais malheureuse, je me dit : « est-ce
que je suis en train de faire une bêtise ?
Puis il me disait : « mais pourquoi » ?
« Je suis en train de me marier pour faire
plaisir aux gens, à ma mère qui n’est
pas là, à mes frères qui ne sont pas là,
mais je n’ai pas l’impression que je t’aime
vraiment et puis que j’ai envie de vivre
avec toi, on serait malheureux à vivre ensemble ».
Lui il rêvait d’avoir une ferme, d’élever
des poules, moi je suis une fille de ville
quoi…, moi ne me parle pas des poules, moi
je ne peux pas toucher une poule mais il était
magnifique, il est un très grand ami jusqu’à
maintenant c’est notre meilleur ami, quand
on va au Canada, on est chez lui et puis il
m’a dit : « mais si tu ne veux pas te
marier, ne te marie pas, on ne se marie pas
par obligation ». Et donc alors qu’on
avait fait des invitations, au Canada on ne
connaissait pas grand monde, il y avait peut-être
vingt personnes qui allaient venir à notre
mariage, finalement on a annulé, on avait
envoyé les invitations pour la France et
puis on leur a écrit sur une feuille de papier,
on a dit : « on ne se marie plus mais on
s’aime encore, on vient en vacances tout
va bien, signé… ». Quand ils ont eu ça,
ils ont eu le choc de leur vie, mes frères…,
mais tout ça pour dire, c’est vraiment
en même temps, tu fais des trucs dans la
vie, je serais au Rwanda…, je suis sûre
de me marier…, problème, tu sors, tu rencontres
des gens et puis là, tu te dis : « mais
qu’est-ce que je fais » ? Moi c’est
ça que le Canada m’a appris, une des choses
de confronter, d’arriver, de discuter, de
sentir cette liberté-là quoi…, en même
temps d’apprendre à l’utiliser comme
il faut, je pense qu’apprendre à l’utiliser
c’est mon éducation, c’est comment moi
j’étais élevée, même si au Rwanda je
n’avais pas beaucoup de liberté mais une
fois que je l’ai eue au Canada, je pouvais
faire des choix et puis j’étais très confortable
avec moi, donc l’exemple du mariage manqué
à quelques jours avant, c’était de pouvoir
me dire : « ben attends…,est-ce que c’est
vraiment ça que j’ai envie ? Et même
s’il se fâche, même si ma mère est malheureuse…,
parce qu’elle a une vache et je ne suis
pas mariée, ce n’est pas grave ».
Et tu vois, après ça je suis retournée
en France, moi mon rêve c’était..., je
travaille, je fais des heures supplémentaires,
j’ai de l’argent, je me paye des voyages,
je vais voir ma famille pendant…, c’était
ça. Après ça que mon copain est retourné
en France, j’ai commencé à voir, à chercher
les Rwandais mais qui, où sont les Rwandais ?
Il y avait très peu à ce moment-là, mais
je les ai rencontrés, les trois - quatre
qu’il y avait, je les rencontrais et j’étais
très libre. J’ai mené une belle vie, je
me suis acheté une voiture, il y avait un
cousin à moi qui était en Californie, j’ai
toujours rêvé voyages donc là, j’ai dit :
« Arthur, je veux venir te visiter en Californie »,
et je suis allée en Californie, après on
était allé à San Francisco, la belle vie…,
et puis chaque année je partais en vacances
en Europe, et puis je voyais ma sœur, mes
amis, mes frères, mes nièces que j’adore
et tout ça…, et moi c’était très clair,
j’étais au Canada, je n’avais pas choisi
de fuir, j’avais été réfugiée mais tout
ce que je voulais c’est vivre en Afrique.
Donc moi j’ai dit, je suis au Canada, à
ce moment-là il fallait passer cinq ans au
Canada pour avoir la citoyenneté, après
cinq ans je sais que je ne peux pas retourner
au Rwanda, c’est hors de question. Donc
après cinq ans, j’ai mes papiers et comme
infirmière et ça, ça m’a sauvée même
si je n’aime pas le métier d’infirmière
et pour travailler à l’extérieur, c’était
un bon métier. Donc je me suis dit comme
infirmière, je cherche un travail et puis
de toute façon infirmière ça veut pas dire
ça, ça ne veut pas dire travailler à l’hôpital,
ça peut aussi être en éducation et c’est
ça qui m’intéresse. Donc là je me suis
dit, quand je finis mes quatre ans, juste
à me disant dans l’année prochaine, je
vais être canadienne, j’ai commencé en
même temps à regarder dans les ONG internationales
comme j’en avais connu au Rwanda, des ONG,
des volontaires et tout…, moi je me disais :
« pourquoi moi je…, je ne viendrai pas
au Rwanda mais je serai ailleurs, je serai
canadienne », donc moi c’était très
clair mon truc, donc c’était ok, dans quatre
ans…, je serai canadienne, je suis contente
de ce que ça m’apporte mais je vais vivre
en Afrique…, moi j’adore voyager, j’adore
découvrir de nouveaux pays, je me disais,
je découvrirai des pays en Afrique, j’en
connaissait pas à part le Burundi et le Congo.
Donc toujours est-il que je faisais ma petite
vie de jeune fille de 25 ans, qui sortait,
qui s’amusait et en même temps je gardais
mes trucs, donc c’est comme ça que quand
j’ai eu ma citoyenneté, c’était au mois
de mai, le même mois ou le mois d’après
je partais pour Guinée Bissau. Donc j’avais
approché le CECI, SUCO, les organisations
francophones qui étaient à Montréal, donc
j’étais canadienne, le mois d’après
j’avais mon billet pour aller en Guinée
Bissau. Je ne savais pas qu’on passait en
Portugal au moins pour avoir une notion de
portugais, j’ai tout fait ça et je suis
allée en Guinée Bissau. J’étais avec
une grosse équipe de Québécois et donc
c’est après ça que j’ai rencontré Pierre.
Pierre était arrivé six mois avant en Guinée
Bissau pour travailler comme médecin. Et
donc il était allé vers décembre, moi je
suis arrivée en juin et puis j’étais seule
infirmière et il y avait deux médecins qui
devaient aller dans des hôpitaux en dehors
de…, et l’hôpital de Pierre c’est l’hôpital
qui s’est ouvert le premier, l’autre médecin
c’était une femme mais son hôpital ça
a pris du temps avant de s’ouvrir. Moi quand
je suis arrivée, j’étais un peu à Bissau
un peu et puis après quand l’hôpital de
Pierre était prêt, déjà on était ensemble
dans le même groupe d’amis et puis quand
son hôpital s’est ouvert, moi je suis allée
travailler avec Pierre, on s’est pas quitté
depuis ce temps-là, ça c’était depuis
1978. Et puis je pense entretemps, je ne te
dirais pas toutes mes histoires d’amour,
mais avant de quitter, j’étais avec…,
je sortais avec un Rwandais, et puis il m’a
quitté mais vraiment je l’aimais passionnément,
mais je savais très bien que je pourrais
jamais vivre avec un gars comme ça, c’est
un gars que tu aimes parce qu’il a quelque
chose, mais tu sens que c’est très…,
c’est pas pour longtemps là…, mais en
même temps je me sentais pris par lui, là
je disais "mais non, ça c’est pas normal,
je vais quitter" parce qu’il était vraiment
très intense et tout…, et moi je me sentais
pas très bien et puis il était pas net…,
en tout cas tout ça pour te dire que, quand
j’ai rencontré Pierre c’était l’opposé
de ce type-là. Quelqu’un de calme, quelqu’un
qui vit le moment présent, quelqu’un qui…,
tu sais, c’était la première fois que
je retournais dans une pirogue ; il y avait
une pirogue alors et puis Pierre m’amenait,
m’apprendre aller dans la pirogue, aller
au bar du coin, on était dans le petit bar
du coin et puis payer une bière aux gens
et puis apprendre sur eux, sur la vie. En
même temps on travaillait beaucoup, on travaillait…,
et donc j’ai vécu pendant deux ans en Guinée
Bissau où en même temps je travaillais,
en même temps j’ai trouvé un gars extraordinaire,
en même temps il m’apprenait…, j’avais
une voiture mais je n’avais jamais su aller
à vélo, donc comme on n’avait pas beaucoup
d’argent, on s’était acheté un vélo,
il m’a appris aller à vélo, moi aussi
je me suis acheté un vélo, comme ça on
pourra sortir, aller faire des visites dans
les campagnes, on faisait plus de travail
communautaire, former les gens, santé de
base tu sais juste des choses basiques. Il
y avait un hôpital qui avait ouvert et puis
on a commencé aussi à travailler dans l’hôpital,
et puis après ça, on a …, Pierre s’est
acheté une moto, il m’a appris aller à
moto, je me suis acheté une moto, donc on
faisait des tas de tours à moto, et puis
on se baladait…, non c’était vraiment
deux belles années. Deux belles années où
j’étais contente de retrouver l’Afrique,
de voir un pays différent du Rwanda mais
moi j’étais contente, je voulais juste
habiter en Afrique, je savais que le Rwanda
c’était impossible etc…, donc après
ça, on a quitté la Guinée Bissau, on a
décidé de se marier, on a eu nos enfants,
on a vécu quatre ans au Canada après la
Guinée Bissau, on est venu, on s’est marié
au Canada, on a vécu là et je travaillais
mais vraiment moi j’avais le choix, soit
de travailler, je ne travaillais pas vraiment
comme infirmière, j’ai plus travaillé
comme…, comment qu’on les appelle ? Professionnel…,
je ne sais pas le mot, agente communautaire…,
j’ai travaillé dans les maisons des femmes
battues…, j’ai travaillé dans le social
beaucoup, et puis comme j’avais des enfants,
je ne voulais pas non plus travailler trop
à temps plein. Et donc on a vécu là…,
non seulement quand je suis revenue, j’avais
un mari et j’avais aussi la famille de mon
mari, qui est adorable, qui m’ont accueillie
à bras ouverts et tout…, et en même temps
quand…, en fait on aurait plus…, peut
être continuer en Guinée Bissau, mais mon
frère Émile qui était entre temps revenu
au Rwanda, a décidé de quitter parce que
c’était intenable et en 79 il a pris maman
aussi, parce que là il se dit, si on la laisse,
on va l’achever quoi et donc maman aussi
était venue en Allemagne, au Canada, elle
était retournée en Allemagne, elle voulait…,
elle a voulu m’attendre pour que quand je
reviens de Guinée Bissau, j’aille avec
elle au Canada pour habiter…, elle voulait
habiter plus avec moi plutôt que mon frère
Émile. Donc moi quand j’ai su que ma mère
avait quitté le Rwanda et tout..., donc là
j’ai dit à Pierre : « on finit nos deux
ans, on ne prolonge pas, on part quoi… »,
donc en passant en Allemagne, on a pris maman
et puis donc je rentrais avec mon mari, ma
mère, ma belle-famille bien joyeuse et ça
a été une vie très…, c’était des bons
moments où j’étais avec ma maman qui regardait,
qui apprenait à vivre à l’étranger et
avec la famille de Pierre qui sont très collés
là, et donc tous les dimanches on allait
là, on mangeait toujours ensemble, maman
n’habitait pas loin, à côté de moi, donc
j’étais tout le temps avec ma mère…,
elle pouvait m’aider aussi pour les enfants,
donc c’était une vie joyeuse en fait…,
mais on a toujours dit que nous ça nous démangeait
de repartir, donc on a fait quatre ans et
puis là, entre-temps Aimable est arrivé
au Québec, Bello, Assumpta, Émile étaient
arrivés aussi avant, donc finalement ma grande
famille aussi était là, et donc quatre ans
après, on est allé en Côte d’Ivoire,
Guinée Bissau en 78-80, 80-84, Montréal,
et puis 84 on a décidé de partir en coopération
en Côte d’Ivoire. Et là on avait les deux
enfants, on a décidé de partir et à peine…,
à partir de 84 comme en juin et puis ma mère
est morte en septembre en 84. Elle était
malade, elle avait commencé à être malade
juste avant de partir, j’ai dit à Pierre :
« vraiment on fait un grand coup », on
était allé voir tous les médecins comme
ça quand on part elle…, nous quand on quittait
Montréal, elle était à l’hôpital, elle
était hospitalisé mais on était en train
de regarder qu’est-ce qu’elle avait, je
disais à Pierre mais je peux…, pas partir,
Pierre me disait : « mais si on part pas,
elle va penser qu’on lui cache quelque chose,
ça va aller de toute façon… » ; donc
on est parti trois mois, quatre mois après
ça s’est vraiment empiré et puis elle
est morte quoi.
Est-ce qu’ils ont su ce qu’elle
avait ?
Oui ils ont su, c’est une maladie
auto-immune…, c’est très rare, on dit
que…, c’est peu de cas…, qui s’appelle
crioglobuline…, ça attaque les globules
rouges mais on ne pourrait pas savoir…,
il paraît qu’il y avait huit cas dans le
monde en tout cas… Donc c’est ça, alors
j’ai commencé la petite vie en Côte d’Ivoire
en étant orpheline, mais en même temps j’avais
ma famille propre, donc c’est ça et puis
je savais très bien ce que je voulais, ce
que je voulais…, j’ai plutôt voulu créer
les liens avec l’Afrique, moi je me suis
dit : « bon si on sait faire… », en
Côte d’Ivoire on savait bien…, on avait
la coopération en Guinée Bissau…, on voulait
plus travailler avec les Ivoiriens pour qu’eux
fassent le travail plutôt que nous faire
le travail et donc ça a été vraiment de
très belles années mais aussi quatre ans
en Côte d’Ivoire, je suis partie pendant
quatre ans. En 88 on est revenu au Canada,
et puis là j’avais décidé de retourner
à ce moment-là faire ma maîtrise en santé
communautaire et Pierre travaillait beaucoup
comme médecin mais il faisait aussi la consultance,
mais il continuait à voyager beaucoup en
Haïti et alors tu sais, la vie comme tout
le monde avec beaucoup plus de chance, parce
que quand Pierre partait par exemple…, pour
travailler en Haïti pendant trois mois, mais
je pourrais partir pour les vacances avec
les trois garçons et puis on allait habiter
là-bas, donc moi j’ai toujours voulu connaitre
plus de pays, connaitre plus des gens, et
en 88 quand je suis revenue, j’ai toujours
gardé des liens avec l’Afrique, pour moi
c’était essentiel quoi… Et on a créé
une organisation qui s’appelle Solidarité
Femmes Africaines à ce moment là, parce
que moi j’ai toujours voulu…, je pense
qu’avec le Rwanda, j’ai vraiment voulu
couper les liens avec le Rwanda, c’était
comme…, on y retournera jamais donc…,
mais en même temps j’ai toujours voulu
travailler avec l’Afrique, travailler avec
les rwandais pour améliorer nos conditions
de vie ici, fine. Mais je voulais pas aller
avec des Rwandais, parce qu’ils sont Rwandais,
parce qu’on a toujours cette coupure Hutu,
Tutsi, même si on ne le dit pas, mais même
si tu ne le penses pas, les autres vont penser
que tu le penses, et puis ça va aller autour
de tout ce que tu fais…, fait que moi j’étais
comme disons…, c’est trop petit là le
Rwanda, regardons plus l’Afrique, puis on
a tellement les besoins comme immigrants,
comme les nouvelles refuges, moi je travaillais
beaucoup dans des organisations, dans les
ONG non gouvernementales où je faisais des
projets avec les refuges mais en maîtrise
en santé communautaire, j’ai travaillé
sur le projet milieu où on regardait un groupe
d’immigrants qui était dans le Nord-Est
où il y avait vraiment des conditions de
vie incroyables, on voulait voir comment on
pourrait faciliter pour qu’ils aient les
services de santé qui sont proches d’eux,
donc j’ai toujours travaillé avec les réfugiés,
les immigrants, c’est ça qui m’intéressait,
je trouvais que c’était les gens les plus
vulnérables et auxquels je pouvais apporter
quelque chose. Donc pendant que je faisais
ma maîtrise, je faisais ça et j’ai continué
à travailler énormément avec les immigrants,
à faire des séances d’informations aux
nouveaux arrivants, en tout cas c’était
vraiment bien faire des…, on a fait des
demandes de subvention pour avoir des projets
de prévention de VIH dans la communauté
Africaine en utilisant le théâtre-forum.
Ça on a commencé, puis moi j’étais la
coordinatrice de ce projet là. Donc je faisais
des trucs qui me plaisaient et ce qui me plaisait
de plus, c’était vraiment être avec les
immigrantes parce que je trouve qu’on crée
beaucoup de…, on dit la société raciste,
la société est ci… et tout…, mais les
gens nous jugent par ce qu’on fait, il y
a les gens qui sont racistes, tu es noir,
ils voient rien mais il y a d’autres qui
vont dire les africains font ci…, ils font
ça…, mais il y a des choses que les gens
font parce qu’ils savaient pas, parce qu’ils
n’ont jamais été…, quand tu voyais une
bonne femme, une organisation qui nous avaient
approché en disant : «il faut leur dire
comment nettoyer le plancher parce qu’en
Afrique, en Haïti, tu nettoies les planchers
en grand…, tu frottes, tu as l’impression
que c’est la façon d’être propre, mais
là quand tu as les planchers de bois franc
et que tu mets de l’eau, ça coule chez
les voisins, mais il faut prendre le temps,
il faut qu’il y ait des gens qui connaissent
les immigrants, les réfugiés et qui connaissent
ces petits problèmes-là, qui expliquent
et puis comme ça il y a moins de malentendus
et donc moins de conflits…, parce que tu
as peur de malentendu, tu as l’impression…,
tu sais les africains vont aller à la banque,
ou bien faire servir…, il va passer, il
va mettre son papier là et c’est comme
ça que ça se passe ici, et si tu lui dis
pas "là au Québec, en occident, c’est
comme ça…", comme ça les gens vont respecter,
quand tu viens dans un pays où il y a personne
qui fait la queue pour n’importe quoi, il
faut se précipiter pour entrer dans l’autobus,
là les gens vont dire : « les africains
se prennent…, c’est les Noirs » ; ça
revient aux Noirs, alors que c’est une personne
qui est en train de reproduire ce qui se faisait
avant, donc pour nous en tout cas, dans notre
organisation, c’était important de dire :
« il faut qu’il y ait les gens, qu’il
y ait les africains, il faut qu’il y ait
des immigrants, il faut qu’il y ait les
gens qui connaissent ces problèmes-là, qui
puissent parler et introduire les gens à
ces nouveaux modes de vie, comme ça il y
aura moins des conflits », parce que sinon
ça part d’un petit rien quoi, c’est un
petit rien qui fait que tout s’enflamme,
que commencent les conflits, alors si on peut
arrêter les malentendus, moi je travaille
beaucoup avec les immigrants…, avec les
rescapés plus tard aussi, mais avec les immigrants
et les réfugiés, et même quand j’avais,
parce que des fois je me dis, bon dans ce
cercle d’amis mais des fois je… Un moment
donné, quand je quittais ce milieu de travail,
c’était parce que je voulais travailler
avec les jeunes, parce que là j’arrivais
à un point où mes enfants étaient à un
âge…, on risque de mener une vie parallèle,
eux ils ont leur vie, moi j’ai une vie africaine,
mère canadienne, mais j’ai besoin de savoir
ce qui se passe, j’ai besoin de savoir ces
problématiques des enfants, jeunes, et je
voulais savoir plus sur les drogues, parce
que je trouvais qu’il y avait beaucoup dans
notre communauté comme Rwandaise, comme Africaine.
Et donc j’ai décidé d’aller travailler
dans…, il y avait un nouveau projet, moi
j’adore commencer des projets, donc je n’aime
pas rester longtemps dans le même projet
et puis ça c’est un projet où on commençait,
on voulait joindre les jeunes qui sont dans
la rue, qui ont des problèmes de consommation
d’héroïne, on voulait essayer de voir
comment on peut leurs faciliter…, pour avoir
accès, parce que les autres programmes qui
sont faits, c’est les programmes pour adultes…,
qui fonctionnent bien, alors que là, il y
a des cas des jeunes, quand tu es sur héroïne,
il y a trop peu d’espace, donc il faillait
appeler lundi à 1 heure pour avoir la place,
mais il faut que tu saches que c’est lundi,
il faut que tu saches que c’est 1 heure
donc, il faut que tu aies 25 cents à ce moment,
donc ils se rendaient compte que les jeunes
n’avaient pas accès à ces services-là
et ils ont décidé d’ouvrir un programme
pour les gens de rue et donc c’est moi qui
a été la première coordinatrice, et moi
j’y allais par curiosité, pour connaitre
les problématiques que vivent les jeunes
et éventuellement d’autres qui n’avaient
pas accès à ça. Je me souviens quand je
passais l’entrevue et puis on me disait :
« mais tu n’as aucune expérience avec
les drogues », oui je n’ai pas d’expérience
mais les drogues c’est…, je n’ai pas
d’expérience avec les drogues, pas des
expériences avec les jeunes mais j’ai l’expérience
avec les gens en général, j’ai l’expérience
avec les femmes battues, j’ai l’expérience
avec les réfugiés, les immigrants et puis
moi, des gens qui prennent des drogues et
avec mon expérience de travail avec les gens
qui sont vulnérables, je vais après ça
étudier la technique de drogue, qu’est-ce
qu’il faut donner, l’héroïne, la méthadone,
la cocaïne, tout ce qui va avec ça…, ça
je peux apprendre facilement, mais d’entrer
en relation avec les gens les plus vulnérables,
ça je l’ai cette expérience, c’est ça
que vous voulez ? Moi je l’ai, c’est comme
ça qu’ils m’ont pris quoi. Et donc…,
jusqu’à ce que je décide de venir au Rwanda,
je travaillais toujours avec les jeunes, les
drogues et puis je continue toujours de travailler
avec les immigrants, à cause de notre projet
panafricain, ça boucle jusqu’à votre arrivée
au Rwanda. Tu vois combien c’est long ces
affaires-là…
Jusqu’à votre arrivée au Rwanda…
C’est ça…