Sandra Gasana
Q.:: Ok, Q.uel est votre nom?
R:: Mon nom est Sandra Gasana.
Q.:: Q.uand êtes-vous née?
R:: Je suis née le cinq décembre mille neuf cent quatre-vingt [1980] en Éthiopie, Addis
Abeba.
Q.:: Et quel était le nom au complet de votre père?
R:: Alors mon père, son nom c'est Oscar Gasana.
Q.:: Et de votre mère?
R:: Ma mère s'appelle Suzanne Nyinawandori.
Q.:: Ok, avez-vous des frères ou sœurs?
R:: Oui.
Alors j'ai trois sœurs: Solange, Sylvie, Stéphanie, j'ai un frère adoptif, il s'appelle
Raoul.
Et j'ai un demi-frère qui s'appelle Yan.
Q.:: Et, quel âge ont les frères et sœurs?
R:: Ok.
Alors Solange, elle a trente-cinq ans, Sylvie a eu trente-un ans récemment, Stéphanie
elle a vingt ans, vingt ans et demi.
Raoul va avoir dix-huit ans l'année prochaine, mon frère adoptif.
Et Yan va avoir dix ans bientôt, oui, il a neuf ans et demi.
Q.:: Est-ce que tous les frères et sœurs habitent ici?
R:: Non.
Oh!
C'est très compliqué dans ma famille.
Alors ma sœur aînée Solange elle habite à Ottawa, Sylvie et Stéphanie habitent ici
à Montréal avec moi, enfin dans la même ville que moi.
Raoul, là en ce moment il habite à Londres.
Et Yan habite à Ottawa.
Oui.
Q.:: Ok, êtes-vous mariée?
R:: Oui, Je suis mariée depuis très, très récemment, ça va faire deux mois.
Ça a fait deux mois hier.
Oui déjà.
Q.:: Et quand vous êtes-vous mariée?
R:: Alors je me suis mariée le douze juin deux mille dix [2010], sur l'île d'Orléans
à Q.uébec.
Q.:: Et quel est le nom de votre époux?
R:: Mon époux s'appelle Nile Santamaria.
Q.:: Avez-vous des enfants?
R:: Non, non, mais on aimerait en avoir un jour, on ne sait pas quand.
Mais pour le moment, sans enfants.
Q.:: Ok, pouvez-vous nous parler des parents de votre mère?
R:: Oui.
Alors les parents de ma mère.
Les deux parents de ma mère sont d'origine de Kibuye, qui est à l'est [c'est plutôt
l'Ouest] du Rwanda...
Je les ai rencontrés la première fois, j'avais peut-être cinq ans, j'étais allée pour
mon premier voyage au Rwanda.
Donc c'était ma première fois que je... je rencontrais ce côté de ma famille.
Je les ai vus aussi en quatre-vingt-six [1986], quatre-vingt-sept [1987], donc j'étais très,
très jeune, j'avais cinq-six-sept ans.
Et je garde de très, très beaux souvenirs d'eux.
Ils sont décédés malheureusement pendant le génocide, mais quand j'étais jeune, je
me rappelle que c'était de très, très belles personnes, ils étaient beaux.
Ma grand-mère était très, très proche de ma mère, mon grand-père était très
grand homme, très, très beaux yeux, toujours avec un chapeau.
C'était un peu le sage du village, et voilà je garde de très, très beaux souvenirs.
Malheureusement je ne les ai pas connus beaucoup, parce les 3-4 fois ou je suis allée au Rwanda,
j'étais trop jeune.
Donc j'ai encore des souvenirs de moi jeune, et après '94 [1994] c'était trop tard ... pour
les connaitre.
Q.:: Et les grands-parents de votre père, est-ce que vous pouvez parler d'eux?
R:: Les parents de mon père?
Q.:: Oui [Désolée] R:: Oui.
Alors je n'ai pas connu mon grand-père paternel parce qu'il était décédé quand mon père
était très, très jeune.
Eh bien, il est mort noyé dans le lac Kivu, un accident en rentrant un soir, le bateau
s'est renversé.
Donc, moi je ne l'ai pas connu, mon père ne l'a pas beaucoup connu non plus.
Par contre j'ai connu la mère de mon père.
Elle s'appelait Rachel, Rachel je pense, et elle est décédée malheureusement en quatre-vingt-dix
[1990] de vieillesse.
Elle était... elle était très âgée, et je me rappelle encore des vacances de quatre-vingt-cinq
[1985], quatre-vingt-six [1986], quatre-vingt-sept [1987], où j'ai passé aussi quelque temps
avec elle.
Elle habitait près de Kigali, et voilà, je passais toutes mes vacances.
En fait au lieu de jouer avec les voisins dans le quartier, ... avec les amis, je préférais
passer mon temps avec elle..
Et je ne sais pas comment on communiquait, parce qu'elle ne parlait pas français, et
je ne parlais pas kinyarwanda, mais après deux-trois mois de passés au Rwanda, je pense
que je commençais à attraper des mots par ici par-là, et on arrivait à se comprendre.
En-tout cas, ... voilà je ne me rappelle pas d'avoir eu, peut-être au début, de la
difficulté à la comprendre, mais à la fin des vacances, c'est comme si à force de parle
avec elle, des mots du kinyarwanda venaient et on se parlait là. Oui, ... je garde de
très, très beaux souvenirs d'elle d'ailleurs.
Q.:: Q.uelle langue est-ce que vous vous parlez?
R:: Alors, à la maison, dans ma famille, en français. En français, parce qu'on allait
à l'école française, donc très, très tôt on a parlé français. Mais avant le
français on parlait... donc avant de commencer l'école, donc quand j'étais très, très
jeune, je parlais déjà l'Amharique, la langue de l'Éthiopie, parce que je suis née en
Éthiopie. Et donc j'ai d'abord parlé l'Amharique‎, ensuite le français et puis bon avec mes
sœurs à la maison, on parlait français, un mélange des deux finalement: français,
Amharique‎. Oui... spécial.
Q.:: Est-ce que, vous vous souvenez d'autres
membres de votre famille? Q.ui étaient les tantes, les oncles?
R:: Oui. Je me souviens de beaucoup, du côté de mon père et du côté de ma mère. Donc
du côté de mon père c'est surtout à Kigali. Je me rappelle de sa sœur Marthe par exemple,
Marie, ses frères. Il a encore un frère qui est encore en vie aujourd'hui. Du côté
de ma mère aussi je me rappelle de ses sœurs, une sœur par exemple qui s'appelait Rose,
que j'avais rencontrée justement à Kibuye, quand on est allé là-bas. Son frère, donc
il y a un frère qui est encore là, Cyprien il s'appelle et elle avait un autre frère
aussi, qui s'appelait Léon et qui est décédé pendant le génocide. Et ... et ... oui, oui,
non il y avait... on avait une grande, grande famille quand-même. Des tantes qui avaient
des enfants aussi, donc on avait beaucoup de cousins, puis malheureusement, une bonne
partie a été décimée en quatre-vingt-quatorze [1994]. Oui.
Q.:: Est-ce que vous pouvez parler un peu des rapports entre votre mère et [votre] père
et vos grands-parents, la famille? R:: Alors, oui je me rappelle que mon père
était très, très proche de sa mère. Donc quand on allait en vacances, tu voyais vraiment
que, ... voilà ils avaient un lien très, très fort, ...et puis comme il n'avait pas
de père aussi, donc très, très jeune il se sentait un peu responsable de sa maman.
Ils avaient vraiment un rapport très intéressant. Mais du côté de ma mère alors, oui j'ai
des souvenirs encore un peu vagues. Je sais qu'elle était très proche de ses parents,
mais comme on les voyait seulement deux mois par année, et puis qu'on ne les a pas vus
longtemps, on ne les a pas très, très bien connus, donc j'ai pas vraiment de souvenirs
à part ... à part ces vacances-là, où on passait du temps avec eux, mais non...
Je ne pourrai pas vous dire les rapports exactement, comment ça se passait. Puis c'est encore
avec les yeux d'enfant, donc... c'est... c'est des vagues souvenirs.
Q.:: Est-ce que vous pouvez parler de votre mère, son caractère, est-ce qu'elle montrait
ses émotions? R:: Oui. Oh oui, oui. Ma mère montrait ses
émotions, autant elle était très euh... Non, elle n'était pas stricte, ... quand
on était petit, elle était un peu stricte, ... mais avec des limites, mais c'est quelqu'un
avec qui tu pouvais toujours parler. Encore aujourd'hui on a un rapport très, très proche
parce qu'on se confie à elle, donc moi et mes sœurs c'est vraiment comme une amie,
tu sais notre mère. Donc on lui raconte tout, quand on était jeunes, on lui racontait nos
copains, elle nous donnait des conseils, puis à côté de ça aussi, elle était très,
très cool comme mère. Donc elle nous a donné beaucoup de liberté quand on était jeune,
mais en même temps ... des libertés par exemple, un exemple qui me vient à l'esprit
c'est ....nos amis, quand on était adolescent, faisaient le mur pour aller dans les discothèques.
Donc c'est-à-dire que quand les parents dormaient, c'est là qu'ils sortaient. Ils se jetaient
par les murs et puis ils nous retrouvaient dans les clubs. Mais nous, ma mère nous déposait
dans le club. Tu vois elle vient nous déposer, tout le monde nous regardait et puis::"Comment
ça, comment?... Nous, on doit faire le mur..." Elle nous déposait, elle venait nous chercher
parfois aussi à cinq heures du matin. Elle ne pouvait pas dormir si on n'était pas là.
Donc, on était choyées pour ça; tout le monde nous enviait,.
"oh la la, on aimerait avoir une mère cool comme la vôtre!" Donc, vraiment un rapport très ... voilà, d'amis, et en même temps on se confiait à elle, et justement ça évitait des problèmes, bien de mauvaises expériences. Très ouverte, très affectueuse aussi, tu sais, elle exprimait ses sentiments; ce n'est pas une mère renfermée, froide, non ... elle est adorable. Q.:: Est-ce qu'elle travaillait? R:: Oui, alors quand j'étais jeune, oui, elle travaillait. Oui mes deux parents travaillaient en fait quand on était jeune. Oui, elle travaillait dans... elle était secrétaire aux Nations Unies. Je me rappelle, il y avait un département des Nations Unies qui était, qui est toujours en fait en Éthiopie, ça s'appelle la CEA, la Commission Économique pour l'Afrique. Elle travaillait là, et mon père aussi travaillait quand on était ... quand on était plus jeune. Lui, il travaillait dans une autre compagnie, ça s'appelait l'ILKA, je ne pourrais pas te dire ce que ça signifie vraiment, mais c'est encore un organisme international. Q.:: Est-ce qu'il lui était arrivé d'être au chômage? Ta mère? Ton père? R:: Est-ce qu'ils étaient au chômage? Q.:: Oui, une fois? R:: Une fois dans leur vie? Q.:: Oui? R:: Eh bien, au chômage oui, mère elle était au chômage, mais c'était un chômage voulu un peu, parce que quand on a quitté, la première fois qu'on a quitté l'Éthiopie... Donc moi je suis née en Éthiopie en quatre-vingt [1980], on a quitté la première fois l'Éthiopie, on était en quatre-vingt-huit [1988]. Donc à huit ans, on déménage, on va en Libye, parce que mon père a eu du travail là-bas. Il était déjà là-bas depuis un an ou deux, alors ma mère a dû quitter son poste en Éthiopie pour qu'on aille rejoindre mon père. Donc en Libye, elle n'a pas travaillé du tout, parce que... oui on est arrivé en quatre-vingt-huit [1988], elle est restée deux ans en Libye, elle ne travaillait pas, puis elle s'occupait de nous, elle était mère au foyer, mais c'était voulu comme... oui. Puis mon père, est-ce qu'il était au chômage? Ben oui, ... probablement au début, en arrivant en Éthiopie. Parce que, on est arrivé avec un statut de réfugiés, donc on n'avait pas de papiers, on ne pouvait pas vraiment travailler les premiers temps, après ça... lui pendant ce temps, il a fait des études, et après ça il a pu avoir une job et tout ça. Mais au début, au début en arrivant en Éthiopie là, je pense qu'il devait être au chômage probablement. Q.:: Puis, est-ce que vous pouvez nous parler de votre père? R:: Oui, mon père... Q.:: Son caractère? R:: Oui. Mon père, mon père, mon père. Alors lui, c'est euh, on est très, très proches lui et moi. On a été alors ensemble, bon... les premières années de ma vie. En Libye aussi on a été très proche, surtout après quatre-vingt-dix [1990], parce que mes parents ont divorcé en quatre-vingt-dix [1990], et moi et une de mes sœurs on est restée avec lui, en Libye. Donc on était juste trois, il y avait moi, ma sœur Sylvie et mon père. Donc là encore plus nos liens encore se sont resserrés, on va dire. Et puis c'est quelqu'un aussi de très, très ouvert. Comparativement à certains pères rwandais qui sont très traditionnels, puis les enfants ... ils ne passent pas beaucoup de temps avec les enfants etc., lui il était plus ... il était plus présent. Il a eu des périodes aussi où il était absent, il voyageait beaucoup aussi, mais quand il était là, c'était un père accessible, tu vois. Tu pouvais lui parler, tu pouvais te confier aussi. Pas te confier comme tu te confies à ta maman, mais tu pouvais quand-même te confier. Très ouvert d'esprit parce que justement il avait vécu à l'étranger, donc il avait toutes ces expériences qu'il avait gardées avec lui. Et puis c'est quelqu'un avec qui tu pouvais avoir des discussions très, très profondes, c'était un grand intellectuel. Pour moi, je l'admire pour toutes ses idées, tu vas parler de n'importe quel sujet avec lui, puis il va savoir comment ... t'embarquer avec ça. Très intelligent, ... très, très sensible aussi. Souvent les pères ... on essaie d'avoir une carapace solide, mais lui il n'a pas peur de le dire qu'il est sensible. Très, très sensible. Il a fait un discours très touchant à mon mariage d'ailleurs, oh la la! C'était très beau. Oui.
Q.:: Comment vous savez que vos parents étaient perçus par autrui? [Comment vos parents étaient-ils perçus par autrui?] R:: Hum, bonne question. Ben, c'est drôle que tu poses ça, parce que moi j'ai posé cette question à mon père, quand je lui ai fait l'entrevue pour le projet. Et justement il m'a dit un truc que je ne savais pas, mais apparemment quand on était en Éthiopie, on est arrivé avec un statut de réfugiés, donc on n'avait pas beaucoup, beaucoup de moyens, mais tranquillement il a fait sa place, tu vois. Donc il a eu du travail pas trop longtemps après, et puis en même temps il faisait des études et tout ça. Et comment il était perçu dans la communauté rwandaise d'Éthiopie par exemple, pas très bien! Pas très bien parce ce qu'ils se disaient::"Ben, c'est qui ce jeune-là? En plus il a du travail dans les Nations Unies, il a de stages par-ci, par-là, c'est qui?" Donc, il y avait peut-être un peu de jalousie envers... envers nous. Mais pourquoi envers nous particulièrement? Parce qu'on était Tutsi et qu'il y avait majoritairement des Hutu dans la communauté rwandaise de l'Éthiopie de l'époque, donc oui il y avait un peu de ... des gens qui nous enviaient, parce qu'on a commencé de bas, mais tranquillement tu sais, ça allait bien pour nous ... Pour ma mère, je pense qu'on l'associait plus à mon père, donc finalement... finalement on était tous dans la même catégorie un peu. Q.:: Hum! Ok, alors c'était presque tous les ... Hutu là? Et il y a un peu de tension...entre les Tutsi et... ? R:: Exactement. Il y avait une majorité de Hutu; il y avait quand-même des Tutsi, mais il y avait une majorité de Hutu surtout que, ...bon à l'époque c'était les Hutu qui étaient au pouvoir, au Rwanda. Donc l'ambassade du Rwanda en Éthiopie, c'était des Hutu qui tenaient ça, donc voilà. On était euh; il y avait une petite communauté tutsi quand-même, rwandaise, burundaise aussi, mais on ressentait ça surtout quand il y avait des fêtes à l'ambassade, par exemple. Q.uand il y avait le président qui venait en Éthiopie, il y avait des fêtes qui étaient organisées. Alors voilà, donc on y allait tous parce qu'on était invité, mais tu voyais bien qu'il y avait des gens qu'ils aimaient moins, ... il y avait des gens, on était suspect parfois envers nous, tu sais. C'était:: "Mais c'est qui ces gens-là?" Et je sais même qu'une fois, mon père a eu un poste, ou qu'est-ce qu'il a eu? Un poste ou une bourse, quelque chose et ...est-ce que c'est l'ambassade qui a appelé le bureau de mon père pour savoir pourquoi"vous lui avez donne ce poste" [pourquoi on lui avait donné] ce poste, ou une affaire comme ça. Donc c'est vraiment comme... s'ils se disaient:: "C'est qui ces gens-là?" Et à chaque fois qu'on avait de bonnes choses qui nous arrivaient, c'était bizarre. Oui, on n'était pas très, très bien perçu, on va dire. Oui. Q.:: Et vos parents, est-ce qu'ils appartiennent à une religion, catholique ou quelque chose? R:: Oui. Les deux sont catholiques. Oui, oui les deux... Q.:: Pratiquants? R:: Pratiquants, oui et non. Des fois, au fait, ça dépend. Ils ont des phases. Alors des fois, à un moment donné, mon père pratiquait moins, mais là on dirait qu'il re-pratique un peu plus. Ma mère, elle pratiquait, mais là elle pratique un tout petit peu plus que d'habitude ces dernières années. Donc oui, ils ont un rapport un peu ambigu parfois avec la religion, mais voilà ils sont restés catholiques, et puis ils vont à l'église, à Noël surtout, et une ou deux fois par année-là. Mais ma mère, là on dirait que la religion elle prend plus de place. Alors que mon père lui, après quatre-vingt-quatorze [1994], il l'était un peu moins dans la religion. Parce qu'il se disait::"La religion a laissé arriver ce qui s'est passé, non, ce n'est pas possible!" Mais là, tu vois, il a fait des études en théologie après, donc voilà. Donc il repousse la religion, mais en même temps il va faire des études en théologie! Oui, ils ont un rapport un peu ambigu, amour-haine avec la religion. Q.:: Ok. Est-ce que vous pouvez parler un peu de, si vous avez un frère, une sœur que vous préférez, votre relation entre autres frères et sœurs? R:: Très intéressant. Alors j'ai une relation particulière, mais ... différente avec chacune de mes sœurs. Alors l'aînée Solange,. en grandissant par exemple, c'était comme ..., comme mon héros, mon héroïne on va dire. Je..., elle me fascinait, je voulais tout faire comme Solange. Et même quand tu vois beaucoup de routes, des chemins qu'on a connus elle et moi, il y a beaucoup de ressemblances, il y a beaucoup de parallèles. Mais en même temps, je voulais lui ressembler, mais je voulais aussi me distinguer d'elle; c'est bizarre! C'est vraiment euh... c'est bizarre, c'est quand tu es plus vieille que tu comprends tout ça, mais... Donc voilà, pendant longtemps, je l'admirais beaucoup, je l'admire encore aujourd'hui. Sylvie elle, c'est comme une deuxième maman, parce que c'est elle qui nous tient, dans la famille. C'est elle qui fait que les liens restent forts. Nous on peut oublier de s'appeler avec mes sœurs pendant longtemps, mais Sylvie par exemple, c'est elle qui va nous appeler. Si tu ne l'appelles pas, elle nous appelle. C'est elle qui aime organiser les choses, les rencontres; quand ma mère vient en vacances, elle reste chez Sylvie. Alors c'est Sylvie qui organise les soupers, les barbecues, etc. Donc elle a un petit rôle de la petite maman, à Montréal. Et puis il y a Stéphanie, ma petite sœur. Donc elle on a été séparée, ben séparé... on n'a pas vécu dans le même pays longtemps. Donc, moi j'ai vécu avec elle de quatre-vingt-quatorze à quatre-vingt-dix-sept [1994 à 1997], donc ça veut dire trois ans. Et puis en quatre-vingt-dix-sept [1997] je suis venue au Canada. Et elle est venue s'installer au Canada, ça ne fait pas longtemps, ça fait deux ans. Donc tu vois entre mes dix-sept ans jusqu'à vingt-huit ans, on a été séparée. Donc je l'ai connu trois ans, elle était toute petite, et là je la redécouvre un peu. Et Stéphanie donc on a dix ans d'écart; donc moi j'ai trente et elle va avoir vingt, elle a vingt. Moi je vais avoir trente, elle a déjà vingt, et curieusement on est être très proches. Il y a la grande différence d'âge, mais on se ressemble beaucoup, côté personnalité, et aussi on a les mêmes, les mêmes goûts, ... il y a beaucoup de choses que, ... quand je la vois je me vois en elle. Alors c'est bizarre, donc moi j'étais fascinée par Soso, mais Stéphanie on dirait qu'elle est un peu fascinée par moi! Elle veut faire les mêmes choses que Sandra, elle faisait traduction, maintenant elle dit "je veux faire communication comme Sandra". Donc voilà, mais en même temps on a un rapport très, très intéressant, et c'est comme si je redécouvre une nouvelle amie, une nouvelle meilleure amie, you know!... C'est très, très spécial. Elle est arrivée juste au moment où une de mes grandes amies, a déménagé en Suisse, donc c'est comme si elle est venue remplacer. Donc son timing était très bon; on s'appelle tous les jours, on parle au moins une heure -une heures trente minutes par jour. Elle me raconte tout, je lui donne des conseils; donc voilà! Je viens de retrouver dans ma petite sœur, une nouvelle meilleure amie. Q.:: Et elle est à Montréal? R:: Oui, depuis 2 ans, c'est encore récent, oui. Donc c'est comme si on rattrape le temps perdu, tu vois! C'est comme si on rattrape tout le temps qu'on a été séparé, comme si on le rattrape maintenant. Oui, C'est très spécial! Q.:: Est-ce que vous habitez dans des quartiers assez proches? R:: Avant oui, mais depuis récemment, depuis juillet j'ai déménagé. Avant on était tous les deux, pas très, très proches; moi j'étais à NDG [Notre-Dame-de Grâce] -Côte-des-neiges, elle, elle était un peu plus Westmount, un peu à l'ouest, un peu plus à l'ouest, mais ce n'était pas très, très loin. Là en juillet j'ai déménagé à Laurier, donc là on est loin. Là c'est un petit bout, ouin. Mais on trouve des temps pour se voir; soit elle vient à Concordia, parce qu'elle fait beaucoup de projets ici, ou alors on se voit à l'extérieur, en ville, ouin. Q.:: Est-ce que les autres sont mariés? R:: Les autres sœurs? Q.:: Oui, ... R:: Oui. Les deux autres sœurs, Solange et Sylvie sont mariées. Oui. Solange ça fait cinq ans, elle a fêté ses cinq ans de mariage cette année. Et Sylvie ça fait quatre ans qu'elle est mariée. Oui! Q.:: Ok. Est-ce que vous vous rappelez de votre première maison? R:: Oh wow! Oh mon Dieu, une bonne question. Oh oui, oui, oui, ... alors notre première maison ça devait être à la .... Oui, je me rappelle. C'est dans un quartier qui s'appelle Arat kilo;. Arat kilo ça veut dire quatre kilos en langue éthiopienne. Et pourquoi ça s'appelle Arat kilo? Parce que, je pense que dans un coin de la ville, il y a un repère, une référence, je pense que c'est le centre; et puis c'est à quatre kilomètres du centre ce quartier; donc ils l'ont appelé Arat kilo. Et on avait ... on habitait dans un appartement. Donc c'est un bloc appartement avec plusieurs ... plusieurs petits appartements dedans, et ça, c'était notre première maison. Q.:: Est-ce que vous pouvez la décrire un peu? R:: Oui, Oh la la! Oui, alors il y avait deux chambres, je pense, une chambre pour nous, les enfants; Solange, Sylvie et moi on dormait dans la même chambre. Puis une chambre pour les parents. C'était au deuxième étage, puis il fallait prendre un ascenseur ou des escaliers; les escaliers aussi ça pouvait se faire. Et puis, alors tu rentrais, il y avait un salon je pense à droite, euh c'est drôle j'ai jamais... je n'ai jamais repensé à ça. Tu rentres, t'avais un salon à droite, tu avais les deux chambres, alors je ne sais plus quel ordre; notre chambre, ensuite la chambre des parents. Et puis il y avait une salle de bain complètement au fond. La cuisine elle était où? Ah ben, la cuisine était avant le salon; il y avait d'abord cuisine, salon, deux chambres et salle de bain au fond. Puis au milieu il y avait comme une espèce de hall, comme... il n'y avait rien au centre. Puis toutes les... je pense ... mais là je ne sais pas si je confonds avec une autre maison, si je suis pas mélangée, tu sais. Mais je pense que c'est ça. Oui. Q.:: Pour combien d'années est-ce que vous étiez là? R:: Dans cette maison-là? Hum... !! Je pense qu'on a fait les huit ans. Donc je suis née en quatre-vingt [1980], on était déjà dans cette maison, il me semble. Puis on est parti en quatre-vingt-huit [1988] pour la Libye. Q.:: Alors c'est la maison? Éthiopie. R:: Oui, ... exactement. Après je suis revenue plus tard, je suis revenue en Éthiopie, mais on n'habitait plus dans cette maison-là. Mais mes premières années-là, c'était dans cette même maison, je ne me rappelle pas qu'on a déménagé. Non. Q.:: Et qui prenait les décisions à la maison? R:: Hum! Bonne question. Alors, je pense que c'est ma mère. C'est ma mère, parce que mon père voyageait aussi, pas mal. Il voyageait, puis à un moment donné aussi il a fait, il est parti pour ses études à Oxford. Et donc il est parti pour quand-même un petit bout, peut-être un an ou deux, je m'en rappelle plus. Et donc c'était ma mère qui était là, c'est ma mère qui prend les décisions à la maison, que ce soit ce qu'on va manger le soir, les devoirs aussi elle nous aidait. Oui, c'était ma mère quand-même qui tenait, parce qu'elle était présente tout le temps, tu vois? Alors mon père comme il venait, il partait... bon, il était, parfois, pas au courant de ce qui se passait, mais ouin c'était ma mère. Q.:: Il était capable de revenir pour vous voir pendant les vacances? R:: Oui, oui. C'est qu'il partait beaucoup, je me rappelle beaucoup qu'il y avait des voyages, qu'il faisait, mais... Oui, il revenait. Il revenait pour une courte durée, il partait. Des fois il venait pour une plus longue durée, ça dépendait là; oui, il bougeait beaucoup. Q.:: Est-ce que vous pouvez parler de votre premier souvenir d'être chez toi, de chez vous? R:: Mon premier souvenir d'être... Bien moi je dirais en Éthiopie. Le premier souvenir c'était l'Éthiopie; la maison pour moi, c'était mon repère parce que c'était tout ce qu'on avait connu. Q.uand on a quitté en quatre-vingt-huit [1988] pour aller en Libye, ma maison me manquait, donc c'était l'Éthiopie qui me manquait, parce que c'était un nouvel environnement, la Libye. Oui, donc premier sentiment ce serait définitivement l'Éthiopie, mais après ça a changé. Q.:: Aviez-vous un lieu, ou un espace qui était à vous, seule? R:: Moi, moi-la? Ou moi et ma famille? Q.:: Vous? Q.uand vous étiez petite? R:: Chez-moi, dans ma maison? Q.:: Oui, juste un espace pour vous? Ou dehors? R:: Juste à moi? Non, je n'avais pas. Parce que je partageais ma chambre avec mes sœurs, donc très vite on était tout le temps à trois. Et puis à l'extérieur je jouais souvent avec les voisins, beaucoup. J'avais beaucoup de voisins avec qui on jouait, on courrait dehors. Non, je n'avais pas de petit coin, ... où j'allais m'isoler toute seule, non.. Q.:: Q.uelles étaient vos responsabilités, comme enfant? R:: Mes responsabilités? Q.:: Est-ce que c'était nécessaire de faire des choses? R:: Q.uand j'avais..., quand j'étais jeune?... Mais, les responsabilités ont commencé un peu plus tard. Ça a commencé plus après le déménagement, quand on est parti en Libye. Parce que de zéro à huit ans, là on avait une bonne, une femme de ménage qui habitait avec nous, qui faisait à manger, qui s'occupait de nous et tout ça. Et quand mes parents étaient au travail aussi, c'est elle qui s'occupait de nous, c'est comme ça qu'on a appris vite la langue de l'Éthiopie. Q.:: Et elle s'appelait? R:: Oh, la première, la toute première c'est Burke; Burke, oui. Et c'est drôle parce que, encore maintenant quand on va en Éthiopie, des fois on la voit. Elle vient nous voir. Oui elle vient nous rendre visite, et elle raconte à tout le monde comment j'avais 2 ans qu'elle s'occupait de moi. ... Oui, Burke, Burke c'est un nom éthiopien, et oui, elle est encore là, on est encore en contact. Elle vient toujours nous voir parce que... c'est ça, elle nous a vues, elle nous a vues grandir. Moi et ma sœur, qui est juste avant moi, Sylvie, elle nous a vues quasiment grandir. Q.:: Est-ce qu'il y avait des autres qui habitaient avec vous aussi? R:: Non. Q.:: Juste elle? R:: Oui [rires], c'était juste elle. Des fois on avait de la visite; ce n'était pas arrivé souvent, mais par moment, pas quand on était jeune, mais plus tard, on avait des cousins qui venaient en vacances pour deux semaines, trois semaines, un mois, du Rwanda, une fois. Une cousine du Rwanda aussi, mais ça c'était vraiment plus tard, j'avais quatorze-quinze ans. Mais en gros c'était ça; à la maison là c'était papa, maman, les trois sœurs, enfin incluant moi, et puis la bonne, Burke. Q.:: Et à quelles langues avez-vous été exposée pendant votre enfance? R:: Je vous dirais que c'est le français, à cause de l'école, mais l'Amharique était toujours là aussi. Donc à l'école je parlais français, je rentrais à la maison avec les voisins, on parlait l'Amharique. Donc on va dire, les premières huit années, c'était Français et Amharique, mais c'était vraiment cinquante pour cent-cinquante pour cent là. Oui. Q.:: Est-ce que le kinyarwanda c'était plus tard ... votre grand-mère? R:: Oui c'est ça. En fait le kinyarwanda on l'entendait seulement dans les vacances, ... mais ce n'était pas suffisant pour arriver à, ... après les vacances en Éthiopie et puis parler... Peut-être au début on parlait encore un peu, mais tranquillement ça partait parce que, on ne pratiquait pas, on ne pratiquait pas à la maison. D'ailleurs c'est quelque chose qu'on a reproché à mes parents, parce qu'on leur a dit::"Mais comment ça se fait que vous ne nous avez pas appris votre langue?" Ils ... disent::"Mais, parce que c'était compliqué! On travaillait tous les deux, on n'avait pas le temps de rentrer à la maison... Vous parliez déjà français et Amharique, on ne voulait pas vous ajouter une troisième langue. Donc on a dit:: " Bon, écoute, pour le moment c'est pas la priorité, on va leur apprendre plus tard." Plus tard, plus tard, plus tard ce n'est jamais arrivé, finalement c'est comme si on avait appris par nous même un peu. Là je le parle, mais je ne parle pas très bien, je le comprends mais c'est parce que je l'ai entendu beaucoup et j'ai jamais vraiment pratiqué. Donc je ne peux pas écrire comme il faut, je ne pourrais pas parler sans faire de fautes, mais ça c'est une erreur des parents, je pense. Oui. Q.:: Est-ce que c'est un peu étrange pour vous, ne pas être capable de parler si parfaitement comme vous le voulez? R:: Oui, c'est ... c'est dommage! C'est dommage parce que, ... on a des amis ici qui ont été dans la même situation que nous, peut-être pas en Éthiopie forcément, mais dans d'autres pays, mais qui étaient réfugiés dans un autre pays par exemple. Il y en a beaucoup qui parlent très, très bien, donc on voit que c'est possible, tu vois? Mais il faut faire l'effort je pense, il faut en faire une priorité. Donc il ne faut pas que ça soit de temps en temps par-ci par-là, il faut que ce soit quelque chose de systématique. Et oui nous, on est triste parfois, quand on va au Rwanda et puis que. les gens parlent, mais on ne peut pas répondre automatiquement, même quand on parle on rigole de nous un peu. On dit:: "Oh la la! elles, elles parlent comme des blanches!" Tu sais! Oui, on se fait dire ça, donc c'est comme des muzungu, c'est comme ça qu'ils disent pour parler des blancs. Donc oui, moi je trouve que c'est dommage, mais en même temps, ben c'est la vie! On parle beaucoup d'autres langues en plus, tu vois donc! Et c'est ça aussi qui est triste c'est qu'on parle beaucoup d'autres langues sauf la langue, tu vois... la langue de chez nous vraiment; c'est un peu triste. Q.:: Et vos parents, ils parlaient en français ensemble? ... juste les deux? R:: En français, mais beaucoup en kinyarwanda. En kinyarwanda, beaucoup, entre eux. C'est pour ça qu'on a l'oreille développée, parce qu'on a entendu, mais en même temps ils parlaient aussi français. Mais ils parlaient plus kinyarwanda que français, surtout quand ils ne veulent pas que nous, on entende, ils parlent français entre eux, non kinyarwanda entre eux, comme ça ils sont sûrs qu'on ne comprend pas. Mais quand on est tous ensemble, c'est le français qui était... c'était le français parce que mes parents ne parlent pas très, très bien la langue d'Éthiopie. Donc c'était vraiment le français notre terrain ... terrain commun là. Q.:: Si vous décriviez votre quartier, comment est-ce que vous parliez de ça? R:: Hum, mon premier cartier en Éthiopie? Alors c'était un quartier très ... normal, pas très, très riche, pas très être pauvre. Vraiment un quartier classe moyenne. Je dirais oui, vraiment classe moyenne, tu avais beaucoup d'éthiopiens, tu avais quelques étrangers aussi. Dans notre building, on était surtout des éthiopiens; il y avait une majorité d'éthiopiens dans le building, mais dans le quartier c'était pas très loin de là ..., on appelait ça [Piassa ?]. Piassa c'est comme le quartier économique, il y avait beaucoup de magasins. Pas vraiment centre-ville, mais c'est là... que tout se passait là. On n'était pas loin de là, c'était à 10-15 minutes à pieds de Piassa. C'était très sympathique; il n'y avait pas énormément de choses à faire dans le quartier, donc nous ce qu'on faisait, on restait dans notre compound, notre building. Parce qu'à l'extérieur il y avait une cour, et tous les jeunes, les enfants du quartier, de l'immeuble et des immeubles à côté venaient jouer dans cette cour- là. Q.u'est-ce qu'il y avait? .... il y avait une église juste à côté, une église arménienne, parce qu'il y a une grosse communauté arménienne ... en Éthiopie. Il y avait une église arménienne, il y avait quelques Arméniens d'ailleurs dans le building aussi. Oui, oui...Les Arméniens, des moitiés Arméniens- moitié Ethiopiens, il y avait des couples mélangés aussi, ... qu'est-ce qu'il y avait? Il y avait une fleuriste qui était juste en bas, un truc de fleurs. Et ce n'était pas très loin aussi de l'école, de l'école française. Je ne sais pas si ça a joué dans... ils ont choisi cet appartement, mais un bon quartier simple, modeste. Q.:: Est-ce que vous pouvez parler un peu de l'école et toutes les écoles que vous avez assistées [fréquentées], les âges? R:: Alors, ... en Éthiopie donc, moi à trois ans, à trois ans on commençait la maternelle, très, très jeune. Donc à trois ans j'ai commencé directement à l'école française. C'est un Lycée, ça s'appelle le Lycée Gebremariam. C'est le seul lycée en français de l'Éthiopie, donc j'ai fait ma terminale, enfin ma terminale ... ça s'appelait; il y avait trois ans de maternelle, le kindergarten, on avait trois ans nous. C'était Petite section, j'ai commencé avec la petite section, la moyenne section et la grande section. Donc tu as trois-quatre-cinq ans et après seulement la grande section, tu allais donc ... le primaire. Donc première année de primaire et tout ça. Donc moi, de troisième section, bien... mes trois années de maternelle j'ai fait là-bas, jusqu'à ... ah oui, le système français est un peu spécial. On commence à l'envers, c'est à dire, on commence onzième, ... on commence onzième, dixième, neuvième, donc jusqu'à la troisième année primaire, j'ai fait en Éthiopie. Après je suis allée en Libye. ,j'ai fait ma quatrième, cinquième, sixième primaire là-bas. J'ai fait ma première année secondaire, ma deuxième année secondaire, ma troisième année secondaire et puis c'est tout, puis j'ai quitté la Libye. Et je suis retournée en Éthiopie. Q.:: Q.uel âge aviez-vous? R:: Q.uand j'ai quitté ... alors, j'ai quitté j'avais huit ans pour aller vers la Libye, j'ai quitté la Libye j'avais quatorze ans; donc j'ai vécu six ans en Libye. A quatrième ans je suis revenue en Éthiopie et là j'ai fait tout le reste de mon secondaire, sauf la dernière année. J'ai fait tout le reste, un-deux-trois, j'ai fait quatrième secondaire, cinquième secondaire, sixième secondaire et septième secondaire; on avait sept ans. Ensuite je suis venue au Canada pour terminer, faire ma dernière, dernière année avant l'université. Q.:: Et c'était avec votre père que vous avez déménagé? R:: Oui. ... Alors ... La première fois donc, c'était avec ma mère, avec tout le monde on est parti toute la famille en Libye. En Libye on arrive en quatre-vingt-huit [1988], on reste, nous avec mon père et ma sœur on est resté 6 ans. Mais ma mère est partie en quatre-vingt-dix [1990], c'est là qu'ils ont divorcé. Et quand on est revenue en Éthiopie en quatre-vingt-quatorze [1994], c'était juste moi et ma sœur, parce que ma mère était déjà revenue en Éthiopie, donc on est venue rejoindre ma maman et ma petite sœur Stéphanie, avec qui je suis très, très proche là. Oui, c'est compliqué! Q.:: [Inaudible] est-ce qu'il y avait des professeurs, des enseignants qui avaient beaucoup d'influence sur vous? R:: Oh oui, j'ai eu beaucoup de bons, bons professeurs, mais des professeurs qui m'ont marqué, marqué là? ... Oui j'ai eu un prof très intéressant, ça c'était en Libye. Un prof d'Histoire-Géo, il s'appelait Sébastien Deleau, je me rappelle encore de son nom. Et lui c'était un prof très, très cool, et puis pas stressant, vraiment là avec lui on avait envie d'apprendre puis d'avoir de bonnes notes surtout. Et donc lui, c'était un prof quand-même marquant. Il ne m'a pas influencé parce que, je crois qu'il était prof d'histoire, et là aujourd'hui je me retrouve en histoire. Peut-être qu'il m'a influencée inconsciemment; mais [...] oui, il y avait lui. Sinon en Éthiopie, ah oui il y avait un prof que j'aimais bien. Je n'aimais pas beaucoup sa matière, mais je l'aimais bien comme prof. C'était un prof de biologie qu'on avait. Il s'appelait Franc Dubosque. Lui aussi c'était un prof, quand t'avais une bonne note avec lui, tu étais fière. Parce qu'il est très strict et puis, il met vraiment le barème très, très haut, alors quand on réussissait dans son cours là, c'était Wow; on était fier, de le voir content tu sais. Franc Dubosque. Il y avait qui encore? Oh il y avait un professeur d'anglais aussi que j'aimais bien. Monsieur Petit il s'appelait, c'était un drôle de nom. M. Petit et lui, il a juste confirmé mon goût pour l'anglais, parce que j'adorais cette langue et c'était un professeur[...], ah oui, puis il nous faisait, c'était le premier prof qui nous faisait chanter des chansons tu sais, ... en classe. Il prenait les paroles et il enlevait quelques mots des paroles, et puis il fallait remplir. Oh on tripait; moi j'adorais ça. M. Petit. Q.:: Q.uand est-ce que vous avez commencé l'anglais à l'école? R:: L'anglais, on commence quelque part au primaire, est-ce que je me trompe? A la fin du primaire, ouin. Et puis au secondaire on a des cours d'anglais, presque automatiquement, à chaque, peut-être pas chaque jour, mais beaucoup d'heures quand-même. Et plus on avance, et plus on a plus d'anglais. Le système est bien fait pour ça. Q.:: Est-ce que vous avez étudié d'autres langues aussi? R:: Oui, dans le système français alors, quand tu es en ... troisième secondaire, tu as le choix d'apprendre une deuxième langue en plus de l'anglais. Et moi j'ai pris Espagnol. Et euh on avait. de quatrième secondaire, cinquième, sixième, septième , on a les cours d'Espagnol. Donc à la fin quand on est prêt d'aller à l'université, on a quand-même une bonne base d'Espagnol. Alors d'autres prenaient Allemand, ou Arabe, etc., mais nous on a pris Espagnol et ça m'a aidé aussi. Q.:: Et après le secondaire, qu'est-ce que vous avez fait? R:: Alors, après le secondaire, donc je suis arrivée presque... il me restait une seule année. J'étais en Éthiopie, et pourquoi j'ai quitté l'Éthiopie avant de terminer, parce que ma sœur Sylvie, qui a un an de plus que moi, avait terminé. Et elle devait venir au Canada après. Alors j'ai dit, ok, si Sylvie part, moi aussi je pars. Et puis ma mère a dit, mais pourquoi tu pars. Finis ici, puis ça va être bien, comme ça tu pars avec un diplôme et tu... mais pour moi c'était inimaginable d'être séparée de Sylvie. Parce que partout dans notre parcours, on avait été ensemble, tu sais? Donc là j'ai fait, non, non, non, si Sylvie va au Canada, moi aussi il faut que je parte au Canada, là-là! J'ai insisté, donc on m'a laissée partir. Donc je suis venue, j'ai fait ma dernière année ici. D'ailleurs ça s'est très mal passé, parce que justement c'était la dernière année, je connaissais... Tu sais il y avait le diplôme du baccalauréat à la fin de l'année, et puis j'avais trop de cours. Alors ça s'est très, très mal passé, alors j'ai refait mon année une deuxième fois. Et là j'ai regretté, j'ai dit j'aurais dû rester en Éthiopie. Je connaissais tout le monde, j'avais mes amis, j'avais ma maman et tout, mais j'étais pressée... quand tu es pressée de découvrir une nouvelle place là, 1 an de plus c'était impensable pour moi. Et voilà, et donc je suis venue ici, j'ai fait ma dernière année donc finalement, et je suis allée à l'université. J'ai commencé l'université. Q.:: C'était au Cégep que... R:: Oui. En fait c'est l'équivalent du cégep, mais dans le système français, ils ne séparent pas. Tu vois, c'est comme tout ensemble. Donc tu as ... Q.:: Alors... ici vous étiez dans le système français aussi. R:: Oui, c'est ça l'affaire. Donc j'ai transféré vraiment dans le même système, mais là où c'était difficile pour moi c'est parce que, oui il y avait le système exactement comme là-bas, mais ici dans la terminale on te rajoute les cours de Cégep, pour que tu sois prête pour le...; Et moi les cours de Cégep c'était les cours que je n'avais jamais, jamais vu; alors je trouvais ça très difficile parce que je devais non seulement me préparer pour mon examen final, mais aussi je devais rajouter des cours que je ne connaissais pas. J'étais vraiment dépassée; j'étais Oh la la... ça va être difficile cette année! Et puis, voilà! J'ai recommencé mon année et là ça s'est bien passé, et j'ai pu aller à l'université. Q.:: Ok, qu'est-ce que vous avez étudié à l'université? R:: C'est une bonne question. Alors j'ai, j'ai cherché beaucoup; je n'étais pas sûre. Q.uand j'ai terminé mon diplôme, j'ai demandé à mon père de m'inscrire là où il voulait m'inscrire parce que je n'avais pas vraiment d'idée de ce que je voulais faire. C'était très spécial parce qu'il n'y avait pas une matière qui me fascinait, j'ai dit wow, c'est ce que je veux faire, donc j'ai dit à mon père "Écoute, inscris-moi où tu veux!" Et lui il m'a inscrit en mathématique et informatique à l'Université de Montréal. J'étais là 'Pourquoi?" Et alors je suis allée là-bas, j'ai fait des cours de maths, d'informatique, ça s'est bien passé pour certains cours, d'autres cours ça s'est très, très mal passé. Après UN an j'ai... Non! Ce n'est pas ça que je veux faire. Ce n'est vraiment pas moi, merci, tu sais, c'est de ma faute là. Mais voilà, j'ai changé. Et là je suis allée prendre des cours comme étudiante libre, tu sais pour me chercher, je voulais voir, qu'est-ce qu'il y a derrière la tête de Sandra, qu'est-ce qui va la fasciner. Et puis je suis allée à l'UQ.AM. J'ai fait 1 an comme étudiante libre à l'UQ.AM, et là on te permet de prendre des cours un peu partout, là où il y a de la place. Donc j'ai pris des cours de publicité, des cours de journalisme, des cours d'histoire, des cours de droit; en-tout-cas j'ai vraiment touché à tout. Et puis je me suis dit, ça c'est le journalisme qui m'intéresse moi. Alors je me suis inscrite, 1an après et j'ai fait mon baccalauréat en journalisme à l'UQ.AM. Et là c'était moi là, je me retrouvais dedans, j'étais épanouie, j'adorais mes cours et... ça m'a pris un an, un an et demi, mais finalement j'ai trouvé ma voie. Q.:: Est-ce que vous avez fait une formation stage?.
R:: Oui, oui, j'ai fait deux stages. Le premier stage que j'ai fait, c'était tout de suite après, en fait c'était mon dernier cours en journalisme. C'était un stage avec Canal Vox, c'est une chaîne de télévisions, je ne sais pas si tu connais. C'est une chaîne CanalVox, avec plusieurs émissions communautaires, très communautaire, et j'étais affectée à une émission qui s'appelle l'équipe du grand Montréal. Et qu'est-ce que je devais faire? Je devais aller dans la rue, faire des vox pop, après rentrer, monter un peu avec le monteur; non, c'était un stage intéressant. Vraiment là, pendant... chaque semaine je devais aller dans un quartier, et puis poser des questions aux gens sur une thématique, et puis parler de ce quartier-là. Et puis, il y avait un petit topo de 3 minutes qui passait à la télévision la semaine d'après. Ça c'était très bien, c'était mon premier stage dans le domaine de journalisme. Mais le deuxième stage que j'ai fait, ce n'était pas en journalisme cette fois, mais c'était en technologie de l'information et des communications. Et là j'ai fait un stage avec Alternative. Ça c'est une ONG qui est basée à Montréal, et c'est avec ce stage- là que je suis allée au Brésil pour faire ... pour travailler avec un organisme partenaire à Alternative et j'ai fait un peu de la mise à jour de site web, j'ai travaillé... c'est un organisme beaucoup environnemental. Donc j'ai travaillé dans de petites émissions de radio, des programmes de radio sur l'environnement, des textes sur l'environnement. En tout-cas c'était une très, très bonne... très bonne expérience. Donc trois mois ici de stage pour me préparer, puis trois mois sur le terrain au Brésil. Ça c'était les deux grands stages que j'ai faits, je pense. Q.:: Après l'université est-ce que vous avez fait quelque chose en plus? R:: Non. Q.:: Une maitrise où? R:: Non. Maitrise j'ai pas fait. Je..., j'ai pensé beaucoup à en faire une, ces dernières années, ces deux dernières années, mais je ne suis pas encore sûre dans quel domaine je veux le faire. Au début c'était journalisme bien sûr, je continue, après c'était non- non- non, pourquoi? Je pense que j'ai suffisamment avec le Bac. Pour un moment c'était l'histoire orale, avec tout ce projet, mais finalement j'ai dit "est-ce que c'est vraiment ça que je veux faire?" Donc je suis vraiment en période de remise en question, mais c'est une remise en question qui prend du temps, parce que ça fait deux ans et je ne me suis toujours pas décidée. Alors là, je suis en train de penser peut-être faire une formation à INIS, tu connais l'INIS? C'est l'Institut National de l'Image et du Son. Et là-bas ils font des programmes intensifs, quatre mois, cinq mois, et puis ils te montrent tout, tu travailles avec les professionnels, caméramans... pour faire des films, des documentaires, etc. Et moi je veux m'inscrire en documentaire, le profil documentaire. C'est cinq mois, temps plein, mais je ne sais pas, je vais voir si c'est faisable. Q.:: Comme metteur en scène? Comme recherchiste? R:: Comme réalisatrice. J'aimerais réaliser des documentaires, oui. Ils ont le profil réalisation, en documentaire il y a deux profils: réalisation et production. Donc production c'est vraiment le côté chercher du financement. Moi j'aime réalisation, donc construire tout, filmer, puis monter, puis... oui. Q.:: Et, est-ce que vous pouvez parler de... le temps de l'université jusqu'à maintenant, en travail avec des emplois, comment vous avez eu? Comment vous êtes venues ici? R:: Ok! Alors. Un petit parcours, en gros. Donc je termine mon journalisme en deux mille quatre [2004]. Je pars au Brésil, je fais mon stage au Brésil en deux mille cinq [2005]. Deux mille cinq [2005] je finis le Brésil, je reviens après mon stage; je ne trouve pas de travail. Je décide d'aller à Ottawa; mon père habitait là-bas, je dis:: "je vais à Ottawa". Il m'avait parlé d'un petit... lui il était prof de français en ce moment-là à Ottawa. Et puis il m'a dit:: "tu sais quoi, ils cherchent des professeurs à mon école. Donc si tu veux, viens à Ottawa". Alors ça tombait bien, j'étais dans une période de ma vie où je me cherchais encore, donc je pars à Ottawa, je deviens prof. Je donne des cours de français à des [aux] employés du gouvernement fédéral. Super, j'aime beaucoup ça, mais je suis à Ottawa,. chez papa, à la maison, à vingt-cinq ans- vingt-six ans, tu sais? Non je ne suis pas contente. Alors je reste là-bas six mois, mi-2006, je quitte Ottawa, je reviens à Montréal, parce que je dis que ce n'était pas vraiment une ville pour moi. Je reviens à Montréal, je transfère de l'école d'Ottawa, j'apprends qu'il y a une école à Montréal, je transfère. Et je trouve un poste ici; très contente. Donc je suis à Montréal et je travaille, c'est cool. Mais je travaille en enseignement du français. Et ça ce n'était pas ma ... mes études? Q.:: Aux anglophones? R:: Aux anglophones, ici. Maintenant je donne des cours..., je donnais des cours ici, c'est une école de langues de l'Estrie ça s'appelle. Et je donnais des cours pareils, exactement comme à Ottawa, ... des employés du gouvernement. Là j'ai fait ça pendant, quand-même pendant longtemps, parce que jusqu'en deux mille huit [2008]:: deux ans; deux ans et demi je fais ça, mais comme ce n'est pas un temps plein, là j'ai l'option de faire autre chose à côté. Q.u'est-ce que je fais, j'entends parler de ce projet ici en deux mille sept [2007]. Ouin donc je commence à donner les cours, dans une école, ensuite dans l'autre pendant un moment, et j'entends parler de ce projet. Je viens ici en deux mille sept [2007], fin deux mille sept [2007], en novembre je me rappelle. Oui, j'ai rencontré Steven en deux mille sept [2007] et j'ai commencé un petit stage, un petit contrat de recherche. Vraiment pas beaucoup, huit heures par semaine pour commencer, et puis là j'adore. J'adore ce projet, je dis Wow, histoire de vie, mon Dieu mon Dieu, je veux rester là-dedans! Et donc tranquillement, mes heures, mon temps que je passais ici augmentait, mes heures pour les cours de français diminuaient. Jusqu'à ce que j'arrête les cours et je suis ici à temps plein. Et je tripe, petit contrat, ensuite plus de contrats, ensuite je suis coordonnatrice de poste de production. Déjà c'est un peu plus stable et depuis février je suis du côté du Centre donc, et je suis la directrice adjointe du Centre d'Histoire Orale. Puis bon, j'adore ça. Et puis Ouin, ..., non, vraiment je sais que je suis en train de m'éloigner du journalisme, mais je ne sais pas. J'arrive à trouver quelque chose ici. Mais ça touche un peu au journalisme un peu quand tu vois, les entrevues; ce n'est pas le même type d'entrevues, mais quand-même tout ce qui est montage, tu sais, post production, j'ai touché un peu à ce que j'ai appris en journalisme. Donc j'ai dit, ce n'est pas si mal, c'est aussi bien parce que c'est pas vraiment journalisme, mais en même temps c'est pas trop loin. Donc j'étais satisfaite avec ça; donc j'étais très, très satisfaite et puis voilà, je fais ça depuis février à temps-plein, mais aussi je continue à donner les entrevues dans le groupe des grands lacs d'Afrique du projet Histoire de vie. Donc je suis encore impliquée dans le projet Histoires de vie. Q.:: Et combien des années est-ce que vous avez fait ça avec le groupe des grands lacs? R:: Ah Oui! J'ai fait, est-ce que c'était au début? Donc j'ai commencé en deux mille sept [2007], je pense que j'ai commencé la coordination en deux mille huit [2008], mi deux mille huit [2008], à la moitié de deux mille huit [2008] je pense. Là ça va faire peut-être deux ans que je fais de la coordination. Q.:: Et pour sauter un peu, est-ce que vous pouvez dire comment vous avez rencontré votre époux? R:: Oui, Ah la la! Ҫa, c'est une histoire très, très..., très spéciale, parce que c'est un concours de circonstances en fait. Donc moi j'ai rencontré un ami à mon époux, qui s'appelle Karim. Et je l'ai rencontré aux Seychelles quand j'étais en vacances avec ma famille. Et Karim on est resté en contact, avec Karim et la famille, et un an après quand je suis partie au, en France, je suis allée faire un petit tour de l'Europe avec une copine, et Karim nous a laissé son appartement. Alors voilà, j'étais restée en contact depuis Seychelles, on s'écrivait, tout ça. J'ai dit, ah je viens à Paris avec un copine; il laisse l'appartement. Et pendant notre séjour à Paris, il a dit "j'aimerais que vous rencontriez un pot à moi, un ami à moi", tout ça. Je pense que vous allez bien vous entendre, tout ça. On a fait, ok. Alors la première fois ça n'a pas marché, on est parti faire le tour de l'Europe, on est revenu et là finalement ça a marché. On a rencontré son ami en particulier. et cet ami-là, c'était Neal Santamaria, qui est maintenant mon époux. Q.:: C'était quand, quand vous avez rencontré Neal? R:: Karim ou Neal? Q.:: Neal R:: Nil, c'était en deux mille cinq [2005], exactement je vais te dire au mois de mai deux mille cinq [2005]. Ouin, je me rappelle encore, parce que c'était la fin du voyage là. Q.:: Et vous avez eu "une longue distance Relationship"? R:: Oui, exact. Pendant... ben quand on s'est rencontré, c'était un jour avant mon départ. Donc on s'est rencontré, Oui, Oui, sympa mais sans plus. Et puis un an après, je suis retournée à Paris pour un mariage d'une copine à moi, une amie d'enfance. Et quand je suis arrivée à Paris, voilà j'ai contacté Nil, mais on communiquait par courriel, à distance, mais des amis à distance. Et quand j'arrive en deux mille six [2006], je communique, je dis "Oui, je suis là pour un mariage, etc." Donc on s'est revu, et il m'a accompagné à ce mariage, donc ça c'est toujours un bon signe. Et puis voilà, quand j'ai quitté, on était ... on était ensemble. A distance pendant un moment, mais en deux mille sept [2007] il est venu s'installer ici. Oui, en deux mille sept [2007] il est venu s'installer, puis ça fait trois ans presque qu'il est au Canada. Q.:: Est-ce que vous pouvez parler un peu plus de votre époux? R:: Oui. Alors Neal, donc je vous ai dit comment on s'est rencontré. Je pense aussi que, la raison pourquoi il a, ... ça a marché et qu'on est marié aujourd'hui, c'est parce que il était prêt aussi à quitter la France. Il est né là-bas, il a grandi 30 ans, ses 30 premières années là-bas, donc ça tombait bien parce qu'il cherchait à aller ailleurs. Il en avait été un peu fatigué de la France et tout ça, et donc moi je suis arrivée au moment où il cherchait à partir. Donc quand on s'est rencontré et que moi ce n'était pas vraiment une option que je parte m'installer en France, donc voilà, les choses ont bien... ont bien été parce que lui était prêt, il est venu ici. Au début il était très réticent avec l'idée du Canada, parce que pour lui le Canada c'était le froid, oh mon Dieu je peux pas aller dans le froid. Il est venu au mois de mars, il y avait une tempête de neige comme ça, le lendemain de son arrivée, mais il a beaucoup aimé. C'était comme un enfant qui tripait avec la neige, il entendait les bruits que ça fait quand tu marches, so, j'ai dit, "Ah bien finalement, la seule chose qui allait te décourager c'était la neige, même la neige tu adores. Donc tu vas adorer l'été; si tu aimes la neige, tu vas adorer l'été". Alors il est revenu en été deux mille sept [2007], il a adoré encore plus, et il m'a dit "alors je retourne en France, je vais faire mes papiers tout ça, je viens m'installer au Canada. Oui, vraiment, je veux qu'on fasse marche ça". Et il est retourné en France, après l'été deux mille sept [2007], et il est revenu le 11 décembre deux mille sept [2007], avec ses papiers, avec ses grosses valises. Et depuis, on habite ensemble et ça se passe très, très bien. Q.:: Est-ce qu'il a appliqué comme travailleur ou comme conjoint? R:: Ah non, il est venu avec un PTT, un permis de travail temporaire. Alors pour avoir le PTT, il faut que tu aies une demande d'emploi..., un poste qui est... Il faut que l'employeur dise qu'ils n'ont pas trouvé une autre personne pour faire cet emploi. Et donc il a été très, très chanceux, parce qu'il est tombé dans une boite, dans une compagnie qui s'appelle Cactus, Cactus Montréal. Et c'est une compagnie qui, une organisation qui vient en aide aux personnes, aux toxicomanes, aux itinérants, aux personnes en situation précaire. Et puis, ils font beaucoup d'activités, beaucoup d'événements pour les aider finalement, occuper leurs journées, leur faire participer, empowerment beaucoup aussi, et voilà. Donc il a, vraiment il a été très, très chanceux parce que c'était parmi les premiers postes qu'il avait vus, il a appliqué, il leur a dit qu'il n'avait pas de papiers ici, mais ils étaient prêts à l'aider à faire ses papiers. Ils ont fait l'immigration avec lui pour que ça aille plus vite, [...] écoute, ils ont tout fait vraiment pour accélérer son processus. Il est parti avec le permis. C'est en France que ça a pris du temps, mais bon, 6 mois après il était ici avec son permis de travail, qu'ils renouvellent. Chaque année, il faut le renouveler. Et pendant qu'il avait son PTT, il a aussi fait la demande de résidence. Et finalement il a eu la résidence en octobre deux mille..., octobre deux mille neuf [2009]; donc ça fait un an à peu près qu'il est résident permanent.. Q.:: Et, qu'est-ce qu'il fait? Il travaille avec la même compagnie? R:: Oui, depuis; encore, parce que quand il a eu la résidence permanente, il s'est dit "Bon je ne suis plus obligé de travailler avec eux". Parce que quand tu as le PTT, c'est pour un poste en particulier. Donc là il a dit euh, "super j'ai ma résidence maintenant je peux chercher ailleurs". Mais il n'a rien trouvé encore, et je pense qu'il est encore très, très attaché à ce boulot-là. Parce que c'est son premier travail au Canada, et surtout il est très, très apprécié au travail. Je suis allée au mariage d'un collègue à lui, et j'ai rencontré quelques membres de son travail. Et quand je le vois interagir avec les gens du travail, tu vois vraiment que... , il a fait sa place, et maintenant il a beaucoup d'expérience. Il est parmi les plus, un des plus anciens de sa boite, donc, ... non, il est bien intégré, je pense qu'il a peur peut-être de quitter ça pour aller recommencer à zéro dans une autre compagnie, dans une autre entreprise. Alors voilà, pour le moment, c'est pas très urgent, il est très bien là-bas. Le travail le..., lui prend beaucoup d'énergie; et puis, émotionnellement aussi. Des fois il rentre, et puis il me dit "j'ai eu une mauvais journée". Moi je pense que c'est lui qui a eu une mauvaise journée, mais en fait c'est parce ce qu'il y a une histoire de quelqu'un d'autre qui est venue le toucher vraiment. Et puis mon Dieu, il n'arrive pas à séparer le travail et puis les sentiments, tu sais. Alors, mais bon, c'est un passionné, puis c'est ... il aime les gens, il aime l'humain en général, donc oui. Pour le moment il est là, mais je sais que s'il trouve une meilleure opportunité; il voulait être professeur aussi à l'université, il est en train de faire un doctorat. Donc si jamais il trouve autre chose, il va partir, mais ce n'est pas la priorité là maintenant. Donc en gros, en gros c'est ça. Q.u'est-ce que je peux dire d'autre sur lui? Ouin, très ouvert, et surtout beaucoup de points en commun qu'on a. Il y a beaucoup de choses en commun que tous les deux on a découvert, et qu'on avait découvert aussi très, très tôt. Les intérêts, les passe-temps, la passion pour les films, pour les documentaires. On a fait deux-trois documentaires ensemble, la musique, les voyages, écoute on est vraiment là, très, très bien assortis. Ça se passe bien. Q.:: Q.uelque chose d'autre? R:: Q.uelque chose d'autre...? Ah oui, je connaissais beaucoup de ses amis aussi, de sa famille, mais je les ai encore vus. Ils sont tous venus au mariage, donc on a comme vingt personnes qui sont venus, une vingtaine, de France. Et même ça, ça dit beaucoup sur lui, ... cette vie, parce que je vois c'est quelqu'un aussi où les amitiés sont très importantes pour lui. Il a des amis de longue, longue date, avec qui ils ont gardé des contacts, et quand ils ont su qu'il se mariait, tous, c'était évident, c'était "on va, on y va, on va payer le billet c'est pas grave, mais on ne peut pas rater le mariage de Neal". Et puis donc c'est quelqu'un qui aime beaucoup les amitiés et qui chérit les amitiés. Non. C'est tout, je pense, sinon je vais parler des heures sur lui [rire]. Oui, c'est tout. Q.:: Est-ce que vous pouvez décrire, décrivez un peu les raisons pour lesquelles vos parents ont quitté le Rwanda... ? R:: Hum. Alors, déjà mon père a quitté le Rwanda à un moment donné quand il était très, très jeune, il avait neuf ans, d'ailleurs il en parle dans son entrevue, c'est intéressant. Il est parti au Congo, dans le Congo voisin, avec ses oncles, ses cousins, ses frères, vraiment une grosse vague d'hommes et d'enfants, de garçons, de jeunes garçons. Ils sont partis au Congo pour, parce qu'il y avait des... parce qu'il y avait de petits conflits, de petites tensions au Rwanda à l'époque. Et donc ça c'est la première fois qu'il est parti. Mais il est revenu. Q.:: Ҫa, c'est quelles années? R:: Ҫa, c'est dans les années soixante [1960]. Voilà, il est parti en cinquante-neuf [1959], ... non il est parti en soixante [1960], parce qu'il avait neuf ans. Dans les années soixante [1960], il est parti au Congo pour quelques années, après il est revenu au Rwanda, et bon, à un moment donné il faisait un peu la navette. entre le Congo et le Rwanda, Congo-Rwanda. Et ma mère elle, elle est restée au Rwanda; elle n'a pas bougé tout de suite. C'est en soixante-treize [1973], c'est quand il y a eu les tensions, il y a eu d'autres périodes de massacres en soixante-treize [1973] et c'est à ce moment-là que les deux ont décidé de quitter pour le Congo, pour Bukavu, où mes deux sœurs, mes deux grandes sœurs sont nées. Ils ont quitté, c'était une période quand-même assez difficile. Ma mère je sais qu'elle a fui, elle a fui son village; elle a même échappé à la mort un peu là. Elle s'est fait garder par une famille qui l'a cachée pendant les massacres de soixante-treize [1973], et c'est comme ça qu'elle a survécu. Et puis mon père aussi, il était où en soixante-treize [1973]? Je sais qu'ensemble, ils ont quitté pour le Congo. Et voilà c'était une autre vague encore; il y avait cinquante-neuf [1959], soixante-treize [1973] c'était vraiment les grosses, les gros moments où les personnes quittaient pour aller chercher une meilleure vie ailleurs; et puis c'est ce qu'ils ont fait. Ils sont allés d'abord à Bukavu, au Congo, de soixante-treize [1973] à soixante-dix-neuf [1979], fin soixante-dix-neuf [1979]. Ensuite en quatre-vingt [1980], fin soixante-dix-neuf – quatre-vingt [1979-1980], c'est là qu'ils sont allés en Éthiopie, et moi je suis née en décembre de la même année. Donc beaucoup d'insécurités, ils craignaient pour leur vie, même les discriminations sur tous les plans aussi. Même pour le travail; ma mère était enseignante, et puis souvent c'était le poste qu'on donnait aux Tutsi, parce qu'on ne voulait pas qu'ils aillent prendre les postes plus, plus importants au gouvernement, etc. Ce n'était pas accessible, donc souvent les Tutsi, les postent qu'ils faisaient c'était enseignement. Ma mère était enseignante, mais c'est durant son parcours, durant qu'elle enseignait, que justement il y a eu soixante-treize [1973]. Et puis, bon ils ont vu que ça craignait beaucoup pour leur vie et ils ont décidé de quitter. Q.:: Q.uand est-ce qu'ils se sont mariés? Les années...? R:: Non, ils se sont mariés. Alors s'ils ont quitté en soixante-treize [1973], ils se sont mariés en soixante-quatorze [1974]. En-tout-cas, un peu après; soixante-quatorze [1974], oui, oui, ils se sont mariés en soixante-quatorze [1974]. Et puis Solange ma sœur, ma sœur aînée, elle est née en soixante-quinze [1975]. Donc ils ont quitté, alors je ne sais plus s'ils se sont mariés: "est-ce qu'ils se sont mariés au Rwanda ou au Congo?" Non, non, Au Rwanda; ils se sont mariés au Rwanda parce que je me rappelle que mon père me disait que son frère avait beaucoup contribué à son mariage, il avait fait une grosse fête et tout. Q.u'ils avaient beaucoup apprécié; ouin, ils se sont mariés au Rwanda. Mais mon Dieu, ils seraient revenus pour le mariage? C'est une période; il faudrait que je leur demande exactement. Q.:: Et eux, ils se sont rencontrés comment? ... travail... les familles? R:: Non; les familles. Ils habitaient dans le même village et ils se connaissaient depuis même très, très jeunes. Ils se connaissaient, les familles se connaissaient aussi je pense, et puis voilà. Donc ils ont grandi dans la même région, ils sont tous les deux de Kibuye. Et puis c'était comme... voilà au début c'était des amis, et puis tranquillement il y a eu plus et voilà. Ils ont commencé... ils se connaissent; c'est des amis d'enfance finalement. Ouin. Q.:: Et vous êtes en Ethiopie pendant le génocide? R:: Ah oui, alors pendant le génocide... Q.:: Non... Libye? R:: Oui, Libye, exactement. En quatre-vingt-quatorze [1994] quand ça se passait, j'étais en Libye, mais c'est après, une fois que c'est fini; ...donc ça a fini en juillet à peu près le génocide, là c'était à ce moment-là qu'on a quitté la Libye pour aller retourner en Éthiopie chez notre mère. Donc on est arrivé en Éthiopie, peut-être juillet quatre-vingt-quatorze [1994]. Q.:: Est-ce que vous pouvez parler un peu de comment c'était d'être en Éthiopie pendant cette époque-là, et avec le ... Oui! R:: Ouin, ben en fait ça a commencé... je commencerais même par comment c'était en Libye, parce qu'on était juste avec mon père et ma sœur; on était juste trois. Et alors ça se passait, on entendait ça dans les nouvelles, mais moi je pense que je n'ai pas ... je n'ai pas cerné, [...]; ok, il y avait quelque chose qui se passait de très grave dans mon pays d'origine, ça j'avais compris. Mais je ne connaissais pas très, très bien mon pays d'origine non plus, ...! Donc, oui je me sentais interpellée, mais en même temps j'avais une espèce de distance; comme c'est bizarre! Mais en même temps, je me rappelle d'un truc..., ben je me rappelle que, tout d'un coup, du jour au lendemain, le Rwanda dont on ne parlait jamais; tu sais avant je disais au gens "je viens du Rwanda", ils ne savaient pas où c'était. Voilà, c'était vraiment méconnu. Mais tout d'un coup, moi ce qui m'a dérangée c'est, comment d'un coup, tout le monde parle du Rwanda partout, partout dans les nouvelles. Et puis, moi ça me dérangeait parce que je me disais "mais on parle du Rwanda, mais tout ce qu'on dit du Rwanda c'est des choses atroces!". Donc quand on parle du Rwanda, partout et qu'on dise du bien, ok ça c'est bon, mais tout d'un coup tout le monde entendait parler, Rwanda était égal génocide, Oh les massacres! "Oh tu viens du Rwanda, oh c'est là-bas qu'il y a des gens qui meurent, oh c'est là-bas que...". Moi j'étais comme "ok, ça suffit là, arrêtez de me parler du mal qui se passe, il y a des choses bonnes qui se passent aussi". Donc je me rappelle que j'avais un rapport un peu bizarre, mais ce que je me rappelle aussi c'était mon père, qui vivait ça donc... seul. Bon, il était avec nous, mais on était trop jeunes pour comprendre ce qui se passait vraiment; j'avais treize ans, puis Sylvie elle avait 14 ans et demi. Donc j'étais encore jeune, mais je me rappelle qu'il nous disait "Oh la la, ça va mal, ça va mal! ". On était là:: "mais comment ça, mais..." ; "oui, mais je n'arrive pas à parler à la famille, j'ai essayé d'appeler...". Je me rappelle qu'il parlait beaucoup au téléphone. Il y avait beaucoup de téléphone, beaucoup de coups de fils pendant la nuit parce qu'il y avait le décalage horaire. Donc on sentait qu'il y avait quelque chose de grave qui se passait, mais en même temps, oui ça nous faisait mal, oui ça nous touchait, mais à distance. On n'était pas conscientes de la gravité; tu sais, tu vois des images à la télévision, tu vois que ..., oh c'est grave, j'ai pas vu ça ailleurs, mais en même temps je sais pas. Moi, c'était...; c'est après, moi c'est les années après que j'ai réalisé. Donc plus les années avançaient, plus on reparlait de ça, je dis" ah oui c'est vrai que c'est quelque chose de grave quand-même qui s'est passé". Puis ensuite, encore on fait les commémorations, on fait des activités. Puis je grandissais aussi, donc j'apprenais des choses, et je disais::"Oh Mon Dieu! Maintenant je comprends ce que mon père disait en quatre-vingt-quatorze [1994]" Donc on a essayé d'être là avec lui, pour l'aider à passer à travers ça, mais [...] ça a été un moment très, très difficile. Et puis après on a quitté la Libye; donc pendant que ça se passait, on a déménagé, on est venue à Éthiopie. Et là on voyait ma mère aussi qui était complètement abattue, qui nous disait... mais en même temps, ils essayaient de nous protéger, parce qu'ils ne pouvaient pas nous dire; à des [aux] enfants, tu ne vas pas dire à des [aux] enfants de treize ans "Oh voilà comme ils ont fait, voilà comment ça se passe". Ils ne nous ont pas donné tous les détails au fait. Donc ils essayaient de nous épargner un peu des détails, mais tu sentais que... et en Libye avec mon père, et en Éthiopie avec ma mère, les deux étaient complètement abattus. Et on se sentait impuissants; impuissants, on ne pouvait rien faire, on se disait "ok c'est ça qui se passe, qu'est-ce qu'on peut faire nous?" On ne peut rien faire, il faut qu'on attende, c'était une période difficile. Mais je l'ai pas senti; je n'ai pas senti que c'était difficile moi, à ce moment-là. Donc c'est plus tard, encore aujourd'hui, que je continue à ressentir; oui. Q.:: Et est-ce que vos sentiments continuent à changer en relation à cette époque-là? R:: Oui, beaucoup. Beaucoup parce que donc, avec les années, donc quatre-vingt-quatorze [1994] ça s'est passé, quatre-vingt-quinze [1995] on est allée au Rwanda. Pour la première fois depuis que j'étais toute petite. Donc en quatre-vingt-quinze [1995] on retourne au Rwanda. C'est 1 an après le génocide, c'est très, très palpable encore, tu peux sentir qu'il y a eu quelque chose là-bas, tu vois encore les trous dans les murs; tu sais les trous des balles dans les murs. Tu vois, [...], oui tu sens; c'est encore très présent parce qu'ils n'ont pas tout nettoyé. Tu vois parfois des taches de sang par-ci, par-là, tu sais. Tu arrives tu fais, ok, donc c'est vraiment là, ok tout ce que j'ai vu dans les nouvelles-là, c'est ici que ça s'est passé. Mais même à ça, oui il y a eu ce côté très dur d'être là,. mais d'un côté aussi on était en vacances. Donc on était là, on avait 14 ans, on sortait beaucoup. On passait nos journées à la piscine, on avait des amis, donc on était comme dans un monde un peu ... paradoxal. On se rendait compte de ce qui s'était passé, mais c'est comme si on ne voulait pas voir. On faisait autre chose, on s'amusait; c'était les vacances pour nous. On n'était pas là pour pleurer tous les jours. Q.uatre-vingt-quinze [1995] on va là-bas, quatre-vingt-seize [1996] on retourne encore au Rwanda, et là, c'est moi. Je le ressens moi. C'est là, mais les gens parlent moins de ça, quatre-vingt-quinze [1995] beaucoup de gens parlaient que de ça. Partout où tu allais, chez n'importe qui où tu allais, un moment donné la conversation arrivait sur le génocide et les personnes te racontaient. Je me rappelle quatre-vingt-quinze [1995] beaucoup de gens racontaient comment tel était mort, comment telle personne était morte, avec les détails. Au début on était comme, Oh la la, on ne veut pas entendre ça, on est des enfants. Mais quatre-vingt-seize [1996], moins. Les gens parlaient moins. C'est comme si, ok on essayait d'oublier, on essayait d'avancer, mais c'était moins omniprésent en quatre-vingt-seize [1996]. Et quatre-vingt-dix-sept [1997] je viens ici au Canada. Oui, quatre-vingt-dix-sept [1997] on arrive, et puis, tranquillement on se met dans la communauté un peu; on s'implique dans la communauté rwandaise ici. Et comment on s'implique? Au début avec la danse; il y avait une troupe de danse, mes sœurs faisaient partie des troupes de danse. On faisait, on participait à des spectacles, etc. Ensuite on faisait des pièces de théâtre. Ensuite, moi je m'occupais d'un journal communautaire, Hobe Montréal. C'était... voilà, on baignait, on était dans la communauté. On se disait... Et c'est à travers ça... je pense que c'est avec toutes ces expériences ici, je ne sais pas, qu'on s'est encore plus rapproché de notre culture rwandaise. Parce qu'en Libye, oui il y avait une communauté rwandaise, je veux dire en Éthiopie; oui il y avait une communauté rwandaise, mais ... on n'était pas trop impliqué dans la communauté rwandaise en Libye, en Éthiopie pardon; ou la la, je confonds toutes les villes. En Éthiopie on avait nos amis à l'école, on était vraiment dans un milieu avec beaucoup d'expats. C'est- à- dire des étrangers qui vivent en Éthiopie parce que les parents travaillent dans les mêmes organismes et tout, on avait des amis éthiopiens. Donc on n'était pas très, très rattaché à la culture rwandaise. C'est, arrivée ici que soudainement, voilà on a vu pleins de Rwandais, pleins de Rwandais de la diaspora, on était moins impliqué dans la communauté éthiopienne de Montréal, vraiment pas, alors que c'est bizarre... Tu sais on aurait pu rester dans la communauté éthiopienne parce qu'on venait d'Éthiopie. Mais non! Nous, on était très pro-rwandaise, on s'impliquait partout et on aimait ça. Et c'est à travers tout ça que je me suis encore plus renseignée, plus appris sur ce qui s'est passe en quatre-vingt-quatorze [1994]. Ici on entendait parler de ça pendant les commémorations, et c'est depuis qu'on est ici je pense, qu'on se rend compte encore plus, enfin moi je me suis rendu compte encore plus de ce qui s'était passé dans mon pays. Parce qu'on en parlait, il y avait des choses par rapport à ça, et voilà, et c'est ce désir de vouloir m'engager qui est venu ici. C'est vraiment ici que je me suis impliquée, qu'on faisait des manifestations contre les génocidaires, qu'on faisait des commémorations, qu'on faisait pleins de trucs à ce que je me dis"Oh mon Dieu, tout ce temps, c'est comme si je ne réalisais pas... et là finalement, je me réveille", je dis "mais Mon Dieu, je veux faire quelque chose moi aussi". [Rire]. Ouin, c'est vraiment au Canada que je me suis vraiment rapproché de ma culture rwandaise. Q.:: Est-ce que c'est bizarre pour vous de ne pas lier avec la culture éthiopienne ici? Ou c'est naturel? R:: Ben c'est ça, c'est bizarre. Ça s'est fait comme ça. Peut-être parce que, Oui il y a une communauté éthiopienne, mais elle n'est pas très, très grande à Montréal. Si on était à Toronto, peut-être qu'on serait plus proche de la communauté éthiopienne. Mais ici il n'y en avait pas beaucoup; ça c'est une chose. Deuxième chose, je ne sais pas, ça s'est comme fait naturellement, parce qu'on avait beaucoup d'amis qu'on connaissait au Rwanda, qu'on avait rencontré pendant les vacances, qu'on connaissait en Éthiopie, qui étaient rwandais mais qui se sont tous retrouvés ici à Montréal. Donc quand on est arrivé ici, c'était normal, on se met tous ensemble et puis voilà. Ça s'est fait naturellement,. mais en même temps, je pense, parce que le nombre aussi, le nombre d'Ethiopiens n'était pas très, très important. Ouin c'est spécial. Q.:: Est-ce que vous avez voyagé beaucoup dans les autres pays? Est-ce que vous pouvez dire lesquels [inaudible] R:: Alors, voyager juste pour les voyages ou vivre, habiter? Q.:: Les deux... R:: Ok, alors donc Éthiopie, ça c'était bon. Rwanda pour les vacances. Libye pour vivre. Ah, quand on habitait en Libye, on allait beaucoup en Tunisie. Donc la Tunisie je connais bien, parce qu'une de mes sœurs, quand elle a fini son école en Libye, il n'y avait pas de Cegep, l'équivalent de Cegep en Libye, donc elle est partie en Tunisie. Donc Tunisie c'est juste à côté de la Libye et on allait souvent en voiture. Et pourquoi en voiture? C'est parce qu'en Libye il y avait l'embargo. Embargo, les États-Unis avaient mis un embargo sur la Libye et donc il n'y avait pas de vols, l'aéroport était fermé, donc pas de vols pendant plusieurs années. Donc qu'est-ce qu'on faisait, on prenait la voiture, on allait jusqu'en Tunisie, on revenait. On passait les weekends, on passait des vacances là-bas; donc je connais très bien Libye-Tunisie. Oh! un autre endroit aussi où on passait beaucoup de vacances, c'était à Malte, c'est dans la Méditerranée. Comme ce n'est pas loin de la Libye, on allait souvent pour les vacances d'été. Q.u'est-ce qu'on a fait encore? Ah oui, Seychelles, Maurice; Seychelles. Et puis l'ile Maurice, on est parti, on y allait en vacances avec ma mère. Donc comme nous quand on habitait au Q.uébec, à Montréal, ma mère était en Éthiopie tout ce temps, donc chaque fois tous les quatre ans environ, on s'organisait des vacances. Pour passer avec elle mais vraiment de bonnes, bonnes vacances, et en deux mille [2000], on est parti à l'ile Maurice, pour deux mois. C'était très, très beau. Et en deux mille quatre [2004], on est allés aux Seychelles, et c'est là qu'on a rencontré Karim, qui m'a présenté à mon mari. Donc ce voyage était très très important on va dire. Q.uoi d'autre qu'on a fait? Bon moi j'ai fait le Brésil pour mon stage. L'Italie, j'ai fait mon petit tour d'Europe avec mon amie, France, Belgique, Espagne, Amsterdam, qu'est-ce qu'on a fait encore? Cuba, ouin. Ce n'est pas mal ça; un peu d'Europe, un peu d'Afrique, l'Afrique de l'Est surtout, surtout. Je ne connais pas beaucoup l'Afrique de l'ouest, j'aimerais visiter. Et puis l'Amérique latine un tout petit peu; surtout le Brésil, je suis fascinée par ce pays. Q.:: Est-ce qu'à Montréal, ou ailleurs, avez-vous déjà eu le sentiment de ne pas être en sécurité? R:: A Montréal, non. Franchement à Montréal, insécurité, non je n'ai jamais senti ça ici. Q.ue ce soit... Par contre ailleurs, au Brésil par exemple, moi on me faisait peur avant de partir, attention la sécurité..., les gens sont armés, etc. Oui c'est vrai que la sécurité n'est pas la même au Brésil qu'ici, mais Dieu soit loué, je n'ai rien eu; rien ne m'est arrivé de grave. Mais par contre, j'entendais des histoires autour de moi, des personnes à qui s'est arrivé; donc par moment, je me disais, "Hum", c'est vrai que c'est un très beau pays, mais ce petit côté sécurité qui fait peur. En même temps, c'est tellement beau que tu te dis, "écoute, c'est quoi, on essaie d'éviter les problèmes, on essaie d'éviter que ça t'arrive, mais ça ne peut pas t'empêcher d'aller vivre dans un pays". Donc oui, quand je suis allée au Brésil on me le répétait beaucoup, fais attention, fais attention; tout s'est très bien passé pour le moment. Où d'autre que j'ai vécu et je me suis sentie...? Libye, Libye je me suis sentie en sécurité parce que j'étais, on était en famille, on était à la maison et tout ça, on était... Mais c'est vrai que par moment, bon tu sors pas n'importe quand, surtout quand tu es une fille. Tu ne sors pas quand tu veux, le soir etc. dans la rue. Tu ne t'habilles pas comme tu veux non plus; j'avais beaucoup d'amies, beaucoup de mes voisines elles étaient toutes voilées, donc moi je me sentais un peu bizarre. Tout le monde voilée, et je suis "la non voilée", donc c'était quand-même spécial. Donc on ne sortait pas n'importe quand, n'importe où, n'importe comment. En Éthiopie, non, je ne me suis jamais sentie ... je me suis toujours sentie en sécurité en Éthiopie. Parce qu'on était bien encadrée, on était à la maison, on allait à l'école, on allait chez les amis, il n'avait pas beaucoup de... Non, en gros-là, c'était bien, je n'ai pas eu de mauvaise expérience. Q.:: Avant que vous êtes venue [vous veniez] ici, comment imaginiez-vous Montréal ou Q.uébec ou Canada? R:: Oui... Alors, le Canada a toujours fait partie de notre, on va dire notre univers, parce que dès qu'on était jeune, même quand on était [...] en Éthiopie, en Libye même, mon père parlait beaucoup du Canada. Il disait toujours, un jour on va aller au Canada. Un jour je vais vous emmener au Canada. Un jour on va vivre là-bas, mais moi je me disais pourquoi particulièrement le Canada, et je ne sais pas. Il disait voilà, ça c'est un pays où tous les problèmes qu'on a connus avant, eh ben on va plus les connaitre ici. C'est le pays où tout le monde a des chances. Donc tu peux étudier, tu peux travailler, t'es bien, tu n'as pas de problème, t'as pas à t'inquiéter. Tout ce qu'eux ils ont connu quand ils étaient jeunes, l'insécurité, les violences et tout ça, eh ben voilà, le Canada c'était la solution pour tout. Donc nous, en grandissant, on voyait le Canada comme Wow, l'Eldorado [inaudible], tu sais, un endroit parfait et tout ça. Donc vraiment on idéalisait, on avait une très belle image du Canada. Alors qu'on n'avait pas vu de photos, on n'avait pas vu de vidéos du Canada, [...] mais vraiment on avait, on est parti avec une bonne image. Q.uand ma sœur a terminé son Cégep et qu'elle est venue ici, et moi je suis venue avec elle, mes premières impressions c'était Wow, tu sais... les autoroutes; [je ne sais pas...] c'est vraiment un autre univers, c'est une autre façon de voir. Même la façon dont la ville est construite, c'est complètement différent. Et en effet j'ai trouvé que c'était beau, vraiment. J'ai de très, très beaux souvenirs, on est arrivé en septembre, donc c'était au début de l'automne, et je me rappelle les feuilles commençaient à changer de couleurs, ce n'était pas encore très froid, c'était encore très beau. Le timing ou on est arrivé c'était très très beau. Mais c'est l'hiver qui était chaud, qui n'était pas très très drôle. Surtout que mon premier hiver moi, c'était l'hiver du verglas. Je ne sais pas si tu as entendu parler du verglas, ou tu étais la peut-être au verglas, c'était le ice storm. L'hiver quatre-vingt-dix-sept-quatre-vingt-dix-huit [1997-1998]. Q.:: Oui j'étais en vacances, en décembre. R:: Ah en décembre, et puis tu es partie? Q.:: Ben... on a eu d'autres tempêtes [inaudible] R:: Et c'est ça oui, et puis en janvier il y a eu vraiment le verglas. Donc moi je vois ça, je dis "mon Dieu! Maman, je veux rentrer à la maison". Je dis "envoie-moi un billet d'avion"; parce que moi je croyais que c'était comme ça... En fait, je pensais que tous les hivers, il y avait du verglas comme ça. On m'a dit:: "non Sandra, c'est la première fois, c'est rare, non c'est vraiment un cas exceptionnel". Là j'étais comme, ok quand est-ce que ça finit là? Un mois, deux mois, trois mois... non l'hiver, le premier hiver c'était beau à voir, c'était nouveau, mais tous les autres hivers, moi je trouve ça dur. Je trouve dur les hivers au Q.uébec, franchement. Mais à côté de ça, l'été j'adore, le printemps j'adore, l'automne j'adore. Donc il y a juste une saison que je n'aime pas. Q.:: Et comment pensez-vous que vos sentiments concernant votre communauté ont changé depuis votre enfance? R:: Hum, depuis mon enfance? Alors, oui ils ont changé, alors encore là quand tu dis communauté, communauté rwandaise? Communauté... c'est ça qui est spécial. En grandissant donc moi je savais que j'étais rwandaise, mais j'habitais en Éthiopie, ensuite après j'ai vu, après quatre-vingt-quatorze [1994], c'est comme si oui tu es Rwandaise, mais tu es Rwandais et puis ta famille a vécu quelque chose d'atroce. Tu sais, donc là c'est un autre Ok je suis Rwandaise, mais je suis Tutsi aussi, et puis, et puis voilà ce qui s'est passé chez nous etc. Et il y a la phase ici à Montréal, où c'est comme si j'avais embrassé la communauté, je voulais faire partie intégrante de la communauté rwandaise.. Et c'était cette communauté qui m'identifie, je m'identifiais dans cette communauté en fait. Et ça a été vraiment graduellement, j'ai commencé à quasiment rien, en ne sentant même pas interpellée par le Rwanda quand j'étais jeune, ensuite il y a eu cette histoire. Donc ça finit par être, pas ton identité mais... moi je me demande comment je me serais sentie s'il n'y avait pas eu de génocide. Parce que le génocide est venu tellement donner un autre, comment te dire, une autre couche à ton identité; il y a Rwandaise, et voilà il y a ce que ton peuple a vécu. Et là ces dernières 10 années où je me sens tellement rwandaise, mais je mets un tout petit peu à côté mon expérience éthiopienne. Je l'ai encore parce que je retourne là-bas, ma mère est encore... elle vit là-bas, donc je retourne là-bas, mais je ne sais pas. C'est comme si... ce serait très intéressant de voir, c'est dur de retourner le temps, mais s'il n'y avait pas eu de génocide, je sais pas si notre appartenance, notre identité, tout ça aurait été la même. Je ne sais pas, je ne sais pas. C'est comme si après ça, il y a un besoin qu'on a de venir faire notre part dans tout ça, comment moi je peux changer les choses, comment je peux m'impliquer, comment je peux faire une différence. Et ça c'est un facteur très important dans ma vie aujourd'hui. Voilà. Q.:: Est-ce que les gens ici parlent d'être Tutsi ou Hutu ensemble? Comme je sais qu'au Rwanda on n'en parle pas officiellement, comme je suis Rwandaise... [inaudible] Alors ici c'est la même [chose], ou c'est un peu différent ici parce qu'on est loin [inaudible]? R: Oui. Alors ici on évite de parler de ça, mais on en parle quand-même. On en parle quand-même parce que, bien déjà, c'est triste à dire mais il y a quand-même une petite ségrégation, pas ségrégation, mais on est séparé; on n'est pas ensemble tous. Oui, on n'est pas, tu sais il y a la communauté tutsi, puis il y a la communauté hutu. Alors c'est vrai qu'il y a des fois, parfois des mélanges; il y a des personnes qui sont dans l'un ou dans l'autre, mais on ne partage pas des activités ensemble. Il y a des activités que nous on organise, il y a des activités qu'eux ils organisent. Donc entre nous, quand on est entre nous, donc euh on ne le dit pas, en-tout-cas je suis Hutu, je suis Tutsi, on le dit pas fort comme ça. Mais en même temps, c'est quelque chose qu'on essaie d'arrêter, c'est vraiment... il y a une vague de plus en plus comme aujourd'hui quand quelqu'un me demande "Eh bien tu es quoi toi? Tu viens du Rwanda, mais tu es quoi, tu es dans quel groupe et tout ça?" Là, j'essaie de dire:: "non on essaie d'arrêter ça. Non, non, ne me demande pas parce que c'est ça qu'on essaie d'éviter. Donc toutes ces années-là, justement on nous a séparés, là, vois au moins la rwandaise point". Donc c'est quelque chose qu'on essaie de faire ici, c'est encore plus fort au Rwanda parce que c'est là que ça s'est passé, mais ici de plus en plus on essaie d'éviter de s'appeler par les noms comme ça. Q.:: Alors la troupe de danse c'est mélangé ou c'est la plupart ... R:: La plupart de la troupe de danse c'est des Tutsi, en effet. La plupart, donc la majorité, la très grande majorité même, on va dire, Oui. Q.:: Alors, il y a division oui. Mais aussi à Montréal est-ce que vous voyez d'autres divisions, d'autres gens? R:: Ah, dans nos rwandais-là? Q.:: Non, à Montréal, ici. R:: Bien la seule division que je verrais c'est vraiment les anglais, anglophones-francophones là. Des fois je le vois même dans les quartiers où j'habite; j'ai longtemps habité dans l'Ouest de Montréal, NDG, Hampstead, dans ces coins-là, et là maintenant je suis complètement à l'Est. Et là maintenant je le vois, je le vois complément, je l'entends, mes voisins, tu sais..., on parle français là. dans mon quartier! Et puis au début j'avais pas remarqué ça; au début je ne connaissais pas, j'arrivais à Montréal, j'allais... tu sais on voyait les quartiers, on entendait un peu parler les deux langues un peu partout. Mais c'est vraiment avec les années que tu vois vraiment qu'il y a une division. Pas la même division, pas basée sur une ethnie ou quoi, mais une division linguistique, simplement. Mais à part cette division-là, non, je n'ai pas vu ça dans d'autres communautés, non. Q.:: Q.u'est-ce qui pour vous est chez vous, maintenant? R:: Q.uel pays? Q.:: Q.uel lieu? Q.uelle ... R:: ...est chez moi? Q.:: Idée ...je ne sais pas. R:: Hum. Wow, une très bonne question ça. Alors je sais que, bon ces dernières années, ces treize dernières années passées à Montréal, là je sens que je m'enracine. Donc vraiment je commence à prendre mes racines ici, je me vois toujours avoir un pied à terre ici, toujours parce qu'il y a mes sœurs, il y a mon père, donc il y a une bonne partie de ma famille qui est là, donc... Oui, je me sens de plus en plus chez moi ici. Cela dit, tout en me sentant ici très, très confortable, je me sens aussi énormément Rwandaise. Donc le Rwanda. En même temps je ne me sens pas chez moi quand je vais au Rwanda, parce que j'y vais seulement en vacances. Donc j'y vais en vacances, je vois un côté du Rwanda que les gens tous les jours ne voient pas forcément. Donc ce n'est pas comme si ...Ouf j'arrive au Rwanda, je me sens à la maison, voilà, je me sens bien, non. Ça, ce ne serait pas vrai, parce que je le connais pas, mais ... ça c'est très, très intéressant, parce que, en même temps je me sens "identitairement" là, je me sens très, très Rwandaise. Et enfin, donc ça c'est mon rapport avec le Canada, mon rapport avec le Rwanda. Par contre quand j'arrive en Éthiopie, je me sens à la maison. Je me sens à la maison aussi parce que je parle la langue, je connais l'endroit, je suis née là-bas, j'ai passé... c'est là que j'ai passé une bonne partie de ma vie. Pendant un moment, c'était là que j'avais passé le plus longtemps de ma vie, mais maintenant le Canada a dépassé l'Éthiopie. Donc j'ai passé 13 ans au Canada, 11 ans en Éthiopie. Donc là tu vois, c'est peut-être... Oui, le nombre d'années aussi ça joue beaucoup. Alors je devrais le mettre sur une échelle, je dirais, aujourd'hui en deux mille-dix [2010], je me sens à la maison au Canada, parce que c'est ici que je réside, c'est ici que j'ai passé le plus longtemps de ma vie. En deuxième position, ce serait l'Éthiopie qui viendrait, parce que voilà, j'ai un autre attachement très particulier à l'Éthiopie; voilà, du fait de mon vécu. Ensuite, il y aurait le Rwanda, qui [...], qui est très, très important dans ma vie, parce que même ici, je suis constamment impliquée dans des choses qui touchent le Rwanda. Mais il manque quelque chose, il me manque de vivre là-bas, enfin, voilà ce qui me manque. Voilà; c'est ça qu'il faudrait que je fasse à un moment donné, habiter là-bas. Puis voilà, avoir une expérience au Rwanda, et dire:: "Oui j'ai déjà vécu dans mon pays! " Mais je ne l'ai pas encore eu, et puis bon, ça arrivera quand ça arrivera, mais je sais que ça arrivera un jour. Voilà! Q.:: Est-ce que vous deux êtes ok à déménager ailleurs? R:: Alors, déménager ailleurs, oui. Moi et mon mari? Oui. On est très, très, très, très ouvert à cette idée. D'ailleurs on regarde même, on commence à voir, il y a des endroits où on a toujours voulu aller vivre, mais à chaque fois on repousse, on repousse, on dit on va le faire un jour, on va le faire un jour. Mais [...] oui, de plus en plus on veut que ce jour arrive, on veut concrétiser nos rêves, nos plans. Et on a pensé à, un des endroits qu'on a pensés c'est. le Brésil, on voudrait aller s'installer là-bas un jour, on ne sait pas quand. Deuxième endroit où on veut s'installer avec mon mari c'est le Sénégal. Je ne sais pas pourquoi; c'est une fascination que et lui et moi avons pour ce pays. Lui il est parti en vacances, moi je n'y ai jamais mis les pieds, mais on sait qu'un jour, on aimerait vivre là-bas. Moi j'aimerais aller au Rwanda avec lui, j'aimerais qu'il découvre le Rwanda. Je lui ai déjà montré l'Éthiopie, là je veux lui montrer le Rwanda et puis voir si... si voilà. Au moins avoir une expérience là-bas, peut-être quelques années, et puis on verra. Et voilà, donc on est très, très ouverts. Maintenant qu'il a la résidence permanente, on est plus, plus flexible, et maintenant qu'on est mariés, si on veut commencer notre vie maintenant là, aller, voyager et puis découvrir le monde. Ouin. Q.:: Est-ce qu'il y a des objets physiques qui vous rendent confortable? R:: Physiques...qui me rendent confortable? Hum, des objets? Oui, alors par exemple quand ma mère, elle vient d'Éthiopie, souvent elle nous emmène des gabi [inintelligible]. Des gabi c'est des ..., des couvertures faites en laine éthiopienne. C'est fait à la main, c'est très, très, très épais, et puis c'est très, très chaud; ça tient au chaud surtout en hiver. Alors ça, ça c'est direct, ça me ramène l'Éthiopie, ça me ramène encore les odeurs de l'Éthiopie quand ça vient, parce qu'elle est allée l'acheter au marché juste avant de prendre son avion. Donc c'est encore très... eh oui, ça, ça me rend très, très confortable. Q.u'est-ce qu'il y a encore? La cuisine, moi je dirais la cuisine. Ce n'est pas un objet physique vraiment. Mais la cuisine, la cuisine éthiopienne elle peut me... mais il y a un plat traditionnel, en fait c'est le plat par définition en Éthiopie, c'est l'injera [inintelligible]. L'injera c'est comme une pâte, une espèce de crêpe. Et puis tu le manges avec plusieurs sauces, et des légumes, et de la viande et tout. Donc tu prends ton petit morceau de crêpe et tu vas chercher des petits, tes petits ingrédients. C'est tellement bon ça, voilà. Ça c'est le truc que quand on arrive en Éthiopie, il faut qu'on aille dans un restaurant. On mange de la cuisine éthiopienne tout de suite. Q.:: Est-ce que vous savez comment faire ça? R:: Alors non, la pâte c'est compliquée, parce qu'il faut avoir une machine pour le faire. C'est une espèce de grosse machine. Et puis même la farine, c'est pas exactement la même farine, il y a une farine similaire que tu peux trouver ici, mais ce n'est pas exactement la même chose. Mais la pâte, tu peux trouver dans les épiceries; il y a deux ou trois épiceries qui font ça. Par contre les sauces, Oui j'en connais quelques-unes, mais pas beaucoup. Non, c'est très, très compliqué à faire, ça prend beaucoup de temps aussi. Mais ouin, ça, je te dirais un bon gabi là, avec un bon Injera, je suis très bien là. Mais encore tu as vu, c'est deux choses éthiopiennes qui me rendent confortable. Hum, j'essaie de voir quelque chose de rwandais qui pourrait me rendre... la musique rwandaise. La musique rwandaise est très, très bonne, très... même si je ne comprends pas tout ce qui se dit, mais la musique rwandaise oui, c'est quelque chose. Ouin, ça serait pas mal, ça. Q.:: Est-ce qu'il y a une couleur que vous pouvez associer à être chez vous? R:: Q.uelle couleur? Moi par nature j'aime beaucoup les couleurs vives, j'aime l'orange, le jaune, j'aime les couleurs d'été; les couleurs chaudes. Mais il n'y a pas une couleur en particulier qui me ramènerait à..., non. Ces couleurs-là, je les verrais; j'irais en Éthiopie, j'irais chercher des vêtements, je vais chercher les mêmes couleurs que moi j'aime, tu sais? Je vais essayer d'adapter mes couleurs avec. Mais non, il n'y a pas une couleur en particulier qui me rappelle chez moi. Q.:: Comment définirez-vous le mot "réfugié"? R:: Hum? Alors, le réfugié ce serait celui [réflexion],. celui qui quitte son chez-soi, justement son home comme tu dis, à cause de... à cause que ce soit à cause de violences, d'instabilité, de...Ah oui, celui qui est forcé de quitter chez lui. Oui, parce que souvent tu ne décides pas de quitter comme ça pour le plaisir de quitter, à moins que bon, tu veuilles voyager et tout ça, mais celui qui est forcé de quitter son chez-lui, son petit cocon là, familial. Q.:: Et comment définirez-vous le mot 'Q.uébécois'? R:: Hum? C'est vrai, j'ai toujours... pendant longtemps, j'ai associé le mot québécois à [...], celui qui habite, celui qui habite au Canada, au Q.uébec depuis plusieurs générations, ce qu'on appelle les Q.uébécois pure laine. Puis une fois, je ne sais pas à qui j'ai dit, avec qui je parlais, et puis on parlait d'un anglophone qui habitait à Montréal. Et puis, je ne sais pas, en parlant de lui j'ai dit:: "mais non, il est pas Q.uébécois". Puis la personne me dit::" mais pourquoi il n'est pas québécois?" J'y vais "mais non, il n'est pas québécois, il parle anglais". Et puis, c'est la même... en le disant, j'ai dit:: mais pourquoi, c'est vrai. Est-ce que québécois ça veut dire forcement parler français, être arrière grands-parents, arrière-arrière grands-parents qui sont nés ici, grandi ici? Ou québécois c'est quelqu'un tout simplement qui habite au Q.uébec? Et puis c'est là que ça m'a ...[inaudible, titlée?]. Pour moi pendant longtemps, Q.uébécois c'était le francophone pure laine, tout ça, le québécois. Ensuite, le reste on était des Montréalais, tu sais? Mais non, "Q.uébécois" moi je pense que, je définirais maintenant, j'élargis ça; Q.uébécois c'est des habitants du Q.uébec. Oui il y a les immigrants, mais moi je pense que les immigrants deviennent Q.uébécois aussi à un moment donné. Q.:: Q.uand? R:: Ah, ça c'est la question, ça c'est la question. C'est ça, est-ce qu'il y a une date, est-ce qu'il y a un nombre de jours que tu fais dans le territoire pour devenir Q.uébécois? Est-ce qu'au bout d'un an, on peut devenir Q.uébécois? C'est ça la question:: quand? Et ... parce que Montréalais-Q.uébécois c'est... Oui c'était, ça m'a pris du temps, mais je ne sais pas pourquoi j'ai fait ce rapprochement direct, alors qu'un anglophone qui est là depuis des années, qui a sa famille, ses deux parents aussi, pourquoi je l'appellerais pas Q.uébécois, tu sais? Fais que oui, non j'ai appris sur le tas et là maintenant voilà; Q.uébécois c'est celui qui habite ici depuis un certain temps, résident du Q.uébec. [Rires] Q.:: Vous, vous considérez-vous avant tout Canadienne ou Q.uébécoise? R:: Hum? Alors vu ce que j'ai dit avant ça, là je devrais dire que je me considère Q.uébécoise, mais je ne sais pas si je me considère Q.uébécoise. Ça devrait être ça, ça fait treize ans que je suis là, je devrais dire "Oui Sandra, tu es Q.uébécoise". Mais je ne sais pas; quand on me dit d'où tu viens, c'est pas le premier mot qui me vient. Je ne dis pas que je suis Q.uébécoise, je dis que je suis Rwandaise. Alors je dis Rwandaise, née en Éthiopie ou Rwandaise venue au Canada il y a... Toujours, je dis dans ma tête... c'est encore [comme ҫa]! Et même Canadienne, pendant longtemps, je me... je suis citoyenne canadienne depuis peut-être six ans, depuis deux-mille quatre [2004], mais je ne sais pas si je me sens encore entièrement Canadienne. Et quand est-ce que je le vois? Q.uand je vois par exemple les jeux olympiques, que le Canada joue, quand on gagne, là maintenant je dis on gagne, mais quand le Canada gagne, je ne me sens pas interpellée. Je ne me sens pas comme "oh mon Dieu, mon pays a gagné!" Non, je dis le Canada a gagné. Par contre, si je vois une équipe rwandaise ou une équipe éthiopienne, Oh My God,! je vais dire "Oh la la", je suis contente parce que bon, ils sont arrivés là et tout ça, mais oui.... Alors honnêtement je dirais que je me considère plus Montréalaise que Q.uébécoise ou Canadienne. Dans l'avenir peut-être, je voyage avec un passeport canadien, mais ce n'est pas encore arrivé là. Je ne suis pas encore rendu où je me sens complètement Canadienne; comme... je sais pas, comme Steven Harper [Premier Ministre du Canada] se sent Canadien [rire]. Je ne suis pas rendue là; j'aurais pu choisir un autre exemple [rire]. Ouin, je dirais Montréalaise. Q.:: Vos amis; est-ce que vous avez des amis francophones? Anglophones? C'est qui vos amis? R:: Alors, j'ai des amis anglophones et francophones. J'ai les deux. J'ai vraiment un peu des deux; j'ai hispanophones aussi de plus en plus à cause de mon mari, c'est qu'il a beaucoup d'amis latino-américains ici. Donc oui, j'ai un peu de tout; j'ai un peu de francophones, majoritairement je te dirais, majoritairement francophones. Parce que dans mes amis aussi il y a beaucoup de rwandais, donc on parle français habituellement plus, mais à côté de ça j'ai beaucoup d'amis anglophones aussi. Q.:: Q.ue pensez-vous des accommodations [accommodements] raisonnables ? R:: Hum! Alors ça, c'est toute une autre histoire. Mais en même temps, c'est intéressant de voir ça parce que ça a permis un peu aux gens de s'exprimer. Et ça c'est toujours une bonne chose, même si ce qu'ils disent n'est pas toujours très, très, très, très smart, très réfléchi, mais au moins ils ont un endroit où ils s'expriment; ça c'est une bonne chose. Maintenant, qu'on soit arrivé à ça, et surtout l'élément déclencheur aussi, ce qui a déclenché ces accommodements-là, je ne sais pas. Moi je trouve ça un peu, un peu extrême. Mais en même temps, est-ce que ça va empêcher les personnes de se sentir comme ils se sentent? Je ne sais pas. Est-ce que le fait d'avoir fait des accommodements, est-ce que ça va améliorer l'intégration? Est-ce que... ça on ne le sait pas encore, c'est encore tôt peut-être pour le voir. Mais ouin, moi je suis pour le fait qu'on donne la parole aux gens, mais en même temps, ça a aussi ses handicaps. Parfois tu entends de ces choses-là, et tu te dis 'Ah'. Tout ce temps en fait, voilà ce qu'ils pensaient, voilà comment ils se sentaient, voilà... Mais, mais je pense que c'est quelque chose qui vient avec le Canada, par exemple, qui est un pays peuplé par les immigrants, etc. Je pense que c'est quelque chose qui devait arriver, maintenant. C'est les circonstances ...comment c'est arrivé, tout ce qui a enclenché, tout ce qui est venu après, bon ça ce n'était pas non plus idéal, mais ouin. Mais il y a de bonnes choses qui sont sorties quand-même de ça, il y a beaucoup de bonnes, de bonnes solutions, bonnes idées qui sont sorties de ça, ça c'est bon. Mais voilà; là, c'est à double tranchant. Q.:: Q.ue voudriez-vous dire aux nouveaux arrivants si vous en aviez la chance? R:: Hum! Nouveaux arrivants? Alors déjà, de s'ouvrir à la culture, de s'ouvrir à Montréal, de pas rester ghettoïsés dans les petites communautés, dans les communautés que vous connaissez déjà. Moi je dirais de s'ouvrir le plus possible, d'apprendre à connaitre les collègues si vous travaillez, d'apprendre à connaitre. les collègues à l'école, de vraiment avoir de la soif d'apprendre, quand tu arrives dans un pays vraiment [...] Q.u'est-ce que je conseillerais aussi? Ah oui, de se renseigner aussi, parce qu'il y a tellement de ressources quand tu arrives. Ici on a accès à des ressources pour les immigrants, tout ça, et souvent on ne sait pas. Donc vraiment se renseigner, ne pas avoir peur de poser des questions. Aller demander à des organismes; il y a des organismes qui sont là pour ça et des fois on ne sait pas. Donc on ne le sait pas, pourquoi? Parce que peut-être on est trop fermé, on n'ose pas s'informer, non; moi je dis:: "Ouvrez-vous le plus possible". Essayez d'apprendre de l'autre, que ce soit un Q.uébécois, une autre personne d'une autre origine ou quoi; mais vraiment là, ouvrez-vous et puis les choses iront bien. Parce que ce n'est pas en arrivant ici qu'on va se renfermer; au contraire, on a la chance. Q.:: Et que voudriez-vous dire aux Q.uébécois si vous en aviez la chance? R:: Alors moi je dirais au Q.uébécois d'être tolérants, d'être accueillants, parce qu'ils ont un pays justement, qui accueille beaucoup d'immigrants. De ne pas avoir peur de l'immigrant, de [...] le mettre à l'aise en fait. De l'accueillir, mais vraiment! Déjà le peuple québécois est connu pour être un peuple accueillant, donc déjà ça, on part avec de bonnes bases. Mais parfois aussi on voit des cas de, ... oui t'as l'impression d'être bien accueilli, mais en même temps, voilà, il y a comme un double jeu. Devant toi on va te montrer que tu es très, très bien, mais derrière toi la, hum! C'est genre, on reste éloigné là, on se... Donc vraiment de mettre la personne à l'aise, surtout cette personne-là qui arrive, elle a laissé des choses là-bas, elle a laissé toute une vie et puis elle arrive pour différentes raisons. Pas forcément des raisons difficiles, mais déjà... c'est déjà dur d'arriver dans un nouveau pays. Alors si en plus en arrivant dans ce pays-là, il ne se sent pas bien accueilli, mal à l'aise et puis victime de discrimination, de racisme etc., bon ça, ça rend les choses beaucoup plus difficiles. Alors vraiment je dis aux Q.uébécois, tu sais accueillez-les, la diversité c'est une richesse. On peut apprendre de l'autre, ne pas avoir peur de l'autre; c'est ça que je dirais. Q.:: La culture, ça veut dire quoi pour vous? R:: La culture, hum? Alors ça implique, ça englobe beaucoup de choses. Ça englobe, la langue, moi je trouve que la langue est l'élément majeur d'une culture; c'est la langue, c'est les coutumes, la cuisine, les habitudes, les habitudes alimentaires là. La culture? En fait c'est tout ce qui te définit aussi, qui t'a été transmis. Souvent c'est difficile à vraiment nommer, c'est vraiment très abstrait, mais moi je pense que, voilà, c'est une combinaison de tout ça, la culture, une langue, les meurs, les coutumes typiques de ce pays ou de cette culture-là, Ouin! C'est comme un mot, mais qui englobe beaucoup de choses. Q.:: Comment vous décrivez, vous définissez-vous? R:: Ah moi? Comment je me décris? Alors, je dirais que je suis une femme, Rwandaise, née en Éthiopie, qui vit au Canada depuis treize ans. En gros ce serait comme ça que je me définis. Mais aussi je pourrais me définir en disant, je suis citoyenne du monde aussi, je me définis comme ça. Des fois je me définis comme journaliste, parce que c'est ça ma formation. Et puis parfois aussi j'ai du mal à me définir comme ça. Je me définis aussi comme faisant partie de la diaspora rwandaise. Je me définis comme une immigrante. Je me définis aussi parfois comme une minorité visible, selon les critères ici. Comment je me décrirais?. Je suis une personne aussi très, très curieuse de nature, passionnée, voyageuse, avec une petite âme d'artiste aussi. J'ai un petit côté d'artiste qui sommeille en moi, enfin il dort profondément, mais j'ai un petit euh... j'ai une fascination, j'aime la musique, j'aime la guitare, ouin. Ouin, j'ai, ouin je suis euh... voilà c'est comme ça que je me définirais en gros là. Ce serait les grandes lignes. Q.:: Et, quand vous avez dit que [inaudible], ... "minorités visibles", est-ce que vous avez vécu, aperçu des différences ici ou vécu quelque chose à cause de ça? R:: Ce n'est pas quelque chose qui arrive tous les jours, c'est pas quelque chose... voilà, je suis... je suis une victime ; non, c'est pas quelque chose de courant, mais il y a des situations très spécifiques ou s'est arrivé déjà. Un exemple qui me vient à l'esprit par exemple, c'est les appartements. Q.uand on venait d'arriver au Canada, en quatre-vingt-dix-sept [1997], on a cherché un appartement avec mon père, ma belle-mère, ma sœur, et je me rappelle que, il y a un appartement où on avait appelé, on avait dit qu'on était intéressé etc. Tout allait bien, eux autres aussi étaient contents parce qu'au téléphone, ils ne savaient pas qui était qui. Mais à partir du moment où on est arrivé à l'endroit, Ah comme par hasard, c'était déjà loué! Alors ça, c'est arrivé plusieurs fois, et on a poursuivi en justice d'ailleurs cette personne-là. Mais, qu'est-ce qu'on a vu? Oui, tu le sens pas, tu le sens pas au quotidien, vraiment là ici, moi je trouve que voilà, on te met à l'aise, c'est vraiment "tu viens d'où? Machin-machin", mais des situations là, par moment tu sais, c'est vraiment anodin; c'est peut-être une fois l'année, ou comme ça. Ou quand ça va mal, avec un voisin par exemple; si ça va mal, un voisin est fâché contre toi, la première chose qu'il va te dire c'est "retournez chez vous". Oui, ça, c'est déjà arrivé; et c'est drôle, ce n'est même pas à moi qu'il disait ça, c'était à mon mari, à Nil qui est, lui il est moitié français, moitié dominicain, bon il a l'air un peu plus basané, il a l'air... bon il se fait passer souvent pour un arabe, mais c'est ça. Une voisine un jour, fâchée, mauvaise humeur:: "Ah, retourne-donc chez vous!". Alors souvent voilà, c'est quand il y a un petit truc qui va pas, ou un petit problème, là c'est là que le côté pas raciste, mais pas très ouvert là, il revient. Une autre anecdote qui est arrivé récemment encore, c'est quand on a déménagé dans notre nouvel appartement. Et là on a un voisin juste à côté. On faisait un petit get together, un petit, une petite fête, mais vraiment très petite, avec des amis et tout ça. Il était 10h, un vendredi, là il y a mon mari qui parle avec un ami à lui, devant l'entrée, devant l'entrée de la maison, comme sur le balcon; ils jasent. Ils jasent en anglais. Il est 10h. Alors, le voisin à côté qui crie:: "arrêtez de parler" ... qu'est-ce qu'il a dit? Au début il a dit, "arrêtez de parler, j'essaie de dormir". Ok fine, on arrive dans le quartier, donc on ne connait pas très bien les gens puis les caractères et tout ça. Ok, mais il est 10h et on est vendredi là; c'est bon, ce n'est pas... Mais moi ce qui m'a dérangé, c'est ce qu'il a dit après; c'est "arrêtez de parler en anglais, asti arrêtez de parler en anglais, parlez-donc français". J'ai fait ok, ça c'est vraiment bizarre. Donc on est chez nous, dans notre appartement, donc le problème c'est pas qu'on parlait fort, mais il avait, il était encore plus frustré qu'on parlait anglais. Ça, ça me dépasse; on ne peut pas parler la langue qu'on veut chez nous? C'est quoi là? Et cet ami-là, il parle français, mais il ne parle pas très bien, il est anglophone tu vois! Donc chaque fois qu'on le voit, on parle l'anglais. Et là ça m'a quand-même choquée,. tu vois, ça veut dire Oh la la; ça veut dire que les voisins à côté ne sont pas très, très ouverts, non seulement aux anglophones, mais peut-être qu'ils nous aiment pas beaucoup non plus, on sait pas. Donc il y a de petits incidents par-ci par-là qui montrent des fois le vrai côté un peu des personnes aussi, mais dans l'ensemble franchement, non, on ne se plaint pas. On ne se plaint pas; quand mon mari me parle de son expérience en France, il n'y a rien à voir, il n'y a rien à voir, vraiment là ici on est au paradis. Là-bas c'est grave, là-bas c'est tous les jours qu'on te le dit, c'est partout ..., c'est vraiment omniprésent le racisme. Ah oui, oui, oui, ah oui, vraiment. Je ne sais pas, c'est vraiment deux choses différentes donc, mais oui ici on a de petits incidents, mais oui, ça c'est des incidents de la vie de tous les jours, mais c'est rare. Franchement c'est très rare. Q.:: Est-ce que vous remarquez une différence entre la vie ici et la France? R:: Hum! La vie ici et en France? Q.:: Non, non. Juste ici au Q.uébec, au paysage? R:: Ouais. Alors, moi je ne connais pas beaucoup de villes ici, mais j'en connais quelques-unes dans le Q.uébec, sinon je connais les grosses villes, Toronto, Ottawa, machin. Mais à Q.uébec par exemple, j'ai remarqué qu'il y a déjà moins d'immigrants qu'ici à Montréal, donc les gens sont moins confrontés à l'immigration et à la différence, donc j'ai vu que bon, les gens étaient un peu plus froids. Ils étaient un peu plus froids qu'ici à Montréal. Dans les régions, j'ai fait Tadoussac, Malbaie, Trois-Rivières, Joliette et tout ça. Moins, oui j'aime bien, mais tu vois que c'est différent de Montréal. Les gens te regardent parfois, genre qu'est-ce qu'il fait. Bon, déjà c'est des petits villages, donc ils savent que tu n'es pas de là-bas, donc on te regarde beaucoup. Alors quand tu n'as pas la même couleur qu'eux, ils te regardent encore plus, mais moi ça m'a jamais dérangé. Moi, me regarder il n'y a pas de problème, mais c'est me parler, me dire des choses pas correctes, là ça va me chercher. Non, Montréal on est vraiment bien à l'avance, oh Oui! Q.:: Où est-ce que vous sentez-vous le plus à l'aise? R:: Je dirais au Canada, à Montréal. Q.:: Est-ce qu'il y a un espace [inaudible] ? R:: Où je me sens à l'aise? Q.:: [Inaudible] ? R:: Je dirais la maison familiale. On a une maison, mais ma maman a acheté une maison il y a quelques années et puis c'est là-bas que j'ai passé quelques années, 4-5 ans. Et chaque fois que ma mère revient, c'est là-bas qu'elle loge, c'est là que ma sœur habite maintenant, donc c'est un peu l'endroit où on se retrouve tous chaque fois. Et là c'est vraiment, je pense que, s'il y avait un endroit qui symbolise notre enracinement justement au Canada, ce serait cette maison. C'est vraiment la première maison qu'on a eue ici, pas une maison que tu loues, mais une maison vraiment. Je dirais que ce serait là. Q.:: Q.ue pensez-vous de la loi 101, et du problème de la langue? R:: Oui, ça c'est aussi une autre particularité de Montréal. Au début j'ai pas cerné, je n'ai pas compris tout ça quand je suis arrivée, mais après ça... c'est ça; tu entends parler des choses, des personnes qui se plaignent parce que l'anglais n'est pas assez gros, le français ce n'est pas assez petit, en tout-cas! Donc on a vu que vraiment c'était quelque chose qui tenait, qui était important en arrivant ici, mais ça, tu ne le vois pas au début. Q.uand tu arrives, non en tout cas, moi j'étais jeune aussi, mais au début tu penses que tout est beau, tout est bilingue, mais après voilà, tu vois d'où ça vient aussi. Là tu comprends un peu pourquoi le français se sent menacé. par exemple, tu ... Oui! Mais en même temps, je trouve que des fois on en fait trop. Ça devient trop polémique là. Oui c'est vrai, il y a des choses qu'il faut faire, c'est vrai qu'il faut protéger le français parce que bon, on est la seule province, blablabla, mais il ne faut pas non plus perdre, passer trop de temps là-dessus tu sais. Des fois ils font de grosses salades pour de petites choses, mais en même temps je me dis peut-être que j'aurais réagis comme ça si j'étais dans cette situation. C'est à dire, si je me sentais menacée, si je sentais que ma langue était menacée; mais je ne me sens pas interpelée par ça, pour moi les deux langues sont aussi belles, sont aussi importantes, je les parle toutes les deux. Moi je ne me sens pas interpellée, oh la la, je sens que le français que je parle va disparaitre à un moment donné. Non, je pense que ça fait partie de la mondialisation aussi. Tu sais, on vit dans un monde où les choses changent, et puis l'anglais commence à être... j'ai un rapport quand-même assez spécial, mais j'ai de plus en plus compris l'enjeu et comment c'était important ici. Et je respecte ça; franchement je respecte, mais il ne faut pas trop passer le temps là-dessus. Ouin, il y a d'autres choses qui sont plus importantes [rire]. Q.:: Si vous aviez un souhait pour le futur du Q.uébec, qu'est-ce que vous allez dire? R:: Moi le futur de... ben c'est un souhait, mais c'est surtout une réalité, c'est que le futur du Q.uébec va être très, très métissé. Métissé, mélangé vraiment. Mais alors un mélange de tout; je pense que d'ici 1dix-quinze-vingt ans, on va voir de tout comme mélange ici, et déjà ça commence. Moi je rencontre des personnes, des couples mais c'est hallucinant; je n'ai jamais entendu des mélanges comme ça. C'est juste à Montréal, au Q.uébec que tu entends cela, donc ça c'est spécifique à Montréal. Maintenant ce mélange de cultures va pas, va peut-être pas aller au-delà de Montréal, mais dans le reste du Q.uébec, mais pour Montréal, moi je parle pour Montréal, ce que je souhaite c'est qu'il y ait tellement de métissage qu'on ne parle plus de Q.uébec, de "Q.uébécois pure laine", tu sais, versus les autres, tu vois? Parce que c'est de la beauté, on est tellement chanceux d'habiter dans une ville comme ça où tu rencontres de tout, mais vraiment de tout partout, que j'aimerais qu'on bénéficie de ça; que ça soit une richesse, plus qu'on problème. Ouin, moi je pense que d'ici quinze, mon Dieu, peut-être cinquante ans, d'ici cinquante ans, la démographie québécoise, enfin montréalaise, va être complètement différente et c'est ça qui va être la beauté. Tout le monde sera tellement mélangé que tu seras plus, on sera tous... et voilà! Citoyens du monde, voilà! Q.:: Et si vous aviez un souhait pour le futur de l'Éthiopie; que serait-il? R:: l'Éthiopie? Ah, c'est tellement un beau pays. C'est un beau pays, qui se développe beaucoup, beaucoup. Q.u'est-ce que ce serait mon souhait pour l'Éthiopie? Mais... que ça reste aussi calme. Ces dernières années, ça a été très, très calme; on a eu de petites tensions dans les années quatre-vingt-dix - quatre-vingt-onze [1990-1991], entre l'Érythrée et l'Éthiopie, il y avait une petite guerre, mais là ces derniers temps ça va très bien. Ouin il y a de petites tensions avec la Somalie; mais ça, ce n'est rien de grave. Mais j'aimerais que ça continue d'être bon, à se développer comme il faut, qu'il n'y ait plus de sécheresse aussi, parce que ça, la sécheresse, ça guette beaucoup, surtout certaines régions d'Éthiopie. Q.ue ce beau pays reste à l'abri de toutes les catastrophes qu'il peut y avoir, qu'il n'y ait pas ça, et voilà! Q.ue ça reste aussi beau, et, ah oui, que son histoire soit conservée aussi, parce que c'est tellement riche en histoire ce pays-là, mais souvent on ne se rend pas compte. On entend seulement le négatif, on entend la famine, on entend les problèmes qu'il y a eus, on entend Éthiopie on voit "We are the world". de Michael Jackson. On voit tout ça alors qu'il y a tellement, tellement plus que ça; il y a des années, des années, des siècles de richesse culturelle, historique et on ne voit pas parler de ça. Alors mon souhait ce serait qu'on entende plus parler du beau de l'Éthiopie. Q.:: Et pour Rwanda? R:: Euh, pour Rwanda! Bon, déjà, qu'on soit à l'abri de tout ce qui s'est passé dans le passé. Est-ce qu'on est vraiment à l'abri, je ne sais pas, mais j'espère que ce qu'on a connu en quatre-vingt- quatorze [1994], et même avant, ne se reproduise plus. Q.u'on parvienne à vivre ensemble, sans s'entretuer. Alors qu'on continue à se développer; le développement économique, tout ça, ça se passe très bien, que ça continue comme ça. Et que, ...un jour, quand on va dire::"je viens du Rwanda", on ne va pas tout de suite penser au génocide, qu'on pense à autres choses, tu sais? Parce que souvent maintenant c'est ça, tu dis Rwanda c'est "Ah oui, t'étais où en quatre-vingt- quatorze [1994] "? Non, maintenant je veux que ça soit autre chose. Voilà ce que je souhaite [rire]. Je suis émue. Q.:: Dans l'histoire du Rwanda, est-ce qu'il y a des silences dans l'histoire, des choses qu'on dit pas? Est-ce qu'on parle assez franchement de l'histoire? R:: Bien non, tu vois on ne parle pas beaucoup, on n'a pas beaucoup parlé de l'histoire. Il y a beaucoup de gens qui disent que, quand quatre-vingt- quatorze [1994] est arrivé, je ne savais pas là qu'est-ce qu'il y avait derrière tout ça. Il y a des personnes qui étaient surpris par quatre-vingt- quatorze [1994], des plus jeunes; les plus âgées le savent, ils connaissent, mais ça n'a pas été transmis comme il faut à la génération plus jeune, aux générations plus jeunes. Et souvent c'est pour ça que, beaucoup étaient comme... mais qu'est-ce qui s'est passé? Et puis ils questionnent les parents après, après les massacres, c'est là que les gens disent::"mais comment tu ne m'as jamais dit ça, comment tu m'as jamais parlé de ce que vous avez vécu, etc.?" Donc ça se transmet pas suffisamment, mais maintenant de plus en plus, pour ne pas que ça se répète, pour ne pas que ça recommence comme avant. Donc c'est seulement maintenant qu'on parle de notre histoire; moi j'étais toujours fascinée quand je voyais des amis à moi qui connaissaient leur histoire, mais genre bien là! Ils connaissaient les détails, ... mais vraiment les dates importantes de l'histoire de leur pays, puis moi j'étais un peu complexée avec ça, parce que, oui je connaissais les grandes lignes, mais c'est tout. Je ne connaissais pas en détails; des fois ils me posaient des questions sur mon pays, hum je répondais mais vraiment vaguement, tu sais. Et là, et là je vois d'où ça vient, c'est qu'il n'y a pas eu ... les parents ont connu des violences et ne voulaient pas transmettre ces violences-là, ces histoires de violence aux enfants; ils voulaient les épargner. Tu sais, ils disaient:: "non, tu n'as pas besoin de savoir ce que j'ai vécu, mais oui on a besoin de savoir, parce que ça fait partie aussi de notre histoire". Donc oui, moi je dirais, il y a beaucoup de silences, des silences qui ont été très dangereux, mais c'est quelque chose qui essaie de changer. Et justement, c'est pour ça que je trouve des projets comme "Histoires de vie, Histoire orale", c'est crucial; c'est très, très important de continuer d'en faire beaucoup, beaucoup, beaucoup sur des thèmes différents, de faire parler les gens. Et un autre truc aussi, c'est que dans la culture rwandaise on ne parle pas beaucoup. On est un peuple... on parle beaucoup des gens, mais on ne parle pas beaucoup de nous, de comment on se sent. On n'est pas un peu très expressif, non... Vraiment; il y a beaucoup de non-dits, même dans la culture, même dans les proverbes, même dans le... Tu ne sais jamais ce que l'autre pense, parce que l'autre va te montrer une façade comme si tout allait bien, mais tu ne sais pas ce qu'il y a derrière. Et ça c'est un problème aussi; et donc comme des projets comme ça, d'Histoire orale, des projets où les personnes ont l'occasion, on leur donne l'opportunité de raconter leur vie. , ça on en a plus besoin au Rwanda que partout ailleurs. Oui, il faut qu'on apprenne à parler plus, puis se parler aussi. Oui, oui je dirais ça. Q.:: Q.ue pensez-vous de [film?] [...inaudible] idéal au sujet des survivants de génocide? [Inaudible]? R:: Hum! Alors les films, les films! Bon ça dépend, il y a des films... Il y a vraiment deux types de films: il y a des films type sensationnels, à la Hollywood, qui sait nous peindre un portrait très mannequin, très blanc-noir, très facile je pense. Les méchants versus les gentils, et puis là-dedans il y'a forcément, quelque part dans l'histoire, il va y avoir un occidental dans le film, qui va venir sauver un peu, qui va contribuer, en tout cas. Souvent c'est peint comme ça. Mais à côté de ça, de plus en plus, il y a de plus en plus de films européens, rwandais, qui montrent d'autres aspects, d'autres aspects du génocide, qui sont un peu plus recherchés, un peu plus travaillés, qui t'apprennent quelque chose. Tu sors de là, tu as l'impression d'apprendre une partie de l'histoire. Mais c'est ... ce genre de films là je les encourage; je pense qu'il devrait y en avoir de plus en plus. L'autre chose aussi qui arrive beaucoup, d'ailleurs on en parlait avec une amie récemment, c'est des Occidentaux, Américains surtout, qui viennent au Rwanda et qui volent des idées de scénario, écrits par des Rwandais. Donc il y a des Rwandais qui n'ont pas forcément des moyens de faire un film, le financement etc., mais qui écrivent des scénarios. L'américain va venir, va lire son scénario, il va le piquer. Il va le prendre, et puis ce qui arrive c'est que, le Rwandais va lui donner sans problème, parce qu'il dit "oh, lui, il sait mieux que moi; lui, il peut faire mieux que moi. Il a plus de moyens que moi, donc je vais lui donner mon scénario, je vais..." Et puis là, l'autre... le scénario, il change bien sûr, parce qu'il faut que, il faut qu'il soit adapté pour le public américain. Et ça c'est quelque chose qui arrive de plus en plus au Rwanda il paraît. Et ça c'est dommage, parce qu'il faut laisser les Rwandais raconter leur histoire, parce que..., qui mieux connait? Tu sais, ils sont les mieux placés pour connaitre ce qui s'est passé. Alors, oui, donc plus de films faits par les Rwandais, pour les Rwandais. Dans les médias, on n'en parle pas assez encore, sauf quand on parle de la commémoration, quand on parle des élections; donc quand il y a un gros point-là, on va en parler, mais non, sur ce point-là, les médias ne font pas de très, très bon travail dans l'ensemble. Bon t'as des media, il faut aller chercher, mais dans l'ensemble il y a encore du travail à faire. Q.:: Est-ce qu'il y a des chansons, des berceuses, des proverbes, des "n'importe quoi" qui vous rappellent chez vous? R:: Oui, oui il y en a beaucoup. Q.:: Est-ce que vous pouvez partager? R:: Oui, par exemple quand j'écoute du Cécile Kayirebwa, c'est une chanteuse rwandaise très connue, Cécile Kayirebwa, quand j'entends sa musique, direct je suis replongée à Kigali. Ça me rappelle les vacances. Q.uand j'écoute la musique éthiopienne, très, très, très connue, ou bien des standards de la musique éthiopienne, direct ça me replonge en Éthiopie. Oui, la musique, pour ça elle est très, très puissante pour faire ce genre de choses. Des berceuses, oui, des berceuses il y en a beaucoup que ma mère nous chantait, qu'on a chantées à ma petite sœur; tsé; qu'on a transmis là! Des berceuses surtout éthiopiennes, mais c'est que quand on était petites, c'est là-bas qu'on était, pendant notre jeune âge, donc beaucoup de berceuses éthiopiennes. Des proverbes... Q.:: Est-ce que vous pouvez peut-être chanter les berceuses? R:: Oui, enfin, une berceuse, celle à laquelle je pense c'est... en fait il n'y a même pas de paroles, vous voyez c'est Ishur. Alors comment on fait, c'est quand le bébé dort,. donc on dit: "Ishuru rururu" ... [elle chante]". Alors nous on ajoutait bébé, je ne sais pas si c'était dans la chanson, mais nous on a mis. Et puis, on chantait ça à ma petite sœur et on disait: "[chant]...Stephy". Donc on dit le nom du bébé [elle chante]. Alors tu répètes ça lentement et ça berce. Au bout de quelque temps-là, tu pars et tu dors comme un bébé. Ouin, ça c'est celui qui me vient à l'esprit là. Il y en a pleins d'autres. Q.:: Est-ce que vous pouvez faire ça encore, mais sans arrêter entre les... ? R:: ... d'accord! [elle chante]. Ça c'était la petite, parce qu'elle était vraiment petite. Voilà, en gros c'est ça [rires]. Q.:: Avez-vous d'autres poèmes, d'autres berceuses, ou... des histoires peut-être? Des légendes ou une histoire de quelque chose? R:: Hum! Ah moi, ce qui me vient à l'esprit c'est, il y avait un, une émission de télé en Éthiopie. Un monsieur qui s'appelait Abeba Asfaw; Abeba Asfaw. Et lui il avait une émission de télé, je sais plus si c'était samedi ou dimanche, mais c'était euh, c'était [...] notre église là; c'était, on ne pouvait pas rater ça. Et alors il venait devant l'écran et il parlait devant la télé; donc c'est comme s'il nous parlait. Et puis il venait et dit: "voilà, bonjour les enfants, aujourd'hui on va parler de cette histoire, je vais vous raconter l'histoire de ça". Et puis c'était toujours de belles histoires d'enfants là... que tu sais? Tu attends là, tu regardes ça puis tu attends la suite et tout. Et puis là ce qu'il disait c'était, avant de commencer il disait "ok, alors vous, toi là-bas, pousses-toi à droite", et nous on le faisait, devant la télévision on se mettait à droite! Il fait "ok toi, ok recule un peu, ok toi le grand assieds-toi un peu". Donc lui il parlait à la caméra, mais nous on était convaincu qu'il nous parlait. Donc il nous dit à droite, tout le monde va à droite, on se lève, il nous dit... on fait tout ce qu'il dit. Puis après, il nous assoit, "ok maintenant vous êtes prêts pour la chanson?" Oui on est prêt pour la chanson. "Pour l'histoire?", "Oui on est prêt pour l'histoire". Alors "il était une fois, ..." Il avait toujours la même façon de commencer l'histoire, et c'était un vieux monsieur; aujourd'hui il est encore vivant, aujourd'hui il vend des DVD de ses émissions à l'aéroport [rire]. La dernière fois, j'arrive en Éthiopie, je le vois, mais je te jure c'était comme une star pour moi là. C'était "Abeba Asfaw", j'ai vu Abeba Asfaw à l'aéroport tu sais, et c'était, et c'était magique. Ces moments-là, ouh des histoires; comment ça s'appelait Abeba Asfaw? Il me semble qu'il y avait un nom de son émission. Je ne sais pas si c'était son nom à lui, mais j'ai oublié. Mais ça c'était les plus belles histoires; il les racontait en plus avec beaucoup de passion, il y avait des dessins des fois et tout. Waw; oui je tripais. Q.:: Est-ce qu'il y a des gens qui parlent de chez-soi ou de chercher chez soi? Des idées de contes ou de partir de haut, mais revenir? R:: Wow, bonne question ça. Je sais que ma maman nous sort souvent des proverbes, mais je n'arrive pas à les retenir parce que c'est du kinyarwanda tellement compliqué que même si t'arrives à le répéter une fois, après tu oublies. Parce que c'est, les mots sont, surtout que c'est des proverbes, donc c'est très, très raffiné, très recherché. Mais je sais qu'elle les sort, il y en a quelques-uns qu'elle sort dans des situations précises tu sais. Puis elle dit "Ah, vous savez au Rwanda, on dit ça... " et puis il y a les mêmes proverbes qui reviennent régulièrement, et puis souvent même, on finit par, quand elle les dit on en connait. On n'est pas capable de les dire nous parce que c'est long, mais on les reconnait. Et puis souvent ma mère faisait ça, et même encore aujourd'hui. Encore aujourd'hui, même pendant ses vacances, elle nous a sorti 2-3 proverbes par-ci par-là, où elle dit euh, très... qui viennent au bon moment.. C'est dans une situation précise où elle dit: "Ah mon Dieu, en tout cas au Rwanda on aurait dit ça, ça, ça, parce que ..." Et puis j'adore toujours ces petites... même si je n'arrive pas à les retenir. Donc à chaque fois je dis, la prochaine fois, maman écris-moi ça, comme ça je le vois et puis j'apprends. Mais ce n'est jamais le bon moment, tu sais c'est blablabla, au Rwanda on dit blablabla et je suis comme ok! Mais, oui, souvent elle sort ça et puis c'est des proverbes tellement, tellement puissants et souvent c'est dur de les traduire, parce que c'est des notions même qui n'existent pas en français. C'est des... c'est vraiment dur à traduire et justement elle, elle a du mal à traduire, donc elle nous le traduit en français, comme l'équivalent en français, mais ce n'est jamais exactement ça. Parce que, c'est là que tu vois la richesse d'une langue; quand tu n'arrives pas à traduire certaines choses, c'est que... Oui! Donc, des proverbes de ma mère, mais est-ce que, ce n'est pas forcément référence au chez-soi, c'est vraiment des proverbes en général, mais il y a rien qui me vient à l'esprit là maintenant, vraiment liée à l'appartenance au chez-soi. Peut-être ça va me venir après la, je te dirai... Q.:: Est-ce qu'il y a d'autres choses que vous aimeriez rajouter? R:: Hum! Q.u'est-ce que j'aimerais rajouter? Oui, s'il y a une chose que j'aimerais rajouter, ce serait de l'implication des jeunes dans, au sein de la diaspora que nous sommes ici à Montréal, je pense qu'il y a beaucoup de choses qu'on peut faire, parce qu'on est un grand nombre et tout ça. Mais bon, c'est toujours les mêmes qui s'impliquent, c'est toujours les personnes plus âgées. Mais il faut trouver un moyen d'impliquer nos jeunes et puis trouver des choses aussi qui pourraient les intéresser, parce que eux c'est surtout la vidéo, la vidéo, les entrevues; un projet comme ça par exemple c'est parfait pour des jeunes. Et surtout je pense que nous, pour des personnes qui avons eu la chance de ne pas être là-bas en quatre-vingt-quatorze [1994], on a encore un rôle, pas un rôle, un devoir, c'est encore plus important. Pourquoi? Parce que, certains diraient qu'on est des survivants quand-même, même si tu n'étais pas là-bas, tu es une survivante, pourquoi? Parce que tu as perdu beaucoup, parce que si tu étais là-bas tu serais aussi morte, ou génocidé? Mais parce que, les personnes qui l'ont vécu, elles, on ne peut pas leur demander beaucoup, parce que c'est déjà difficile pour eux. Donc par exemple les commémorations et tout ça, il y a des personnes qui sont très, très impliquées, qui sont là à chaque fois, chaque année; ils sont impliqués à chaque année, et c'est des personnes qui ont vécu ça; donc tu t'imagines comment ça doit être dur pour eux! Et à côté, il y a des personnes comme nous, qui avons eu la chance de ne pas être là, et il y en a certains qui ne font rien. Et moi je trouve que, c'est à ces gens-là de... parce que nous, on n'a pas des cauchemars; nous au mois d'avril, quand le mois d'avril arrive, on n'a pas des problèmes psychologiques; il y en a qui sont restés avec des problèmes psychologiques, mais voilà; comme on n'a pas tout ça, on a un devoir encore plus important de les soutenir pendant les moments difficiles. Et même pas forcément en avril, même tout le long. Je pense que tout Rwandais qui a eu la chance d'être en vie, d'être loin du Rwanda pendant le génocide, doit contribuer, doit aider, doit être là, doit même organiser toutes les commémorations. Toutes les activités doivent... vraiment on a un rôle encore plus, à cause de justement cette chance qu'on a eue. Ce n'est pas une chance, mais en même temps, c'est ça, il faut qu'on... donc c'est ça, mon message ce serait "Voilà, si vous avez eu de la chance de ne pas être là au Rwanda, pensez à tous les gens qui étaient là justement, et qui, pour qui c'est difficile à chaque fois de repasser par cette époque, et tout ça, de pas dormir pendant tout un mois. De repenser à ça; il faut qu'on soit présents pour ces gens-là, et puis qu'on les aide à passer à travers et puis, voilà!" Parce qu'on a toutes les capacités nous, on n'a pas été affecté directement là, donc on a un peu plus de moyens pour... tu sais. , les encadrer, les aider, faire des choses; être là. C'est ça que je dirais. Voilà, ce serait mon message. Q.:: Q.uelque chose d'autre? R:: Hum! Il y a quelque chose d'autre qui me vienne? Un message de paix, un message d'amour, un message de ... Q.:: Peut-être un espoir pour Life Stories Montreal? Q.uelque chose au sujet de ce projet? R:: Hum! Ce projet ... m'a, je ne dirais pas m'a transformée, parce que bon... déjà avant d'arriver dans le projet j'avais quand-même cette conscience un peu de... de ce qui s'est passé et tout ça, mais ce projet m'en a appris beaucoup plus sur mon pays, sur mon peuple, sur moi, sur ma famille, j'ai fait une entrevue avec mon père, sur ... Et ce projet est tombé à un moment très, très parfait dans ma vie, je me cherchais tout ça et là j'ai embarqué dans l'histoire orale, parce que je vais continuer dans l'histoire orale peut-être, parce que je vais revenir en journalisme, je sais pas, mais pour le moment je trouve que ça a été trois années magnifiques. De très, très belles années de ma vie. Et Oui. Je souhaite longue vie, en même temps, le projet va finir en 2012, donc ce n'est pas vraiment longue vie, mais j'espère que ça va se terminer très, très bien, qu'on va atteindre nos objectifs, et que ça va léguer, que ce projet va léguer une richesse très, très importante à la communauté montréalaise. Parce que c'est très, très, les cinq cents entrevues qu'on veut ramasser; l'impact et puis la richesse de ces entrevues là c'est inimaginable. Donc je suis très, très heureuse d'être arrivée par ici, grâce en partie à Lisa Ndejuru. C'est Lisa qui m'a parlé de ce projet; la première fois, c'est elle qui m'a dit:: "Oui, je suis impliquée dans un projet qui s'appelle CURA et tout". J'ai fait ok. "Si ça t'intéresse et tout", donc elle m'a mis en contact avec Steven, je suis arrivée, mais je ne savais pas que j'allais rester trois ans. Je ne savais vraiment pas, et là je me dis "Wow", j'en ai appris énormément sur mon pays, mais aussi les autres: les Cambodgiens, les Haïtiens. Vraiment là, c'est une très, très bonne équipe, et je suis contente d'avoir fait partie en tout cas. Q.:: Et? R:: Et le mot de la fin? Alors merci, merci de m'avoir fait ma première entrevue d'histoire orale. Et c'est bizarre d'être de l'autre côté de la caméra, comme je te disais, d'habitude c'est moi qui fait l'entrevue ou qui filme. Et ça a été une bonne expérience! Oui j'ai vraiment aimé et peut-être parce que voilà, j'étais très à l'aise avec toi aussi, c'est sûr que ça joue beaucoup. Merci beaucoup Jenny! Q.:: Merci beaucoup à toi..
"oh la la, on aimerait avoir une mère cool comme la vôtre!" Donc, vraiment un rapport très ... voilà, d'amis, et en même temps on se confiait à elle, et justement ça évitait des problèmes, bien de mauvaises expériences. Très ouverte, très affectueuse aussi, tu sais, elle exprimait ses sentiments; ce n'est pas une mère renfermée, froide, non ... elle est adorable. Q.:: Est-ce qu'elle travaillait? R:: Oui, alors quand j'étais jeune, oui, elle travaillait. Oui mes deux parents travaillaient en fait quand on était jeune. Oui, elle travaillait dans... elle était secrétaire aux Nations Unies. Je me rappelle, il y avait un département des Nations Unies qui était, qui est toujours en fait en Éthiopie, ça s'appelle la CEA, la Commission Économique pour l'Afrique. Elle travaillait là, et mon père aussi travaillait quand on était ... quand on était plus jeune. Lui, il travaillait dans une autre compagnie, ça s'appelait l'ILKA, je ne pourrais pas te dire ce que ça signifie vraiment, mais c'est encore un organisme international. Q.:: Est-ce qu'il lui était arrivé d'être au chômage? Ta mère? Ton père? R:: Est-ce qu'ils étaient au chômage? Q.:: Oui, une fois? R:: Une fois dans leur vie? Q.:: Oui? R:: Eh bien, au chômage oui, mère elle était au chômage, mais c'était un chômage voulu un peu, parce que quand on a quitté, la première fois qu'on a quitté l'Éthiopie... Donc moi je suis née en Éthiopie en quatre-vingt [1980], on a quitté la première fois l'Éthiopie, on était en quatre-vingt-huit [1988]. Donc à huit ans, on déménage, on va en Libye, parce que mon père a eu du travail là-bas. Il était déjà là-bas depuis un an ou deux, alors ma mère a dû quitter son poste en Éthiopie pour qu'on aille rejoindre mon père. Donc en Libye, elle n'a pas travaillé du tout, parce que... oui on est arrivé en quatre-vingt-huit [1988], elle est restée deux ans en Libye, elle ne travaillait pas, puis elle s'occupait de nous, elle était mère au foyer, mais c'était voulu comme... oui. Puis mon père, est-ce qu'il était au chômage? Ben oui, ... probablement au début, en arrivant en Éthiopie. Parce que, on est arrivé avec un statut de réfugiés, donc on n'avait pas de papiers, on ne pouvait pas vraiment travailler les premiers temps, après ça... lui pendant ce temps, il a fait des études, et après ça il a pu avoir une job et tout ça. Mais au début, au début en arrivant en Éthiopie là, je pense qu'il devait être au chômage probablement. Q.:: Puis, est-ce que vous pouvez nous parler de votre père? R:: Oui, mon père... Q.:: Son caractère? R:: Oui. Mon père, mon père, mon père. Alors lui, c'est euh, on est très, très proches lui et moi. On a été alors ensemble, bon... les premières années de ma vie. En Libye aussi on a été très proche, surtout après quatre-vingt-dix [1990], parce que mes parents ont divorcé en quatre-vingt-dix [1990], et moi et une de mes sœurs on est restée avec lui, en Libye. Donc on était juste trois, il y avait moi, ma sœur Sylvie et mon père. Donc là encore plus nos liens encore se sont resserrés, on va dire. Et puis c'est quelqu'un aussi de très, très ouvert. Comparativement à certains pères rwandais qui sont très traditionnels, puis les enfants ... ils ne passent pas beaucoup de temps avec les enfants etc., lui il était plus ... il était plus présent. Il a eu des périodes aussi où il était absent, il voyageait beaucoup aussi, mais quand il était là, c'était un père accessible, tu vois. Tu pouvais lui parler, tu pouvais te confier aussi. Pas te confier comme tu te confies à ta maman, mais tu pouvais quand-même te confier. Très ouvert d'esprit parce que justement il avait vécu à l'étranger, donc il avait toutes ces expériences qu'il avait gardées avec lui. Et puis c'est quelqu'un avec qui tu pouvais avoir des discussions très, très profondes, c'était un grand intellectuel. Pour moi, je l'admire pour toutes ses idées, tu vas parler de n'importe quel sujet avec lui, puis il va savoir comment ... t'embarquer avec ça. Très intelligent, ... très, très sensible aussi. Souvent les pères ... on essaie d'avoir une carapace solide, mais lui il n'a pas peur de le dire qu'il est sensible. Très, très sensible. Il a fait un discours très touchant à mon mariage d'ailleurs, oh la la! C'était très beau. Oui.
Q.:: Comment vous savez que vos parents étaient perçus par autrui? [Comment vos parents étaient-ils perçus par autrui?] R:: Hum, bonne question. Ben, c'est drôle que tu poses ça, parce que moi j'ai posé cette question à mon père, quand je lui ai fait l'entrevue pour le projet. Et justement il m'a dit un truc que je ne savais pas, mais apparemment quand on était en Éthiopie, on est arrivé avec un statut de réfugiés, donc on n'avait pas beaucoup, beaucoup de moyens, mais tranquillement il a fait sa place, tu vois. Donc il a eu du travail pas trop longtemps après, et puis en même temps il faisait des études et tout ça. Et comment il était perçu dans la communauté rwandaise d'Éthiopie par exemple, pas très bien! Pas très bien parce ce qu'ils se disaient::"Ben, c'est qui ce jeune-là? En plus il a du travail dans les Nations Unies, il a de stages par-ci, par-là, c'est qui?" Donc, il y avait peut-être un peu de jalousie envers... envers nous. Mais pourquoi envers nous particulièrement? Parce qu'on était Tutsi et qu'il y avait majoritairement des Hutu dans la communauté rwandaise de l'Éthiopie de l'époque, donc oui il y avait un peu de ... des gens qui nous enviaient, parce qu'on a commencé de bas, mais tranquillement tu sais, ça allait bien pour nous ... Pour ma mère, je pense qu'on l'associait plus à mon père, donc finalement... finalement on était tous dans la même catégorie un peu. Q.:: Hum! Ok, alors c'était presque tous les ... Hutu là? Et il y a un peu de tension...entre les Tutsi et... ? R:: Exactement. Il y avait une majorité de Hutu; il y avait quand-même des Tutsi, mais il y avait une majorité de Hutu surtout que, ...bon à l'époque c'était les Hutu qui étaient au pouvoir, au Rwanda. Donc l'ambassade du Rwanda en Éthiopie, c'était des Hutu qui tenaient ça, donc voilà. On était euh; il y avait une petite communauté tutsi quand-même, rwandaise, burundaise aussi, mais on ressentait ça surtout quand il y avait des fêtes à l'ambassade, par exemple. Q.uand il y avait le président qui venait en Éthiopie, il y avait des fêtes qui étaient organisées. Alors voilà, donc on y allait tous parce qu'on était invité, mais tu voyais bien qu'il y avait des gens qu'ils aimaient moins, ... il y avait des gens, on était suspect parfois envers nous, tu sais. C'était:: "Mais c'est qui ces gens-là?" Et je sais même qu'une fois, mon père a eu un poste, ou qu'est-ce qu'il a eu? Un poste ou une bourse, quelque chose et ...est-ce que c'est l'ambassade qui a appelé le bureau de mon père pour savoir pourquoi"vous lui avez donne ce poste" [pourquoi on lui avait donné] ce poste, ou une affaire comme ça. Donc c'est vraiment comme... s'ils se disaient:: "C'est qui ces gens-là?" Et à chaque fois qu'on avait de bonnes choses qui nous arrivaient, c'était bizarre. Oui, on n'était pas très, très bien perçu, on va dire. Oui. Q.:: Et vos parents, est-ce qu'ils appartiennent à une religion, catholique ou quelque chose? R:: Oui. Les deux sont catholiques. Oui, oui les deux... Q.:: Pratiquants? R:: Pratiquants, oui et non. Des fois, au fait, ça dépend. Ils ont des phases. Alors des fois, à un moment donné, mon père pratiquait moins, mais là on dirait qu'il re-pratique un peu plus. Ma mère, elle pratiquait, mais là elle pratique un tout petit peu plus que d'habitude ces dernières années. Donc oui, ils ont un rapport un peu ambigu parfois avec la religion, mais voilà ils sont restés catholiques, et puis ils vont à l'église, à Noël surtout, et une ou deux fois par année-là. Mais ma mère, là on dirait que la religion elle prend plus de place. Alors que mon père lui, après quatre-vingt-quatorze [1994], il l'était un peu moins dans la religion. Parce qu'il se disait::"La religion a laissé arriver ce qui s'est passé, non, ce n'est pas possible!" Mais là, tu vois, il a fait des études en théologie après, donc voilà. Donc il repousse la religion, mais en même temps il va faire des études en théologie! Oui, ils ont un rapport un peu ambigu, amour-haine avec la religion. Q.:: Ok. Est-ce que vous pouvez parler un peu de, si vous avez un frère, une sœur que vous préférez, votre relation entre autres frères et sœurs? R:: Très intéressant. Alors j'ai une relation particulière, mais ... différente avec chacune de mes sœurs. Alors l'aînée Solange,. en grandissant par exemple, c'était comme ..., comme mon héros, mon héroïne on va dire. Je..., elle me fascinait, je voulais tout faire comme Solange. Et même quand tu vois beaucoup de routes, des chemins qu'on a connus elle et moi, il y a beaucoup de ressemblances, il y a beaucoup de parallèles. Mais en même temps, je voulais lui ressembler, mais je voulais aussi me distinguer d'elle; c'est bizarre! C'est vraiment euh... c'est bizarre, c'est quand tu es plus vieille que tu comprends tout ça, mais... Donc voilà, pendant longtemps, je l'admirais beaucoup, je l'admire encore aujourd'hui. Sylvie elle, c'est comme une deuxième maman, parce que c'est elle qui nous tient, dans la famille. C'est elle qui fait que les liens restent forts. Nous on peut oublier de s'appeler avec mes sœurs pendant longtemps, mais Sylvie par exemple, c'est elle qui va nous appeler. Si tu ne l'appelles pas, elle nous appelle. C'est elle qui aime organiser les choses, les rencontres; quand ma mère vient en vacances, elle reste chez Sylvie. Alors c'est Sylvie qui organise les soupers, les barbecues, etc. Donc elle a un petit rôle de la petite maman, à Montréal. Et puis il y a Stéphanie, ma petite sœur. Donc elle on a été séparée, ben séparé... on n'a pas vécu dans le même pays longtemps. Donc, moi j'ai vécu avec elle de quatre-vingt-quatorze à quatre-vingt-dix-sept [1994 à 1997], donc ça veut dire trois ans. Et puis en quatre-vingt-dix-sept [1997] je suis venue au Canada. Et elle est venue s'installer au Canada, ça ne fait pas longtemps, ça fait deux ans. Donc tu vois entre mes dix-sept ans jusqu'à vingt-huit ans, on a été séparée. Donc je l'ai connu trois ans, elle était toute petite, et là je la redécouvre un peu. Et Stéphanie donc on a dix ans d'écart; donc moi j'ai trente et elle va avoir vingt, elle a vingt. Moi je vais avoir trente, elle a déjà vingt, et curieusement on est être très proches. Il y a la grande différence d'âge, mais on se ressemble beaucoup, côté personnalité, et aussi on a les mêmes, les mêmes goûts, ... il y a beaucoup de choses que, ... quand je la vois je me vois en elle. Alors c'est bizarre, donc moi j'étais fascinée par Soso, mais Stéphanie on dirait qu'elle est un peu fascinée par moi! Elle veut faire les mêmes choses que Sandra, elle faisait traduction, maintenant elle dit "je veux faire communication comme Sandra". Donc voilà, mais en même temps on a un rapport très, très intéressant, et c'est comme si je redécouvre une nouvelle amie, une nouvelle meilleure amie, you know!... C'est très, très spécial. Elle est arrivée juste au moment où une de mes grandes amies, a déménagé en Suisse, donc c'est comme si elle est venue remplacer. Donc son timing était très bon; on s'appelle tous les jours, on parle au moins une heure -une heures trente minutes par jour. Elle me raconte tout, je lui donne des conseils; donc voilà! Je viens de retrouver dans ma petite sœur, une nouvelle meilleure amie. Q.:: Et elle est à Montréal? R:: Oui, depuis 2 ans, c'est encore récent, oui. Donc c'est comme si on rattrape le temps perdu, tu vois! C'est comme si on rattrape tout le temps qu'on a été séparé, comme si on le rattrape maintenant. Oui, C'est très spécial! Q.:: Est-ce que vous habitez dans des quartiers assez proches? R:: Avant oui, mais depuis récemment, depuis juillet j'ai déménagé. Avant on était tous les deux, pas très, très proches; moi j'étais à NDG [Notre-Dame-de Grâce] -Côte-des-neiges, elle, elle était un peu plus Westmount, un peu à l'ouest, un peu plus à l'ouest, mais ce n'était pas très, très loin. Là en juillet j'ai déménagé à Laurier, donc là on est loin. Là c'est un petit bout, ouin. Mais on trouve des temps pour se voir; soit elle vient à Concordia, parce qu'elle fait beaucoup de projets ici, ou alors on se voit à l'extérieur, en ville, ouin. Q.:: Est-ce que les autres sont mariés? R:: Les autres sœurs? Q.:: Oui, ... R:: Oui. Les deux autres sœurs, Solange et Sylvie sont mariées. Oui. Solange ça fait cinq ans, elle a fêté ses cinq ans de mariage cette année. Et Sylvie ça fait quatre ans qu'elle est mariée. Oui! Q.:: Ok. Est-ce que vous vous rappelez de votre première maison? R:: Oh wow! Oh mon Dieu, une bonne question. Oh oui, oui, oui, ... alors notre première maison ça devait être à la .... Oui, je me rappelle. C'est dans un quartier qui s'appelle Arat kilo;. Arat kilo ça veut dire quatre kilos en langue éthiopienne. Et pourquoi ça s'appelle Arat kilo? Parce que, je pense que dans un coin de la ville, il y a un repère, une référence, je pense que c'est le centre; et puis c'est à quatre kilomètres du centre ce quartier; donc ils l'ont appelé Arat kilo. Et on avait ... on habitait dans un appartement. Donc c'est un bloc appartement avec plusieurs ... plusieurs petits appartements dedans, et ça, c'était notre première maison. Q.:: Est-ce que vous pouvez la décrire un peu? R:: Oui, Oh la la! Oui, alors il y avait deux chambres, je pense, une chambre pour nous, les enfants; Solange, Sylvie et moi on dormait dans la même chambre. Puis une chambre pour les parents. C'était au deuxième étage, puis il fallait prendre un ascenseur ou des escaliers; les escaliers aussi ça pouvait se faire. Et puis, alors tu rentrais, il y avait un salon je pense à droite, euh c'est drôle j'ai jamais... je n'ai jamais repensé à ça. Tu rentres, t'avais un salon à droite, tu avais les deux chambres, alors je ne sais plus quel ordre; notre chambre, ensuite la chambre des parents. Et puis il y avait une salle de bain complètement au fond. La cuisine elle était où? Ah ben, la cuisine était avant le salon; il y avait d'abord cuisine, salon, deux chambres et salle de bain au fond. Puis au milieu il y avait comme une espèce de hall, comme... il n'y avait rien au centre. Puis toutes les... je pense ... mais là je ne sais pas si je confonds avec une autre maison, si je suis pas mélangée, tu sais. Mais je pense que c'est ça. Oui. Q.:: Pour combien d'années est-ce que vous étiez là? R:: Dans cette maison-là? Hum... !! Je pense qu'on a fait les huit ans. Donc je suis née en quatre-vingt [1980], on était déjà dans cette maison, il me semble. Puis on est parti en quatre-vingt-huit [1988] pour la Libye. Q.:: Alors c'est la maison? Éthiopie. R:: Oui, ... exactement. Après je suis revenue plus tard, je suis revenue en Éthiopie, mais on n'habitait plus dans cette maison-là. Mais mes premières années-là, c'était dans cette même maison, je ne me rappelle pas qu'on a déménagé. Non. Q.:: Et qui prenait les décisions à la maison? R:: Hum! Bonne question. Alors, je pense que c'est ma mère. C'est ma mère, parce que mon père voyageait aussi, pas mal. Il voyageait, puis à un moment donné aussi il a fait, il est parti pour ses études à Oxford. Et donc il est parti pour quand-même un petit bout, peut-être un an ou deux, je m'en rappelle plus. Et donc c'était ma mère qui était là, c'est ma mère qui prend les décisions à la maison, que ce soit ce qu'on va manger le soir, les devoirs aussi elle nous aidait. Oui, c'était ma mère quand-même qui tenait, parce qu'elle était présente tout le temps, tu vois? Alors mon père comme il venait, il partait... bon, il était, parfois, pas au courant de ce qui se passait, mais ouin c'était ma mère. Q.:: Il était capable de revenir pour vous voir pendant les vacances? R:: Oui, oui. C'est qu'il partait beaucoup, je me rappelle beaucoup qu'il y avait des voyages, qu'il faisait, mais... Oui, il revenait. Il revenait pour une courte durée, il partait. Des fois il venait pour une plus longue durée, ça dépendait là; oui, il bougeait beaucoup. Q.:: Est-ce que vous pouvez parler de votre premier souvenir d'être chez toi, de chez vous? R:: Mon premier souvenir d'être... Bien moi je dirais en Éthiopie. Le premier souvenir c'était l'Éthiopie; la maison pour moi, c'était mon repère parce que c'était tout ce qu'on avait connu. Q.uand on a quitté en quatre-vingt-huit [1988] pour aller en Libye, ma maison me manquait, donc c'était l'Éthiopie qui me manquait, parce que c'était un nouvel environnement, la Libye. Oui, donc premier sentiment ce serait définitivement l'Éthiopie, mais après ça a changé. Q.:: Aviez-vous un lieu, ou un espace qui était à vous, seule? R:: Moi, moi-la? Ou moi et ma famille? Q.:: Vous? Q.uand vous étiez petite? R:: Chez-moi, dans ma maison? Q.:: Oui, juste un espace pour vous? Ou dehors? R:: Juste à moi? Non, je n'avais pas. Parce que je partageais ma chambre avec mes sœurs, donc très vite on était tout le temps à trois. Et puis à l'extérieur je jouais souvent avec les voisins, beaucoup. J'avais beaucoup de voisins avec qui on jouait, on courrait dehors. Non, je n'avais pas de petit coin, ... où j'allais m'isoler toute seule, non.. Q.:: Q.uelles étaient vos responsabilités, comme enfant? R:: Mes responsabilités? Q.:: Est-ce que c'était nécessaire de faire des choses? R:: Q.uand j'avais..., quand j'étais jeune?... Mais, les responsabilités ont commencé un peu plus tard. Ça a commencé plus après le déménagement, quand on est parti en Libye. Parce que de zéro à huit ans, là on avait une bonne, une femme de ménage qui habitait avec nous, qui faisait à manger, qui s'occupait de nous et tout ça. Et quand mes parents étaient au travail aussi, c'est elle qui s'occupait de nous, c'est comme ça qu'on a appris vite la langue de l'Éthiopie. Q.:: Et elle s'appelait? R:: Oh, la première, la toute première c'est Burke; Burke, oui. Et c'est drôle parce que, encore maintenant quand on va en Éthiopie, des fois on la voit. Elle vient nous voir. Oui elle vient nous rendre visite, et elle raconte à tout le monde comment j'avais 2 ans qu'elle s'occupait de moi. ... Oui, Burke, Burke c'est un nom éthiopien, et oui, elle est encore là, on est encore en contact. Elle vient toujours nous voir parce que... c'est ça, elle nous a vues, elle nous a vues grandir. Moi et ma sœur, qui est juste avant moi, Sylvie, elle nous a vues quasiment grandir. Q.:: Est-ce qu'il y avait des autres qui habitaient avec vous aussi? R:: Non. Q.:: Juste elle? R:: Oui [rires], c'était juste elle. Des fois on avait de la visite; ce n'était pas arrivé souvent, mais par moment, pas quand on était jeune, mais plus tard, on avait des cousins qui venaient en vacances pour deux semaines, trois semaines, un mois, du Rwanda, une fois. Une cousine du Rwanda aussi, mais ça c'était vraiment plus tard, j'avais quatorze-quinze ans. Mais en gros c'était ça; à la maison là c'était papa, maman, les trois sœurs, enfin incluant moi, et puis la bonne, Burke. Q.:: Et à quelles langues avez-vous été exposée pendant votre enfance? R:: Je vous dirais que c'est le français, à cause de l'école, mais l'Amharique était toujours là aussi. Donc à l'école je parlais français, je rentrais à la maison avec les voisins, on parlait l'Amharique. Donc on va dire, les premières huit années, c'était Français et Amharique, mais c'était vraiment cinquante pour cent-cinquante pour cent là. Oui. Q.:: Est-ce que le kinyarwanda c'était plus tard ... votre grand-mère? R:: Oui c'est ça. En fait le kinyarwanda on l'entendait seulement dans les vacances, ... mais ce n'était pas suffisant pour arriver à, ... après les vacances en Éthiopie et puis parler... Peut-être au début on parlait encore un peu, mais tranquillement ça partait parce que, on ne pratiquait pas, on ne pratiquait pas à la maison. D'ailleurs c'est quelque chose qu'on a reproché à mes parents, parce qu'on leur a dit::"Mais comment ça se fait que vous ne nous avez pas appris votre langue?" Ils ... disent::"Mais, parce que c'était compliqué! On travaillait tous les deux, on n'avait pas le temps de rentrer à la maison... Vous parliez déjà français et Amharique, on ne voulait pas vous ajouter une troisième langue. Donc on a dit:: " Bon, écoute, pour le moment c'est pas la priorité, on va leur apprendre plus tard." Plus tard, plus tard, plus tard ce n'est jamais arrivé, finalement c'est comme si on avait appris par nous même un peu. Là je le parle, mais je ne parle pas très bien, je le comprends mais c'est parce que je l'ai entendu beaucoup et j'ai jamais vraiment pratiqué. Donc je ne peux pas écrire comme il faut, je ne pourrais pas parler sans faire de fautes, mais ça c'est une erreur des parents, je pense. Oui. Q.:: Est-ce que c'est un peu étrange pour vous, ne pas être capable de parler si parfaitement comme vous le voulez? R:: Oui, c'est ... c'est dommage! C'est dommage parce que, ... on a des amis ici qui ont été dans la même situation que nous, peut-être pas en Éthiopie forcément, mais dans d'autres pays, mais qui étaient réfugiés dans un autre pays par exemple. Il y en a beaucoup qui parlent très, très bien, donc on voit que c'est possible, tu vois? Mais il faut faire l'effort je pense, il faut en faire une priorité. Donc il ne faut pas que ça soit de temps en temps par-ci par-là, il faut que ce soit quelque chose de systématique. Et oui nous, on est triste parfois, quand on va au Rwanda et puis que. les gens parlent, mais on ne peut pas répondre automatiquement, même quand on parle on rigole de nous un peu. On dit:: "Oh la la! elles, elles parlent comme des blanches!" Tu sais! Oui, on se fait dire ça, donc c'est comme des muzungu, c'est comme ça qu'ils disent pour parler des blancs. Donc oui, moi je trouve que c'est dommage, mais en même temps, ben c'est la vie! On parle beaucoup d'autres langues en plus, tu vois donc! Et c'est ça aussi qui est triste c'est qu'on parle beaucoup d'autres langues sauf la langue, tu vois... la langue de chez nous vraiment; c'est un peu triste. Q.:: Et vos parents, ils parlaient en français ensemble? ... juste les deux? R:: En français, mais beaucoup en kinyarwanda. En kinyarwanda, beaucoup, entre eux. C'est pour ça qu'on a l'oreille développée, parce qu'on a entendu, mais en même temps ils parlaient aussi français. Mais ils parlaient plus kinyarwanda que français, surtout quand ils ne veulent pas que nous, on entende, ils parlent français entre eux, non kinyarwanda entre eux, comme ça ils sont sûrs qu'on ne comprend pas. Mais quand on est tous ensemble, c'est le français qui était... c'était le français parce que mes parents ne parlent pas très, très bien la langue d'Éthiopie. Donc c'était vraiment le français notre terrain ... terrain commun là. Q.:: Si vous décriviez votre quartier, comment est-ce que vous parliez de ça? R:: Hum, mon premier cartier en Éthiopie? Alors c'était un quartier très ... normal, pas très, très riche, pas très être pauvre. Vraiment un quartier classe moyenne. Je dirais oui, vraiment classe moyenne, tu avais beaucoup d'éthiopiens, tu avais quelques étrangers aussi. Dans notre building, on était surtout des éthiopiens; il y avait une majorité d'éthiopiens dans le building, mais dans le quartier c'était pas très loin de là ..., on appelait ça [Piassa ?]. Piassa c'est comme le quartier économique, il y avait beaucoup de magasins. Pas vraiment centre-ville, mais c'est là... que tout se passait là. On n'était pas loin de là, c'était à 10-15 minutes à pieds de Piassa. C'était très sympathique; il n'y avait pas énormément de choses à faire dans le quartier, donc nous ce qu'on faisait, on restait dans notre compound, notre building. Parce qu'à l'extérieur il y avait une cour, et tous les jeunes, les enfants du quartier, de l'immeuble et des immeubles à côté venaient jouer dans cette cour- là. Q.u'est-ce qu'il y avait? .... il y avait une église juste à côté, une église arménienne, parce qu'il y a une grosse communauté arménienne ... en Éthiopie. Il y avait une église arménienne, il y avait quelques Arméniens d'ailleurs dans le building aussi. Oui, oui...Les Arméniens, des moitiés Arméniens- moitié Ethiopiens, il y avait des couples mélangés aussi, ... qu'est-ce qu'il y avait? Il y avait une fleuriste qui était juste en bas, un truc de fleurs. Et ce n'était pas très loin aussi de l'école, de l'école française. Je ne sais pas si ça a joué dans... ils ont choisi cet appartement, mais un bon quartier simple, modeste. Q.:: Est-ce que vous pouvez parler un peu de l'école et toutes les écoles que vous avez assistées [fréquentées], les âges? R:: Alors, ... en Éthiopie donc, moi à trois ans, à trois ans on commençait la maternelle, très, très jeune. Donc à trois ans j'ai commencé directement à l'école française. C'est un Lycée, ça s'appelle le Lycée Gebremariam. C'est le seul lycée en français de l'Éthiopie, donc j'ai fait ma terminale, enfin ma terminale ... ça s'appelait; il y avait trois ans de maternelle, le kindergarten, on avait trois ans nous. C'était Petite section, j'ai commencé avec la petite section, la moyenne section et la grande section. Donc tu as trois-quatre-cinq ans et après seulement la grande section, tu allais donc ... le primaire. Donc première année de primaire et tout ça. Donc moi, de troisième section, bien... mes trois années de maternelle j'ai fait là-bas, jusqu'à ... ah oui, le système français est un peu spécial. On commence à l'envers, c'est à dire, on commence onzième, ... on commence onzième, dixième, neuvième, donc jusqu'à la troisième année primaire, j'ai fait en Éthiopie. Après je suis allée en Libye. ,j'ai fait ma quatrième, cinquième, sixième primaire là-bas. J'ai fait ma première année secondaire, ma deuxième année secondaire, ma troisième année secondaire et puis c'est tout, puis j'ai quitté la Libye. Et je suis retournée en Éthiopie. Q.:: Q.uel âge aviez-vous? R:: Q.uand j'ai quitté ... alors, j'ai quitté j'avais huit ans pour aller vers la Libye, j'ai quitté la Libye j'avais quatorze ans; donc j'ai vécu six ans en Libye. A quatrième ans je suis revenue en Éthiopie et là j'ai fait tout le reste de mon secondaire, sauf la dernière année. J'ai fait tout le reste, un-deux-trois, j'ai fait quatrième secondaire, cinquième secondaire, sixième secondaire et septième secondaire; on avait sept ans. Ensuite je suis venue au Canada pour terminer, faire ma dernière, dernière année avant l'université. Q.:: Et c'était avec votre père que vous avez déménagé? R:: Oui. ... Alors ... La première fois donc, c'était avec ma mère, avec tout le monde on est parti toute la famille en Libye. En Libye on arrive en quatre-vingt-huit [1988], on reste, nous avec mon père et ma sœur on est resté 6 ans. Mais ma mère est partie en quatre-vingt-dix [1990], c'est là qu'ils ont divorcé. Et quand on est revenue en Éthiopie en quatre-vingt-quatorze [1994], c'était juste moi et ma sœur, parce que ma mère était déjà revenue en Éthiopie, donc on est venue rejoindre ma maman et ma petite sœur Stéphanie, avec qui je suis très, très proche là. Oui, c'est compliqué! Q.:: [Inaudible] est-ce qu'il y avait des professeurs, des enseignants qui avaient beaucoup d'influence sur vous? R:: Oh oui, j'ai eu beaucoup de bons, bons professeurs, mais des professeurs qui m'ont marqué, marqué là? ... Oui j'ai eu un prof très intéressant, ça c'était en Libye. Un prof d'Histoire-Géo, il s'appelait Sébastien Deleau, je me rappelle encore de son nom. Et lui c'était un prof très, très cool, et puis pas stressant, vraiment là avec lui on avait envie d'apprendre puis d'avoir de bonnes notes surtout. Et donc lui, c'était un prof quand-même marquant. Il ne m'a pas influencé parce que, je crois qu'il était prof d'histoire, et là aujourd'hui je me retrouve en histoire. Peut-être qu'il m'a influencée inconsciemment; mais [...] oui, il y avait lui. Sinon en Éthiopie, ah oui il y avait un prof que j'aimais bien. Je n'aimais pas beaucoup sa matière, mais je l'aimais bien comme prof. C'était un prof de biologie qu'on avait. Il s'appelait Franc Dubosque. Lui aussi c'était un prof, quand t'avais une bonne note avec lui, tu étais fière. Parce qu'il est très strict et puis, il met vraiment le barème très, très haut, alors quand on réussissait dans son cours là, c'était Wow; on était fier, de le voir content tu sais. Franc Dubosque. Il y avait qui encore? Oh il y avait un professeur d'anglais aussi que j'aimais bien. Monsieur Petit il s'appelait, c'était un drôle de nom. M. Petit et lui, il a juste confirmé mon goût pour l'anglais, parce que j'adorais cette langue et c'était un professeur[...], ah oui, puis il nous faisait, c'était le premier prof qui nous faisait chanter des chansons tu sais, ... en classe. Il prenait les paroles et il enlevait quelques mots des paroles, et puis il fallait remplir. Oh on tripait; moi j'adorais ça. M. Petit. Q.:: Q.uand est-ce que vous avez commencé l'anglais à l'école? R:: L'anglais, on commence quelque part au primaire, est-ce que je me trompe? A la fin du primaire, ouin. Et puis au secondaire on a des cours d'anglais, presque automatiquement, à chaque, peut-être pas chaque jour, mais beaucoup d'heures quand-même. Et plus on avance, et plus on a plus d'anglais. Le système est bien fait pour ça. Q.:: Est-ce que vous avez étudié d'autres langues aussi? R:: Oui, dans le système français alors, quand tu es en ... troisième secondaire, tu as le choix d'apprendre une deuxième langue en plus de l'anglais. Et moi j'ai pris Espagnol. Et euh on avait. de quatrième secondaire, cinquième, sixième, septième , on a les cours d'Espagnol. Donc à la fin quand on est prêt d'aller à l'université, on a quand-même une bonne base d'Espagnol. Alors d'autres prenaient Allemand, ou Arabe, etc., mais nous on a pris Espagnol et ça m'a aidé aussi. Q.:: Et après le secondaire, qu'est-ce que vous avez fait? R:: Alors, après le secondaire, donc je suis arrivée presque... il me restait une seule année. J'étais en Éthiopie, et pourquoi j'ai quitté l'Éthiopie avant de terminer, parce que ma sœur Sylvie, qui a un an de plus que moi, avait terminé. Et elle devait venir au Canada après. Alors j'ai dit, ok, si Sylvie part, moi aussi je pars. Et puis ma mère a dit, mais pourquoi tu pars. Finis ici, puis ça va être bien, comme ça tu pars avec un diplôme et tu... mais pour moi c'était inimaginable d'être séparée de Sylvie. Parce que partout dans notre parcours, on avait été ensemble, tu sais? Donc là j'ai fait, non, non, non, si Sylvie va au Canada, moi aussi il faut que je parte au Canada, là-là! J'ai insisté, donc on m'a laissée partir. Donc je suis venue, j'ai fait ma dernière année ici. D'ailleurs ça s'est très mal passé, parce que justement c'était la dernière année, je connaissais... Tu sais il y avait le diplôme du baccalauréat à la fin de l'année, et puis j'avais trop de cours. Alors ça s'est très, très mal passé, alors j'ai refait mon année une deuxième fois. Et là j'ai regretté, j'ai dit j'aurais dû rester en Éthiopie. Je connaissais tout le monde, j'avais mes amis, j'avais ma maman et tout, mais j'étais pressée... quand tu es pressée de découvrir une nouvelle place là, 1 an de plus c'était impensable pour moi. Et voilà, et donc je suis venue ici, j'ai fait ma dernière année donc finalement, et je suis allée à l'université. J'ai commencé l'université. Q.:: C'était au Cégep que... R:: Oui. En fait c'est l'équivalent du cégep, mais dans le système français, ils ne séparent pas. Tu vois, c'est comme tout ensemble. Donc tu as ... Q.:: Alors... ici vous étiez dans le système français aussi. R:: Oui, c'est ça l'affaire. Donc j'ai transféré vraiment dans le même système, mais là où c'était difficile pour moi c'est parce que, oui il y avait le système exactement comme là-bas, mais ici dans la terminale on te rajoute les cours de Cégep, pour que tu sois prête pour le...; Et moi les cours de Cégep c'était les cours que je n'avais jamais, jamais vu; alors je trouvais ça très difficile parce que je devais non seulement me préparer pour mon examen final, mais aussi je devais rajouter des cours que je ne connaissais pas. J'étais vraiment dépassée; j'étais Oh la la... ça va être difficile cette année! Et puis, voilà! J'ai recommencé mon année et là ça s'est bien passé, et j'ai pu aller à l'université. Q.:: Ok, qu'est-ce que vous avez étudié à l'université? R:: C'est une bonne question. Alors j'ai, j'ai cherché beaucoup; je n'étais pas sûre. Q.uand j'ai terminé mon diplôme, j'ai demandé à mon père de m'inscrire là où il voulait m'inscrire parce que je n'avais pas vraiment d'idée de ce que je voulais faire. C'était très spécial parce qu'il n'y avait pas une matière qui me fascinait, j'ai dit wow, c'est ce que je veux faire, donc j'ai dit à mon père "Écoute, inscris-moi où tu veux!" Et lui il m'a inscrit en mathématique et informatique à l'Université de Montréal. J'étais là 'Pourquoi?" Et alors je suis allée là-bas, j'ai fait des cours de maths, d'informatique, ça s'est bien passé pour certains cours, d'autres cours ça s'est très, très mal passé. Après UN an j'ai... Non! Ce n'est pas ça que je veux faire. Ce n'est vraiment pas moi, merci, tu sais, c'est de ma faute là. Mais voilà, j'ai changé. Et là je suis allée prendre des cours comme étudiante libre, tu sais pour me chercher, je voulais voir, qu'est-ce qu'il y a derrière la tête de Sandra, qu'est-ce qui va la fasciner. Et puis je suis allée à l'UQ.AM. J'ai fait 1 an comme étudiante libre à l'UQ.AM, et là on te permet de prendre des cours un peu partout, là où il y a de la place. Donc j'ai pris des cours de publicité, des cours de journalisme, des cours d'histoire, des cours de droit; en-tout-cas j'ai vraiment touché à tout. Et puis je me suis dit, ça c'est le journalisme qui m'intéresse moi. Alors je me suis inscrite, 1an après et j'ai fait mon baccalauréat en journalisme à l'UQ.AM. Et là c'était moi là, je me retrouvais dedans, j'étais épanouie, j'adorais mes cours et... ça m'a pris un an, un an et demi, mais finalement j'ai trouvé ma voie. Q.:: Est-ce que vous avez fait une formation stage?.
R:: Oui, oui, j'ai fait deux stages. Le premier stage que j'ai fait, c'était tout de suite après, en fait c'était mon dernier cours en journalisme. C'était un stage avec Canal Vox, c'est une chaîne de télévisions, je ne sais pas si tu connais. C'est une chaîne CanalVox, avec plusieurs émissions communautaires, très communautaire, et j'étais affectée à une émission qui s'appelle l'équipe du grand Montréal. Et qu'est-ce que je devais faire? Je devais aller dans la rue, faire des vox pop, après rentrer, monter un peu avec le monteur; non, c'était un stage intéressant. Vraiment là, pendant... chaque semaine je devais aller dans un quartier, et puis poser des questions aux gens sur une thématique, et puis parler de ce quartier-là. Et puis, il y avait un petit topo de 3 minutes qui passait à la télévision la semaine d'après. Ça c'était très bien, c'était mon premier stage dans le domaine de journalisme. Mais le deuxième stage que j'ai fait, ce n'était pas en journalisme cette fois, mais c'était en technologie de l'information et des communications. Et là j'ai fait un stage avec Alternative. Ça c'est une ONG qui est basée à Montréal, et c'est avec ce stage- là que je suis allée au Brésil pour faire ... pour travailler avec un organisme partenaire à Alternative et j'ai fait un peu de la mise à jour de site web, j'ai travaillé... c'est un organisme beaucoup environnemental. Donc j'ai travaillé dans de petites émissions de radio, des programmes de radio sur l'environnement, des textes sur l'environnement. En tout-cas c'était une très, très bonne... très bonne expérience. Donc trois mois ici de stage pour me préparer, puis trois mois sur le terrain au Brésil. Ça c'était les deux grands stages que j'ai faits, je pense. Q.:: Après l'université est-ce que vous avez fait quelque chose en plus? R:: Non. Q.:: Une maitrise où? R:: Non. Maitrise j'ai pas fait. Je..., j'ai pensé beaucoup à en faire une, ces dernières années, ces deux dernières années, mais je ne suis pas encore sûre dans quel domaine je veux le faire. Au début c'était journalisme bien sûr, je continue, après c'était non- non- non, pourquoi? Je pense que j'ai suffisamment avec le Bac. Pour un moment c'était l'histoire orale, avec tout ce projet, mais finalement j'ai dit "est-ce que c'est vraiment ça que je veux faire?" Donc je suis vraiment en période de remise en question, mais c'est une remise en question qui prend du temps, parce que ça fait deux ans et je ne me suis toujours pas décidée. Alors là, je suis en train de penser peut-être faire une formation à INIS, tu connais l'INIS? C'est l'Institut National de l'Image et du Son. Et là-bas ils font des programmes intensifs, quatre mois, cinq mois, et puis ils te montrent tout, tu travailles avec les professionnels, caméramans... pour faire des films, des documentaires, etc. Et moi je veux m'inscrire en documentaire, le profil documentaire. C'est cinq mois, temps plein, mais je ne sais pas, je vais voir si c'est faisable. Q.:: Comme metteur en scène? Comme recherchiste? R:: Comme réalisatrice. J'aimerais réaliser des documentaires, oui. Ils ont le profil réalisation, en documentaire il y a deux profils: réalisation et production. Donc production c'est vraiment le côté chercher du financement. Moi j'aime réalisation, donc construire tout, filmer, puis monter, puis... oui. Q.:: Et, est-ce que vous pouvez parler de... le temps de l'université jusqu'à maintenant, en travail avec des emplois, comment vous avez eu? Comment vous êtes venues ici? R:: Ok! Alors. Un petit parcours, en gros. Donc je termine mon journalisme en deux mille quatre [2004]. Je pars au Brésil, je fais mon stage au Brésil en deux mille cinq [2005]. Deux mille cinq [2005] je finis le Brésil, je reviens après mon stage; je ne trouve pas de travail. Je décide d'aller à Ottawa; mon père habitait là-bas, je dis:: "je vais à Ottawa". Il m'avait parlé d'un petit... lui il était prof de français en ce moment-là à Ottawa. Et puis il m'a dit:: "tu sais quoi, ils cherchent des professeurs à mon école. Donc si tu veux, viens à Ottawa". Alors ça tombait bien, j'étais dans une période de ma vie où je me cherchais encore, donc je pars à Ottawa, je deviens prof. Je donne des cours de français à des [aux] employés du gouvernement fédéral. Super, j'aime beaucoup ça, mais je suis à Ottawa,. chez papa, à la maison, à vingt-cinq ans- vingt-six ans, tu sais? Non je ne suis pas contente. Alors je reste là-bas six mois, mi-2006, je quitte Ottawa, je reviens à Montréal, parce que je dis que ce n'était pas vraiment une ville pour moi. Je reviens à Montréal, je transfère de l'école d'Ottawa, j'apprends qu'il y a une école à Montréal, je transfère. Et je trouve un poste ici; très contente. Donc je suis à Montréal et je travaille, c'est cool. Mais je travaille en enseignement du français. Et ça ce n'était pas ma ... mes études? Q.:: Aux anglophones? R:: Aux anglophones, ici. Maintenant je donne des cours..., je donnais des cours ici, c'est une école de langues de l'Estrie ça s'appelle. Et je donnais des cours pareils, exactement comme à Ottawa, ... des employés du gouvernement. Là j'ai fait ça pendant, quand-même pendant longtemps, parce que jusqu'en deux mille huit [2008]:: deux ans; deux ans et demi je fais ça, mais comme ce n'est pas un temps plein, là j'ai l'option de faire autre chose à côté. Q.u'est-ce que je fais, j'entends parler de ce projet ici en deux mille sept [2007]. Ouin donc je commence à donner les cours, dans une école, ensuite dans l'autre pendant un moment, et j'entends parler de ce projet. Je viens ici en deux mille sept [2007], fin deux mille sept [2007], en novembre je me rappelle. Oui, j'ai rencontré Steven en deux mille sept [2007] et j'ai commencé un petit stage, un petit contrat de recherche. Vraiment pas beaucoup, huit heures par semaine pour commencer, et puis là j'adore. J'adore ce projet, je dis Wow, histoire de vie, mon Dieu mon Dieu, je veux rester là-dedans! Et donc tranquillement, mes heures, mon temps que je passais ici augmentait, mes heures pour les cours de français diminuaient. Jusqu'à ce que j'arrête les cours et je suis ici à temps plein. Et je tripe, petit contrat, ensuite plus de contrats, ensuite je suis coordonnatrice de poste de production. Déjà c'est un peu plus stable et depuis février je suis du côté du Centre donc, et je suis la directrice adjointe du Centre d'Histoire Orale. Puis bon, j'adore ça. Et puis Ouin, ..., non, vraiment je sais que je suis en train de m'éloigner du journalisme, mais je ne sais pas. J'arrive à trouver quelque chose ici. Mais ça touche un peu au journalisme un peu quand tu vois, les entrevues; ce n'est pas le même type d'entrevues, mais quand-même tout ce qui est montage, tu sais, post production, j'ai touché un peu à ce que j'ai appris en journalisme. Donc j'ai dit, ce n'est pas si mal, c'est aussi bien parce que c'est pas vraiment journalisme, mais en même temps c'est pas trop loin. Donc j'étais satisfaite avec ça; donc j'étais très, très satisfaite et puis voilà, je fais ça depuis février à temps-plein, mais aussi je continue à donner les entrevues dans le groupe des grands lacs d'Afrique du projet Histoire de vie. Donc je suis encore impliquée dans le projet Histoires de vie. Q.:: Et combien des années est-ce que vous avez fait ça avec le groupe des grands lacs? R:: Ah Oui! J'ai fait, est-ce que c'était au début? Donc j'ai commencé en deux mille sept [2007], je pense que j'ai commencé la coordination en deux mille huit [2008], mi deux mille huit [2008], à la moitié de deux mille huit [2008] je pense. Là ça va faire peut-être deux ans que je fais de la coordination. Q.:: Et pour sauter un peu, est-ce que vous pouvez dire comment vous avez rencontré votre époux? R:: Oui, Ah la la! Ҫa, c'est une histoire très, très..., très spéciale, parce que c'est un concours de circonstances en fait. Donc moi j'ai rencontré un ami à mon époux, qui s'appelle Karim. Et je l'ai rencontré aux Seychelles quand j'étais en vacances avec ma famille. Et Karim on est resté en contact, avec Karim et la famille, et un an après quand je suis partie au, en France, je suis allée faire un petit tour de l'Europe avec une copine, et Karim nous a laissé son appartement. Alors voilà, j'étais restée en contact depuis Seychelles, on s'écrivait, tout ça. J'ai dit, ah je viens à Paris avec un copine; il laisse l'appartement. Et pendant notre séjour à Paris, il a dit "j'aimerais que vous rencontriez un pot à moi, un ami à moi", tout ça. Je pense que vous allez bien vous entendre, tout ça. On a fait, ok. Alors la première fois ça n'a pas marché, on est parti faire le tour de l'Europe, on est revenu et là finalement ça a marché. On a rencontré son ami en particulier. et cet ami-là, c'était Neal Santamaria, qui est maintenant mon époux. Q.:: C'était quand, quand vous avez rencontré Neal? R:: Karim ou Neal? Q.:: Neal R:: Nil, c'était en deux mille cinq [2005], exactement je vais te dire au mois de mai deux mille cinq [2005]. Ouin, je me rappelle encore, parce que c'était la fin du voyage là. Q.:: Et vous avez eu "une longue distance Relationship"? R:: Oui, exact. Pendant... ben quand on s'est rencontré, c'était un jour avant mon départ. Donc on s'est rencontré, Oui, Oui, sympa mais sans plus. Et puis un an après, je suis retournée à Paris pour un mariage d'une copine à moi, une amie d'enfance. Et quand je suis arrivée à Paris, voilà j'ai contacté Nil, mais on communiquait par courriel, à distance, mais des amis à distance. Et quand j'arrive en deux mille six [2006], je communique, je dis "Oui, je suis là pour un mariage, etc." Donc on s'est revu, et il m'a accompagné à ce mariage, donc ça c'est toujours un bon signe. Et puis voilà, quand j'ai quitté, on était ... on était ensemble. A distance pendant un moment, mais en deux mille sept [2007] il est venu s'installer ici. Oui, en deux mille sept [2007] il est venu s'installer, puis ça fait trois ans presque qu'il est au Canada. Q.:: Est-ce que vous pouvez parler un peu plus de votre époux? R:: Oui. Alors Neal, donc je vous ai dit comment on s'est rencontré. Je pense aussi que, la raison pourquoi il a, ... ça a marché et qu'on est marié aujourd'hui, c'est parce que il était prêt aussi à quitter la France. Il est né là-bas, il a grandi 30 ans, ses 30 premières années là-bas, donc ça tombait bien parce qu'il cherchait à aller ailleurs. Il en avait été un peu fatigué de la France et tout ça, et donc moi je suis arrivée au moment où il cherchait à partir. Donc quand on s'est rencontré et que moi ce n'était pas vraiment une option que je parte m'installer en France, donc voilà, les choses ont bien... ont bien été parce que lui était prêt, il est venu ici. Au début il était très réticent avec l'idée du Canada, parce que pour lui le Canada c'était le froid, oh mon Dieu je peux pas aller dans le froid. Il est venu au mois de mars, il y avait une tempête de neige comme ça, le lendemain de son arrivée, mais il a beaucoup aimé. C'était comme un enfant qui tripait avec la neige, il entendait les bruits que ça fait quand tu marches, so, j'ai dit, "Ah bien finalement, la seule chose qui allait te décourager c'était la neige, même la neige tu adores. Donc tu vas adorer l'été; si tu aimes la neige, tu vas adorer l'été". Alors il est revenu en été deux mille sept [2007], il a adoré encore plus, et il m'a dit "alors je retourne en France, je vais faire mes papiers tout ça, je viens m'installer au Canada. Oui, vraiment, je veux qu'on fasse marche ça". Et il est retourné en France, après l'été deux mille sept [2007], et il est revenu le 11 décembre deux mille sept [2007], avec ses papiers, avec ses grosses valises. Et depuis, on habite ensemble et ça se passe très, très bien. Q.:: Est-ce qu'il a appliqué comme travailleur ou comme conjoint? R:: Ah non, il est venu avec un PTT, un permis de travail temporaire. Alors pour avoir le PTT, il faut que tu aies une demande d'emploi..., un poste qui est... Il faut que l'employeur dise qu'ils n'ont pas trouvé une autre personne pour faire cet emploi. Et donc il a été très, très chanceux, parce qu'il est tombé dans une boite, dans une compagnie qui s'appelle Cactus, Cactus Montréal. Et c'est une compagnie qui, une organisation qui vient en aide aux personnes, aux toxicomanes, aux itinérants, aux personnes en situation précaire. Et puis, ils font beaucoup d'activités, beaucoup d'événements pour les aider finalement, occuper leurs journées, leur faire participer, empowerment beaucoup aussi, et voilà. Donc il a, vraiment il a été très, très chanceux parce que c'était parmi les premiers postes qu'il avait vus, il a appliqué, il leur a dit qu'il n'avait pas de papiers ici, mais ils étaient prêts à l'aider à faire ses papiers. Ils ont fait l'immigration avec lui pour que ça aille plus vite, [...] écoute, ils ont tout fait vraiment pour accélérer son processus. Il est parti avec le permis. C'est en France que ça a pris du temps, mais bon, 6 mois après il était ici avec son permis de travail, qu'ils renouvellent. Chaque année, il faut le renouveler. Et pendant qu'il avait son PTT, il a aussi fait la demande de résidence. Et finalement il a eu la résidence en octobre deux mille..., octobre deux mille neuf [2009]; donc ça fait un an à peu près qu'il est résident permanent.. Q.:: Et, qu'est-ce qu'il fait? Il travaille avec la même compagnie? R:: Oui, depuis; encore, parce que quand il a eu la résidence permanente, il s'est dit "Bon je ne suis plus obligé de travailler avec eux". Parce que quand tu as le PTT, c'est pour un poste en particulier. Donc là il a dit euh, "super j'ai ma résidence maintenant je peux chercher ailleurs". Mais il n'a rien trouvé encore, et je pense qu'il est encore très, très attaché à ce boulot-là. Parce que c'est son premier travail au Canada, et surtout il est très, très apprécié au travail. Je suis allée au mariage d'un collègue à lui, et j'ai rencontré quelques membres de son travail. Et quand je le vois interagir avec les gens du travail, tu vois vraiment que... , il a fait sa place, et maintenant il a beaucoup d'expérience. Il est parmi les plus, un des plus anciens de sa boite, donc, ... non, il est bien intégré, je pense qu'il a peur peut-être de quitter ça pour aller recommencer à zéro dans une autre compagnie, dans une autre entreprise. Alors voilà, pour le moment, c'est pas très urgent, il est très bien là-bas. Le travail le..., lui prend beaucoup d'énergie; et puis, émotionnellement aussi. Des fois il rentre, et puis il me dit "j'ai eu une mauvais journée". Moi je pense que c'est lui qui a eu une mauvaise journée, mais en fait c'est parce ce qu'il y a une histoire de quelqu'un d'autre qui est venue le toucher vraiment. Et puis mon Dieu, il n'arrive pas à séparer le travail et puis les sentiments, tu sais. Alors, mais bon, c'est un passionné, puis c'est ... il aime les gens, il aime l'humain en général, donc oui. Pour le moment il est là, mais je sais que s'il trouve une meilleure opportunité; il voulait être professeur aussi à l'université, il est en train de faire un doctorat. Donc si jamais il trouve autre chose, il va partir, mais ce n'est pas la priorité là maintenant. Donc en gros, en gros c'est ça. Q.u'est-ce que je peux dire d'autre sur lui? Ouin, très ouvert, et surtout beaucoup de points en commun qu'on a. Il y a beaucoup de choses en commun que tous les deux on a découvert, et qu'on avait découvert aussi très, très tôt. Les intérêts, les passe-temps, la passion pour les films, pour les documentaires. On a fait deux-trois documentaires ensemble, la musique, les voyages, écoute on est vraiment là, très, très bien assortis. Ça se passe bien. Q.:: Q.uelque chose d'autre? R:: Q.uelque chose d'autre...? Ah oui, je connaissais beaucoup de ses amis aussi, de sa famille, mais je les ai encore vus. Ils sont tous venus au mariage, donc on a comme vingt personnes qui sont venus, une vingtaine, de France. Et même ça, ça dit beaucoup sur lui, ... cette vie, parce que je vois c'est quelqu'un aussi où les amitiés sont très importantes pour lui. Il a des amis de longue, longue date, avec qui ils ont gardé des contacts, et quand ils ont su qu'il se mariait, tous, c'était évident, c'était "on va, on y va, on va payer le billet c'est pas grave, mais on ne peut pas rater le mariage de Neal". Et puis donc c'est quelqu'un qui aime beaucoup les amitiés et qui chérit les amitiés. Non. C'est tout, je pense, sinon je vais parler des heures sur lui [rire]. Oui, c'est tout. Q.:: Est-ce que vous pouvez décrire, décrivez un peu les raisons pour lesquelles vos parents ont quitté le Rwanda... ? R:: Hum. Alors, déjà mon père a quitté le Rwanda à un moment donné quand il était très, très jeune, il avait neuf ans, d'ailleurs il en parle dans son entrevue, c'est intéressant. Il est parti au Congo, dans le Congo voisin, avec ses oncles, ses cousins, ses frères, vraiment une grosse vague d'hommes et d'enfants, de garçons, de jeunes garçons. Ils sont partis au Congo pour, parce qu'il y avait des... parce qu'il y avait de petits conflits, de petites tensions au Rwanda à l'époque. Et donc ça c'est la première fois qu'il est parti. Mais il est revenu. Q.:: Ҫa, c'est quelles années? R:: Ҫa, c'est dans les années soixante [1960]. Voilà, il est parti en cinquante-neuf [1959], ... non il est parti en soixante [1960], parce qu'il avait neuf ans. Dans les années soixante [1960], il est parti au Congo pour quelques années, après il est revenu au Rwanda, et bon, à un moment donné il faisait un peu la navette. entre le Congo et le Rwanda, Congo-Rwanda. Et ma mère elle, elle est restée au Rwanda; elle n'a pas bougé tout de suite. C'est en soixante-treize [1973], c'est quand il y a eu les tensions, il y a eu d'autres périodes de massacres en soixante-treize [1973] et c'est à ce moment-là que les deux ont décidé de quitter pour le Congo, pour Bukavu, où mes deux sœurs, mes deux grandes sœurs sont nées. Ils ont quitté, c'était une période quand-même assez difficile. Ma mère je sais qu'elle a fui, elle a fui son village; elle a même échappé à la mort un peu là. Elle s'est fait garder par une famille qui l'a cachée pendant les massacres de soixante-treize [1973], et c'est comme ça qu'elle a survécu. Et puis mon père aussi, il était où en soixante-treize [1973]? Je sais qu'ensemble, ils ont quitté pour le Congo. Et voilà c'était une autre vague encore; il y avait cinquante-neuf [1959], soixante-treize [1973] c'était vraiment les grosses, les gros moments où les personnes quittaient pour aller chercher une meilleure vie ailleurs; et puis c'est ce qu'ils ont fait. Ils sont allés d'abord à Bukavu, au Congo, de soixante-treize [1973] à soixante-dix-neuf [1979], fin soixante-dix-neuf [1979]. Ensuite en quatre-vingt [1980], fin soixante-dix-neuf – quatre-vingt [1979-1980], c'est là qu'ils sont allés en Éthiopie, et moi je suis née en décembre de la même année. Donc beaucoup d'insécurités, ils craignaient pour leur vie, même les discriminations sur tous les plans aussi. Même pour le travail; ma mère était enseignante, et puis souvent c'était le poste qu'on donnait aux Tutsi, parce qu'on ne voulait pas qu'ils aillent prendre les postes plus, plus importants au gouvernement, etc. Ce n'était pas accessible, donc souvent les Tutsi, les postent qu'ils faisaient c'était enseignement. Ma mère était enseignante, mais c'est durant son parcours, durant qu'elle enseignait, que justement il y a eu soixante-treize [1973]. Et puis, bon ils ont vu que ça craignait beaucoup pour leur vie et ils ont décidé de quitter. Q.:: Q.uand est-ce qu'ils se sont mariés? Les années...? R:: Non, ils se sont mariés. Alors s'ils ont quitté en soixante-treize [1973], ils se sont mariés en soixante-quatorze [1974]. En-tout-cas, un peu après; soixante-quatorze [1974], oui, oui, ils se sont mariés en soixante-quatorze [1974]. Et puis Solange ma sœur, ma sœur aînée, elle est née en soixante-quinze [1975]. Donc ils ont quitté, alors je ne sais plus s'ils se sont mariés: "est-ce qu'ils se sont mariés au Rwanda ou au Congo?" Non, non, Au Rwanda; ils se sont mariés au Rwanda parce que je me rappelle que mon père me disait que son frère avait beaucoup contribué à son mariage, il avait fait une grosse fête et tout. Q.u'ils avaient beaucoup apprécié; ouin, ils se sont mariés au Rwanda. Mais mon Dieu, ils seraient revenus pour le mariage? C'est une période; il faudrait que je leur demande exactement. Q.:: Et eux, ils se sont rencontrés comment? ... travail... les familles? R:: Non; les familles. Ils habitaient dans le même village et ils se connaissaient depuis même très, très jeunes. Ils se connaissaient, les familles se connaissaient aussi je pense, et puis voilà. Donc ils ont grandi dans la même région, ils sont tous les deux de Kibuye. Et puis c'était comme... voilà au début c'était des amis, et puis tranquillement il y a eu plus et voilà. Ils ont commencé... ils se connaissent; c'est des amis d'enfance finalement. Ouin. Q.:: Et vous êtes en Ethiopie pendant le génocide? R:: Ah oui, alors pendant le génocide... Q.:: Non... Libye? R:: Oui, Libye, exactement. En quatre-vingt-quatorze [1994] quand ça se passait, j'étais en Libye, mais c'est après, une fois que c'est fini; ...donc ça a fini en juillet à peu près le génocide, là c'était à ce moment-là qu'on a quitté la Libye pour aller retourner en Éthiopie chez notre mère. Donc on est arrivé en Éthiopie, peut-être juillet quatre-vingt-quatorze [1994]. Q.:: Est-ce que vous pouvez parler un peu de comment c'était d'être en Éthiopie pendant cette époque-là, et avec le ... Oui! R:: Ouin, ben en fait ça a commencé... je commencerais même par comment c'était en Libye, parce qu'on était juste avec mon père et ma sœur; on était juste trois. Et alors ça se passait, on entendait ça dans les nouvelles, mais moi je pense que je n'ai pas ... je n'ai pas cerné, [...]; ok, il y avait quelque chose qui se passait de très grave dans mon pays d'origine, ça j'avais compris. Mais je ne connaissais pas très, très bien mon pays d'origine non plus, ...! Donc, oui je me sentais interpellée, mais en même temps j'avais une espèce de distance; comme c'est bizarre! Mais en même temps, je me rappelle d'un truc..., ben je me rappelle que, tout d'un coup, du jour au lendemain, le Rwanda dont on ne parlait jamais; tu sais avant je disais au gens "je viens du Rwanda", ils ne savaient pas où c'était. Voilà, c'était vraiment méconnu. Mais tout d'un coup, moi ce qui m'a dérangée c'est, comment d'un coup, tout le monde parle du Rwanda partout, partout dans les nouvelles. Et puis, moi ça me dérangeait parce que je me disais "mais on parle du Rwanda, mais tout ce qu'on dit du Rwanda c'est des choses atroces!". Donc quand on parle du Rwanda, partout et qu'on dise du bien, ok ça c'est bon, mais tout d'un coup tout le monde entendait parler, Rwanda était égal génocide, Oh les massacres! "Oh tu viens du Rwanda, oh c'est là-bas qu'il y a des gens qui meurent, oh c'est là-bas que...". Moi j'étais comme "ok, ça suffit là, arrêtez de me parler du mal qui se passe, il y a des choses bonnes qui se passent aussi". Donc je me rappelle que j'avais un rapport un peu bizarre, mais ce que je me rappelle aussi c'était mon père, qui vivait ça donc... seul. Bon, il était avec nous, mais on était trop jeunes pour comprendre ce qui se passait vraiment; j'avais treize ans, puis Sylvie elle avait 14 ans et demi. Donc j'étais encore jeune, mais je me rappelle qu'il nous disait "Oh la la, ça va mal, ça va mal! ". On était là:: "mais comment ça, mais..." ; "oui, mais je n'arrive pas à parler à la famille, j'ai essayé d'appeler...". Je me rappelle qu'il parlait beaucoup au téléphone. Il y avait beaucoup de téléphone, beaucoup de coups de fils pendant la nuit parce qu'il y avait le décalage horaire. Donc on sentait qu'il y avait quelque chose de grave qui se passait, mais en même temps, oui ça nous faisait mal, oui ça nous touchait, mais à distance. On n'était pas conscientes de la gravité; tu sais, tu vois des images à la télévision, tu vois que ..., oh c'est grave, j'ai pas vu ça ailleurs, mais en même temps je sais pas. Moi, c'était...; c'est après, moi c'est les années après que j'ai réalisé. Donc plus les années avançaient, plus on reparlait de ça, je dis" ah oui c'est vrai que c'est quelque chose de grave quand-même qui s'est passé". Puis ensuite, encore on fait les commémorations, on fait des activités. Puis je grandissais aussi, donc j'apprenais des choses, et je disais::"Oh Mon Dieu! Maintenant je comprends ce que mon père disait en quatre-vingt-quatorze [1994]" Donc on a essayé d'être là avec lui, pour l'aider à passer à travers ça, mais [...] ça a été un moment très, très difficile. Et puis après on a quitté la Libye; donc pendant que ça se passait, on a déménagé, on est venue à Éthiopie. Et là on voyait ma mère aussi qui était complètement abattue, qui nous disait... mais en même temps, ils essayaient de nous protéger, parce qu'ils ne pouvaient pas nous dire; à des [aux] enfants, tu ne vas pas dire à des [aux] enfants de treize ans "Oh voilà comme ils ont fait, voilà comment ça se passe". Ils ne nous ont pas donné tous les détails au fait. Donc ils essayaient de nous épargner un peu des détails, mais tu sentais que... et en Libye avec mon père, et en Éthiopie avec ma mère, les deux étaient complètement abattus. Et on se sentait impuissants; impuissants, on ne pouvait rien faire, on se disait "ok c'est ça qui se passe, qu'est-ce qu'on peut faire nous?" On ne peut rien faire, il faut qu'on attende, c'était une période difficile. Mais je l'ai pas senti; je n'ai pas senti que c'était difficile moi, à ce moment-là. Donc c'est plus tard, encore aujourd'hui, que je continue à ressentir; oui. Q.:: Et est-ce que vos sentiments continuent à changer en relation à cette époque-là? R:: Oui, beaucoup. Beaucoup parce que donc, avec les années, donc quatre-vingt-quatorze [1994] ça s'est passé, quatre-vingt-quinze [1995] on est allée au Rwanda. Pour la première fois depuis que j'étais toute petite. Donc en quatre-vingt-quinze [1995] on retourne au Rwanda. C'est 1 an après le génocide, c'est très, très palpable encore, tu peux sentir qu'il y a eu quelque chose là-bas, tu vois encore les trous dans les murs; tu sais les trous des balles dans les murs. Tu vois, [...], oui tu sens; c'est encore très présent parce qu'ils n'ont pas tout nettoyé. Tu vois parfois des taches de sang par-ci, par-là, tu sais. Tu arrives tu fais, ok, donc c'est vraiment là, ok tout ce que j'ai vu dans les nouvelles-là, c'est ici que ça s'est passé. Mais même à ça, oui il y a eu ce côté très dur d'être là,. mais d'un côté aussi on était en vacances. Donc on était là, on avait 14 ans, on sortait beaucoup. On passait nos journées à la piscine, on avait des amis, donc on était comme dans un monde un peu ... paradoxal. On se rendait compte de ce qui s'était passé, mais c'est comme si on ne voulait pas voir. On faisait autre chose, on s'amusait; c'était les vacances pour nous. On n'était pas là pour pleurer tous les jours. Q.uatre-vingt-quinze [1995] on va là-bas, quatre-vingt-seize [1996] on retourne encore au Rwanda, et là, c'est moi. Je le ressens moi. C'est là, mais les gens parlent moins de ça, quatre-vingt-quinze [1995] beaucoup de gens parlaient que de ça. Partout où tu allais, chez n'importe qui où tu allais, un moment donné la conversation arrivait sur le génocide et les personnes te racontaient. Je me rappelle quatre-vingt-quinze [1995] beaucoup de gens racontaient comment tel était mort, comment telle personne était morte, avec les détails. Au début on était comme, Oh la la, on ne veut pas entendre ça, on est des enfants. Mais quatre-vingt-seize [1996], moins. Les gens parlaient moins. C'est comme si, ok on essayait d'oublier, on essayait d'avancer, mais c'était moins omniprésent en quatre-vingt-seize [1996]. Et quatre-vingt-dix-sept [1997] je viens ici au Canada. Oui, quatre-vingt-dix-sept [1997] on arrive, et puis, tranquillement on se met dans la communauté un peu; on s'implique dans la communauté rwandaise ici. Et comment on s'implique? Au début avec la danse; il y avait une troupe de danse, mes sœurs faisaient partie des troupes de danse. On faisait, on participait à des spectacles, etc. Ensuite on faisait des pièces de théâtre. Ensuite, moi je m'occupais d'un journal communautaire, Hobe Montréal. C'était... voilà, on baignait, on était dans la communauté. On se disait... Et c'est à travers ça... je pense que c'est avec toutes ces expériences ici, je ne sais pas, qu'on s'est encore plus rapproché de notre culture rwandaise. Parce qu'en Libye, oui il y avait une communauté rwandaise, je veux dire en Éthiopie; oui il y avait une communauté rwandaise, mais ... on n'était pas trop impliqué dans la communauté rwandaise en Libye, en Éthiopie pardon; ou la la, je confonds toutes les villes. En Éthiopie on avait nos amis à l'école, on était vraiment dans un milieu avec beaucoup d'expats. C'est- à- dire des étrangers qui vivent en Éthiopie parce que les parents travaillent dans les mêmes organismes et tout, on avait des amis éthiopiens. Donc on n'était pas très, très rattaché à la culture rwandaise. C'est, arrivée ici que soudainement, voilà on a vu pleins de Rwandais, pleins de Rwandais de la diaspora, on était moins impliqué dans la communauté éthiopienne de Montréal, vraiment pas, alors que c'est bizarre... Tu sais on aurait pu rester dans la communauté éthiopienne parce qu'on venait d'Éthiopie. Mais non! Nous, on était très pro-rwandaise, on s'impliquait partout et on aimait ça. Et c'est à travers tout ça que je me suis encore plus renseignée, plus appris sur ce qui s'est passe en quatre-vingt-quatorze [1994]. Ici on entendait parler de ça pendant les commémorations, et c'est depuis qu'on est ici je pense, qu'on se rend compte encore plus, enfin moi je me suis rendu compte encore plus de ce qui s'était passé dans mon pays. Parce qu'on en parlait, il y avait des choses par rapport à ça, et voilà, et c'est ce désir de vouloir m'engager qui est venu ici. C'est vraiment ici que je me suis impliquée, qu'on faisait des manifestations contre les génocidaires, qu'on faisait des commémorations, qu'on faisait pleins de trucs à ce que je me dis"Oh mon Dieu, tout ce temps, c'est comme si je ne réalisais pas... et là finalement, je me réveille", je dis "mais Mon Dieu, je veux faire quelque chose moi aussi". [Rire]. Ouin, c'est vraiment au Canada que je me suis vraiment rapproché de ma culture rwandaise. Q.:: Est-ce que c'est bizarre pour vous de ne pas lier avec la culture éthiopienne ici? Ou c'est naturel? R:: Ben c'est ça, c'est bizarre. Ça s'est fait comme ça. Peut-être parce que, Oui il y a une communauté éthiopienne, mais elle n'est pas très, très grande à Montréal. Si on était à Toronto, peut-être qu'on serait plus proche de la communauté éthiopienne. Mais ici il n'y en avait pas beaucoup; ça c'est une chose. Deuxième chose, je ne sais pas, ça s'est comme fait naturellement, parce qu'on avait beaucoup d'amis qu'on connaissait au Rwanda, qu'on avait rencontré pendant les vacances, qu'on connaissait en Éthiopie, qui étaient rwandais mais qui se sont tous retrouvés ici à Montréal. Donc quand on est arrivé ici, c'était normal, on se met tous ensemble et puis voilà. Ça s'est fait naturellement,. mais en même temps, je pense, parce que le nombre aussi, le nombre d'Ethiopiens n'était pas très, très important. Ouin c'est spécial. Q.:: Est-ce que vous avez voyagé beaucoup dans les autres pays? Est-ce que vous pouvez dire lesquels [inaudible] R:: Alors, voyager juste pour les voyages ou vivre, habiter? Q.:: Les deux... R:: Ok, alors donc Éthiopie, ça c'était bon. Rwanda pour les vacances. Libye pour vivre. Ah, quand on habitait en Libye, on allait beaucoup en Tunisie. Donc la Tunisie je connais bien, parce qu'une de mes sœurs, quand elle a fini son école en Libye, il n'y avait pas de Cegep, l'équivalent de Cegep en Libye, donc elle est partie en Tunisie. Donc Tunisie c'est juste à côté de la Libye et on allait souvent en voiture. Et pourquoi en voiture? C'est parce qu'en Libye il y avait l'embargo. Embargo, les États-Unis avaient mis un embargo sur la Libye et donc il n'y avait pas de vols, l'aéroport était fermé, donc pas de vols pendant plusieurs années. Donc qu'est-ce qu'on faisait, on prenait la voiture, on allait jusqu'en Tunisie, on revenait. On passait les weekends, on passait des vacances là-bas; donc je connais très bien Libye-Tunisie. Oh! un autre endroit aussi où on passait beaucoup de vacances, c'était à Malte, c'est dans la Méditerranée. Comme ce n'est pas loin de la Libye, on allait souvent pour les vacances d'été. Q.u'est-ce qu'on a fait encore? Ah oui, Seychelles, Maurice; Seychelles. Et puis l'ile Maurice, on est parti, on y allait en vacances avec ma mère. Donc comme nous quand on habitait au Q.uébec, à Montréal, ma mère était en Éthiopie tout ce temps, donc chaque fois tous les quatre ans environ, on s'organisait des vacances. Pour passer avec elle mais vraiment de bonnes, bonnes vacances, et en deux mille [2000], on est parti à l'ile Maurice, pour deux mois. C'était très, très beau. Et en deux mille quatre [2004], on est allés aux Seychelles, et c'est là qu'on a rencontré Karim, qui m'a présenté à mon mari. Donc ce voyage était très très important on va dire. Q.uoi d'autre qu'on a fait? Bon moi j'ai fait le Brésil pour mon stage. L'Italie, j'ai fait mon petit tour d'Europe avec mon amie, France, Belgique, Espagne, Amsterdam, qu'est-ce qu'on a fait encore? Cuba, ouin. Ce n'est pas mal ça; un peu d'Europe, un peu d'Afrique, l'Afrique de l'Est surtout, surtout. Je ne connais pas beaucoup l'Afrique de l'ouest, j'aimerais visiter. Et puis l'Amérique latine un tout petit peu; surtout le Brésil, je suis fascinée par ce pays. Q.:: Est-ce qu'à Montréal, ou ailleurs, avez-vous déjà eu le sentiment de ne pas être en sécurité? R:: A Montréal, non. Franchement à Montréal, insécurité, non je n'ai jamais senti ça ici. Q.ue ce soit... Par contre ailleurs, au Brésil par exemple, moi on me faisait peur avant de partir, attention la sécurité..., les gens sont armés, etc. Oui c'est vrai que la sécurité n'est pas la même au Brésil qu'ici, mais Dieu soit loué, je n'ai rien eu; rien ne m'est arrivé de grave. Mais par contre, j'entendais des histoires autour de moi, des personnes à qui s'est arrivé; donc par moment, je me disais, "Hum", c'est vrai que c'est un très beau pays, mais ce petit côté sécurité qui fait peur. En même temps, c'est tellement beau que tu te dis, "écoute, c'est quoi, on essaie d'éviter les problèmes, on essaie d'éviter que ça t'arrive, mais ça ne peut pas t'empêcher d'aller vivre dans un pays". Donc oui, quand je suis allée au Brésil on me le répétait beaucoup, fais attention, fais attention; tout s'est très bien passé pour le moment. Où d'autre que j'ai vécu et je me suis sentie...? Libye, Libye je me suis sentie en sécurité parce que j'étais, on était en famille, on était à la maison et tout ça, on était... Mais c'est vrai que par moment, bon tu sors pas n'importe quand, surtout quand tu es une fille. Tu ne sors pas quand tu veux, le soir etc. dans la rue. Tu ne t'habilles pas comme tu veux non plus; j'avais beaucoup d'amies, beaucoup de mes voisines elles étaient toutes voilées, donc moi je me sentais un peu bizarre. Tout le monde voilée, et je suis "la non voilée", donc c'était quand-même spécial. Donc on ne sortait pas n'importe quand, n'importe où, n'importe comment. En Éthiopie, non, je ne me suis jamais sentie ... je me suis toujours sentie en sécurité en Éthiopie. Parce qu'on était bien encadrée, on était à la maison, on allait à l'école, on allait chez les amis, il n'avait pas beaucoup de... Non, en gros-là, c'était bien, je n'ai pas eu de mauvaise expérience. Q.:: Avant que vous êtes venue [vous veniez] ici, comment imaginiez-vous Montréal ou Q.uébec ou Canada? R:: Oui... Alors, le Canada a toujours fait partie de notre, on va dire notre univers, parce que dès qu'on était jeune, même quand on était [...] en Éthiopie, en Libye même, mon père parlait beaucoup du Canada. Il disait toujours, un jour on va aller au Canada. Un jour je vais vous emmener au Canada. Un jour on va vivre là-bas, mais moi je me disais pourquoi particulièrement le Canada, et je ne sais pas. Il disait voilà, ça c'est un pays où tous les problèmes qu'on a connus avant, eh ben on va plus les connaitre ici. C'est le pays où tout le monde a des chances. Donc tu peux étudier, tu peux travailler, t'es bien, tu n'as pas de problème, t'as pas à t'inquiéter. Tout ce qu'eux ils ont connu quand ils étaient jeunes, l'insécurité, les violences et tout ça, eh ben voilà, le Canada c'était la solution pour tout. Donc nous, en grandissant, on voyait le Canada comme Wow, l'Eldorado [inaudible], tu sais, un endroit parfait et tout ça. Donc vraiment on idéalisait, on avait une très belle image du Canada. Alors qu'on n'avait pas vu de photos, on n'avait pas vu de vidéos du Canada, [...] mais vraiment on avait, on est parti avec une bonne image. Q.uand ma sœur a terminé son Cégep et qu'elle est venue ici, et moi je suis venue avec elle, mes premières impressions c'était Wow, tu sais... les autoroutes; [je ne sais pas...] c'est vraiment un autre univers, c'est une autre façon de voir. Même la façon dont la ville est construite, c'est complètement différent. Et en effet j'ai trouvé que c'était beau, vraiment. J'ai de très, très beaux souvenirs, on est arrivé en septembre, donc c'était au début de l'automne, et je me rappelle les feuilles commençaient à changer de couleurs, ce n'était pas encore très froid, c'était encore très beau. Le timing ou on est arrivé c'était très très beau. Mais c'est l'hiver qui était chaud, qui n'était pas très très drôle. Surtout que mon premier hiver moi, c'était l'hiver du verglas. Je ne sais pas si tu as entendu parler du verglas, ou tu étais la peut-être au verglas, c'était le ice storm. L'hiver quatre-vingt-dix-sept-quatre-vingt-dix-huit [1997-1998]. Q.:: Oui j'étais en vacances, en décembre. R:: Ah en décembre, et puis tu es partie? Q.:: Ben... on a eu d'autres tempêtes [inaudible] R:: Et c'est ça oui, et puis en janvier il y a eu vraiment le verglas. Donc moi je vois ça, je dis "mon Dieu! Maman, je veux rentrer à la maison". Je dis "envoie-moi un billet d'avion"; parce que moi je croyais que c'était comme ça... En fait, je pensais que tous les hivers, il y avait du verglas comme ça. On m'a dit:: "non Sandra, c'est la première fois, c'est rare, non c'est vraiment un cas exceptionnel". Là j'étais comme, ok quand est-ce que ça finit là? Un mois, deux mois, trois mois... non l'hiver, le premier hiver c'était beau à voir, c'était nouveau, mais tous les autres hivers, moi je trouve ça dur. Je trouve dur les hivers au Q.uébec, franchement. Mais à côté de ça, l'été j'adore, le printemps j'adore, l'automne j'adore. Donc il y a juste une saison que je n'aime pas. Q.:: Et comment pensez-vous que vos sentiments concernant votre communauté ont changé depuis votre enfance? R:: Hum, depuis mon enfance? Alors, oui ils ont changé, alors encore là quand tu dis communauté, communauté rwandaise? Communauté... c'est ça qui est spécial. En grandissant donc moi je savais que j'étais rwandaise, mais j'habitais en Éthiopie, ensuite après j'ai vu, après quatre-vingt-quatorze [1994], c'est comme si oui tu es Rwandaise, mais tu es Rwandais et puis ta famille a vécu quelque chose d'atroce. Tu sais, donc là c'est un autre Ok je suis Rwandaise, mais je suis Tutsi aussi, et puis, et puis voilà ce qui s'est passé chez nous etc. Et il y a la phase ici à Montréal, où c'est comme si j'avais embrassé la communauté, je voulais faire partie intégrante de la communauté rwandaise.. Et c'était cette communauté qui m'identifie, je m'identifiais dans cette communauté en fait. Et ça a été vraiment graduellement, j'ai commencé à quasiment rien, en ne sentant même pas interpellée par le Rwanda quand j'étais jeune, ensuite il y a eu cette histoire. Donc ça finit par être, pas ton identité mais... moi je me demande comment je me serais sentie s'il n'y avait pas eu de génocide. Parce que le génocide est venu tellement donner un autre, comment te dire, une autre couche à ton identité; il y a Rwandaise, et voilà il y a ce que ton peuple a vécu. Et là ces dernières 10 années où je me sens tellement rwandaise, mais je mets un tout petit peu à côté mon expérience éthiopienne. Je l'ai encore parce que je retourne là-bas, ma mère est encore... elle vit là-bas, donc je retourne là-bas, mais je ne sais pas. C'est comme si... ce serait très intéressant de voir, c'est dur de retourner le temps, mais s'il n'y avait pas eu de génocide, je sais pas si notre appartenance, notre identité, tout ça aurait été la même. Je ne sais pas, je ne sais pas. C'est comme si après ça, il y a un besoin qu'on a de venir faire notre part dans tout ça, comment moi je peux changer les choses, comment je peux m'impliquer, comment je peux faire une différence. Et ça c'est un facteur très important dans ma vie aujourd'hui. Voilà. Q.:: Est-ce que les gens ici parlent d'être Tutsi ou Hutu ensemble? Comme je sais qu'au Rwanda on n'en parle pas officiellement, comme je suis Rwandaise... [inaudible] Alors ici c'est la même [chose], ou c'est un peu différent ici parce qu'on est loin [inaudible]? R: Oui. Alors ici on évite de parler de ça, mais on en parle quand-même. On en parle quand-même parce que, bien déjà, c'est triste à dire mais il y a quand-même une petite ségrégation, pas ségrégation, mais on est séparé; on n'est pas ensemble tous. Oui, on n'est pas, tu sais il y a la communauté tutsi, puis il y a la communauté hutu. Alors c'est vrai qu'il y a des fois, parfois des mélanges; il y a des personnes qui sont dans l'un ou dans l'autre, mais on ne partage pas des activités ensemble. Il y a des activités que nous on organise, il y a des activités qu'eux ils organisent. Donc entre nous, quand on est entre nous, donc euh on ne le dit pas, en-tout-cas je suis Hutu, je suis Tutsi, on le dit pas fort comme ça. Mais en même temps, c'est quelque chose qu'on essaie d'arrêter, c'est vraiment... il y a une vague de plus en plus comme aujourd'hui quand quelqu'un me demande "Eh bien tu es quoi toi? Tu viens du Rwanda, mais tu es quoi, tu es dans quel groupe et tout ça?" Là, j'essaie de dire:: "non on essaie d'arrêter ça. Non, non, ne me demande pas parce que c'est ça qu'on essaie d'éviter. Donc toutes ces années-là, justement on nous a séparés, là, vois au moins la rwandaise point". Donc c'est quelque chose qu'on essaie de faire ici, c'est encore plus fort au Rwanda parce que c'est là que ça s'est passé, mais ici de plus en plus on essaie d'éviter de s'appeler par les noms comme ça. Q.:: Alors la troupe de danse c'est mélangé ou c'est la plupart ... R:: La plupart de la troupe de danse c'est des Tutsi, en effet. La plupart, donc la majorité, la très grande majorité même, on va dire, Oui. Q.:: Alors, il y a division oui. Mais aussi à Montréal est-ce que vous voyez d'autres divisions, d'autres gens? R:: Ah, dans nos rwandais-là? Q.:: Non, à Montréal, ici. R:: Bien la seule division que je verrais c'est vraiment les anglais, anglophones-francophones là. Des fois je le vois même dans les quartiers où j'habite; j'ai longtemps habité dans l'Ouest de Montréal, NDG, Hampstead, dans ces coins-là, et là maintenant je suis complètement à l'Est. Et là maintenant je le vois, je le vois complément, je l'entends, mes voisins, tu sais..., on parle français là. dans mon quartier! Et puis au début j'avais pas remarqué ça; au début je ne connaissais pas, j'arrivais à Montréal, j'allais... tu sais on voyait les quartiers, on entendait un peu parler les deux langues un peu partout. Mais c'est vraiment avec les années que tu vois vraiment qu'il y a une division. Pas la même division, pas basée sur une ethnie ou quoi, mais une division linguistique, simplement. Mais à part cette division-là, non, je n'ai pas vu ça dans d'autres communautés, non. Q.:: Q.u'est-ce qui pour vous est chez vous, maintenant? R:: Q.uel pays? Q.:: Q.uel lieu? Q.uelle ... R:: ...est chez moi? Q.:: Idée ...je ne sais pas. R:: Hum. Wow, une très bonne question ça. Alors je sais que, bon ces dernières années, ces treize dernières années passées à Montréal, là je sens que je m'enracine. Donc vraiment je commence à prendre mes racines ici, je me vois toujours avoir un pied à terre ici, toujours parce qu'il y a mes sœurs, il y a mon père, donc il y a une bonne partie de ma famille qui est là, donc... Oui, je me sens de plus en plus chez moi ici. Cela dit, tout en me sentant ici très, très confortable, je me sens aussi énormément Rwandaise. Donc le Rwanda. En même temps je ne me sens pas chez moi quand je vais au Rwanda, parce que j'y vais seulement en vacances. Donc j'y vais en vacances, je vois un côté du Rwanda que les gens tous les jours ne voient pas forcément. Donc ce n'est pas comme si ...Ouf j'arrive au Rwanda, je me sens à la maison, voilà, je me sens bien, non. Ça, ce ne serait pas vrai, parce que je le connais pas, mais ... ça c'est très, très intéressant, parce que, en même temps je me sens "identitairement" là, je me sens très, très Rwandaise. Et enfin, donc ça c'est mon rapport avec le Canada, mon rapport avec le Rwanda. Par contre quand j'arrive en Éthiopie, je me sens à la maison. Je me sens à la maison aussi parce que je parle la langue, je connais l'endroit, je suis née là-bas, j'ai passé... c'est là que j'ai passé une bonne partie de ma vie. Pendant un moment, c'était là que j'avais passé le plus longtemps de ma vie, mais maintenant le Canada a dépassé l'Éthiopie. Donc j'ai passé 13 ans au Canada, 11 ans en Éthiopie. Donc là tu vois, c'est peut-être... Oui, le nombre d'années aussi ça joue beaucoup. Alors je devrais le mettre sur une échelle, je dirais, aujourd'hui en deux mille-dix [2010], je me sens à la maison au Canada, parce que c'est ici que je réside, c'est ici que j'ai passé le plus longtemps de ma vie. En deuxième position, ce serait l'Éthiopie qui viendrait, parce que voilà, j'ai un autre attachement très particulier à l'Éthiopie; voilà, du fait de mon vécu. Ensuite, il y aurait le Rwanda, qui [...], qui est très, très important dans ma vie, parce que même ici, je suis constamment impliquée dans des choses qui touchent le Rwanda. Mais il manque quelque chose, il me manque de vivre là-bas, enfin, voilà ce qui me manque. Voilà; c'est ça qu'il faudrait que je fasse à un moment donné, habiter là-bas. Puis voilà, avoir une expérience au Rwanda, et dire:: "Oui j'ai déjà vécu dans mon pays! " Mais je ne l'ai pas encore eu, et puis bon, ça arrivera quand ça arrivera, mais je sais que ça arrivera un jour. Voilà! Q.:: Est-ce que vous deux êtes ok à déménager ailleurs? R:: Alors, déménager ailleurs, oui. Moi et mon mari? Oui. On est très, très, très, très ouvert à cette idée. D'ailleurs on regarde même, on commence à voir, il y a des endroits où on a toujours voulu aller vivre, mais à chaque fois on repousse, on repousse, on dit on va le faire un jour, on va le faire un jour. Mais [...] oui, de plus en plus on veut que ce jour arrive, on veut concrétiser nos rêves, nos plans. Et on a pensé à, un des endroits qu'on a pensés c'est. le Brésil, on voudrait aller s'installer là-bas un jour, on ne sait pas quand. Deuxième endroit où on veut s'installer avec mon mari c'est le Sénégal. Je ne sais pas pourquoi; c'est une fascination que et lui et moi avons pour ce pays. Lui il est parti en vacances, moi je n'y ai jamais mis les pieds, mais on sait qu'un jour, on aimerait vivre là-bas. Moi j'aimerais aller au Rwanda avec lui, j'aimerais qu'il découvre le Rwanda. Je lui ai déjà montré l'Éthiopie, là je veux lui montrer le Rwanda et puis voir si... si voilà. Au moins avoir une expérience là-bas, peut-être quelques années, et puis on verra. Et voilà, donc on est très, très ouverts. Maintenant qu'il a la résidence permanente, on est plus, plus flexible, et maintenant qu'on est mariés, si on veut commencer notre vie maintenant là, aller, voyager et puis découvrir le monde. Ouin. Q.:: Est-ce qu'il y a des objets physiques qui vous rendent confortable? R:: Physiques...qui me rendent confortable? Hum, des objets? Oui, alors par exemple quand ma mère, elle vient d'Éthiopie, souvent elle nous emmène des gabi [inintelligible]. Des gabi c'est des ..., des couvertures faites en laine éthiopienne. C'est fait à la main, c'est très, très, très épais, et puis c'est très, très chaud; ça tient au chaud surtout en hiver. Alors ça, ça c'est direct, ça me ramène l'Éthiopie, ça me ramène encore les odeurs de l'Éthiopie quand ça vient, parce qu'elle est allée l'acheter au marché juste avant de prendre son avion. Donc c'est encore très... eh oui, ça, ça me rend très, très confortable. Q.u'est-ce qu'il y a encore? La cuisine, moi je dirais la cuisine. Ce n'est pas un objet physique vraiment. Mais la cuisine, la cuisine éthiopienne elle peut me... mais il y a un plat traditionnel, en fait c'est le plat par définition en Éthiopie, c'est l'injera [inintelligible]. L'injera c'est comme une pâte, une espèce de crêpe. Et puis tu le manges avec plusieurs sauces, et des légumes, et de la viande et tout. Donc tu prends ton petit morceau de crêpe et tu vas chercher des petits, tes petits ingrédients. C'est tellement bon ça, voilà. Ça c'est le truc que quand on arrive en Éthiopie, il faut qu'on aille dans un restaurant. On mange de la cuisine éthiopienne tout de suite. Q.:: Est-ce que vous savez comment faire ça? R:: Alors non, la pâte c'est compliquée, parce qu'il faut avoir une machine pour le faire. C'est une espèce de grosse machine. Et puis même la farine, c'est pas exactement la même farine, il y a une farine similaire que tu peux trouver ici, mais ce n'est pas exactement la même chose. Mais la pâte, tu peux trouver dans les épiceries; il y a deux ou trois épiceries qui font ça. Par contre les sauces, Oui j'en connais quelques-unes, mais pas beaucoup. Non, c'est très, très compliqué à faire, ça prend beaucoup de temps aussi. Mais ouin, ça, je te dirais un bon gabi là, avec un bon Injera, je suis très bien là. Mais encore tu as vu, c'est deux choses éthiopiennes qui me rendent confortable. Hum, j'essaie de voir quelque chose de rwandais qui pourrait me rendre... la musique rwandaise. La musique rwandaise est très, très bonne, très... même si je ne comprends pas tout ce qui se dit, mais la musique rwandaise oui, c'est quelque chose. Ouin, ça serait pas mal, ça. Q.:: Est-ce qu'il y a une couleur que vous pouvez associer à être chez vous? R:: Q.uelle couleur? Moi par nature j'aime beaucoup les couleurs vives, j'aime l'orange, le jaune, j'aime les couleurs d'été; les couleurs chaudes. Mais il n'y a pas une couleur en particulier qui me ramènerait à..., non. Ces couleurs-là, je les verrais; j'irais en Éthiopie, j'irais chercher des vêtements, je vais chercher les mêmes couleurs que moi j'aime, tu sais? Je vais essayer d'adapter mes couleurs avec. Mais non, il n'y a pas une couleur en particulier qui me rappelle chez moi. Q.:: Comment définirez-vous le mot "réfugié"? R:: Hum? Alors, le réfugié ce serait celui [réflexion],. celui qui quitte son chez-soi, justement son home comme tu dis, à cause de... à cause que ce soit à cause de violences, d'instabilité, de...Ah oui, celui qui est forcé de quitter chez lui. Oui, parce que souvent tu ne décides pas de quitter comme ça pour le plaisir de quitter, à moins que bon, tu veuilles voyager et tout ça, mais celui qui est forcé de quitter son chez-lui, son petit cocon là, familial. Q.:: Et comment définirez-vous le mot 'Q.uébécois'? R:: Hum? C'est vrai, j'ai toujours... pendant longtemps, j'ai associé le mot québécois à [...], celui qui habite, celui qui habite au Canada, au Q.uébec depuis plusieurs générations, ce qu'on appelle les Q.uébécois pure laine. Puis une fois, je ne sais pas à qui j'ai dit, avec qui je parlais, et puis on parlait d'un anglophone qui habitait à Montréal. Et puis, je ne sais pas, en parlant de lui j'ai dit:: "mais non, il est pas Q.uébécois". Puis la personne me dit::" mais pourquoi il n'est pas québécois?" J'y vais "mais non, il n'est pas québécois, il parle anglais". Et puis, c'est la même... en le disant, j'ai dit:: mais pourquoi, c'est vrai. Est-ce que québécois ça veut dire forcement parler français, être arrière grands-parents, arrière-arrière grands-parents qui sont nés ici, grandi ici? Ou québécois c'est quelqu'un tout simplement qui habite au Q.uébec? Et puis c'est là que ça m'a ...[inaudible, titlée?]. Pour moi pendant longtemps, Q.uébécois c'était le francophone pure laine, tout ça, le québécois. Ensuite, le reste on était des Montréalais, tu sais? Mais non, "Q.uébécois" moi je pense que, je définirais maintenant, j'élargis ça; Q.uébécois c'est des habitants du Q.uébec. Oui il y a les immigrants, mais moi je pense que les immigrants deviennent Q.uébécois aussi à un moment donné. Q.:: Q.uand? R:: Ah, ça c'est la question, ça c'est la question. C'est ça, est-ce qu'il y a une date, est-ce qu'il y a un nombre de jours que tu fais dans le territoire pour devenir Q.uébécois? Est-ce qu'au bout d'un an, on peut devenir Q.uébécois? C'est ça la question:: quand? Et ... parce que Montréalais-Q.uébécois c'est... Oui c'était, ça m'a pris du temps, mais je ne sais pas pourquoi j'ai fait ce rapprochement direct, alors qu'un anglophone qui est là depuis des années, qui a sa famille, ses deux parents aussi, pourquoi je l'appellerais pas Q.uébécois, tu sais? Fais que oui, non j'ai appris sur le tas et là maintenant voilà; Q.uébécois c'est celui qui habite ici depuis un certain temps, résident du Q.uébec. [Rires] Q.:: Vous, vous considérez-vous avant tout Canadienne ou Q.uébécoise? R:: Hum? Alors vu ce que j'ai dit avant ça, là je devrais dire que je me considère Q.uébécoise, mais je ne sais pas si je me considère Q.uébécoise. Ça devrait être ça, ça fait treize ans que je suis là, je devrais dire "Oui Sandra, tu es Q.uébécoise". Mais je ne sais pas; quand on me dit d'où tu viens, c'est pas le premier mot qui me vient. Je ne dis pas que je suis Q.uébécoise, je dis que je suis Rwandaise. Alors je dis Rwandaise, née en Éthiopie ou Rwandaise venue au Canada il y a... Toujours, je dis dans ma tête... c'est encore [comme ҫa]! Et même Canadienne, pendant longtemps, je me... je suis citoyenne canadienne depuis peut-être six ans, depuis deux-mille quatre [2004], mais je ne sais pas si je me sens encore entièrement Canadienne. Et quand est-ce que je le vois? Q.uand je vois par exemple les jeux olympiques, que le Canada joue, quand on gagne, là maintenant je dis on gagne, mais quand le Canada gagne, je ne me sens pas interpellée. Je ne me sens pas comme "oh mon Dieu, mon pays a gagné!" Non, je dis le Canada a gagné. Par contre, si je vois une équipe rwandaise ou une équipe éthiopienne, Oh My God,! je vais dire "Oh la la", je suis contente parce que bon, ils sont arrivés là et tout ça, mais oui.... Alors honnêtement je dirais que je me considère plus Montréalaise que Q.uébécoise ou Canadienne. Dans l'avenir peut-être, je voyage avec un passeport canadien, mais ce n'est pas encore arrivé là. Je ne suis pas encore rendu où je me sens complètement Canadienne; comme... je sais pas, comme Steven Harper [Premier Ministre du Canada] se sent Canadien [rire]. Je ne suis pas rendue là; j'aurais pu choisir un autre exemple [rire]. Ouin, je dirais Montréalaise. Q.:: Vos amis; est-ce que vous avez des amis francophones? Anglophones? C'est qui vos amis? R:: Alors, j'ai des amis anglophones et francophones. J'ai les deux. J'ai vraiment un peu des deux; j'ai hispanophones aussi de plus en plus à cause de mon mari, c'est qu'il a beaucoup d'amis latino-américains ici. Donc oui, j'ai un peu de tout; j'ai un peu de francophones, majoritairement je te dirais, majoritairement francophones. Parce que dans mes amis aussi il y a beaucoup de rwandais, donc on parle français habituellement plus, mais à côté de ça j'ai beaucoup d'amis anglophones aussi. Q.:: Q.ue pensez-vous des accommodations [accommodements] raisonnables ? R:: Hum! Alors ça, c'est toute une autre histoire. Mais en même temps, c'est intéressant de voir ça parce que ça a permis un peu aux gens de s'exprimer. Et ça c'est toujours une bonne chose, même si ce qu'ils disent n'est pas toujours très, très, très, très smart, très réfléchi, mais au moins ils ont un endroit où ils s'expriment; ça c'est une bonne chose. Maintenant, qu'on soit arrivé à ça, et surtout l'élément déclencheur aussi, ce qui a déclenché ces accommodements-là, je ne sais pas. Moi je trouve ça un peu, un peu extrême. Mais en même temps, est-ce que ça va empêcher les personnes de se sentir comme ils se sentent? Je ne sais pas. Est-ce que le fait d'avoir fait des accommodements, est-ce que ça va améliorer l'intégration? Est-ce que... ça on ne le sait pas encore, c'est encore tôt peut-être pour le voir. Mais ouin, moi je suis pour le fait qu'on donne la parole aux gens, mais en même temps, ça a aussi ses handicaps. Parfois tu entends de ces choses-là, et tu te dis 'Ah'. Tout ce temps en fait, voilà ce qu'ils pensaient, voilà comment ils se sentaient, voilà... Mais, mais je pense que c'est quelque chose qui vient avec le Canada, par exemple, qui est un pays peuplé par les immigrants, etc. Je pense que c'est quelque chose qui devait arriver, maintenant. C'est les circonstances ...comment c'est arrivé, tout ce qui a enclenché, tout ce qui est venu après, bon ça ce n'était pas non plus idéal, mais ouin. Mais il y a de bonnes choses qui sont sorties quand-même de ça, il y a beaucoup de bonnes, de bonnes solutions, bonnes idées qui sont sorties de ça, ça c'est bon. Mais voilà; là, c'est à double tranchant. Q.:: Q.ue voudriez-vous dire aux nouveaux arrivants si vous en aviez la chance? R:: Hum! Nouveaux arrivants? Alors déjà, de s'ouvrir à la culture, de s'ouvrir à Montréal, de pas rester ghettoïsés dans les petites communautés, dans les communautés que vous connaissez déjà. Moi je dirais de s'ouvrir le plus possible, d'apprendre à connaitre les collègues si vous travaillez, d'apprendre à connaitre. les collègues à l'école, de vraiment avoir de la soif d'apprendre, quand tu arrives dans un pays vraiment [...] Q.u'est-ce que je conseillerais aussi? Ah oui, de se renseigner aussi, parce qu'il y a tellement de ressources quand tu arrives. Ici on a accès à des ressources pour les immigrants, tout ça, et souvent on ne sait pas. Donc vraiment se renseigner, ne pas avoir peur de poser des questions. Aller demander à des organismes; il y a des organismes qui sont là pour ça et des fois on ne sait pas. Donc on ne le sait pas, pourquoi? Parce que peut-être on est trop fermé, on n'ose pas s'informer, non; moi je dis:: "Ouvrez-vous le plus possible". Essayez d'apprendre de l'autre, que ce soit un Q.uébécois, une autre personne d'une autre origine ou quoi; mais vraiment là, ouvrez-vous et puis les choses iront bien. Parce que ce n'est pas en arrivant ici qu'on va se renfermer; au contraire, on a la chance. Q.:: Et que voudriez-vous dire aux Q.uébécois si vous en aviez la chance? R:: Alors moi je dirais au Q.uébécois d'être tolérants, d'être accueillants, parce qu'ils ont un pays justement, qui accueille beaucoup d'immigrants. De ne pas avoir peur de l'immigrant, de [...] le mettre à l'aise en fait. De l'accueillir, mais vraiment! Déjà le peuple québécois est connu pour être un peuple accueillant, donc déjà ça, on part avec de bonnes bases. Mais parfois aussi on voit des cas de, ... oui t'as l'impression d'être bien accueilli, mais en même temps, voilà, il y a comme un double jeu. Devant toi on va te montrer que tu es très, très bien, mais derrière toi la, hum! C'est genre, on reste éloigné là, on se... Donc vraiment de mettre la personne à l'aise, surtout cette personne-là qui arrive, elle a laissé des choses là-bas, elle a laissé toute une vie et puis elle arrive pour différentes raisons. Pas forcément des raisons difficiles, mais déjà... c'est déjà dur d'arriver dans un nouveau pays. Alors si en plus en arrivant dans ce pays-là, il ne se sent pas bien accueilli, mal à l'aise et puis victime de discrimination, de racisme etc., bon ça, ça rend les choses beaucoup plus difficiles. Alors vraiment je dis aux Q.uébécois, tu sais accueillez-les, la diversité c'est une richesse. On peut apprendre de l'autre, ne pas avoir peur de l'autre; c'est ça que je dirais. Q.:: La culture, ça veut dire quoi pour vous? R:: La culture, hum? Alors ça implique, ça englobe beaucoup de choses. Ça englobe, la langue, moi je trouve que la langue est l'élément majeur d'une culture; c'est la langue, c'est les coutumes, la cuisine, les habitudes, les habitudes alimentaires là. La culture? En fait c'est tout ce qui te définit aussi, qui t'a été transmis. Souvent c'est difficile à vraiment nommer, c'est vraiment très abstrait, mais moi je pense que, voilà, c'est une combinaison de tout ça, la culture, une langue, les meurs, les coutumes typiques de ce pays ou de cette culture-là, Ouin! C'est comme un mot, mais qui englobe beaucoup de choses. Q.:: Comment vous décrivez, vous définissez-vous? R:: Ah moi? Comment je me décris? Alors, je dirais que je suis une femme, Rwandaise, née en Éthiopie, qui vit au Canada depuis treize ans. En gros ce serait comme ça que je me définis. Mais aussi je pourrais me définir en disant, je suis citoyenne du monde aussi, je me définis comme ça. Des fois je me définis comme journaliste, parce que c'est ça ma formation. Et puis parfois aussi j'ai du mal à me définir comme ça. Je me définis aussi comme faisant partie de la diaspora rwandaise. Je me définis comme une immigrante. Je me définis aussi parfois comme une minorité visible, selon les critères ici. Comment je me décrirais?. Je suis une personne aussi très, très curieuse de nature, passionnée, voyageuse, avec une petite âme d'artiste aussi. J'ai un petit côté d'artiste qui sommeille en moi, enfin il dort profondément, mais j'ai un petit euh... j'ai une fascination, j'aime la musique, j'aime la guitare, ouin. Ouin, j'ai, ouin je suis euh... voilà c'est comme ça que je me définirais en gros là. Ce serait les grandes lignes. Q.:: Et, quand vous avez dit que [inaudible], ... "minorités visibles", est-ce que vous avez vécu, aperçu des différences ici ou vécu quelque chose à cause de ça? R:: Ce n'est pas quelque chose qui arrive tous les jours, c'est pas quelque chose... voilà, je suis... je suis une victime ; non, c'est pas quelque chose de courant, mais il y a des situations très spécifiques ou s'est arrivé déjà. Un exemple qui me vient à l'esprit par exemple, c'est les appartements. Q.uand on venait d'arriver au Canada, en quatre-vingt-dix-sept [1997], on a cherché un appartement avec mon père, ma belle-mère, ma sœur, et je me rappelle que, il y a un appartement où on avait appelé, on avait dit qu'on était intéressé etc. Tout allait bien, eux autres aussi étaient contents parce qu'au téléphone, ils ne savaient pas qui était qui. Mais à partir du moment où on est arrivé à l'endroit, Ah comme par hasard, c'était déjà loué! Alors ça, c'est arrivé plusieurs fois, et on a poursuivi en justice d'ailleurs cette personne-là. Mais, qu'est-ce qu'on a vu? Oui, tu le sens pas, tu le sens pas au quotidien, vraiment là ici, moi je trouve que voilà, on te met à l'aise, c'est vraiment "tu viens d'où? Machin-machin", mais des situations là, par moment tu sais, c'est vraiment anodin; c'est peut-être une fois l'année, ou comme ça. Ou quand ça va mal, avec un voisin par exemple; si ça va mal, un voisin est fâché contre toi, la première chose qu'il va te dire c'est "retournez chez vous". Oui, ça, c'est déjà arrivé; et c'est drôle, ce n'est même pas à moi qu'il disait ça, c'était à mon mari, à Nil qui est, lui il est moitié français, moitié dominicain, bon il a l'air un peu plus basané, il a l'air... bon il se fait passer souvent pour un arabe, mais c'est ça. Une voisine un jour, fâchée, mauvaise humeur:: "Ah, retourne-donc chez vous!". Alors souvent voilà, c'est quand il y a un petit truc qui va pas, ou un petit problème, là c'est là que le côté pas raciste, mais pas très ouvert là, il revient. Une autre anecdote qui est arrivé récemment encore, c'est quand on a déménagé dans notre nouvel appartement. Et là on a un voisin juste à côté. On faisait un petit get together, un petit, une petite fête, mais vraiment très petite, avec des amis et tout ça. Il était 10h, un vendredi, là il y a mon mari qui parle avec un ami à lui, devant l'entrée, devant l'entrée de la maison, comme sur le balcon; ils jasent. Ils jasent en anglais. Il est 10h. Alors, le voisin à côté qui crie:: "arrêtez de parler" ... qu'est-ce qu'il a dit? Au début il a dit, "arrêtez de parler, j'essaie de dormir". Ok fine, on arrive dans le quartier, donc on ne connait pas très bien les gens puis les caractères et tout ça. Ok, mais il est 10h et on est vendredi là; c'est bon, ce n'est pas... Mais moi ce qui m'a dérangé, c'est ce qu'il a dit après; c'est "arrêtez de parler en anglais, asti arrêtez de parler en anglais, parlez-donc français". J'ai fait ok, ça c'est vraiment bizarre. Donc on est chez nous, dans notre appartement, donc le problème c'est pas qu'on parlait fort, mais il avait, il était encore plus frustré qu'on parlait anglais. Ça, ça me dépasse; on ne peut pas parler la langue qu'on veut chez nous? C'est quoi là? Et cet ami-là, il parle français, mais il ne parle pas très bien, il est anglophone tu vois! Donc chaque fois qu'on le voit, on parle l'anglais. Et là ça m'a quand-même choquée,. tu vois, ça veut dire Oh la la; ça veut dire que les voisins à côté ne sont pas très, très ouverts, non seulement aux anglophones, mais peut-être qu'ils nous aiment pas beaucoup non plus, on sait pas. Donc il y a de petits incidents par-ci par-là qui montrent des fois le vrai côté un peu des personnes aussi, mais dans l'ensemble franchement, non, on ne se plaint pas. On ne se plaint pas; quand mon mari me parle de son expérience en France, il n'y a rien à voir, il n'y a rien à voir, vraiment là ici on est au paradis. Là-bas c'est grave, là-bas c'est tous les jours qu'on te le dit, c'est partout ..., c'est vraiment omniprésent le racisme. Ah oui, oui, oui, ah oui, vraiment. Je ne sais pas, c'est vraiment deux choses différentes donc, mais oui ici on a de petits incidents, mais oui, ça c'est des incidents de la vie de tous les jours, mais c'est rare. Franchement c'est très rare. Q.:: Est-ce que vous remarquez une différence entre la vie ici et la France? R:: Hum! La vie ici et en France? Q.:: Non, non. Juste ici au Q.uébec, au paysage? R:: Ouais. Alors, moi je ne connais pas beaucoup de villes ici, mais j'en connais quelques-unes dans le Q.uébec, sinon je connais les grosses villes, Toronto, Ottawa, machin. Mais à Q.uébec par exemple, j'ai remarqué qu'il y a déjà moins d'immigrants qu'ici à Montréal, donc les gens sont moins confrontés à l'immigration et à la différence, donc j'ai vu que bon, les gens étaient un peu plus froids. Ils étaient un peu plus froids qu'ici à Montréal. Dans les régions, j'ai fait Tadoussac, Malbaie, Trois-Rivières, Joliette et tout ça. Moins, oui j'aime bien, mais tu vois que c'est différent de Montréal. Les gens te regardent parfois, genre qu'est-ce qu'il fait. Bon, déjà c'est des petits villages, donc ils savent que tu n'es pas de là-bas, donc on te regarde beaucoup. Alors quand tu n'as pas la même couleur qu'eux, ils te regardent encore plus, mais moi ça m'a jamais dérangé. Moi, me regarder il n'y a pas de problème, mais c'est me parler, me dire des choses pas correctes, là ça va me chercher. Non, Montréal on est vraiment bien à l'avance, oh Oui! Q.:: Où est-ce que vous sentez-vous le plus à l'aise? R:: Je dirais au Canada, à Montréal. Q.:: Est-ce qu'il y a un espace [inaudible] ? R:: Où je me sens à l'aise? Q.:: [Inaudible] ? R:: Je dirais la maison familiale. On a une maison, mais ma maman a acheté une maison il y a quelques années et puis c'est là-bas que j'ai passé quelques années, 4-5 ans. Et chaque fois que ma mère revient, c'est là-bas qu'elle loge, c'est là que ma sœur habite maintenant, donc c'est un peu l'endroit où on se retrouve tous chaque fois. Et là c'est vraiment, je pense que, s'il y avait un endroit qui symbolise notre enracinement justement au Canada, ce serait cette maison. C'est vraiment la première maison qu'on a eue ici, pas une maison que tu loues, mais une maison vraiment. Je dirais que ce serait là. Q.:: Q.ue pensez-vous de la loi 101, et du problème de la langue? R:: Oui, ça c'est aussi une autre particularité de Montréal. Au début j'ai pas cerné, je n'ai pas compris tout ça quand je suis arrivée, mais après ça... c'est ça; tu entends parler des choses, des personnes qui se plaignent parce que l'anglais n'est pas assez gros, le français ce n'est pas assez petit, en tout-cas! Donc on a vu que vraiment c'était quelque chose qui tenait, qui était important en arrivant ici, mais ça, tu ne le vois pas au début. Q.uand tu arrives, non en tout cas, moi j'étais jeune aussi, mais au début tu penses que tout est beau, tout est bilingue, mais après voilà, tu vois d'où ça vient aussi. Là tu comprends un peu pourquoi le français se sent menacé. par exemple, tu ... Oui! Mais en même temps, je trouve que des fois on en fait trop. Ça devient trop polémique là. Oui c'est vrai, il y a des choses qu'il faut faire, c'est vrai qu'il faut protéger le français parce que bon, on est la seule province, blablabla, mais il ne faut pas non plus perdre, passer trop de temps là-dessus tu sais. Des fois ils font de grosses salades pour de petites choses, mais en même temps je me dis peut-être que j'aurais réagis comme ça si j'étais dans cette situation. C'est à dire, si je me sentais menacée, si je sentais que ma langue était menacée; mais je ne me sens pas interpelée par ça, pour moi les deux langues sont aussi belles, sont aussi importantes, je les parle toutes les deux. Moi je ne me sens pas interpellée, oh la la, je sens que le français que je parle va disparaitre à un moment donné. Non, je pense que ça fait partie de la mondialisation aussi. Tu sais, on vit dans un monde où les choses changent, et puis l'anglais commence à être... j'ai un rapport quand-même assez spécial, mais j'ai de plus en plus compris l'enjeu et comment c'était important ici. Et je respecte ça; franchement je respecte, mais il ne faut pas trop passer le temps là-dessus. Ouin, il y a d'autres choses qui sont plus importantes [rire]. Q.:: Si vous aviez un souhait pour le futur du Q.uébec, qu'est-ce que vous allez dire? R:: Moi le futur de... ben c'est un souhait, mais c'est surtout une réalité, c'est que le futur du Q.uébec va être très, très métissé. Métissé, mélangé vraiment. Mais alors un mélange de tout; je pense que d'ici 1dix-quinze-vingt ans, on va voir de tout comme mélange ici, et déjà ça commence. Moi je rencontre des personnes, des couples mais c'est hallucinant; je n'ai jamais entendu des mélanges comme ça. C'est juste à Montréal, au Q.uébec que tu entends cela, donc ça c'est spécifique à Montréal. Maintenant ce mélange de cultures va pas, va peut-être pas aller au-delà de Montréal, mais dans le reste du Q.uébec, mais pour Montréal, moi je parle pour Montréal, ce que je souhaite c'est qu'il y ait tellement de métissage qu'on ne parle plus de Q.uébec, de "Q.uébécois pure laine", tu sais, versus les autres, tu vois? Parce que c'est de la beauté, on est tellement chanceux d'habiter dans une ville comme ça où tu rencontres de tout, mais vraiment de tout partout, que j'aimerais qu'on bénéficie de ça; que ça soit une richesse, plus qu'on problème. Ouin, moi je pense que d'ici quinze, mon Dieu, peut-être cinquante ans, d'ici cinquante ans, la démographie québécoise, enfin montréalaise, va être complètement différente et c'est ça qui va être la beauté. Tout le monde sera tellement mélangé que tu seras plus, on sera tous... et voilà! Citoyens du monde, voilà! Q.:: Et si vous aviez un souhait pour le futur de l'Éthiopie; que serait-il? R:: l'Éthiopie? Ah, c'est tellement un beau pays. C'est un beau pays, qui se développe beaucoup, beaucoup. Q.u'est-ce que ce serait mon souhait pour l'Éthiopie? Mais... que ça reste aussi calme. Ces dernières années, ça a été très, très calme; on a eu de petites tensions dans les années quatre-vingt-dix - quatre-vingt-onze [1990-1991], entre l'Érythrée et l'Éthiopie, il y avait une petite guerre, mais là ces derniers temps ça va très bien. Ouin il y a de petites tensions avec la Somalie; mais ça, ce n'est rien de grave. Mais j'aimerais que ça continue d'être bon, à se développer comme il faut, qu'il n'y ait plus de sécheresse aussi, parce que ça, la sécheresse, ça guette beaucoup, surtout certaines régions d'Éthiopie. Q.ue ce beau pays reste à l'abri de toutes les catastrophes qu'il peut y avoir, qu'il n'y ait pas ça, et voilà! Q.ue ça reste aussi beau, et, ah oui, que son histoire soit conservée aussi, parce que c'est tellement riche en histoire ce pays-là, mais souvent on ne se rend pas compte. On entend seulement le négatif, on entend la famine, on entend les problèmes qu'il y a eus, on entend Éthiopie on voit "We are the world". de Michael Jackson. On voit tout ça alors qu'il y a tellement, tellement plus que ça; il y a des années, des années, des siècles de richesse culturelle, historique et on ne voit pas parler de ça. Alors mon souhait ce serait qu'on entende plus parler du beau de l'Éthiopie. Q.:: Et pour Rwanda? R:: Euh, pour Rwanda! Bon, déjà, qu'on soit à l'abri de tout ce qui s'est passé dans le passé. Est-ce qu'on est vraiment à l'abri, je ne sais pas, mais j'espère que ce qu'on a connu en quatre-vingt- quatorze [1994], et même avant, ne se reproduise plus. Q.u'on parvienne à vivre ensemble, sans s'entretuer. Alors qu'on continue à se développer; le développement économique, tout ça, ça se passe très bien, que ça continue comme ça. Et que, ...un jour, quand on va dire::"je viens du Rwanda", on ne va pas tout de suite penser au génocide, qu'on pense à autres choses, tu sais? Parce que souvent maintenant c'est ça, tu dis Rwanda c'est "Ah oui, t'étais où en quatre-vingt- quatorze [1994] "? Non, maintenant je veux que ça soit autre chose. Voilà ce que je souhaite [rire]. Je suis émue. Q.:: Dans l'histoire du Rwanda, est-ce qu'il y a des silences dans l'histoire, des choses qu'on dit pas? Est-ce qu'on parle assez franchement de l'histoire? R:: Bien non, tu vois on ne parle pas beaucoup, on n'a pas beaucoup parlé de l'histoire. Il y a beaucoup de gens qui disent que, quand quatre-vingt- quatorze [1994] est arrivé, je ne savais pas là qu'est-ce qu'il y avait derrière tout ça. Il y a des personnes qui étaient surpris par quatre-vingt- quatorze [1994], des plus jeunes; les plus âgées le savent, ils connaissent, mais ça n'a pas été transmis comme il faut à la génération plus jeune, aux générations plus jeunes. Et souvent c'est pour ça que, beaucoup étaient comme... mais qu'est-ce qui s'est passé? Et puis ils questionnent les parents après, après les massacres, c'est là que les gens disent::"mais comment tu ne m'as jamais dit ça, comment tu m'as jamais parlé de ce que vous avez vécu, etc.?" Donc ça se transmet pas suffisamment, mais maintenant de plus en plus, pour ne pas que ça se répète, pour ne pas que ça recommence comme avant. Donc c'est seulement maintenant qu'on parle de notre histoire; moi j'étais toujours fascinée quand je voyais des amis à moi qui connaissaient leur histoire, mais genre bien là! Ils connaissaient les détails, ... mais vraiment les dates importantes de l'histoire de leur pays, puis moi j'étais un peu complexée avec ça, parce que, oui je connaissais les grandes lignes, mais c'est tout. Je ne connaissais pas en détails; des fois ils me posaient des questions sur mon pays, hum je répondais mais vraiment vaguement, tu sais. Et là, et là je vois d'où ça vient, c'est qu'il n'y a pas eu ... les parents ont connu des violences et ne voulaient pas transmettre ces violences-là, ces histoires de violence aux enfants; ils voulaient les épargner. Tu sais, ils disaient:: "non, tu n'as pas besoin de savoir ce que j'ai vécu, mais oui on a besoin de savoir, parce que ça fait partie aussi de notre histoire". Donc oui, moi je dirais, il y a beaucoup de silences, des silences qui ont été très dangereux, mais c'est quelque chose qui essaie de changer. Et justement, c'est pour ça que je trouve des projets comme "Histoires de vie, Histoire orale", c'est crucial; c'est très, très important de continuer d'en faire beaucoup, beaucoup, beaucoup sur des thèmes différents, de faire parler les gens. Et un autre truc aussi, c'est que dans la culture rwandaise on ne parle pas beaucoup. On est un peuple... on parle beaucoup des gens, mais on ne parle pas beaucoup de nous, de comment on se sent. On n'est pas un peu très expressif, non... Vraiment; il y a beaucoup de non-dits, même dans la culture, même dans les proverbes, même dans le... Tu ne sais jamais ce que l'autre pense, parce que l'autre va te montrer une façade comme si tout allait bien, mais tu ne sais pas ce qu'il y a derrière. Et ça c'est un problème aussi; et donc comme des projets comme ça, d'Histoire orale, des projets où les personnes ont l'occasion, on leur donne l'opportunité de raconter leur vie. , ça on en a plus besoin au Rwanda que partout ailleurs. Oui, il faut qu'on apprenne à parler plus, puis se parler aussi. Oui, oui je dirais ça. Q.:: Q.ue pensez-vous de [film?] [...inaudible] idéal au sujet des survivants de génocide? [Inaudible]? R:: Hum! Alors les films, les films! Bon ça dépend, il y a des films... Il y a vraiment deux types de films: il y a des films type sensationnels, à la Hollywood, qui sait nous peindre un portrait très mannequin, très blanc-noir, très facile je pense. Les méchants versus les gentils, et puis là-dedans il y'a forcément, quelque part dans l'histoire, il va y avoir un occidental dans le film, qui va venir sauver un peu, qui va contribuer, en tout cas. Souvent c'est peint comme ça. Mais à côté de ça, de plus en plus, il y a de plus en plus de films européens, rwandais, qui montrent d'autres aspects, d'autres aspects du génocide, qui sont un peu plus recherchés, un peu plus travaillés, qui t'apprennent quelque chose. Tu sors de là, tu as l'impression d'apprendre une partie de l'histoire. Mais c'est ... ce genre de films là je les encourage; je pense qu'il devrait y en avoir de plus en plus. L'autre chose aussi qui arrive beaucoup, d'ailleurs on en parlait avec une amie récemment, c'est des Occidentaux, Américains surtout, qui viennent au Rwanda et qui volent des idées de scénario, écrits par des Rwandais. Donc il y a des Rwandais qui n'ont pas forcément des moyens de faire un film, le financement etc., mais qui écrivent des scénarios. L'américain va venir, va lire son scénario, il va le piquer. Il va le prendre, et puis ce qui arrive c'est que, le Rwandais va lui donner sans problème, parce qu'il dit "oh, lui, il sait mieux que moi; lui, il peut faire mieux que moi. Il a plus de moyens que moi, donc je vais lui donner mon scénario, je vais..." Et puis là, l'autre... le scénario, il change bien sûr, parce qu'il faut que, il faut qu'il soit adapté pour le public américain. Et ça c'est quelque chose qui arrive de plus en plus au Rwanda il paraît. Et ça c'est dommage, parce qu'il faut laisser les Rwandais raconter leur histoire, parce que..., qui mieux connait? Tu sais, ils sont les mieux placés pour connaitre ce qui s'est passé. Alors, oui, donc plus de films faits par les Rwandais, pour les Rwandais. Dans les médias, on n'en parle pas assez encore, sauf quand on parle de la commémoration, quand on parle des élections; donc quand il y a un gros point-là, on va en parler, mais non, sur ce point-là, les médias ne font pas de très, très bon travail dans l'ensemble. Bon t'as des media, il faut aller chercher, mais dans l'ensemble il y a encore du travail à faire. Q.:: Est-ce qu'il y a des chansons, des berceuses, des proverbes, des "n'importe quoi" qui vous rappellent chez vous? R:: Oui, oui il y en a beaucoup. Q.:: Est-ce que vous pouvez partager? R:: Oui, par exemple quand j'écoute du Cécile Kayirebwa, c'est une chanteuse rwandaise très connue, Cécile Kayirebwa, quand j'entends sa musique, direct je suis replongée à Kigali. Ça me rappelle les vacances. Q.uand j'écoute la musique éthiopienne, très, très, très connue, ou bien des standards de la musique éthiopienne, direct ça me replonge en Éthiopie. Oui, la musique, pour ça elle est très, très puissante pour faire ce genre de choses. Des berceuses, oui, des berceuses il y en a beaucoup que ma mère nous chantait, qu'on a chantées à ma petite sœur; tsé; qu'on a transmis là! Des berceuses surtout éthiopiennes, mais c'est que quand on était petites, c'est là-bas qu'on était, pendant notre jeune âge, donc beaucoup de berceuses éthiopiennes. Des proverbes... Q.:: Est-ce que vous pouvez peut-être chanter les berceuses? R:: Oui, enfin, une berceuse, celle à laquelle je pense c'est... en fait il n'y a même pas de paroles, vous voyez c'est Ishur. Alors comment on fait, c'est quand le bébé dort,. donc on dit: "Ishuru rururu" ... [elle chante]". Alors nous on ajoutait bébé, je ne sais pas si c'était dans la chanson, mais nous on a mis. Et puis, on chantait ça à ma petite sœur et on disait: "[chant]...Stephy". Donc on dit le nom du bébé [elle chante]. Alors tu répètes ça lentement et ça berce. Au bout de quelque temps-là, tu pars et tu dors comme un bébé. Ouin, ça c'est celui qui me vient à l'esprit là. Il y en a pleins d'autres. Q.:: Est-ce que vous pouvez faire ça encore, mais sans arrêter entre les... ? R:: ... d'accord! [elle chante]. Ça c'était la petite, parce qu'elle était vraiment petite. Voilà, en gros c'est ça [rires]. Q.:: Avez-vous d'autres poèmes, d'autres berceuses, ou... des histoires peut-être? Des légendes ou une histoire de quelque chose? R:: Hum! Ah moi, ce qui me vient à l'esprit c'est, il y avait un, une émission de télé en Éthiopie. Un monsieur qui s'appelait Abeba Asfaw; Abeba Asfaw. Et lui il avait une émission de télé, je sais plus si c'était samedi ou dimanche, mais c'était euh, c'était [...] notre église là; c'était, on ne pouvait pas rater ça. Et alors il venait devant l'écran et il parlait devant la télé; donc c'est comme s'il nous parlait. Et puis il venait et dit: "voilà, bonjour les enfants, aujourd'hui on va parler de cette histoire, je vais vous raconter l'histoire de ça". Et puis c'était toujours de belles histoires d'enfants là... que tu sais? Tu attends là, tu regardes ça puis tu attends la suite et tout. Et puis là ce qu'il disait c'était, avant de commencer il disait "ok, alors vous, toi là-bas, pousses-toi à droite", et nous on le faisait, devant la télévision on se mettait à droite! Il fait "ok toi, ok recule un peu, ok toi le grand assieds-toi un peu". Donc lui il parlait à la caméra, mais nous on était convaincu qu'il nous parlait. Donc il nous dit à droite, tout le monde va à droite, on se lève, il nous dit... on fait tout ce qu'il dit. Puis après, il nous assoit, "ok maintenant vous êtes prêts pour la chanson?" Oui on est prêt pour la chanson. "Pour l'histoire?", "Oui on est prêt pour l'histoire". Alors "il était une fois, ..." Il avait toujours la même façon de commencer l'histoire, et c'était un vieux monsieur; aujourd'hui il est encore vivant, aujourd'hui il vend des DVD de ses émissions à l'aéroport [rire]. La dernière fois, j'arrive en Éthiopie, je le vois, mais je te jure c'était comme une star pour moi là. C'était "Abeba Asfaw", j'ai vu Abeba Asfaw à l'aéroport tu sais, et c'était, et c'était magique. Ces moments-là, ouh des histoires; comment ça s'appelait Abeba Asfaw? Il me semble qu'il y avait un nom de son émission. Je ne sais pas si c'était son nom à lui, mais j'ai oublié. Mais ça c'était les plus belles histoires; il les racontait en plus avec beaucoup de passion, il y avait des dessins des fois et tout. Waw; oui je tripais. Q.:: Est-ce qu'il y a des gens qui parlent de chez-soi ou de chercher chez soi? Des idées de contes ou de partir de haut, mais revenir? R:: Wow, bonne question ça. Je sais que ma maman nous sort souvent des proverbes, mais je n'arrive pas à les retenir parce que c'est du kinyarwanda tellement compliqué que même si t'arrives à le répéter une fois, après tu oublies. Parce que c'est, les mots sont, surtout que c'est des proverbes, donc c'est très, très raffiné, très recherché. Mais je sais qu'elle les sort, il y en a quelques-uns qu'elle sort dans des situations précises tu sais. Puis elle dit "Ah, vous savez au Rwanda, on dit ça... " et puis il y a les mêmes proverbes qui reviennent régulièrement, et puis souvent même, on finit par, quand elle les dit on en connait. On n'est pas capable de les dire nous parce que c'est long, mais on les reconnait. Et puis souvent ma mère faisait ça, et même encore aujourd'hui. Encore aujourd'hui, même pendant ses vacances, elle nous a sorti 2-3 proverbes par-ci par-là, où elle dit euh, très... qui viennent au bon moment.. C'est dans une situation précise où elle dit: "Ah mon Dieu, en tout cas au Rwanda on aurait dit ça, ça, ça, parce que ..." Et puis j'adore toujours ces petites... même si je n'arrive pas à les retenir. Donc à chaque fois je dis, la prochaine fois, maman écris-moi ça, comme ça je le vois et puis j'apprends. Mais ce n'est jamais le bon moment, tu sais c'est blablabla, au Rwanda on dit blablabla et je suis comme ok! Mais, oui, souvent elle sort ça et puis c'est des proverbes tellement, tellement puissants et souvent c'est dur de les traduire, parce que c'est des notions même qui n'existent pas en français. C'est des... c'est vraiment dur à traduire et justement elle, elle a du mal à traduire, donc elle nous le traduit en français, comme l'équivalent en français, mais ce n'est jamais exactement ça. Parce que, c'est là que tu vois la richesse d'une langue; quand tu n'arrives pas à traduire certaines choses, c'est que... Oui! Donc, des proverbes de ma mère, mais est-ce que, ce n'est pas forcément référence au chez-soi, c'est vraiment des proverbes en général, mais il y a rien qui me vient à l'esprit là maintenant, vraiment liée à l'appartenance au chez-soi. Peut-être ça va me venir après la, je te dirai... Q.:: Est-ce qu'il y a d'autres choses que vous aimeriez rajouter? R:: Hum! Q.u'est-ce que j'aimerais rajouter? Oui, s'il y a une chose que j'aimerais rajouter, ce serait de l'implication des jeunes dans, au sein de la diaspora que nous sommes ici à Montréal, je pense qu'il y a beaucoup de choses qu'on peut faire, parce qu'on est un grand nombre et tout ça. Mais bon, c'est toujours les mêmes qui s'impliquent, c'est toujours les personnes plus âgées. Mais il faut trouver un moyen d'impliquer nos jeunes et puis trouver des choses aussi qui pourraient les intéresser, parce que eux c'est surtout la vidéo, la vidéo, les entrevues; un projet comme ça par exemple c'est parfait pour des jeunes. Et surtout je pense que nous, pour des personnes qui avons eu la chance de ne pas être là-bas en quatre-vingt-quatorze [1994], on a encore un rôle, pas un rôle, un devoir, c'est encore plus important. Pourquoi? Parce que, certains diraient qu'on est des survivants quand-même, même si tu n'étais pas là-bas, tu es une survivante, pourquoi? Parce que tu as perdu beaucoup, parce que si tu étais là-bas tu serais aussi morte, ou génocidé? Mais parce que, les personnes qui l'ont vécu, elles, on ne peut pas leur demander beaucoup, parce que c'est déjà difficile pour eux. Donc par exemple les commémorations et tout ça, il y a des personnes qui sont très, très impliquées, qui sont là à chaque fois, chaque année; ils sont impliqués à chaque année, et c'est des personnes qui ont vécu ça; donc tu t'imagines comment ça doit être dur pour eux! Et à côté, il y a des personnes comme nous, qui avons eu la chance de ne pas être là, et il y en a certains qui ne font rien. Et moi je trouve que, c'est à ces gens-là de... parce que nous, on n'a pas des cauchemars; nous au mois d'avril, quand le mois d'avril arrive, on n'a pas des problèmes psychologiques; il y en a qui sont restés avec des problèmes psychologiques, mais voilà; comme on n'a pas tout ça, on a un devoir encore plus important de les soutenir pendant les moments difficiles. Et même pas forcément en avril, même tout le long. Je pense que tout Rwandais qui a eu la chance d'être en vie, d'être loin du Rwanda pendant le génocide, doit contribuer, doit aider, doit être là, doit même organiser toutes les commémorations. Toutes les activités doivent... vraiment on a un rôle encore plus, à cause de justement cette chance qu'on a eue. Ce n'est pas une chance, mais en même temps, c'est ça, il faut qu'on... donc c'est ça, mon message ce serait "Voilà, si vous avez eu de la chance de ne pas être là au Rwanda, pensez à tous les gens qui étaient là justement, et qui, pour qui c'est difficile à chaque fois de repasser par cette époque, et tout ça, de pas dormir pendant tout un mois. De repenser à ça; il faut qu'on soit présents pour ces gens-là, et puis qu'on les aide à passer à travers et puis, voilà!" Parce qu'on a toutes les capacités nous, on n'a pas été affecté directement là, donc on a un peu plus de moyens pour... tu sais. , les encadrer, les aider, faire des choses; être là. C'est ça que je dirais. Voilà, ce serait mon message. Q.:: Q.uelque chose d'autre? R:: Hum! Il y a quelque chose d'autre qui me vienne? Un message de paix, un message d'amour, un message de ... Q.:: Peut-être un espoir pour Life Stories Montreal? Q.uelque chose au sujet de ce projet? R:: Hum! Ce projet ... m'a, je ne dirais pas m'a transformée, parce que bon... déjà avant d'arriver dans le projet j'avais quand-même cette conscience un peu de... de ce qui s'est passé et tout ça, mais ce projet m'en a appris beaucoup plus sur mon pays, sur mon peuple, sur moi, sur ma famille, j'ai fait une entrevue avec mon père, sur ... Et ce projet est tombé à un moment très, très parfait dans ma vie, je me cherchais tout ça et là j'ai embarqué dans l'histoire orale, parce que je vais continuer dans l'histoire orale peut-être, parce que je vais revenir en journalisme, je sais pas, mais pour le moment je trouve que ça a été trois années magnifiques. De très, très belles années de ma vie. Et Oui. Je souhaite longue vie, en même temps, le projet va finir en 2012, donc ce n'est pas vraiment longue vie, mais j'espère que ça va se terminer très, très bien, qu'on va atteindre nos objectifs, et que ça va léguer, que ce projet va léguer une richesse très, très importante à la communauté montréalaise. Parce que c'est très, très, les cinq cents entrevues qu'on veut ramasser; l'impact et puis la richesse de ces entrevues là c'est inimaginable. Donc je suis très, très heureuse d'être arrivée par ici, grâce en partie à Lisa Ndejuru. C'est Lisa qui m'a parlé de ce projet; la première fois, c'est elle qui m'a dit:: "Oui, je suis impliquée dans un projet qui s'appelle CURA et tout". J'ai fait ok. "Si ça t'intéresse et tout", donc elle m'a mis en contact avec Steven, je suis arrivée, mais je ne savais pas que j'allais rester trois ans. Je ne savais vraiment pas, et là je me dis "Wow", j'en ai appris énormément sur mon pays, mais aussi les autres: les Cambodgiens, les Haïtiens. Vraiment là, c'est une très, très bonne équipe, et je suis contente d'avoir fait partie en tout cas. Q.:: Et? R:: Et le mot de la fin? Alors merci, merci de m'avoir fait ma première entrevue d'histoire orale. Et c'est bizarre d'être de l'autre côté de la caméra, comme je te disais, d'habitude c'est moi qui fait l'entrevue ou qui filme. Et ça a été une bonne expérience! Oui j'ai vraiment aimé et peut-être parce que voilà, j'étais très à l'aise avec toi aussi, c'est sûr que ça joue beaucoup. Merci beaucoup Jenny! Q.:: Merci beaucoup à toi..
Q.: Je suis ravie de faire la deuxième partie de votre entrevue et j'aimerais peut-être
revenir un petit peu sur l'enfance, votre enfance et peut-être de reprendre un petit
peu avec le contexte du souvenir que vous gardez de votre enfance, et plus particulièrement
en quoi votre enfance était différente par exemple de l'enfance d'un garçon.
L'enfance de fille, l'enfance de garçon "..." R: "...", intéressant!
Alors mon enfance, comme je l'ai dit dans la première session, je l'ai passé, ben
une bonne partie de mon enfance je l'ai passé en Éthiopie.
Donc, je suis née là-bas et j'ai quitté l'Éthiopie j'avais huit ans.
Donc là, comment mon enfance était différente de celle d'un garçon?
Ça va être dur de le dire puisque j'avais que de sœurs.
J'avais deux grandes sœurs donc, on a plus ou moins été élevé un peu de la même
façon, mais si je compare par exemple aux garçons qu'il y avait dans notre entourage,
nos voisins et tout ça, "...", on n'avait pas quand même une enfance conventionnelle
de petites filles, c'est-à-dire qu'on jouait beaucoup avec les garçons quand on était
jeune.
"..." Je pense que je l'ai dit aussi que j'étais garçon manqué jusqu'à douze, treize ans.
Donc vraiment limite, j'ai réussi à me convaincre que je devais être un garçon. "...", et
donc je jouais beaucoup avec les garçons, ma grande sœur aussi l'ainée était comme
ça.
Peut-être que j'ai copié ça chez elle, ma sœur Solange.
Donc voilà, je n'étais pas, ben je jouais avec des poupées je me rappelle, mais j'aimais
bien aussi être casse-cou, les vélos, jouer aux billes, eh quoi d'autres?
Non, j'ai eu une enfance on va dire de petite-fille, mais avec beaucoup de côtés garçon manqué.
Voilà; et puis nos parents n'avaient pas de problème avec ça, ils nous laissaient
sortir, bon il y avait une certaine heure à laquelle il fallait rentrer.
Q.uand il commençait à faire nuit par exemple, on ne pouvait plus jouer dehors, mais on ne
respectait pas toujours ça non plus, donc des fois je me rappelle avoir reçu quelques
coups parce que là j'étais pas rentrée à l'heure.
Donc, c'est pas mal ça.
Q.: Donc, c'était "...", le mot qui me vient c'est [inaudible]
R: Voilà, oui, c'est exactement ça.
Oui.
Q.: "...", il y a, si on..., à l'école vous en avez déjà parlé un petit peu de votre
formation, de votre premier travail, d'avoir quitté la maison vous en avez parlé un petit
peu.
Si vous..., je me demande, par rapport à la, au travail ou à la communauté, vous
avez quitté la maison quand vous étiez ... vous avez déjà voyagé, vous n'étiez pas "..." ... comment
ça s'est passé alors, si on devait reprendre, parce que ça c'était peut-être pas évident,
vous avez quitté la famille peut-être pour l'école... ou, comment ça s'est passé?
R: "..." Alors ma famille proche, donc c'est à dire des parents, la maison familiale?
Ah, j'ai quitté la maison familiale très tard.
Ben oui puis non; c'était un peu compliqué.
En arrivant au Canada, j'avais dix-sept ans.
Donc, j'habitais chez mon père et ma belle-mère, avec mes sœurs.
Donc de dix-sept à vingt-et-un - vingt-deux, j'habitais avec mon père, mais je passais
les fins de semaine chez ma grande sœur qui avait déjà un appartement.
Et donc la semaine, de lundi à vendredi on était chez papa, et le weekend on était
chez ma sœur Solange.
Donc, c'est là qu'on a comme tranquillement commencé à s'éloigner un peu.
Et puis en deux mille deux [2002], j'avais vingt-deux ans, ma sœur s'est pris un plus
grand appartement, et là il y a moi et ma sœur Sylvie, on est parti habiter chez ma
sœur Solange.
Donc c'est peut-être à vingt-et-un ans, vingt-deux ans que j'ai quitté officiellement
chez papa.
J'avais quitté chez ma mère à dix-sept ans quand je suis venue pour le Canada; donc
ça c'était fait.
Et donc depuis vingt- deux ans, j'habite avec mes sœurs.
Bon, je n'étais pas complètement indépendante, mais c'était beaucoup plus cool qu'être
chez papa, on n'avait pas de, bon il y avait quelques limites, mais on pouvait sortir les
fins de semaines, on pouvait dormir chez des copines si on pouvait et tout ça; donc c'était
vraiment relax..
Là où j'ai pris mon appartement à moi, j'ai eu vraiment mon indépendance, c'était
à 26 ans.
Là, j'ai quitté la maison familiale; parce qu'au départ on était en appartement à
trois, après ça, ma mère nous a acheté une petite maison à Montréal, donc on a
toutes emménagé là-bas, là c'était pratique pour la période des études par exemple,
où je travaillais à temps plein, bien j'étudiais à temps plein.
Et en deux mille six [2006], j'ai quitté la maison familiale pour aller prendre mon
appartement.
J'avais vingt-six ans, j'étais fière; certains trouvaient même que j'avais trop traîné
avant de quitter; vingt-six ans certains trouvaient ça tard, mais moi je trouve que j'étais
prête.
C'était à ce moment-là que j'étais prête à tu sais à m'assumer quoi.
Donc depuis vingt-six ans, j'ai quitté non seulement la maison familiale, mais mes sœurs
aussi.
Q.: Si, donc la "...", vous étiez déjà ici, à Montréal?
R: Oui, exact.
Q.: "..."Est-ce que vous vous souvenez, parce qu'ici, la manière dont c'est construit,
dont le questionnaire est construit, c'est comme si on demandait un petit peu, la communauté,
les clubs, les associations, le voisinage, en Afrique, comme s'il y avait une succession
comme ça en Afrique..., d'en Afrique et puis ici.
Comment ça s'est passé?
Donc vous, vous avez quitté l'Afrique à dix-sept ans?
R: Oui, exact.
Q.: Pour venir ici vous installer avec votre père?
R: Oui.
Q.:: Et puis ensuite vous installer avec vos sœurs, et puis ensuite...
R: Oui exactement, oui absolument.
Q.: Et puis, est-ce que vous vous souvenez un petit peu du contexte, voisinage, comment
c'était en Afrique, comment c'était ici?
R: Oui.
Alors en Afrique, bon il y a deux étapes en Afrique.
Donc il y a l'étape en Éthiopie, où j'ai passé de zéro à huit ans, ensuite il y
a eu Libye où j'ai passé de huit ans à quatorze ans environ, et retour en Éthiopie.
Donc il y a eu Éthiopie, Libye, Éthiopie.
Donc, ça se serait ça ma vie en Afrique.
Donc, mon souvenir, bon déjà en Éthiopie, au début, donc c'est très vague, j'avais
huit ans quand j'ai quitté, mais je me rappelle que voilà, on vivait bien, dans un quartier
pas forcement aisé, mais pas non plus très pauvre; de classe moyenne, vraiment classe
moyenne.
La vie de voisinage était très présente, on connaissait tous nos voisins, que ce soit
les Éthiopiens, mais il y avait aussi beaucoup d'Arméniens.
Je me souviens qu'il y avait beaucoup d'Arméniens.
Et là je vois que bon, il y a des liens entre l'Arménie et l'Éthiopie, mais je me rappelle
qu'il y avait une grosse communauté arménienne.
Entre autres ceux qui habitaient au-dessus de chez nous.
Et voilà on jouait avec eux; il y avait des Indous aussi, il y avait des Russes, voilà
oui oui, il y avait une famille russe qui habitait pas loin de chez nous.
Donc on se connaissait et on jouait avec, les enfants jouaient ensemble; on avait une
espèce de cour ; parce que c'est un appartement, un building, et on avait une cour en avant;
donc ça c'était tous les enfants du building qui se retrouvaient là.
Non, je trouvais qu'on avait une belle petite vie tranquille; on allait à l'école française
d'Éthiopie et pis voilà.
Donc, on avait notre vie à l'école, mais à la maison aussi c'était très très animé,
vraiment là je garde des souvenirs, on n'était pas chacun dans son coin, dans son appartement,
c'était vraiment, on cohabitait.
"..."
Q.: Les parents aussi?
R: Oui.
Est-ce que les parents aussi cohabitaient?
Q.: Ils vivaient en communauté comme ça?
R: "..."Mais tu vois moi, parce que les deux parents travaillaient en Libye, en Éthiopie
pardon, donc mon père il les connaissait, mais il ne passait pas beaucoup de temps avec
les parents; donc ils se croisaient peut-être dans les escaliers et tout ça, mais passaient
pas beaucoup de temps ensemble, c'était plutôt les enfants.
Ma mère aussi travaillait au début, donc elle aussi n'avait pas trop trop le temps
de socialiser.
En Libye ça a été différent parce qu'en Libye on habitait dans une espèce de compound,
donc une espèce de, "..."... comment on dit compound?
Une espèce de... comment on appelle ça, c'est vrai.
On dit toujours compound, en tout cas, c'est une espèce de zone avec plusieurs maisons.
Mais toutes les personnes qui habitaient là travaillaient dans le même centre que mon
père, donc ce n'est pas comme dans un truc d'expats, mais presque quoi.
Donc, on n'était pas mélangé à la population libyenne on va dire.
Et comme ça, on a vécu longtemps comme ça.
C'est seulement deux-trois ans après être arrivés en Libye qu'on a quitté cet endroit-là
et que chacun est parti se prendre une maison, même à l'extérieur.
Au début, tout le monde habitait ensemble, on avait "...", et mon père travaillait même
à cet endroit-là..
Donc, tu vois donc, il y avait une petite section de maisons, puis il y avait des bureaux;
donc on était vraiment confinés là-dedans, là on s'entendait bien avec nos voisins,
donc les enfants, dont les parents, travaillaient au même endroit que mon père.
Et plus tard, plus tard quand on a quitté ce coin-là, et qu'on allait vraiment se mélanger
à la population libyenne, là on avait un autre rapport aussi avec nos voisins.
Parce que les filles de notre âge, là je commençais à avoir onze-douze-treize ans,
ne sortaient pas comme elles voulaient.
La plupart étaient voilées, souvent on pouvait jouer, mais chez elles, on ne pouvait pas
aller jouer dans la rue.
Donc nous on était étrangères; on n'était pas voilé, on mettait des shorts ce qui était
rare là-bas, donc on était vue comme des [inaudible], parce que non seulement on n'était
pas Libyennes; on était noires aussi, ce qui était rare dans le quartier, donc voilà,
nous on était la famille un peu bizarre.
On ne sait pas trop; elles sont pas d'ici.
Nous on voulait aussi jouer avec les filles dans le voisinage, donc on se disait "mais
c'est pas possible", on ne va pas rester entre nous.
J'habitais avec ma sœur Sylvie à l'époque, et là je trouvais ça quand même un peu
difficile parce qu'il fallait faire des magouilles pour pouvoir jouer avec... avec les filles
de notre âge.
"..."Donc oui, au début à dix ans, neuf-dix ans ça allait, les filles jouaient, et plus
en grandissant et plus les filles ne jouaient plus, "..." donc voilà.
Je me rappelle qu'on passait beaucoup de temps dans les chambres de mes voisines, parce que
voilà le frère était là et on ne pouvait pas sortir, ou dès que le père arrivait,
il fallait qu'on s'enferme là-bas, tu sais.
Donc, on avait un rapport un peu bizarre quoi, oui.
Mais, il y avait toujours des endroits où on pouvait se retrouver entre étrangers.
Je me rappelle d'une place d'ailleurs qui s'appelait Regata, et c'était une belle,
une bonne place et il y a avait une belle plage aussi.
Donc, on passait quasiment toutes nos fins de semaine là-bas, avec des étudiants de
l'école française par exemple; tu vois donc, en fait, on devait se retrouver entre étrangers
pour avoir du fun et être libre de faire ce qu'on voulait.
Avec les Libyens c'était différent, ouin ouin.
Puis mon père n'aimait pas qu'on aille chez les voisins libyens.
Tu sais il disait: "bon ben si eux ne peuvent pas venir ici, bon essayez de faire quelque
chose à l'extérieur", mais bon il comprenait pas non plus que les filles pouvaient pas
sortir, donc ouin, non c'était compliqué, oui vraiment..
Q.: Donc il y avait des, des, des endroits comme... où vous vous rencontriez entre amis? R: Oui Q.:: Il y avait des gens, des endroits que vous deviez éviter aussi? R: "..." Oui... "...", bien oui, non, mon père il aimait pas beaucoup qu'on aille chez les gens, en fait chez d'autres personnes, chez d'autres familles dont il connaissait pas forcément lui, sous prétexte qu'on ne peut pas sortir à l'extérieur, donc on va chez eux. Ça il aimait mieux, parce qu'il avait moins de contrôle sur nous quand on n'était pas là, quand il ne nous voyait pas. Donc souvent ce qu'on faisait c'est qu'on les invitait à la maison et puis on s'amusait soit chez nous soit chez elles, mais voilà. Q.: "..." Là c'est intéressant parce que c'est un, encore là c'est construit comme si vous étiez adulte là-bas, alors que vous étiez enfant là. Et donc, je me demande un petit peu par rapport au travail que vous faisiez là-bas, "...". C'est pas vous qui travailliez, c'était votre père qui travaillait. R: Oui. Q.: Vous avez parlé de vos études dans la première entrevue? R: "..." Q.:: "..."Autant en Éthiopie qu'en Libye, est-ce que vous avez parlé un petit peu du travail de votre père? De ce qu'il faisait? R: Oui, en Libye puis en Éthiopie? Q.: Oui. R: Oui j'en ai parlé dans la première entrevue. "..." Donc en gros, comment on est arrivé en Éthiopie. Donc au départ, on avait un statut de réfugiés. Et puis tranquillement mon père a commencé à faire les études là-bas et on a eu des papiers, on est devenu, on a eu nos passeports je me rappelle j'avais cinq ans, je pense, quand j'ai eu mon premier passeport rwandais. Avant ça on était dans des papiers de réfugiés, des laissez-passer ou des cartes en-tout-cas temporaires. Et "...", voilà tranquillement donc, il a eu un boulot aussi en Libye, à l'ILKA. D'ailleurs, je me rappelle de la première entrevue, je savais toujours pas c'est quoi les acronymes, mais je me rappelle qu'il travaillait à une place qui s'appelle ILKA. Il a travaillé là-bas longtemps et puis après ça on est allé en Libye. Et là il travaillait au CAFRADES, donc c'est un Centre africain de recherche en développement économique et social, quelque chose comme ça. Et puis au centre africain, et donc il est resté là-bas jusqu'à quatre-vingt-quatorze [1994] et c'est là qu'il a quitté le, on a quitté la Libye en fait; en quatre-vingt-quatorze [1994] oui.. Q.uelque temps après le génocide. L'été quatre-vingt-quatorze [1994]. Q.: C'était en rapport avec les génocides? R: Mais oui, sur le coup je savais pas, mais je l'ai su à travers une entrevue que j'ai fait avec mon père. Donc oui apparemment, le génocide l'avait affecté plus qu'il ne, qu'il ne l'imaginait et il était pas capable de travailler, donc il a pris un break au travail et après ça il a carrément; et "..." en même temps ça coïncidait à une période où le centre en question fermait. Il était sur le point de fermer donc, il a dit "tu sais quoi, je pense que c'est un bon moment pour tourner la page et puis faire autre chose. Et puis c'est là qu'il est venu au Canada en quatre-vingt-quinze [1995] pour s'installer ici. Et refaire sa vie. Q.: Donc vous en quatre-vingt-quatorze [1994] vous étiez avec lui en Libye ? R: Oui. Q.: Vous n'étiez pas retournés en Éthiopie ? R: C'est après, c'est pendant l'été quatre-vingt-quatorze [1994] qu'on est retourné en Éthiopie. Q.: Et là ensuite quatre-vingt-quinze [1995], vous êtes venus avec lui ici? R: Non. Nous on est arrivé en quatre-vingt-dix-sept [1997]. On est resté deux ans en Éthiopie, avec ma maman après le génocide et puis on est venu ici septembre quatre-vingt-dix-sept [1997]. Pour terminer les études, donc quatre-vingt-quatorze [1994] à quatre-vingt-dix-sept [1997] on était en Éthiopie avec ma mère. Q.: Puis, comment est-ce que vous vous souvenez un petit peu de cette période-là ? R: Oui. oui, oui, oui. "..."quatre-vingt-quatorze [1994]? Oui je me souviens donc, moi je ne réalisais pas trop ce qui se passait là, j'avais treize ans. Oui, je m'en souviens que voilà ils ne dormaient pas beaucoup, il y avait des coups de fil la nuit, dans les nouvelles on en parlait beaucoup je me souviens. Mais d'ailleurs "...", je pense que je l'ai dit dans la première entrevue, c'est que moi ça m'énervait que tout d'un coup tout le monde sache que le Rwanda existe. Et je suis passée d'une personne que tu disais je viens du Rwanda et il ne savait rien du Rwanda, et puis ne posait pas de questions et puis c'était tant mieux comme ça. Ah! ou la la donc tu es Rwandaise, oh mon Dieu c'est dans ton pays qu'il y a ça oh! Puis je me rappelle que ça m'embêtait, parce que tout d'un coup c'était voilà le Rwanda était associé à ça et les gens te posaient tout le temps la même question, mais voilà, mais même en ce moment-là en quatre-vingt-quatorze [1994], je pense que je ne me rendais pas compte de l'ampleur de... de la chose, je savais que bon, il y avait quelque chose de très grave qui se passait là-bas, que mon père avait du mal à gérer ça, mais voilà sans plus. C'est plus tard que j'ai senti l'ampleur de la chose, et je pense qu'il nous donnait pas aussi tous les détails de ses conversations téléphoniques et tout. Donc on savait que ça chauffait, mais on ne savait pas trop pourquoi. Q.: "...", J'ai... c'est particulier cette liste de questions, si on revient par exemple sur le travail. Par exemple votre premier travail, votre travail jusqu'à maintenant peut-être, j'aimerais que vous puissiez me parler d'une journée normale de travail, des gens avec lesquelles vous travaillez, tout, le milieu de travail est-ce que vous connaissez...? R: Depuis mon tout premier travail jusqu'à aujourd'hui ? Q.: Oui. R: ..., est-ce que vous avez le temps ? Non non, en fait je n'ai pas eu, bon j'en ai quelques-uns quand même depuis. Alors mon premier travail, c'était quand j'habitais chez ma sœur Solange en appartement avec mon autre sœur Sylvie. Je travaillais dans une pizzeria donc que j'étais caissière, serveuse. J'ai fait ça pendant un an au moins, un an on and off. Parce que j'habitais juste au-dessus de la pizzeria, donc c'était très très pratique. Je descendais dès dix minutes avant, tac tac. J'ai fait ça ensuite, ça c'était en deux mille un-deux mille deux [2001-2002]. "..."Ah oui, j'ai fait réceptionniste aussi à une compagnie d'assurance, d'assurance générale, La personnelle. J'étais réceptionniste, je me rappelle que je disais: La personnelle assurance bonjour! Tu vois c'est encore resté dans la tête. Ça, j'ai fait ça deux ans au moins. Après ça, j'ai fait des petites jobines. J'ai travaillé à la fondation de l'UQ.AM aussi où j'appelais les anciens de l'UQ.AM pour voir s'ils voulaient faire des dons. Le service à la clientèle, je sais que je fais la formation avec Bell Canada, et puis ça pas marché d'ailleurs ça m'a énervé, mais bon.. Je ne voulais pas passer le test, qu'est-ce que je fais encore ? Donc réceptionniste, pizzeria, est-ce que c'était après que je suis allée? Ah oui, attends, deux mille quatre [2004] donc j'ai fait l'UQ.AM, la fondation de l'UQ.AM et, deux mille quatre [2004] je termine mon Bac en journalisme à l'UQ.AM. Et là je cherche du boulot, je ne trouve pas au début donc je dis ok, donc je vais aller faire un petit tour de l'Europe avec une amie puis à mon retour j'espère qu'il y aura quelque chose. On s'en va un mois en Europe, en revenant j'applique pour un stage avec Alternatives. Et c'est là que je vais au Brésil pour trois mois dans un stage en TIC, donc technologies de l'information et des communications. Donc là, je me suis dit assez bien un peu d'expérience en informatique, site Web et tout, et quand je reviens de ce stage-là, je ne trouvais toujours pas de boulot en journalisme à Montréal alors, j'ai appliqué pour un poste de prof de français langue seconde à Ottawa. Donc, mon père travaillait déjà là-bas et il m'a dit oui tu sais on cherche quelqu'un si tu veux, essaie, machin. Et là, ça tombait bien parce que je me cherchais. J'étais à Montréal, je me cherchais et tout, et puis je me suis dit ben pourquoi pas, j'aime bien; je n'ai jamais fait d'enseignement, mais je vais essayer. Avec mon journalisme aussi, ils vont voir que bon, je sais écrire, je sais parler français, donc ça devrait aller. Je vais à Ottawa, je passe l'entrevue ça se passe bien et je reste là-bas six mois. Donc, je donne des cours de français. Au bout de six mois-là, je dis Aille, cette ville-là n'est pas faite pour moi. Tu sais quand tu connais Montréal là, c'est dur de s'habituer ailleurs. Alors je me renseigne et on m'apprend qu'il y a la même école à Montréal, alors je fais un transfert, direct. Je dis ok c'est bon, j'aimais bien le boulot, mais au moins là cette fois ce sera Montréal. Donc là je reviens ici, et c'est là que j'emménage dans mon appartement. Tu vois donc il y avait ce boulot-là, et enfin je me suis dit je pense que je suis maintenant capable de me prendre en main et j'aménage dans mon appartement. Je fais prof pendant trois ans, encore leur temps partiel temps plein, j'alterne dépendamment de ce que je fais à côté et tout ça. Et puis en deux mille six- deux mille sept [2006-2007] je fais ça. Deux mille huit [2008], non deux mille sept [2007] c'est là que j'entends parler du projet Histoires de vie, à travers toi d'ailleurs, Lisa Ndejuru [rires]. Et puis voilà donc que je commence tranquillement comme assistante de recherche, ensuite je fais post-production, coordonnatrice de post-production dans le projet Histoires de vie, tout en coordonnant les entrevues du groupe Rwanda. Après ça je deviens la directrice adjointe du Centre d'histoire orale ici, pendant 1 an, et puis là aujourd'hui je fais à la fois coordination d'entrevues dans le projet Histoires de vie et je travaille aussi à l'Université de Montréal comme chargée de projet au réseau francophone de recherche sur les opérations de paix, depuis septembre de l'année dernière. Donc voilà, donc je suis voilà à la fois Concordia et Université de Montréal en même temps, et puis tout en coordonnant aussi un peu le Centre de documentation qu'on a ouvert récemment. Q.: Et est-ce que, c'est comment une journée normale, une semaine normale? C'est roulé sur plusieurs "...", plusieurs [inaudible]? R: Exact. Alors ça c'est; j'ai remarqué que dans mon, peut-être pas au début, quand "...", de ma vie active, mais plus j'avance dans les années et moins j'aime la routine. Je n'aime pas les neuf à cinq, ou je fais la même tâche tous les jours, de neuf à cinq pendant un an; ça je serais pas capable, je pense. Et la vie fait que, ce n'est pas ça qui arrive en fait. Donc je m'intéresse à quelque chose, voilà je reste là-dedans pendant quelques années, je touche un peu à, j'aime toucher à plusieurs facettes d'un même boulot. "..." Une semaine normale ce serait quoi ? Oh ok, maintenant, parce que dans 1 an ça ne sera peut-être pas le même rythme que j'aurai. Mais pour le moment une semaine normale c'est quoi, c'est lundi-mardi je suis souvent à Concordia, avec Mamadou qui est à la caméra, "..." voilà donc je viens pour le Centre de la documentation et je règle aussi d'autres trucs qui ont rapport avec Concordia. Donc je travaille de la maison, je suis sur le plancher, voilà j'organise ma journée vraiment selon les priorités. Et puis de mercredi à vendredi, je suis à l'Université de Montréal, et là j'avance dans mes dossiers là-bas, certains des projets sur lesquels je travaille.. Et puis les fins de semaine, bon j'essaie d'avoir les fins de semaine, mais parfois les fins de semaine je fais d'autres trucs, les entrevues par exemple. Les entrevues d'Histoires de vie, j'essaie de faire les listes des fins de semaine quand je peux. Voilà; donc je n'aime pas la routine j'aime voilà, faire différentes choses. Q.: Comment est-ce que vous diriez des gens qui, avec lesquels vous travaillez, est-ce que vous trouvez que c'est facile de parler, de vous entendre ? R: Oui. En fait, j'ai encore une fois eu beaucoup de chances parce que partout où je me suis retrouvée pour le moment, je travaille avec des gens qui sont aussi motivés, aussi dévoués, qui aiment le boulot, qui aiment le genre de choses qu'on fait, et ça je trouve que ce n'est pas beaucoup de gens qui peuvent dire ça. De dire que tu vas au travail, mais tu retrouves des gens qui, avec lesquels tu partages les mêmes valeurs, tu sais. Et c'est le cas à Concordia, c'est pour ça que j'ai du mal à quitter Concordia parce que, je me disais, est-ce que je vais retrouver cette même atmosphère et tout ça ailleurs ? Et à l'Université de Montréal, il arrive que oui aussi là-bas les gens sont cool [rires]. Bon ce n'est pas la même thématique aussi qu'on fait là-bas, mais il y a quand même une belle équipe, dynamique, donc on est dans des opérations de paix donc c'est ça un autre volet, mais non non vraiment j'ai été chanceuse côté boulot, côté cadre de travail, j'ai vraiment été chanceuse. Q.: Une question peut-être plus indiscrète, est-ce que vous avez l'impression d'être, de recevoir un salaire raisonnable ? R: Ah, c'est une bonne question. Alors, dans le domaine, dans ce domaine-là, que ce soit le domaine universitaire même en général, ce n'est pas comme ça que tu vas t'enrichir, c'est pas l'endroit que tu veux "...", atteindre les "Seven digits" comme on dit un jour, c'est pas à l'université que tu vas faire ça. Mais, certaines personnes me le demandent en plus, "mais dans le domaine universitaire ça paie pas beaucoup, pourquoi tu es encore là-dedans, tu sais?" Mais moi je ne pense pas que c'est l'argent, encore une fois je te dis là, c'est pas, "..." c'est pas le salaire qui est gratifiant dans ce genre de domaine, c'est ce que tu fais au jour le jour, les gens que tu rencontres, le réseautage dans ce monde-là, ce que tu apprends surtout. Travailler dans le centre universitaire. c'est un peu ça aussi qui est intéressant. C'est que tu es dans un endroit de connaissances, de savoirs, et constamment tu sais, et ça ce n'est pas dans les entreprises privées que tu vas trouver ça, tu vois? Alors, non c'est, moi je trouve que bon, en même temps c'est le domaine qui est comme tu vois. Donc, ce n'est pas demain que ça va changer, mais j'aime ce domaine. Et je suis prêt à le prendre ce domaine avec le package. Le salaire est pas waw, mais il est raisonnable quand même, et permet de vivre. Donc, donc tant que t'arrives à vivre, j'arrive à mettre un peu d'argent de côté, j'essaie, mais j'ai du mal, "..." je pense que c'est l'essentiel voilà. On ne vit qu'une fois quoi, merde. [Rire] Vous couperez ça [rire]. Q.: Du coup, est-ce que vous vous souvenez, bon vous vous souvenez, à propos de qu'est-ce que vous pensiez à propos de vos chefs ? R:: Mes chefs? Mes directeurs? Mes boss? Q.: Oui. R:: Alors, en général ou bien ceux actuellement? Q.: En général, je pense. R: En général ? Oui, alors dans le passé j'avais, ben je pense que j'ai eu tout comme boss. J'ai eu des boss super cool, comme j'ai eu des boss super tannants en fait. Et ceux qui étaient tannant, c'était surtout dans les entreprises privées, dans ma compagnie d'assurance par exemple, je ne m'entendais pas tant que ça; en même temps, je les côtoyais pas beaucoup tu sais, c'était plus des superviseurs. On avait des superviseurs et puis il y avait des boss que tu ne voyais jamais, qui étaient quelque part dans le bureau. Avec les superviseurs, j'avais plutôt un bon rapport parce que on se voyait régulièrement, on faisait des suivis et tout ça. Les grands directeurs, je les ne voyais quasiment pas et "..." encore une fois dans les centres universitaires c'était différent; tes boss sont aussi des profs qui sont dans le même domaine que toi donc voilà tu, très accessibles et le boss que j'avais et que j'ai toujours à Concordia, enfin qui est en sabbatique bref, on sait de qui on parle, génial vraiment.. Q.uelqu'un à qui tu peux parler, quelqu'un qui est à l'écoute tu sais, qui est accessible donc il n'y a pas ce gap, oh la la, est-ce que je peux aller le voir pour ça. Vraiment, c'est quelqu'un de très accessible. Celui que j'ai à l'Université de Montréal, oui il est accessible, mais il a un côté, un côté froid. Un côté très froid, un côté sévère, alors tout le monde a peur de lui alors qu'on ne sait pas pourquoi en fait. Donc, je pense qu'au fond il peut être une personne gentille, mais voilà il est tellement froid qu'il n'est pas trop accessible. Tu vas le voir vraiment quand y a des situations, voilà, importantes, mais le reste du temps tu essaie de te débrouiller différemment, tu sais à ta manière. Donc tu sais, je pense que j'ai eu de tout, mais, oui, non je ne peux pas me plaindre en tout cas, il y a eu pire. Q.: Les raisons de départ c'était pas vraiment, ce n'était pas vraiment un problème de la sécurité c'est pas parce que vous vous sentez par sécurité, c'est plus par rapport à vos parents qui... comment est-ce que, c'est quoi les raisons de l'immigration? R: Alors, moi quand je suis née mes parents venaient déjà de faire un départ, avaient déjà vécu un départ, parce que je suis en Éthiopie. Et mes parents avaient quitté le Rwanda dans les années 73 pour aller au Congo. C'est là que mes deux sœurs sont nées, à Bukavu. Et donc moi, quand je suis arrivée en Éthiopie, voilà je ne savais pas, je savais pas ce qu'il y avait eu avant, mais c'est plus tard qu'ils m'ont expliqué. Voilà encore une fois une période de violence, la sécurité et donc ils se sont dit "on va essayer de voir si les choses vont mieux au Congo". Au Congo ça allait mieux, mais ce n'était pas tout à fait ça parce qu'à un moment donné au Congo, il y avait tellement de Rwandais que les Congolais ils étaient un peu tannés aussi. Et donc voilà, quand je suis née, il y avait déjà eu un premier déplacement. Q.uand j'ai quitté la Libye, "..." l'Éthiopie pour la Libye c'était tout simplement du travail, mon père avait un poste, donc on a suivi. Q.uand on a quitté la Libye, nous pour revenir en Éthiopie, c'était, maintenant je sais que c'était le génocide, même si on le vivait à des kilomètres du Rwanda, ça avait affecté mon père à un point que voilà "...","il faut que j'arrête, il faut que" voilà! Donc trois mois, donc avril, mai, juin ça n'allait pas du tout, juillet on a quitté, et lui aussi il a quitté pour aller au Rwanda, au Canada d'abord, plus tard Rwanda, en quatre-vingt-quinze [1995], pour aller voir ce qui est resté. Non non pardon, nous on a quitté en juillet pour aller vers l'Éthiopie, lui il est allé au Rwanda en décembre quatre-vingt-quatorze [1994], voilà. Il a vu ce qui restait, il a vu ce qui était là, qui n'était plus là, etc. Et c'est en quatre-vingt-quatorze [1994], fin quatre-vingt-quatorze [1994] qu'il a décidé de venir s'installer au Canada, mais on s'est re-croisé à Kigali en quatre-vingt-quinze [1995], pendant l'été et, et voilà pourquoi je parle de ça? Oui donc, j'ai quitté la Libye et quatre-vingt-quatorze [1994] en partie parce que mon père ne voulait plus y rester, en Libye, on est allé en Éthiopie et j'ai quitté l'Éthiopie en quatre-vingt-sept [1997] pour le Canada parce que ma sœur avait fini ses études et que je voulais la suivre. Et ensemble on est venue rejoindre mon père, qui était déjà ici. Donc lui, il y a eu plusieurs départs, mais moi personnellement ça n'a pas été à cause de ma sécurité personnelle; c'était travail, études, voilà. Q.: Est-ce que vous avez, vous avez des réflexions par rapport à la politique au gouvernement quelque chose comme ça ? R: Des réflexions comment? Q.:: Est-ce que, étant donné que ce n'est pas par rapport à la sécurité, quelque chose comme ça, mais est-ce que vous étiez, est-ce que vous étiez consciente de la violence, de la politique, par qui, des choses comme ça? R: Alors, quand est-ce qu'on a commencé à être conscients de tout ça là, c'était peut-être? Après quatre-vingt-quatorze [1994], on a su qu'il y avait quelque chose de grave qui se passait. On arrive en Éthiopie, on retrouve ma mère, qui elle aussi a vécu seule en Éthiopie, seule avec Stéphanie qui avait trois ans; donc, mais elle nous en parlait pas beaucoup.. Je me souviens que, elle ne nous parlait pas beaucoup de comment elle avait vécu ça, parce que, on venait d'arriver, on était encore jeune, donc c'était dur je pense. Mais voilà, quatre-vingt-quinze [1995], quand on est retourné au Rwanda, quand on parlait aux gens, aux membres de la famille, notre famille qui nous racontait en détail comment tel ou telle était mort et tout ça. Et là, tu commences à voir l'ampleur de la chose, mais même là je pense qu'on se rendait pas compte. Q.uatre-vingt-seize-quatre-vingt-dix-sept [1996-1997] on arrive au Q.uébec, et là on voit, on retrouve une communauté rwandaise qui était quand même assez importante. Des jeunes qu'on retrouve aussi à travers Isangano, et là c'est comme si, c'est une fois arrivé ici, c'est avec la communauté, avec notre implication dans cette communauté, qu'on s'est vraiment rendu compte de ce qui s'était passé, qu'on a compris plusieurs choses qui étaient encore très flous. Pour nous, mais côté politique et tout ça, même là on n'était pas trop au courant de ce qui se passait. Q.uatre-vingt-dix-sept-quatre-vingt-dix-huit [1997-1998] même, tout ce qui se passait après, les départs vers le Congo, les réfugiés tout ça, c'est comme si on suivait plus là, après quatre-vingt-quatorze [1995] c'est comme si on suivait plus l'actualité du Rwanda. En fait, c'est comme si ça s'était arrêté là. On sait qu'il y a eu quelque chose de grave, mais après voilà; moi je ne faisais pas des recherches forcément dessus. Mais c'est vraiment plus tard, dix-sept dans..., quand j'étais plus adulte, plus âgée, que voilà que je me suis impliquée beaucoup plus. Et c'est en m'impliquant que je comprenais un peu plus d'où je venais et puis tout ce que mon pays avait vécu, etc. Ouin, c'est vraiment plus tard; en fait j'ai réalisé à retardement, vraiment plus tard. Q.: Et vous étiez très jeune aussi? R: Mais c'est ça, ouin. Q.: Alors quand, vous vous avez donc pensé venir au Canada quand vos sœurs venaient s'installer et votre père était déjà là. R: "...", Était déjà là. Q.: Vous vous souvenez du processus ? R: Oui je me rappelle du processus, mais c'est ma maman qui faisait, qui s'occupait beaucoup de ça. Donc elle, elle s'occupait de ça à partir de l'Éthiopie, mon père était ici, donc c'était plus facile parce que, il y avait quelqu'un qui faisait le suivi du dossier. Donc je me rappelle, oui, je me rappelle qu'on allait à l'ambassade du Canada, qu'on remplissait les formulaires, qu'on nous disait oui ça va être prêt à telle date et puis des fois il y avait des retards, il manquait un papier qu'il fallait ou la la! Je me rappelle que pendant l'été quatre-vingt-dix-sept [1997] là, c'était quand même un peu stressant parce que jusqu'à la fin de l'été, on ne savait toujours pas si on allait vraiment venir. Puis nous on est venu avec un permis d'études, alors il fallait faire la CAQ. [Certificat d'acceptation du Q.uébec], les permis d'études ensuite, tout ça. Et je me rappelle que ça avait pris du temps d'ailleurs, on a eu du retard pour l'école parce qu'on est arrivé mi-septembre, la mi-septembre, au lieu de fin août comme on était supposé arriver au départ. Mais ça a bien été, je pense qu'il y a eu deux-quatre documents qui manquaient un moment donné, mais franchement le fait d'avoir quelqu'un ici qui faisait le suivi, ça nous a beaucoup aidés. Q.: Et c'était votre papa? R: C'était notre papa et ma belle-mère aussi nous avait parrainés parce qu'elle était canadienne. Donc ça aussi, ça a facilité les choses. Donc on avait des permis d'études tout ça, pour faire les études, mais à côté de ça, on avait déclenché déjà le processus pour le parrainage. Elle était canadienne depuis 10 ans au moins quand on est arrivé, donc voilà ça a arrangé les choses. Q.: "...", Est-ce que "...", est-ce que vous connaissiez le Canada? Est-ce que vous aviez des connaissances sur le Canada ? R: Oh, pas grand-chose. En fait je connaissais le Canada à travers ce que mon père m'en disait. Et lui, bien avant, même avant quatre-vingt-quatorze [1994]. Il nous parlait toujours du Canada, il disait "ah ouais, j'aimerais tellement un jour qu'on aille au Canada, que tous mes enfants soient au Canada" parce que, je ne sais pas. Parce qu'il était déjà venu ici, donc il avait vu la vie ici et puis il disait, encore plus, ce sentiment s'est accentué encore plus après quatre-vingt-quatorze [1994]. Il disait "voilà un pays pour vous, je sais que mes enfants vont être en sécurité ou je sais que, si ça barde un jour, il n'y aura pas de problème". Et voilà, le Canada, ça avait toujours été dans notre imaginaire, mais je n'avais jamais fait de recherches vraiment. À l'époque en plus, il n'y avait pas d'Internet en Éthiopie, donc j'avais jamais fait Google tu vois, j'avais jamais googlé le Canada, mais j'imaginais ça comme un pays d'occident, où tout va bien, la vie est belle. On me parlait un peu du froid, mais ça ne m'a pas calmé, au contraire je me disais ok, on va aller voir la neige, on va voir... oui!. Le Canada a toujours été là, on n'en parlait depuis très longtemps et puis voilà ça s'est concrétisé. Ouais. Q.: Est-ce que, donc on a parlé un petit peu des services enfin, de l'expérience auprès des services de l'immigration. Est-ce que la communauté rwandaise à Montréal, comment est-ce que vous l'avez rencontrée? Est-ce qu'elle vous aidait? R: Est-ce que la communauté en tant que telle nous aidait? En arrivant, mais elle ne nous a pas aidé à avoir les papiers, la paperasse et tout ça, parce que voilà comme je disais on avait quelqu'un ici, on avait un parent ici, on avait une belle-mère canadienne, donc tous les processus du début tout ça, c'était pouf. On en parlait à la maison, les cartes de métro, les cartes de si, cartes bancaires plus tard; vraiment on avait ce qu'il fallait. Maintenant la communauté, quand est-ce qu'on s'est impliqué vraiment dedans, c'est à travers moi, je pense, Isangano. C'est vraiment Isangano, la troupe de danse là, qui a fait que, voilà on ait une espèce de sens d'appartenance. On se disait, tiens on a un groupe ici, on ferait de la danse, Sylvie et moi on faisait de la danse rwandaise en Éthiopie déjà avant de venir. Ça c'est vrai, on l'oublie parfois, mais on n'a pas fait ça très longtemps, peut-être un été, peut-être six mois quelque chose comme ça. Maintenant quand on est arrivé ici, de voir qu'il y avait un autre groupe qui faisait de la danse aussi, on a embarqué toute de suite. Ça, c'était le premier truc qui nous a accrochés à la communauté. Ensuite moi, à travers Isangano, mais il y a eu Hobe Montréal, un journal qu'on a commencé quelque temps après. Donc là c'était, j'aimais bien la danse, mais je n'étais pas fan non plus, c'était pas ma raison de vivre; contrairement à une de mes sœurs qui tripaient vraiment là-dessus. Donc alors, j'ai essayé de trouver la chose qui me plaisait, donc je dansais de temps en temps quand ça me tentait, mais le reste du temps voilà je préférais Hobe Montréal, le journal, parce que j'étais en journalisme à ce moment-là et c'était une façon de mettre en pratique mes acquis journalistiques et puis voilà. Donc le journal, la troupe, qu'est-ce qu'il y a eu? Et puis après c'est là qu'il y a eu les Dusangane, les rencontres qu'on faisait une fois par année avec la diaspora d'Amérique du Nord, "..." il y a eu quoi ?! Oui oui, des affaires culturelles que Isangano organisait, on était pas mal impliqué là-dedans. Et là, on a eu la piqûre et la piqûre est encore là [rire] vraiment. Q.: Alors vous avez fait des nouvelles connaissances, vous avez fait un réseau? R: "...". Ah oui. Q.: Est-ce que, bon il y'a une question ici qui est particulière. Q.ue je ne comprends pas d'ailleurs? R: "..." Vas-y. Q.: Est-ce qu'il y a des divisions dans la communauté concernant la violence ? R: Des divisions dans la communauté concernant la violence ? Q.: Est-ce que vous avez remarqué la violence au foyer? R: [réflexion] Alors, j'avoue que je ne comprends pas trop. Alors, s'il y a des divisions de la communauté? Oui, on s'entend que dans la communauté rwandaise de Montréal, il y a différents groupes, il y a certains groupes avec lesquels on travaille, certains qu'on ne connaît pas, oui. Au niveau de la violence, j'avoue que je ne comprends pas bien la question. [Rire] Q.: Mettons si on restait avec les divisions en tant que telles, est-ce que, qu'est-ce que vous en diriez de cette division-là? R: Ben oui, que j'entends parfois qu'il y a d'autres associations par exemple de Rwandais, mais qui ne sont pas forcément impliquées dans le projet Histoires de vie, comme Isangano, comme Page-Rwanda par exemple, qui par exemple les groupes comme Amitié Rwanda-Canada, que je sais qu'il existe, mais c'est des groupes avec lesquels on ne travaille pas étroitement, on n'a pas vraiment de contact, mais on sait qu'ils existent. Donc, il y a certains groupes avec lesquels on travaille, je pense à Urumuri, l'association des femmes par exemple, je pense à Page-Rwanda, donc l'Association des parents et amis des victimes du génocide, la CRM que je sais que ça existe qui est là, il y a plusieurs groupes de jeunes évangéliques, il y a des groupes de prière. (45::00) Tout ça je sais que ça existe, mais il y a certains groupes dont on connait moins, voilà on ne les connaît pas. J'imagine qu'il doit y en avoir plusieurs comme ça. Amitiés Rwanda-Canada, j'ai d'autres noms, mais oui il y a des divisions.. Q.: Est-ce que, quand vous voyez mettons, par rapport aux gens et comment ils s'organisent, comme vous disiez, dans différents groupes, est-ce que vous avez gardé les fêtes, les traditions de votre pays d'origine? R: Des fêtes et des traditions? Alors les fêtes, il y en a de moins en moins. Avant, on faisait beaucoup plus de fêtes à saveur traditionnelle on va dire, mais maintenant on en fait moins. Les seules fois où on se retrouve autour de la tradition un peu, c'est quand il y a des mariages par exemple, ou des fiançailles; il y a un bel aspect traditionnel qui est encore là. Mais à part ça, des fêtes? Bon il y avait la fête de l'indépendance qu'on fête au mois de juillet, mais non, non, je trouve que ce côté-là n'est plus vraiment, n'est plus vraiment présent comme il y a quelques années. Il y a quelques années j'ai l'impression qu'on était beaucoup plus en contact direct avec la culture, que ce soit à travers les danses, on avait beaucoup de pièces de théâtre, on avait des... Dusangane c'était un peu ça aussi, rassembler tout ce monde autour de pleines fêtes culturelles, on avait des discussions, des débats même je me rappelle dans les Dusangane. Mais maintenant je trouve que, non, on n'a plus le temps pour ça; à la place on s'implique dans d'autres projets comme Projet Histoires de Vie, ou le Centre de documentation, ou le... le Centre culturel qu'on avait d'ailleurs monté un moment donné. Non, je trouve qu'on devrait peut-être reprendre, faire plus d'activités à saveur culturelle, traditionnelle comme avant. Q.: Et ce que j'entendais tout à l'heure, c'est que vous avez moins de temps? R: Oui. Q.: Il y a des choses qui ont changé aussi? R: Exact. C'est qu'on a pris de l'âge aussi, à 20 ans on a le temps, on fait beaucoup de choses. À 30 ans on se dit, donc là il faut choisir, ça je peux plus m'impliquer autant: il faut faire des choix. Et puis, j'espère que la relève, les jeunes, c'est eux, c'est à eux de faire ça en fait, de ramener tout ça dans nos habitudes. Q.: Si on regarde un petit peu comment, est-ce que vous avez une idée des différentes vagues d'immigration qui ont lieu, que la communauté "..." [inaudible]? R: "..." Bien oui puis non, bien, je sais qu'il y a eu une grosse vague après quatre-vingt-quatorze [1994], ça je pense qu'il y en a beaucoup, beaucoup sont arrivés à ce moment-là, il y en a beaucoup aussi qui ont quitté dans les années quatre-vingt-dix [1990], début quatre-vingt-treize [1993]. Bon quatre-vingt-dix-quatre-vingt-quatorze [1990-1994] je sais qu'il y a eu beaucoup de grosses vagues. Maintenant ceux qui sont arrivés après quatre-vingt-quatorze [1994], "..." après, tu vois nous on est arrivé en quatre-vingt-dix-sept [1997], ceux qui sont arrivés après nous, dans les années deux mille [2000], ça je suis moins au courant. Je sais qu'ils ont continué à arriver, mais je suis moins au courant du nombre, combien, mais je sais que ça continue à arriver parce que des fois je vois des gens dans la rue, je dis "Mon Dieu on ne s'est jamais vu". Ça, c'est une nouvelle tête, tu sais quand tu reconnais une nouvelle tête? Oui, j'en vois de temps en temps. Q.: Q.uand on regarde un petit peu, je regarde un petit peu, ici il y a la communauté, mais il y a aussi la communauté d'accueil ici. Comment est-ce que vous, tout à l'heure j'entendais que la communauté ne vous avait pas aidé au niveau des papiers, quelque chose comme ça, mais vous avez comme trouvé une communauté d'appartenance, des jeunes. Comment est-ce que les autres Montréalais hors de votre communauté vous ont traité? R: M'ont traitée? Q.: Vous ont traitée. R: Donc les Q.uébécois?. "..."Les autres montréalais? Ça, c'est une bonne question. Un reproche que certains de nos amis nous font parfois, des amis donc avec qui on était à l'école en Éthiopie, qui se sont retrouvés aussi ici au Canada. Et en Éthiopie, bon on était super proches, on se voyait souvent et tout ça, on allait tous à la même école et tout ça, et arrivés ici, certains sont arrivés presque en même temps que nous, peut-être un an ou deux ans après. Et je pense qu'ils s'attendaient à retrouver cette même atmosphère qu'on avait en Éthiopie, tu sais d'être aussi proche qu'on était là-bas, et nous on a eu tendance à, oui garder le lien un peu avec eux, mais on passait tellement tout notre temps avec la communauté rwandaise. Alors ils se disaient "ah elles Gasana là, quand ils sont arrivés à Montréal, ils nous ont oubliés". Plusieurs fois, ils nous ont dit ça. Mais non, je ne sais pas, c'était pas qu'on vous a oubliés, mais c'est juste qu'ici il y avait tellement une grande communauté rwandaise, et eux ils venaient de plusieurs pays d'Afrique de l'ouest, ou d'Afrique de l'est, ou du sud; en tout cas ils venaient vraiment de partout eux, et ils avaient pas cette grosse communauté-là, avec des gens du même pays. Et nous on avait ça, et c'était comme naturel qu'on aille avec cette communauté-là, parce que, mais parce qu'en Éthiopie on n'avait pas ça. En Éthiopie, on avait une petite communauté rwandaise, mais voilà, vraiment quelques familles de l'ambassade, certaines de l'Union Africaine et tout ça, mais pas beaucoup. Ici on arrivait, on voyait des jeunes comme nous, et certains qu'on connaissait déjà depuis le Rwanda, qu'on avait rencontré en vacances et tout, on a vu ce groupe qui se créé et tout ça. Et donc, on était contents de retrouver des Rwandais; on passait tout notre temps avec. Et peut-être que c'était une erreur. Peut-être qu'on aurait pu gérer notre temps mieux, mais c'est comme si notre sentiment d'appartenance, sentiment d'être rwandais; il n'est pas né ici, mais il a vraiment eu son boom ici, parce que, et ça je le disais même à ma première session d'entrevue, c'est comment ça se fait que je ne suis pas greffée par exemple, ou associée à une communauté d'éthiopiens? Parce que c'est ça que je connaissais, je parlais la langue, j'avais beaucoup d'amis éthiopiens et tout. Donc logiquement, j'aurais pu être allée dans une communauté éthiopienne et d'être impliquée là-dedans de la même façon que je le suis. Mais non, les Ethiopiens je les connais, certains que j'ai connus comme ça par la suite, mais à aucun moment c'était question de m'impliquer plus dans la communauté éthiopienne. C'était comme si on retrouvait enfin notre communauté, loin du Rwanda, loin d'Éthiopie, mais voilà, c'était vraiment un coup de foudre et on est resté collé comme des aimants là. Ouin. Q.: Q.uand est-ce que, est-ce que vous vous sentez à l'aise? R: Au Canada? Oui, très à l'aise. Q.: Très à l'aise? R: Ouais. Q.: Q.uand et où est-ce que vous vous sentez le plus à l'aise? Q.uand et où est-ce que vous vous sentez le moins à l'aise? R: Wow! Alors, "..."! À l'aise? À l'aise dans le sens où, bon déjà le racisme. Le racisme oui, ça nous est arrivé de le vivre, d'ailleurs un peu quand on est arrivé, en cherchant notre appartement par exemple. On a eu une histoire d'aventure où tu appelles, on te dit oui c'est disponible, tu arrives et comme par hasard c'est plus disponible, mais tu rappelles après c'est encore disponible, donc tu sais que hein, les gens ne voulaient vraiment pas de noirs dans leur appartement. Oui, donc on a eu des situations comme ça de racisme par-ci par-là, mais ce n'était pas énorme. Franchement, encore une fois, peut-être qu'on a été chanceux, mais enfin, je l'ai pas vécu tous les jours le racisme ou "..."... Au Canada, je ne pense pas qu'il y en ait beaucoup qui disent qu'ils le vivent au jour le jour, tu sais. Peut-être que les Q.uébécois sont très "...", je ne sais pas, en-tout-cas ils te le montrent pas tous les jours. Donc ça, c'était ça, c'était bien, parce que voilà, tu étais une Rwandaise au Canada, à l'école ou à l'université, mais tu étais bien, tu faisais ta vie, on t'embêtait pas. Q.uand, est-ce que j'ai été mal à l'aise au Canada? [réflexion]. Peut-être des situations au travail, ou parfois tu n'es pas très, tu t'entends pas forcement avec tes collègues. Ouin, des fois il y a des collègues, certains collègues, mais c'est rare encore là, des collègues qui te montrent vraiment que, ils ne t'apprécient pas beaucoup, soit par ta couleur, soit par je sais pas, est-ce qu'ils se sentent peut-être menacés dans leur boulot, ou pensent que tu vas venir prendre leur boulot. En-tout-cas, il y a des gens qui se sentent insécures parfois par rapport à toi, mais je te dis il n'y a pas eu beaucoup de cas comme ça. Et puis je pense que tout le monde, on connait un ou deux avec qui tu... tu n'entends pas au travail, avec qui ça, mais de là à vraiment me rendre inconfortable au point que je dise non, non, non, j'ai envie de quitter, non jamais. La seule chose qui me donne envie de quitter, c'est le temps, la température [rire]. Je pense que ce n'est vraiment pas les gens, c'est la température. Si un jour je quitte le Canada, c'est parce que, il y a six mois dans l'année où j'ai froid quoi, mais c'est vraiment ça. Franchement pour le reste, s'il n'y avait pas ce facteur-là, moi je me verrai finir mes jours ici. Q.: Mais avec le facteur? R: Avec le facteur froid, "..." au bout de quatorze ans là, je vais fêter mes quatorze ans au Q.uébec, non. Je ne pense pas que je vais rester un autre 14 ans encore quoi. Q.: Vous sentez que vous êtes sur le point de partir? R: Oui. Oui vraiment, et c'est vraiment à cause du temps. Oui, à cause de la température. C'est dommage hein? Q.u'un petit détail comme ça te donne envie de partir, mais c'est juste ça. Parce que, pour le reste, je trouve que tu t'intègres bien, les études sont bien, sont pas excessivement chers, la vie est bien, les gens, la culture, l'été montréalais, il n'y a pas de..., pas de photos. Mais c'est ça, l'hiver est trop long ; deux mois j'aurais pu tenir là, mais cinq-six là? "...". Q.: Alors, est-ce que vous pensez retourner? R: Retourner? Q.: Au Rwanda? R [rire] Au Rwanda. Eh oui, bien écoutes, mais exactement. Q.: Ou ailleurs en Afrique aussi? R: Oui, en-tout-cas je sais que, ça a été un de mes rêves, de retourner au Rwanda, mais j'étais plus jeune, j'avais vingt-deux-vingt-trois ans puis, je me rappelle être partie au Rwanda et de rencontrer les gens avec mon CV et tu sais, sûre que j'étais remplie d'expérience. Et ben non, je venais à peine de finir l'université et on n'avait pas d'expérience quoi, mais je me disais non, je vais partir et je vais trouver du travail au Rwanda et je vais rester là-bas au moins 1 an pour avoir une expérience rwandaise. Et puis, après mes entrevues, après mes entretiens là-bas, ils m'ont dit, ils ont bien vu que j'avais beaucoup d'espoir et que j'étais fascinée par le Rwanda, ils m'ont dit:: "c'est très très bien, d'accord, mais reviens avec des idées, des idées concrètes, un projet, un projet déjà monté tout, tout, tout, puis voilà, viens avec quelque chose de concret. Viens pas nous voir en disant, ok je vais travailler chez vous, donnez-moi ce que vous avez. Non, toi viens avec quelque chose à apporter." Là je me rappelle que j'étais frustrée, je disais c'est quoi là, moi j'étais prête à venir ici travailler dans mon pays et ils ne me prennent pas au sérieux; je vais retourner chez moi, je retourne au Q.uébec. Là je reviens ici, puis je finis, ben j'avais fini mon Bac à ce moment-là, je fais toutes mes expériences ça, un peu d'enseignement, un peu de tout ce que j'ai appris à Concordia et tout ça. Et là peut-être que, si je retourne, bon il va me prendre un peu plus au sérieux, mais en effet, maintenant je pense que je suis peut-être un peu plus outillée pour penser à avoir une petite expérience là-bas. Maintenant, ce n'est pas demain que je partirai pour ça, mais je suis prête à préparer ce retour éventuel si retour il y a un jour. Oui, parce qu'entre temps, tu sais on ne sait jamais ce qui arrive, peut-être qu'il y a d'autres choses qui vont se présenter sur le chemin et qui vont m'emmener ailleurs qu'au Rwanda, mais moi j'aimerais, j'aimerais avoir une expérience au moins 1 année, ou 6 mois, puis voir comment c'est un quotidien, une routine au Rwanda, me réveiller et aller travailler au Rwanda. Pas me lever et aller en vacances, souvent j'y vais pour les vacances, mais avoir une routine là-bas, mais il faut que je convainque mon mari aussi de me suivre [rire] ça c'est pas gagné non plus. [rire]. Q.: Il ne voulait pas, peut-être pas aller au Rwanda? R: Mais je ne sais pas, on va voir après. C'est notre première expérience, on s'en va au mois d'août, donc il va découvrir le Rwanda pour la première fois, puis je vais voir. Après cette première fois je vais voir c'est quoi son impression, donc je vais voir aussi c'est quoi mon impression moi, puisque ça fait longtemps que je ne suis pas retournée, et puis peut-être après ça on va décider si c'est dans les plans ou pas. Mais j'aimerai ça. Q.: Tout à l'heure on parlait un petit peu de, le retour éventuel peut-être ou même un départ éventuel. Est-ce qu'il y a d'autres personnes de la communauté à Montréal qui sont retournées, est-ce que vous connaissez d'autres, est-ce que vous avez entendu des choses par rapport à....? R: Ah oui, beaucoup, beaucoup que je connais sont retournés. Beaucoup sont restés, ils ont aimé le retour, ils sont là aujourd'hui, certains qui sont retournés et qui n'ont pas aimé leur expérience et qui sont revenus à Montréal ou ailleurs au Canada. Voilà, j'ai vu les deux points de vue. Certain, parce que le retour s'est passé comme ils visualisaient ça, que ça se passe bien là-bas, et le retour à Kigali s'est bien passé, l'intégration à Kigali s'est bien passée. Mais d'autres, ils sont contents d'avoir fait cette expérience, mais "...", il y a encore quelque chose qui manquait et ils se disaient "je suis beaucoup mieux au Canada, je reviens au Canada, le Rwanda c'est pas pour tout de suite" et tout ça. J'ai vraiment vu les deux. Q. Les deux aspects? Vous avez vu les deux et est-ce qu'ils vous ont influencée? R: Oui. Oui, beaucoup. Beaucoup parce que tu te dis "ah moi ok, c'est possible de le faire, donc je ne suis pas la seule à vouloir le faire, donc je vois qu'il y en a d'autres". Tu sais, c'est bon d'apprendre d'autres. Pour ceux qui sont revenus, alors souvent je leur dis: "mais pourquoi ça n'a pas marché?" Q.u'est-ce que tu n'as pas aimé exactement? Q.u'est-ce qui ne te plaisait pas au Rwanda. Et puis bon, chacun avait sa raison, des fois c'est la mentalité, la mentalité rwandaise qui correspond pas forcement à notre mentalité canadienne, à la façon de faire les choses, le rapport avec les gens, le social ou les gens savent tout de toi dans un petit pays comme le Rwanda. Ici tu fais ce que tu fais, les gens ne sont pas au courant, tu as ta vie privée. Voilà, le côté vie privé/publique là, certains n'aimaient pas beaucoup ça. Donc oui ça m'a influencée, mais ça ne m'a pas découragée, c'est-à-dire que, je me dis que je ferai mon expérience à moi, mon vécu, mon parcours, et puis voilà quoi. Donc j'aime bien m'inspirer des autres, voir ce qui n'a pas fonctionné ou ce qui a fonctionné chez les autres, mais après ça je me dis "bon, moi je veux faire mon expérience et puis j'aurais mes leçons". Q.: "..." Si on parle des histoires, des souvenirs du pays, des histoires du pays, etc. dans le projet Histoires de Vie, donc il y a pas mal de... vous parlez quand même pas mal de votre pays, du Rwanda, depuis que vous avez emménagé à Montréal. Donc vous parlez du Rwanda avec qui? Dans quelles circonstances? Et puis est-ce qu'il y a d'autres aussi qui parlent du Rwanda dans la communauté? Des personnes, des conteurs? Alors ils parlent de quoi? R: Oui je parle beaucoup du Rwanda. En fait, j'ai remarqué que le Rwanda était présent, même au début, mais à l'université. C'est à dire à l'université, en journalisme à l'UQ.AM, chaque fois qu'il y avait des travaux à faire, des textes à rédiger, des articles à préparer, des reportages des fois en format d'article, mais plus en profondeur, 3/4, si ce n'est pas tous, avaient des liens avec le Rwanda. Et puis pourquoi, parce que c'était ce qui était accessible aussi pour moi, tu sais ah, écrivez un article sur tel et là j'arrivais à plugger le Rwanda quelque part, tu sais.. On devait interviewer un artiste, je m'arrangeais pour interviewer un artiste rwandais. Un article sur, il y avait le procès de Mugesera, Léon Mugesera à Ottawa, j'ai réussi à plugger ça dans un de mes cours. "..." bref, à chaque fois j'ai remarqué, et souvent ce n'était même pas par exprès quoi, c'est que voilà, c'était le premier truc qui me venait à l'esprit, qui était accessible pour moi, j'avais les sources, donc voilà, je le ferais. Alors du coup, à la fin de mon Bac, mes collègues à l'université, à chaque fois qu'il fallait parler du Rwanda, j'étais rendue l'experte du Rwanda de la classe, tu sais. Donc même quand quelqu'un d'autre, d'un autre cours, leur parlait du Rwanda, ils disaient "ah, allez voir Sandra dans l'autre cours là, elle s'y connait là, c'est la personne ressource dans la communauté". Mais bon, c'est à travers les cours et tout ça, les travaux, qu'ils ont remarqué ça. Donc oui, je ne sais pas, soit j'en parle aux gens directement à travers le travail, comme le projet Histoires de Vie, soit je fais des cours là-dessus, des travaux là-dessus, mais j'ai l'impression que le Rwanda m'a suivie, mais vraiment tout le temps ici. Et encore plus les trois dernières années-là, parce que le projet Histoires de Vie ça m'a permis d'aller en profondeur, d'apprendre encore plus de l'histoire que...; j'en connais plus sur l'histoire du Rwanda, après trois ans, que quand j'ai commencé dans ce projet-là par exemple. À travers les histoires de vie entre autres, mais aussi à travers les gens que je rencontrais. Alors du coup, comme je suis impliquée dans un projet comme ça, d'autres projets qui sont dans le même thème, ça m'intéresse, donc je parle avec des gens qui travaillent dans ce domaine-là aussi. Donc ces dernières années, ces trois-quatre dernières années, ça a encore été plus quoi, mon implication a augmenté de plus en plus, et autour de moi, j'ai l'impression que je suis entourée de gens à qui ça intéresse aussi, et qui travaillent là-de dans d'une manière ou d'une autre. Voilà. Q.:: Q.u'est-ce que vous en dites? Ou qu'est-ce qu'on en dit? R:: Q.u'est-ce qu'on en dit "..."....
R:: Mais ça dépend, ça dépend de la personne déjà, donc si elle est impliquée dans un centre de documentation, bon qui fait ce qu'on fait par exemple. On va parler de ce qu'eux ils ont, d'éventuels partenariats qu'on peut faire avec eux par exemple. On avait des gens qui étaient venus du Rwanda nous rencontrer il y a quelques mois, de l'IRDP par exemple. Voilà, ça c'est quelque chose qu'on veut continuer à avoir ces relations avec eux, ils travaillent sur le dialogue, la paix, ils travaillent sur les histoires de vie, la violence, donc voilà, il y a toujours des liens, tu sais, que tu peux créer. Alors souvent le thème qui revient, le thème commun à toutes ces discussions qu'on a avec tous ces gens-là, c'est le génocide à la base de tout ça. À la base c'est ça qui est là, mais après il y a plusieurs aspects maintenant qui viennent autour de ça, mais je pense que le dénominateur commun qu'on a, c'est le génocide à la base; avec toutes ces personnes-là, tous ces centres-là, et tout ça. Donc après je me, mais s'il n'y avait pas eu le génocide, est-ce que j'aurais été aussi impliquée dans la communauté? Est-ce que j'aurais travaillé trois ans dans un projet comme ça? Oui, non peut-être pas, parce qu'il n'y aurait pas eu un groupe Rwanda, et il y aurait pas eu... mais je sais pas, donc des fois tu te dis, à cause de ça, un élément peut complètement changer ton, mon parcours jusqu'à aujourd'hui. C'est à cause de ça quelque part, donc s'il n'y avait pas eu de génocide, peut-être que je serais, je sais pas moi, en sociologie, ou en je sais pas moi, en maths-informatique comme je voulais faire au début. Q.:: Peut-être que vous n'auriez pas quitté la Libye? R:: Peut-être que je n'aurais pas quitté la Libye. Non c'est fou, mais oui quoi, c'est incroyable comment cet élément, cet évènement a eu une influence sur le parcours de beaucoup de personnes qui n'auraient peut-être pas dû commencer ce parcours s'il n'y avait pas eu cet élément déclencheur là. Oui ; oui c'est intéressant. Q.:: Comment est-ce que les conteurs et les conteuses reconnus dans votre communauté parlent du passé?.
R:: Alors les conteurs et les conteuses de notre communauté? "...", on n'a pas vraiment un conteur, on a des histoires du Rwanda, on a des histoires du Rwanda ancien, mais on n'a pas des gens qui nous les racontent ici à Montréal. Au Rwanda peut-être, mais à Montréal, on n'en a pas. Mais, même si on n'en a pas, je trouve qu'on a développé différentes techniques d'en parler; une technique qui me vient là l'esprit là toute de suite, c'est le "playback théâtre" par exemple. Ce n'est pas des conteurs, mais c'est du théâtre spécial, original. Et ça je trouve que c'est une façon d'en parler, ce n'est pas traditionnel, c'est pas rwandais le playback par exemple, mais je trouve que, oui c'est une façon peut-être une peu plus moderne. Oui, c'est une façon qui, comment je peux dire ça? Le playback c'est quand même un cas spécial, je ne peux pas prendre ça comme exemple, mais le playback c'est un exemple, une façon qu'on a trouvé aujourd'hui de parler de ça, "...", à travers l'art. Il y a des pièces de théâtre qui existent, il y a la pièce de théâtre Isoko qui était la récemment. Oui, c'est une autre façon d'en parler, mais ce n'est pas forcément traditionnel, c'est pas l'histoire orale qu'on a été raconté à l'époque de nos ancêtres, mais oui, je trouve qu'on a une façon moderne de raconter notre histoire, avec les moyens du bord aussi. Q.:: Est-ce que vous avez des enfants? R:: Non, on n'a pas d'enfants. Q.:: Est-ce que vous comptez en avoir? R:: Oui, je compte en avoir [rire] beaucoup, beaucoup. Oui, j'aimerais ça. Q.:: Est-ce que vous savez comment vous allez leur en parler de tout ça? R:: Oui, j'aimerai ça leur parler du Rwanda, oui j'aimerai leur parler du Rwanda, j'aimerai leur parler de l'Éthiopie, j'aimerai leur parler du Canada, bon ils connaitront le Canada. Mon mari veut leur parler de la République Dominicaine par exemple, parce qu'il a des origines dominicaines, de la France, d'où sa maman venait. Donc, oui je pense qu'on a à leur raconter pas mal de choses; les pauvres enfants, ils vont être mêlés à un moment donné. Ils vont dire, mais "attends, attends, attends, on vient d'où là exactement là? C'est quoi nos origines?", parce que ça va être un gros brassage, mais je veux leur parler du Rwanda, et de ce qui s'est passé, et ouin ouin! Ah oui. Q.:: Est-ce que vous vous considérez une survivante? R:: Oh ya ya, cette question. Cette question je, vous la posez plusieurs fois, mais je ne sais pas comment y répondre. Alors, est-ce que je me considère comme une survivante? [réflexion]. Oui puis non, je pense, la question ce serait ça, la réponse ce serait oui et non. Oui parce que, parce que tout simplement si j'étais au Rwanda, c'est sûr que j'y serais passée, quasiment sûr, ou peut-être que j'aurais échappé; j'aurais été parmi les chanceuses. Mais je pense que, voilà, ce qui m'aura sauvé c'est de pas avoir été là-bas. Mais d'un autre coté aussi je me dis, non, parce que, une survivante qui était là-bas en quatre-vingt-quatorze [1994] et qui a survécu, je ne pourrai pas me comparer à cette personne-là non plus. Donc d'un côté, oui je me dis "mon Dieu, si mes parents n'avaient pas quitté en trois, si, si, si... si j'étais là-bas en quatre-vingt-quatorze [1994], voilà! Si je n'étais pas morte en quatre-vingt-quatorze [1994], j'aurais probablement vu des choses j'aurais... voilà! J'aurais survécu l'inimaginable, mais d'un autre coté j'ai eu la chance d'être à des kilomètres de là-bas, d'être en vie aujourd'hui, d'avoir, de pas avoir de cauchemars quand avril arrive".. J'ai la chance de pas, de pas avoir vécu les cent jours [jours?], et je ne pourrais jamais me comparer à quelqu'un qui a vécu ça, parce que c'est, voilà, tu peux pas imaginer ce que l'autre personne a imaginé, a vécu. Donc c'est une question très très difficile à répondre; je dirai oui puis non, pour les raisons que je t'ai expliquées. Q.:: Est-ce que parfois ça vous arrive d'essayer d'éviter de penser au passé, au Rwanda? R:: Non. D'arrêter d'y penser, d'éviter d'y penser? Non, non parce que je n'ai pas vraiment de raisons d'arrêter d'y penser. Tu vois, quelqu'un qui a vécu ça, oui je comprendrais qu'à un moment donné il veuille tourner la page, oui je comprendrais que cette personne-là dise: "Écoutez, j'ai vécu ça, je veux plus en parler, je veux faire [inaudible]", et puis voilà! Mais moi, justement parce que j'ai eu ce recul-là, que je n'étais pas présente, que j'ai d'autant plus de raisons de faire tout en mon possible pour pas qu'on oublie ce qui s'est passé quoi. Parce que, voilà, psychologiquement, j'ai les moyens de faire off si je veux, tu vois ce que je veux dire; voilà, je peux rentrer à la maison, dire "ok, là je coupe avec ça, ici tu as le boulot, là j'arrive..." Mais quelqu'un qui a vécu ça ne peut pas switch off quand elle veut, se remettre dans le bain quand elle veut, tu sais, Et non, non j'essaie pas d'arrêter d'y penser, au contraire, je pense que je ferai mon possible pour qu'on n'oublie pas, ouais. Q.:: Q.uand est-ce que vous pensez du récent évènement du Rwanda? Est-ce que vous avez une idée de ce qui se passe au Rwanda en ce moment? Par exemple, je ne sais pas moi, les Gacacaca, les commissions [inaudible] continuation, la commission du contrôle du génocide, les commissions... quelque chose comme ça? R:: Oui alors, oui je suis beaucoup, beaucoup, beaucoup se qui se passe au Rwanda; encore plus depuis ces dernières années. Alors je sais que le Rwanda est en train de se relever, mais vraiment bien. De se relever de ce qui s'est passé ; je trouve qu'ils s'en sortent plutôt pas mal, vu l'ampleur des dégâts, vu l'ampleur de ce qui est arrivé. De voir qu'aujourd'hui, voilà le pays se relève, le pays va mieux, les Rwandais vont mieux ; bon je vais aller le voir par moi-même, parce que c'est ce que j'ai entendu ces dernières années, mais j'ai l'impression que le Rwanda va mieux. Mais d'un côté aussi, il y a certaines choses avec lesquelles je ne suis pas trop d'accord, certains choix du gouvernement ; comme le gouvernement quand même tient les mains, ferme le pays. Mais en même temps il fait tellement de bonnes choses que, est-ce que ce n'est pas ça aussi qu'on a besoin? Q.u'on nous tienne comme ça pour que ça marche, tu sais? Je ne sais pas. Mais il y a des trucs avec lesquels je suis moins d'accord, certains trucs auxquels je tiens à fond:: les Gacaca je trouve que c'est une bonne chose, une bonne idée de, bon c'est une bonne alternative, vu le nombre de personnes à juger qu'il y avait, mais en même temps j'ai l'impression que ce n'est pas la solution à tous les problèmes, les Gacaca. Oui ça peut [inaudible: percher?] dans certains cas, mais dans d'autres ça... Oui c'est délicat; c'est délicat parce que des fois les gens te disent ce que tu veux entendre pour pouvoir être libérés, d'autres se font attaquer une fois que tu as témoigné à Gacaca, donc je ne sais pas. Il a ses bons côtés et ses mauvais côtés, c'est l'alternative pour le moment. Est-ce que c'est un succès? Je ne suis pas sûre.. Il y a peut-être des choses qu'aurait pu faire mieux ; je n'ai pas de solutions, mais il y a des choses qu'on aurait peut-être pu régler autrement, ou faire, mais sinon dans l'ensemble, je suis contente de là où le Rwanda se trouve aujourd'hui, comment c'est un exemple. Un tout petit pays comme ça, qui puisse être un exemple pour l'Afrique ; certains pays qui viennent au Rwanda pour s'inspirer de comment les choses marchent, comment ils ont éradiqué la corruption, pleins de trucs que tu te dis "wow, je suis fière; je suis fière qu'on parle du Rwanda pour dire de bonnes choses" et pas forcément "Oh le pays qui a connu le génocide". Mais je pense que, si on pouvait faire une petite session d'entrevue à mon retour là, je pense que je te dirai, je te dirai bien comment je me sens [rire]. Je vous donnerais les highlights là, à chaque jour. Q.:: Est-ce que vous avez l'impression que les causes de la violence au Rwanda ont été expliquées? R:: Les causes de la violence ont été expliquées? Ça, je ne sais pas ; ça je sais pas s'ils ont bien été expliqués, dans les écoles par exemple je sais comment ils expliquent ça aux enfants, aux jeunes. Nous aussi, on a des projets, on a des programmes, des cours qu'on essaie de monter à travers les Histoires de vie qu'on recueille, mais comment ça s'est fait là-bas? Est-ce que ces cours-là qu'on fait ici dans les écoles québécoises, est-ce qu'elles sont applicables là-bas au Rwanda? C'est quelque chose qu'on pourrait essayer de voir, mais non je ne suis pas suffisamment au courant, de voir comment, comment on le dit à des jeunes, à des moins jeunes aujourd'hui au Rwanda, je ne sais pas, je ne sais pas. Mais ça je pourrai vous le dire à la prochaine entrevue [rires] ; je me mets dans le..., je me mets dans le pétrin là. Q.:: Il y a une suite à "..." R:: J'ai bien peur que oui. Q.:: Comment on appelle ça dans les films? R:: Une séquence? Q.:: Est-ce que, vous avez vu déjà, vous en parliez tout à l'heure, vous avez vécu la communauté exprimer artistiquement sur scène, votre réaction par rapport à ça? La réaction de la communauté? R:: Alors, il y a certains films qui sont meilleurs que d'autres; il y a d'autres qui ... Il y a certains films qui sont bien inspirés de la réalité, très bien faits, très bien documentés, tu vois que la personne a fait de la recherche. Mais d'autres films, pour ne pas les citer, qui sont complètement hollywoodiens et puis qui essaient d'en faire à la façon Hollywood, alors que c'était à Kigali, et c'était loin de la façon Hollywood, ça j'aime moins. Mais bon, malheureusement c'est ces films-là qui ont plus de visibilité et qui sont les plus exportés ; donc, c'est ça qui est un peu dommage. Mais je pense qu'il y a de plus en plus de documentaires, plus de documentaires moi je dis, qui, qui sont très très bien faits. Encore là, il faut faire le ménage entre ceux qui sont bien faits et ceux qui sont un peu plus simplistes, mais, oui, non parfois je suis déçue de certains films et d'autres je dis "Wow, ok; ça c'est bon" et j'essaie de justement les faire circuler le plus possible autour de moi, parce que voilà, je veux qu'ils soient le plus près de la réalité possible quoi. Pas essayer d'embellir cette réalité-là, qui était très, très loin d'être belle, en ce moment-là quoi. Donc oui, parfois je suis déçue et parfois je suis agréablement surprise, et là je dis:: "Chapeau". Q.:: Puis est-ce qu'il y a des réactions à l'intérieur de la communauté que vous avez relevées? R:: Dans la communauté? Non, mais c'est souvent avec la communauté qu'on regarde ces films-là, qui sont nouveaux, qui nous viennent de partout. Souvent c'est en communauté, souvent c'est pendant les périodes de la commémoration qu'on décide de montrer un film ou un autre. Donc voilà, cet avis est pas mal partagé avec la communauté, enfin la communauté avec laquelle je m'implique, et donc souvent on dit "oh la la, qu'est-ce qu'ils nous ont fait là?". Et des fois même on décide de ne pas les diffuser, tout simplement parce qu'on trouve que le film n'est pas très réaliste.. Mais quand on trouve des bons films, des bons documentaires, c'est là qu'on décide de les montrer au plus grand nombre. Q.:: Vous en avez parlé un peu tout à l'heure, mais comment est-ce que vous pensez que vos histoires ou celles de votre communauté peuvent être montrées en classe, dans les musées ou théâtres, tout ça? R:: En fait, cette question, enfin le projet Histoires de Vie je trouve qu'il répond à exactement cette question. Dans les écoles, enfin il y a un groupe qui s'occupe spécifiquement de ça; d'ailleurs on travaille beaucoup avec ce groupe la d'éducation pour essayer de voir comment on peut organiser nos entrevues, comment on peut relever des thèmes qui seraient pertinents devant une classe. Le théâtre, le projet fait ça, le projet fait ça très très bien, à travers des différentes pièces de théâtre qu'on a fait pour le moment, le playback dont je parlais, etc. T'avais dit, éducation, les classes? Les musées, les musées, on a fait des expositions à travers, avec ce projet-là. L'année dernière, on a fait une grosse exposition dans le cadre du Congrès des sciences humaines de Concordia. Et encore là, en fait ce projet, ce genre de projets comme Histoires de Vie, ça a vraiment permis une plus grande, donc une sensibilisation, donc on essaie de sensibiliser le public à travers tous ces différents médiums. Mais justement, ce public-là, j'ai l'impression qu'après ça, ils en savent plus, et pas, et ça c'est dur de le montrer à travers un film tout simplement quoi. Et de le voir à travers des vécus des gens, les gens qui sont ici, qui pourraient être eux, leurs voisins, ça je trouve que c'est ça qui est bien touché l'humain. Q.uand c'est des histoires simples, mais vécues par les personnes, et racontées à travers les différentes façons, je pense que c'est là que ça vient les toucher. Donc oui, le projet Histoires de vie répond à toutes ces, à toutes ces points-là, il en faudrait plus les projets comme ça. Beaucoup plus et a plus grande échelle, oui. Q.:: Si je vous demandais, qu'est-ce que vous aimeriez que les gens, les personnes à l'extérieur de votre communauté, sachent de vous, donc sachent votre vécu? R:: À l'extérieur de ma communauté? Bien j'aimerais qu'ils sachent que [réflexion] En fait, je n'aimerai pas qu'ils retiennent que le génocide du Rwanda, j'aimerai qu'ils sachent qu'à part ça, il y a d'autres choses aussi. J'aimerais qu'ils ne s'arrêtent pas forcément sur "ok, tu viens du Rwanda ; ah et quoi, tu étais hutu ou tutsi? Est-ce que c'est toi qui tuais ou c'est toi qu'on tuait? " Des questions parfois simplistes, mais des fois tu te dis "ok c'est les médias qui véhiculent ça", donc il ne faut pas leur en vouloir de poser cette question tout de suite. Mais, je ne sais pas, d'en savoir plus sur ce pays, d'être aussi très, de faciliter l'intégration des Rwandais au Q.uébec. Dans ce cas, pas forcément les Rwandais, même les immigrants en général. Tu sais quand tu arrives dans ce pays, déjà ce n'est pas évident, l'adaptation et tout ça, mais de faciliter cette adaptation-là, en essayant d'apprendre de l'autre. Si c'est un Rwandais, mais d'apprendre de..., de pas de se limiter à cet évènement particulier, mais d'avoir le big picture. Et puis bien, d'être à l'écoute, d'être à l'écoute, d'être solidaires parfois dans nos activités. Oui, moi je dirais de pas se limiter à un seul évènement, puis d'aider la personne qui arrive ici avec tout ce bagage, voilà, à mieux s'intégrer, mieux se mêler à la masse et ne pas justement être pointée parce qu'elle vient du Rwanda et parce qu'elle a vécu le génocide quoi. Q.u'il y ait autre chose aussi quoi, voilà!. Q.:: Ça c'est ce que vous aimeriez que les personnes parlent de votre communauté et sachent de votre communauté. Et qu'est-ce que vous vous aimeriez que les personnes de l'extérieur sachent de votre vécu? R:: Les personnes de l'extérieur? Q.:: En dehors de votre communauté sachent de votre vécu? R:: Ah, à moi en particulier? Je les inviterais à regarder mon entrevue s'ils veulent savoir plus sur moi [rire]. Mais en gros, si je voulais, bien de mon vécu, écoute je suis "..." ; s'il fallait retenir quelque chose de mon vécu? Oui, je pense que je reviendrais sur ce que j'ai dit tout à l'heure quand je te disais que, des fois dans la vie, il y a un évènement qui chamboule peut-être ta vie, qui fait que tu prends des chemins et pas d'autres à cause de cet évènement-là. Eh bien voilà, j'aimerais juste qu'ils sachent que... et c'est dur de se limiter à un, un truc. Bien, oui, oui, je leur donnerais une chose, c'est que, à travers mon expérience, à travers mon parcours de vie, j'aimerais qu'ils sachent que, voilà je suis et je serai Rwandaise dans l'âme, malgré tout mon parcours je porterai toujours le Rwanda. Et je pense que je le..., c'est un grand mot de dire "je défendrai le Rwanda pour le reste de mes jours", mais en-tout-cas s'il y a un lien avec moi, si un moment donné si je croise ces personnes-là, c'est que c'est sûr qu'à un moment donné je leur parlerai du Rwanda, veut, veut-pas ça va venir dans la conversation, mais j'aimerais, je ne sais pas, transmettre peut-être un peu de, un peu de mon implication là, j'essaierais de transmettre un peu de ça aux gens. Voilà! Q.:: Une petite dernière comme ça. Vous voulez transmettre votre implication, et si les personnes, si je vous posais la question par rapport aux personnes [inaudible] qu'est-ce que vous voulez qu'ils sachent de votre vécu? R:: Wow ; qu'ils ne savent pas déjà? Oh la la, qu'ils ne savent pas déjà? Parce qu'ils me connaissent quand même, après toutes ces années dans la communauté, je pense qu'ils finissent, mais [réflexion] qu'est-ce que je pourrais leur dire? Bien, ça dépend en même temps des gens de la communauté. Moi je dirais aux personnes qui ont survécu qu'on sera toujours là pour les aider, pour les supporter pendant cette période justement de l'année qui est la plus difficile pour eux. Et pour ceux qui ont eu la chance de pas être là, de pas avoir été là en quatre-vingt-quatorze [1994], je leur dirai:: "c'est notre devoir, c'est notre devoir de...", en même temps ils le font quasiment tous, j'insisterais sur ce devoir qu'on a, parce que justement on est peut-être mieux outillé, on n'a pas..., à cause de ce recul-là, c'est notre devoir de toujours être disponibles, au moins pendant la période de commémoration. Au moins cette période-là, d'être disponible, d'être là, d'essayer d'offrir le plus de..., je ne sais pas. Mais souvent, ce qui est dommage, c'est que les rescapés, ils ne vont pas venir te demander:: "aide-moi, c'est difficile pour moi, etc. ". Mais il faut qu'on soit là, il faut qu'on devance, il faut qu'on fasse le pas, il faut qu'on aille vers eux. Il faut qu'on essaie de leur donner un semblant de, de leur donner le support disons. Voilà! Q.:: Est-ce qu'il y a des questions que tu aurais aimé entendre? R:: Oh, que tu ne m'as pas posées? Q.:: [inaudible] R:: Ah oui, d'accord [rires]. Une question ; non je pense que t'as fait le tour. Ce qui n'a pas été posé là a été posé la première session ; donc je pense que j'ai fait le tour. Q.:: Il y a une suite à venir. R:: Donc voilà, là je me suis moi-même mis dans le pétrin, mais vraiment, non je pense que ça me ferait, oui ce serait bien de voir "...", de voir mes impressions aussi. Tu sais, à chaud, à froid? En-tout-cas, bref. C'est ça. [rires] Mes impressions post-visite, direct post-visite. Et puis on pourra faire une troisième session avec vous. Merci. Q.:: En septembre? R:: En septembre..
Q.: Donc il y avait des, des, des endroits comme... où vous vous rencontriez entre amis? R: Oui Q.:: Il y avait des gens, des endroits que vous deviez éviter aussi? R: "..." Oui... "...", bien oui, non, mon père il aimait pas beaucoup qu'on aille chez les gens, en fait chez d'autres personnes, chez d'autres familles dont il connaissait pas forcément lui, sous prétexte qu'on ne peut pas sortir à l'extérieur, donc on va chez eux. Ça il aimait mieux, parce qu'il avait moins de contrôle sur nous quand on n'était pas là, quand il ne nous voyait pas. Donc souvent ce qu'on faisait c'est qu'on les invitait à la maison et puis on s'amusait soit chez nous soit chez elles, mais voilà. Q.: "..." Là c'est intéressant parce que c'est un, encore là c'est construit comme si vous étiez adulte là-bas, alors que vous étiez enfant là. Et donc, je me demande un petit peu par rapport au travail que vous faisiez là-bas, "...". C'est pas vous qui travailliez, c'était votre père qui travaillait. R: Oui. Q.: Vous avez parlé de vos études dans la première entrevue? R: "..." Q.:: "..."Autant en Éthiopie qu'en Libye, est-ce que vous avez parlé un petit peu du travail de votre père? De ce qu'il faisait? R: Oui, en Libye puis en Éthiopie? Q.: Oui. R: Oui j'en ai parlé dans la première entrevue. "..." Donc en gros, comment on est arrivé en Éthiopie. Donc au départ, on avait un statut de réfugiés. Et puis tranquillement mon père a commencé à faire les études là-bas et on a eu des papiers, on est devenu, on a eu nos passeports je me rappelle j'avais cinq ans, je pense, quand j'ai eu mon premier passeport rwandais. Avant ça on était dans des papiers de réfugiés, des laissez-passer ou des cartes en-tout-cas temporaires. Et "...", voilà tranquillement donc, il a eu un boulot aussi en Libye, à l'ILKA. D'ailleurs, je me rappelle de la première entrevue, je savais toujours pas c'est quoi les acronymes, mais je me rappelle qu'il travaillait à une place qui s'appelle ILKA. Il a travaillé là-bas longtemps et puis après ça on est allé en Libye. Et là il travaillait au CAFRADES, donc c'est un Centre africain de recherche en développement économique et social, quelque chose comme ça. Et puis au centre africain, et donc il est resté là-bas jusqu'à quatre-vingt-quatorze [1994] et c'est là qu'il a quitté le, on a quitté la Libye en fait; en quatre-vingt-quatorze [1994] oui.. Q.uelque temps après le génocide. L'été quatre-vingt-quatorze [1994]. Q.: C'était en rapport avec les génocides? R: Mais oui, sur le coup je savais pas, mais je l'ai su à travers une entrevue que j'ai fait avec mon père. Donc oui apparemment, le génocide l'avait affecté plus qu'il ne, qu'il ne l'imaginait et il était pas capable de travailler, donc il a pris un break au travail et après ça il a carrément; et "..." en même temps ça coïncidait à une période où le centre en question fermait. Il était sur le point de fermer donc, il a dit "tu sais quoi, je pense que c'est un bon moment pour tourner la page et puis faire autre chose. Et puis c'est là qu'il est venu au Canada en quatre-vingt-quinze [1995] pour s'installer ici. Et refaire sa vie. Q.: Donc vous en quatre-vingt-quatorze [1994] vous étiez avec lui en Libye ? R: Oui. Q.: Vous n'étiez pas retournés en Éthiopie ? R: C'est après, c'est pendant l'été quatre-vingt-quatorze [1994] qu'on est retourné en Éthiopie. Q.: Et là ensuite quatre-vingt-quinze [1995], vous êtes venus avec lui ici? R: Non. Nous on est arrivé en quatre-vingt-dix-sept [1997]. On est resté deux ans en Éthiopie, avec ma maman après le génocide et puis on est venu ici septembre quatre-vingt-dix-sept [1997]. Pour terminer les études, donc quatre-vingt-quatorze [1994] à quatre-vingt-dix-sept [1997] on était en Éthiopie avec ma mère. Q.: Puis, comment est-ce que vous vous souvenez un petit peu de cette période-là ? R: Oui. oui, oui, oui. "..."quatre-vingt-quatorze [1994]? Oui je me souviens donc, moi je ne réalisais pas trop ce qui se passait là, j'avais treize ans. Oui, je m'en souviens que voilà ils ne dormaient pas beaucoup, il y avait des coups de fil la nuit, dans les nouvelles on en parlait beaucoup je me souviens. Mais d'ailleurs "...", je pense que je l'ai dit dans la première entrevue, c'est que moi ça m'énervait que tout d'un coup tout le monde sache que le Rwanda existe. Et je suis passée d'une personne que tu disais je viens du Rwanda et il ne savait rien du Rwanda, et puis ne posait pas de questions et puis c'était tant mieux comme ça. Ah! ou la la donc tu es Rwandaise, oh mon Dieu c'est dans ton pays qu'il y a ça oh! Puis je me rappelle que ça m'embêtait, parce que tout d'un coup c'était voilà le Rwanda était associé à ça et les gens te posaient tout le temps la même question, mais voilà, mais même en ce moment-là en quatre-vingt-quatorze [1994], je pense que je ne me rendais pas compte de l'ampleur de... de la chose, je savais que bon, il y avait quelque chose de très grave qui se passait là-bas, que mon père avait du mal à gérer ça, mais voilà sans plus. C'est plus tard que j'ai senti l'ampleur de la chose, et je pense qu'il nous donnait pas aussi tous les détails de ses conversations téléphoniques et tout. Donc on savait que ça chauffait, mais on ne savait pas trop pourquoi. Q.: "...", J'ai... c'est particulier cette liste de questions, si on revient par exemple sur le travail. Par exemple votre premier travail, votre travail jusqu'à maintenant peut-être, j'aimerais que vous puissiez me parler d'une journée normale de travail, des gens avec lesquelles vous travaillez, tout, le milieu de travail est-ce que vous connaissez...? R: Depuis mon tout premier travail jusqu'à aujourd'hui ? Q.: Oui. R: ..., est-ce que vous avez le temps ? Non non, en fait je n'ai pas eu, bon j'en ai quelques-uns quand même depuis. Alors mon premier travail, c'était quand j'habitais chez ma sœur Solange en appartement avec mon autre sœur Sylvie. Je travaillais dans une pizzeria donc que j'étais caissière, serveuse. J'ai fait ça pendant un an au moins, un an on and off. Parce que j'habitais juste au-dessus de la pizzeria, donc c'était très très pratique. Je descendais dès dix minutes avant, tac tac. J'ai fait ça ensuite, ça c'était en deux mille un-deux mille deux [2001-2002]. "..."Ah oui, j'ai fait réceptionniste aussi à une compagnie d'assurance, d'assurance générale, La personnelle. J'étais réceptionniste, je me rappelle que je disais: La personnelle assurance bonjour! Tu vois c'est encore resté dans la tête. Ça, j'ai fait ça deux ans au moins. Après ça, j'ai fait des petites jobines. J'ai travaillé à la fondation de l'UQ.AM aussi où j'appelais les anciens de l'UQ.AM pour voir s'ils voulaient faire des dons. Le service à la clientèle, je sais que je fais la formation avec Bell Canada, et puis ça pas marché d'ailleurs ça m'a énervé, mais bon.. Je ne voulais pas passer le test, qu'est-ce que je fais encore ? Donc réceptionniste, pizzeria, est-ce que c'était après que je suis allée? Ah oui, attends, deux mille quatre [2004] donc j'ai fait l'UQ.AM, la fondation de l'UQ.AM et, deux mille quatre [2004] je termine mon Bac en journalisme à l'UQ.AM. Et là je cherche du boulot, je ne trouve pas au début donc je dis ok, donc je vais aller faire un petit tour de l'Europe avec une amie puis à mon retour j'espère qu'il y aura quelque chose. On s'en va un mois en Europe, en revenant j'applique pour un stage avec Alternatives. Et c'est là que je vais au Brésil pour trois mois dans un stage en TIC, donc technologies de l'information et des communications. Donc là, je me suis dit assez bien un peu d'expérience en informatique, site Web et tout, et quand je reviens de ce stage-là, je ne trouvais toujours pas de boulot en journalisme à Montréal alors, j'ai appliqué pour un poste de prof de français langue seconde à Ottawa. Donc, mon père travaillait déjà là-bas et il m'a dit oui tu sais on cherche quelqu'un si tu veux, essaie, machin. Et là, ça tombait bien parce que je me cherchais. J'étais à Montréal, je me cherchais et tout, et puis je me suis dit ben pourquoi pas, j'aime bien; je n'ai jamais fait d'enseignement, mais je vais essayer. Avec mon journalisme aussi, ils vont voir que bon, je sais écrire, je sais parler français, donc ça devrait aller. Je vais à Ottawa, je passe l'entrevue ça se passe bien et je reste là-bas six mois. Donc, je donne des cours de français. Au bout de six mois-là, je dis Aille, cette ville-là n'est pas faite pour moi. Tu sais quand tu connais Montréal là, c'est dur de s'habituer ailleurs. Alors je me renseigne et on m'apprend qu'il y a la même école à Montréal, alors je fais un transfert, direct. Je dis ok c'est bon, j'aimais bien le boulot, mais au moins là cette fois ce sera Montréal. Donc là je reviens ici, et c'est là que j'emménage dans mon appartement. Tu vois donc il y avait ce boulot-là, et enfin je me suis dit je pense que je suis maintenant capable de me prendre en main et j'aménage dans mon appartement. Je fais prof pendant trois ans, encore leur temps partiel temps plein, j'alterne dépendamment de ce que je fais à côté et tout ça. Et puis en deux mille six- deux mille sept [2006-2007] je fais ça. Deux mille huit [2008], non deux mille sept [2007] c'est là que j'entends parler du projet Histoires de vie, à travers toi d'ailleurs, Lisa Ndejuru [rires]. Et puis voilà donc que je commence tranquillement comme assistante de recherche, ensuite je fais post-production, coordonnatrice de post-production dans le projet Histoires de vie, tout en coordonnant les entrevues du groupe Rwanda. Après ça je deviens la directrice adjointe du Centre d'histoire orale ici, pendant 1 an, et puis là aujourd'hui je fais à la fois coordination d'entrevues dans le projet Histoires de vie et je travaille aussi à l'Université de Montréal comme chargée de projet au réseau francophone de recherche sur les opérations de paix, depuis septembre de l'année dernière. Donc voilà, donc je suis voilà à la fois Concordia et Université de Montréal en même temps, et puis tout en coordonnant aussi un peu le Centre de documentation qu'on a ouvert récemment. Q.: Et est-ce que, c'est comment une journée normale, une semaine normale? C'est roulé sur plusieurs "...", plusieurs [inaudible]? R: Exact. Alors ça c'est; j'ai remarqué que dans mon, peut-être pas au début, quand "...", de ma vie active, mais plus j'avance dans les années et moins j'aime la routine. Je n'aime pas les neuf à cinq, ou je fais la même tâche tous les jours, de neuf à cinq pendant un an; ça je serais pas capable, je pense. Et la vie fait que, ce n'est pas ça qui arrive en fait. Donc je m'intéresse à quelque chose, voilà je reste là-dedans pendant quelques années, je touche un peu à, j'aime toucher à plusieurs facettes d'un même boulot. "..." Une semaine normale ce serait quoi ? Oh ok, maintenant, parce que dans 1 an ça ne sera peut-être pas le même rythme que j'aurai. Mais pour le moment une semaine normale c'est quoi, c'est lundi-mardi je suis souvent à Concordia, avec Mamadou qui est à la caméra, "..." voilà donc je viens pour le Centre de la documentation et je règle aussi d'autres trucs qui ont rapport avec Concordia. Donc je travaille de la maison, je suis sur le plancher, voilà j'organise ma journée vraiment selon les priorités. Et puis de mercredi à vendredi, je suis à l'Université de Montréal, et là j'avance dans mes dossiers là-bas, certains des projets sur lesquels je travaille.. Et puis les fins de semaine, bon j'essaie d'avoir les fins de semaine, mais parfois les fins de semaine je fais d'autres trucs, les entrevues par exemple. Les entrevues d'Histoires de vie, j'essaie de faire les listes des fins de semaine quand je peux. Voilà; donc je n'aime pas la routine j'aime voilà, faire différentes choses. Q.: Comment est-ce que vous diriez des gens qui, avec lesquels vous travaillez, est-ce que vous trouvez que c'est facile de parler, de vous entendre ? R: Oui. En fait, j'ai encore une fois eu beaucoup de chances parce que partout où je me suis retrouvée pour le moment, je travaille avec des gens qui sont aussi motivés, aussi dévoués, qui aiment le boulot, qui aiment le genre de choses qu'on fait, et ça je trouve que ce n'est pas beaucoup de gens qui peuvent dire ça. De dire que tu vas au travail, mais tu retrouves des gens qui, avec lesquels tu partages les mêmes valeurs, tu sais. Et c'est le cas à Concordia, c'est pour ça que j'ai du mal à quitter Concordia parce que, je me disais, est-ce que je vais retrouver cette même atmosphère et tout ça ailleurs ? Et à l'Université de Montréal, il arrive que oui aussi là-bas les gens sont cool [rires]. Bon ce n'est pas la même thématique aussi qu'on fait là-bas, mais il y a quand même une belle équipe, dynamique, donc on est dans des opérations de paix donc c'est ça un autre volet, mais non non vraiment j'ai été chanceuse côté boulot, côté cadre de travail, j'ai vraiment été chanceuse. Q.: Une question peut-être plus indiscrète, est-ce que vous avez l'impression d'être, de recevoir un salaire raisonnable ? R: Ah, c'est une bonne question. Alors, dans le domaine, dans ce domaine-là, que ce soit le domaine universitaire même en général, ce n'est pas comme ça que tu vas t'enrichir, c'est pas l'endroit que tu veux "...", atteindre les "Seven digits" comme on dit un jour, c'est pas à l'université que tu vas faire ça. Mais, certaines personnes me le demandent en plus, "mais dans le domaine universitaire ça paie pas beaucoup, pourquoi tu es encore là-dedans, tu sais?" Mais moi je ne pense pas que c'est l'argent, encore une fois je te dis là, c'est pas, "..." c'est pas le salaire qui est gratifiant dans ce genre de domaine, c'est ce que tu fais au jour le jour, les gens que tu rencontres, le réseautage dans ce monde-là, ce que tu apprends surtout. Travailler dans le centre universitaire. c'est un peu ça aussi qui est intéressant. C'est que tu es dans un endroit de connaissances, de savoirs, et constamment tu sais, et ça ce n'est pas dans les entreprises privées que tu vas trouver ça, tu vois? Alors, non c'est, moi je trouve que bon, en même temps c'est le domaine qui est comme tu vois. Donc, ce n'est pas demain que ça va changer, mais j'aime ce domaine. Et je suis prêt à le prendre ce domaine avec le package. Le salaire est pas waw, mais il est raisonnable quand même, et permet de vivre. Donc, donc tant que t'arrives à vivre, j'arrive à mettre un peu d'argent de côté, j'essaie, mais j'ai du mal, "..." je pense que c'est l'essentiel voilà. On ne vit qu'une fois quoi, merde. [Rire] Vous couperez ça [rire]. Q.: Du coup, est-ce que vous vous souvenez, bon vous vous souvenez, à propos de qu'est-ce que vous pensiez à propos de vos chefs ? R:: Mes chefs? Mes directeurs? Mes boss? Q.: Oui. R:: Alors, en général ou bien ceux actuellement? Q.: En général, je pense. R: En général ? Oui, alors dans le passé j'avais, ben je pense que j'ai eu tout comme boss. J'ai eu des boss super cool, comme j'ai eu des boss super tannants en fait. Et ceux qui étaient tannant, c'était surtout dans les entreprises privées, dans ma compagnie d'assurance par exemple, je ne m'entendais pas tant que ça; en même temps, je les côtoyais pas beaucoup tu sais, c'était plus des superviseurs. On avait des superviseurs et puis il y avait des boss que tu ne voyais jamais, qui étaient quelque part dans le bureau. Avec les superviseurs, j'avais plutôt un bon rapport parce que on se voyait régulièrement, on faisait des suivis et tout ça. Les grands directeurs, je les ne voyais quasiment pas et "..." encore une fois dans les centres universitaires c'était différent; tes boss sont aussi des profs qui sont dans le même domaine que toi donc voilà tu, très accessibles et le boss que j'avais et que j'ai toujours à Concordia, enfin qui est en sabbatique bref, on sait de qui on parle, génial vraiment.. Q.uelqu'un à qui tu peux parler, quelqu'un qui est à l'écoute tu sais, qui est accessible donc il n'y a pas ce gap, oh la la, est-ce que je peux aller le voir pour ça. Vraiment, c'est quelqu'un de très accessible. Celui que j'ai à l'Université de Montréal, oui il est accessible, mais il a un côté, un côté froid. Un côté très froid, un côté sévère, alors tout le monde a peur de lui alors qu'on ne sait pas pourquoi en fait. Donc, je pense qu'au fond il peut être une personne gentille, mais voilà il est tellement froid qu'il n'est pas trop accessible. Tu vas le voir vraiment quand y a des situations, voilà, importantes, mais le reste du temps tu essaie de te débrouiller différemment, tu sais à ta manière. Donc tu sais, je pense que j'ai eu de tout, mais, oui, non je ne peux pas me plaindre en tout cas, il y a eu pire. Q.: Les raisons de départ c'était pas vraiment, ce n'était pas vraiment un problème de la sécurité c'est pas parce que vous vous sentez par sécurité, c'est plus par rapport à vos parents qui... comment est-ce que, c'est quoi les raisons de l'immigration? R: Alors, moi quand je suis née mes parents venaient déjà de faire un départ, avaient déjà vécu un départ, parce que je suis en Éthiopie. Et mes parents avaient quitté le Rwanda dans les années 73 pour aller au Congo. C'est là que mes deux sœurs sont nées, à Bukavu. Et donc moi, quand je suis arrivée en Éthiopie, voilà je ne savais pas, je savais pas ce qu'il y avait eu avant, mais c'est plus tard qu'ils m'ont expliqué. Voilà encore une fois une période de violence, la sécurité et donc ils se sont dit "on va essayer de voir si les choses vont mieux au Congo". Au Congo ça allait mieux, mais ce n'était pas tout à fait ça parce qu'à un moment donné au Congo, il y avait tellement de Rwandais que les Congolais ils étaient un peu tannés aussi. Et donc voilà, quand je suis née, il y avait déjà eu un premier déplacement. Q.uand j'ai quitté la Libye, "..." l'Éthiopie pour la Libye c'était tout simplement du travail, mon père avait un poste, donc on a suivi. Q.uand on a quitté la Libye, nous pour revenir en Éthiopie, c'était, maintenant je sais que c'était le génocide, même si on le vivait à des kilomètres du Rwanda, ça avait affecté mon père à un point que voilà "...","il faut que j'arrête, il faut que" voilà! Donc trois mois, donc avril, mai, juin ça n'allait pas du tout, juillet on a quitté, et lui aussi il a quitté pour aller au Rwanda, au Canada d'abord, plus tard Rwanda, en quatre-vingt-quinze [1995], pour aller voir ce qui est resté. Non non pardon, nous on a quitté en juillet pour aller vers l'Éthiopie, lui il est allé au Rwanda en décembre quatre-vingt-quatorze [1994], voilà. Il a vu ce qui restait, il a vu ce qui était là, qui n'était plus là, etc. Et c'est en quatre-vingt-quatorze [1994], fin quatre-vingt-quatorze [1994] qu'il a décidé de venir s'installer au Canada, mais on s'est re-croisé à Kigali en quatre-vingt-quinze [1995], pendant l'été et, et voilà pourquoi je parle de ça? Oui donc, j'ai quitté la Libye et quatre-vingt-quatorze [1994] en partie parce que mon père ne voulait plus y rester, en Libye, on est allé en Éthiopie et j'ai quitté l'Éthiopie en quatre-vingt-sept [1997] pour le Canada parce que ma sœur avait fini ses études et que je voulais la suivre. Et ensemble on est venue rejoindre mon père, qui était déjà ici. Donc lui, il y a eu plusieurs départs, mais moi personnellement ça n'a pas été à cause de ma sécurité personnelle; c'était travail, études, voilà. Q.: Est-ce que vous avez, vous avez des réflexions par rapport à la politique au gouvernement quelque chose comme ça ? R: Des réflexions comment? Q.:: Est-ce que, étant donné que ce n'est pas par rapport à la sécurité, quelque chose comme ça, mais est-ce que vous étiez, est-ce que vous étiez consciente de la violence, de la politique, par qui, des choses comme ça? R: Alors, quand est-ce qu'on a commencé à être conscients de tout ça là, c'était peut-être? Après quatre-vingt-quatorze [1994], on a su qu'il y avait quelque chose de grave qui se passait. On arrive en Éthiopie, on retrouve ma mère, qui elle aussi a vécu seule en Éthiopie, seule avec Stéphanie qui avait trois ans; donc, mais elle nous en parlait pas beaucoup.. Je me souviens que, elle ne nous parlait pas beaucoup de comment elle avait vécu ça, parce que, on venait d'arriver, on était encore jeune, donc c'était dur je pense. Mais voilà, quatre-vingt-quinze [1995], quand on est retourné au Rwanda, quand on parlait aux gens, aux membres de la famille, notre famille qui nous racontait en détail comment tel ou telle était mort et tout ça. Et là, tu commences à voir l'ampleur de la chose, mais même là je pense qu'on se rendait pas compte. Q.uatre-vingt-seize-quatre-vingt-dix-sept [1996-1997] on arrive au Q.uébec, et là on voit, on retrouve une communauté rwandaise qui était quand même assez importante. Des jeunes qu'on retrouve aussi à travers Isangano, et là c'est comme si, c'est une fois arrivé ici, c'est avec la communauté, avec notre implication dans cette communauté, qu'on s'est vraiment rendu compte de ce qui s'était passé, qu'on a compris plusieurs choses qui étaient encore très flous. Pour nous, mais côté politique et tout ça, même là on n'était pas trop au courant de ce qui se passait. Q.uatre-vingt-dix-sept-quatre-vingt-dix-huit [1997-1998] même, tout ce qui se passait après, les départs vers le Congo, les réfugiés tout ça, c'est comme si on suivait plus là, après quatre-vingt-quatorze [1995] c'est comme si on suivait plus l'actualité du Rwanda. En fait, c'est comme si ça s'était arrêté là. On sait qu'il y a eu quelque chose de grave, mais après voilà; moi je ne faisais pas des recherches forcément dessus. Mais c'est vraiment plus tard, dix-sept dans..., quand j'étais plus adulte, plus âgée, que voilà que je me suis impliquée beaucoup plus. Et c'est en m'impliquant que je comprenais un peu plus d'où je venais et puis tout ce que mon pays avait vécu, etc. Ouin, c'est vraiment plus tard; en fait j'ai réalisé à retardement, vraiment plus tard. Q.: Et vous étiez très jeune aussi? R: Mais c'est ça, ouin. Q.: Alors quand, vous vous avez donc pensé venir au Canada quand vos sœurs venaient s'installer et votre père était déjà là. R: "...", Était déjà là. Q.: Vous vous souvenez du processus ? R: Oui je me rappelle du processus, mais c'est ma maman qui faisait, qui s'occupait beaucoup de ça. Donc elle, elle s'occupait de ça à partir de l'Éthiopie, mon père était ici, donc c'était plus facile parce que, il y avait quelqu'un qui faisait le suivi du dossier. Donc je me rappelle, oui, je me rappelle qu'on allait à l'ambassade du Canada, qu'on remplissait les formulaires, qu'on nous disait oui ça va être prêt à telle date et puis des fois il y avait des retards, il manquait un papier qu'il fallait ou la la! Je me rappelle que pendant l'été quatre-vingt-dix-sept [1997] là, c'était quand même un peu stressant parce que jusqu'à la fin de l'été, on ne savait toujours pas si on allait vraiment venir. Puis nous on est venu avec un permis d'études, alors il fallait faire la CAQ. [Certificat d'acceptation du Q.uébec], les permis d'études ensuite, tout ça. Et je me rappelle que ça avait pris du temps d'ailleurs, on a eu du retard pour l'école parce qu'on est arrivé mi-septembre, la mi-septembre, au lieu de fin août comme on était supposé arriver au départ. Mais ça a bien été, je pense qu'il y a eu deux-quatre documents qui manquaient un moment donné, mais franchement le fait d'avoir quelqu'un ici qui faisait le suivi, ça nous a beaucoup aidés. Q.: Et c'était votre papa? R: C'était notre papa et ma belle-mère aussi nous avait parrainés parce qu'elle était canadienne. Donc ça aussi, ça a facilité les choses. Donc on avait des permis d'études tout ça, pour faire les études, mais à côté de ça, on avait déclenché déjà le processus pour le parrainage. Elle était canadienne depuis 10 ans au moins quand on est arrivé, donc voilà ça a arrangé les choses. Q.: "...", Est-ce que "...", est-ce que vous connaissiez le Canada? Est-ce que vous aviez des connaissances sur le Canada ? R: Oh, pas grand-chose. En fait je connaissais le Canada à travers ce que mon père m'en disait. Et lui, bien avant, même avant quatre-vingt-quatorze [1994]. Il nous parlait toujours du Canada, il disait "ah ouais, j'aimerais tellement un jour qu'on aille au Canada, que tous mes enfants soient au Canada" parce que, je ne sais pas. Parce qu'il était déjà venu ici, donc il avait vu la vie ici et puis il disait, encore plus, ce sentiment s'est accentué encore plus après quatre-vingt-quatorze [1994]. Il disait "voilà un pays pour vous, je sais que mes enfants vont être en sécurité ou je sais que, si ça barde un jour, il n'y aura pas de problème". Et voilà, le Canada, ça avait toujours été dans notre imaginaire, mais je n'avais jamais fait de recherches vraiment. À l'époque en plus, il n'y avait pas d'Internet en Éthiopie, donc j'avais jamais fait Google tu vois, j'avais jamais googlé le Canada, mais j'imaginais ça comme un pays d'occident, où tout va bien, la vie est belle. On me parlait un peu du froid, mais ça ne m'a pas calmé, au contraire je me disais ok, on va aller voir la neige, on va voir... oui!. Le Canada a toujours été là, on n'en parlait depuis très longtemps et puis voilà ça s'est concrétisé. Ouais. Q.: Est-ce que, donc on a parlé un petit peu des services enfin, de l'expérience auprès des services de l'immigration. Est-ce que la communauté rwandaise à Montréal, comment est-ce que vous l'avez rencontrée? Est-ce qu'elle vous aidait? R: Est-ce que la communauté en tant que telle nous aidait? En arrivant, mais elle ne nous a pas aidé à avoir les papiers, la paperasse et tout ça, parce que voilà comme je disais on avait quelqu'un ici, on avait un parent ici, on avait une belle-mère canadienne, donc tous les processus du début tout ça, c'était pouf. On en parlait à la maison, les cartes de métro, les cartes de si, cartes bancaires plus tard; vraiment on avait ce qu'il fallait. Maintenant la communauté, quand est-ce qu'on s'est impliqué vraiment dedans, c'est à travers moi, je pense, Isangano. C'est vraiment Isangano, la troupe de danse là, qui a fait que, voilà on ait une espèce de sens d'appartenance. On se disait, tiens on a un groupe ici, on ferait de la danse, Sylvie et moi on faisait de la danse rwandaise en Éthiopie déjà avant de venir. Ça c'est vrai, on l'oublie parfois, mais on n'a pas fait ça très longtemps, peut-être un été, peut-être six mois quelque chose comme ça. Maintenant quand on est arrivé ici, de voir qu'il y avait un autre groupe qui faisait de la danse aussi, on a embarqué toute de suite. Ça, c'était le premier truc qui nous a accrochés à la communauté. Ensuite moi, à travers Isangano, mais il y a eu Hobe Montréal, un journal qu'on a commencé quelque temps après. Donc là c'était, j'aimais bien la danse, mais je n'étais pas fan non plus, c'était pas ma raison de vivre; contrairement à une de mes sœurs qui tripaient vraiment là-dessus. Donc alors, j'ai essayé de trouver la chose qui me plaisait, donc je dansais de temps en temps quand ça me tentait, mais le reste du temps voilà je préférais Hobe Montréal, le journal, parce que j'étais en journalisme à ce moment-là et c'était une façon de mettre en pratique mes acquis journalistiques et puis voilà. Donc le journal, la troupe, qu'est-ce qu'il y a eu? Et puis après c'est là qu'il y a eu les Dusangane, les rencontres qu'on faisait une fois par année avec la diaspora d'Amérique du Nord, "..." il y a eu quoi ?! Oui oui, des affaires culturelles que Isangano organisait, on était pas mal impliqué là-dedans. Et là, on a eu la piqûre et la piqûre est encore là [rire] vraiment. Q.: Alors vous avez fait des nouvelles connaissances, vous avez fait un réseau? R: "...". Ah oui. Q.: Est-ce que, bon il y'a une question ici qui est particulière. Q.ue je ne comprends pas d'ailleurs? R: "..." Vas-y. Q.: Est-ce qu'il y a des divisions dans la communauté concernant la violence ? R: Des divisions dans la communauté concernant la violence ? Q.: Est-ce que vous avez remarqué la violence au foyer? R: [réflexion] Alors, j'avoue que je ne comprends pas trop. Alors, s'il y a des divisions de la communauté? Oui, on s'entend que dans la communauté rwandaise de Montréal, il y a différents groupes, il y a certains groupes avec lesquels on travaille, certains qu'on ne connaît pas, oui. Au niveau de la violence, j'avoue que je ne comprends pas bien la question. [Rire] Q.: Mettons si on restait avec les divisions en tant que telles, est-ce que, qu'est-ce que vous en diriez de cette division-là? R: Ben oui, que j'entends parfois qu'il y a d'autres associations par exemple de Rwandais, mais qui ne sont pas forcément impliquées dans le projet Histoires de vie, comme Isangano, comme Page-Rwanda par exemple, qui par exemple les groupes comme Amitié Rwanda-Canada, que je sais qu'il existe, mais c'est des groupes avec lesquels on ne travaille pas étroitement, on n'a pas vraiment de contact, mais on sait qu'ils existent. Donc, il y a certains groupes avec lesquels on travaille, je pense à Urumuri, l'association des femmes par exemple, je pense à Page-Rwanda, donc l'Association des parents et amis des victimes du génocide, la CRM que je sais que ça existe qui est là, il y a plusieurs groupes de jeunes évangéliques, il y a des groupes de prière. (45::00) Tout ça je sais que ça existe, mais il y a certains groupes dont on connait moins, voilà on ne les connaît pas. J'imagine qu'il doit y en avoir plusieurs comme ça. Amitiés Rwanda-Canada, j'ai d'autres noms, mais oui il y a des divisions.. Q.: Est-ce que, quand vous voyez mettons, par rapport aux gens et comment ils s'organisent, comme vous disiez, dans différents groupes, est-ce que vous avez gardé les fêtes, les traditions de votre pays d'origine? R: Des fêtes et des traditions? Alors les fêtes, il y en a de moins en moins. Avant, on faisait beaucoup plus de fêtes à saveur traditionnelle on va dire, mais maintenant on en fait moins. Les seules fois où on se retrouve autour de la tradition un peu, c'est quand il y a des mariages par exemple, ou des fiançailles; il y a un bel aspect traditionnel qui est encore là. Mais à part ça, des fêtes? Bon il y avait la fête de l'indépendance qu'on fête au mois de juillet, mais non, non, je trouve que ce côté-là n'est plus vraiment, n'est plus vraiment présent comme il y a quelques années. Il y a quelques années j'ai l'impression qu'on était beaucoup plus en contact direct avec la culture, que ce soit à travers les danses, on avait beaucoup de pièces de théâtre, on avait des... Dusangane c'était un peu ça aussi, rassembler tout ce monde autour de pleines fêtes culturelles, on avait des discussions, des débats même je me rappelle dans les Dusangane. Mais maintenant je trouve que, non, on n'a plus le temps pour ça; à la place on s'implique dans d'autres projets comme Projet Histoires de Vie, ou le Centre de documentation, ou le... le Centre culturel qu'on avait d'ailleurs monté un moment donné. Non, je trouve qu'on devrait peut-être reprendre, faire plus d'activités à saveur culturelle, traditionnelle comme avant. Q.: Et ce que j'entendais tout à l'heure, c'est que vous avez moins de temps? R: Oui. Q.: Il y a des choses qui ont changé aussi? R: Exact. C'est qu'on a pris de l'âge aussi, à 20 ans on a le temps, on fait beaucoup de choses. À 30 ans on se dit, donc là il faut choisir, ça je peux plus m'impliquer autant: il faut faire des choix. Et puis, j'espère que la relève, les jeunes, c'est eux, c'est à eux de faire ça en fait, de ramener tout ça dans nos habitudes. Q.: Si on regarde un petit peu comment, est-ce que vous avez une idée des différentes vagues d'immigration qui ont lieu, que la communauté "..." [inaudible]? R: "..." Bien oui puis non, bien, je sais qu'il y a eu une grosse vague après quatre-vingt-quatorze [1994], ça je pense qu'il y en a beaucoup, beaucoup sont arrivés à ce moment-là, il y en a beaucoup aussi qui ont quitté dans les années quatre-vingt-dix [1990], début quatre-vingt-treize [1993]. Bon quatre-vingt-dix-quatre-vingt-quatorze [1990-1994] je sais qu'il y a eu beaucoup de grosses vagues. Maintenant ceux qui sont arrivés après quatre-vingt-quatorze [1994], "..." après, tu vois nous on est arrivé en quatre-vingt-dix-sept [1997], ceux qui sont arrivés après nous, dans les années deux mille [2000], ça je suis moins au courant. Je sais qu'ils ont continué à arriver, mais je suis moins au courant du nombre, combien, mais je sais que ça continue à arriver parce que des fois je vois des gens dans la rue, je dis "Mon Dieu on ne s'est jamais vu". Ça, c'est une nouvelle tête, tu sais quand tu reconnais une nouvelle tête? Oui, j'en vois de temps en temps. Q.: Q.uand on regarde un petit peu, je regarde un petit peu, ici il y a la communauté, mais il y a aussi la communauté d'accueil ici. Comment est-ce que vous, tout à l'heure j'entendais que la communauté ne vous avait pas aidé au niveau des papiers, quelque chose comme ça, mais vous avez comme trouvé une communauté d'appartenance, des jeunes. Comment est-ce que les autres Montréalais hors de votre communauté vous ont traité? R: M'ont traitée? Q.: Vous ont traitée. R: Donc les Q.uébécois?. "..."Les autres montréalais? Ça, c'est une bonne question. Un reproche que certains de nos amis nous font parfois, des amis donc avec qui on était à l'école en Éthiopie, qui se sont retrouvés aussi ici au Canada. Et en Éthiopie, bon on était super proches, on se voyait souvent et tout ça, on allait tous à la même école et tout ça, et arrivés ici, certains sont arrivés presque en même temps que nous, peut-être un an ou deux ans après. Et je pense qu'ils s'attendaient à retrouver cette même atmosphère qu'on avait en Éthiopie, tu sais d'être aussi proche qu'on était là-bas, et nous on a eu tendance à, oui garder le lien un peu avec eux, mais on passait tellement tout notre temps avec la communauté rwandaise. Alors ils se disaient "ah elles Gasana là, quand ils sont arrivés à Montréal, ils nous ont oubliés". Plusieurs fois, ils nous ont dit ça. Mais non, je ne sais pas, c'était pas qu'on vous a oubliés, mais c'est juste qu'ici il y avait tellement une grande communauté rwandaise, et eux ils venaient de plusieurs pays d'Afrique de l'ouest, ou d'Afrique de l'est, ou du sud; en tout cas ils venaient vraiment de partout eux, et ils avaient pas cette grosse communauté-là, avec des gens du même pays. Et nous on avait ça, et c'était comme naturel qu'on aille avec cette communauté-là, parce que, mais parce qu'en Éthiopie on n'avait pas ça. En Éthiopie, on avait une petite communauté rwandaise, mais voilà, vraiment quelques familles de l'ambassade, certaines de l'Union Africaine et tout ça, mais pas beaucoup. Ici on arrivait, on voyait des jeunes comme nous, et certains qu'on connaissait déjà depuis le Rwanda, qu'on avait rencontré en vacances et tout, on a vu ce groupe qui se créé et tout ça. Et donc, on était contents de retrouver des Rwandais; on passait tout notre temps avec. Et peut-être que c'était une erreur. Peut-être qu'on aurait pu gérer notre temps mieux, mais c'est comme si notre sentiment d'appartenance, sentiment d'être rwandais; il n'est pas né ici, mais il a vraiment eu son boom ici, parce que, et ça je le disais même à ma première session d'entrevue, c'est comment ça se fait que je ne suis pas greffée par exemple, ou associée à une communauté d'éthiopiens? Parce que c'est ça que je connaissais, je parlais la langue, j'avais beaucoup d'amis éthiopiens et tout. Donc logiquement, j'aurais pu être allée dans une communauté éthiopienne et d'être impliquée là-dedans de la même façon que je le suis. Mais non, les Ethiopiens je les connais, certains que j'ai connus comme ça par la suite, mais à aucun moment c'était question de m'impliquer plus dans la communauté éthiopienne. C'était comme si on retrouvait enfin notre communauté, loin du Rwanda, loin d'Éthiopie, mais voilà, c'était vraiment un coup de foudre et on est resté collé comme des aimants là. Ouin. Q.: Q.uand est-ce que, est-ce que vous vous sentez à l'aise? R: Au Canada? Oui, très à l'aise. Q.: Très à l'aise? R: Ouais. Q.: Q.uand et où est-ce que vous vous sentez le plus à l'aise? Q.uand et où est-ce que vous vous sentez le moins à l'aise? R: Wow! Alors, "..."! À l'aise? À l'aise dans le sens où, bon déjà le racisme. Le racisme oui, ça nous est arrivé de le vivre, d'ailleurs un peu quand on est arrivé, en cherchant notre appartement par exemple. On a eu une histoire d'aventure où tu appelles, on te dit oui c'est disponible, tu arrives et comme par hasard c'est plus disponible, mais tu rappelles après c'est encore disponible, donc tu sais que hein, les gens ne voulaient vraiment pas de noirs dans leur appartement. Oui, donc on a eu des situations comme ça de racisme par-ci par-là, mais ce n'était pas énorme. Franchement, encore une fois, peut-être qu'on a été chanceux, mais enfin, je l'ai pas vécu tous les jours le racisme ou "..."... Au Canada, je ne pense pas qu'il y en ait beaucoup qui disent qu'ils le vivent au jour le jour, tu sais. Peut-être que les Q.uébécois sont très "...", je ne sais pas, en-tout-cas ils te le montrent pas tous les jours. Donc ça, c'était ça, c'était bien, parce que voilà, tu étais une Rwandaise au Canada, à l'école ou à l'université, mais tu étais bien, tu faisais ta vie, on t'embêtait pas. Q.uand, est-ce que j'ai été mal à l'aise au Canada? [réflexion]. Peut-être des situations au travail, ou parfois tu n'es pas très, tu t'entends pas forcement avec tes collègues. Ouin, des fois il y a des collègues, certains collègues, mais c'est rare encore là, des collègues qui te montrent vraiment que, ils ne t'apprécient pas beaucoup, soit par ta couleur, soit par je sais pas, est-ce qu'ils se sentent peut-être menacés dans leur boulot, ou pensent que tu vas venir prendre leur boulot. En-tout-cas, il y a des gens qui se sentent insécures parfois par rapport à toi, mais je te dis il n'y a pas eu beaucoup de cas comme ça. Et puis je pense que tout le monde, on connait un ou deux avec qui tu... tu n'entends pas au travail, avec qui ça, mais de là à vraiment me rendre inconfortable au point que je dise non, non, non, j'ai envie de quitter, non jamais. La seule chose qui me donne envie de quitter, c'est le temps, la température [rire]. Je pense que ce n'est vraiment pas les gens, c'est la température. Si un jour je quitte le Canada, c'est parce que, il y a six mois dans l'année où j'ai froid quoi, mais c'est vraiment ça. Franchement pour le reste, s'il n'y avait pas ce facteur-là, moi je me verrai finir mes jours ici. Q.: Mais avec le facteur? R: Avec le facteur froid, "..." au bout de quatorze ans là, je vais fêter mes quatorze ans au Q.uébec, non. Je ne pense pas que je vais rester un autre 14 ans encore quoi. Q.: Vous sentez que vous êtes sur le point de partir? R: Oui. Oui vraiment, et c'est vraiment à cause du temps. Oui, à cause de la température. C'est dommage hein? Q.u'un petit détail comme ça te donne envie de partir, mais c'est juste ça. Parce que, pour le reste, je trouve que tu t'intègres bien, les études sont bien, sont pas excessivement chers, la vie est bien, les gens, la culture, l'été montréalais, il n'y a pas de..., pas de photos. Mais c'est ça, l'hiver est trop long ; deux mois j'aurais pu tenir là, mais cinq-six là? "...". Q.: Alors, est-ce que vous pensez retourner? R: Retourner? Q.: Au Rwanda? R [rire] Au Rwanda. Eh oui, bien écoutes, mais exactement. Q.: Ou ailleurs en Afrique aussi? R: Oui, en-tout-cas je sais que, ça a été un de mes rêves, de retourner au Rwanda, mais j'étais plus jeune, j'avais vingt-deux-vingt-trois ans puis, je me rappelle être partie au Rwanda et de rencontrer les gens avec mon CV et tu sais, sûre que j'étais remplie d'expérience. Et ben non, je venais à peine de finir l'université et on n'avait pas d'expérience quoi, mais je me disais non, je vais partir et je vais trouver du travail au Rwanda et je vais rester là-bas au moins 1 an pour avoir une expérience rwandaise. Et puis, après mes entrevues, après mes entretiens là-bas, ils m'ont dit, ils ont bien vu que j'avais beaucoup d'espoir et que j'étais fascinée par le Rwanda, ils m'ont dit:: "c'est très très bien, d'accord, mais reviens avec des idées, des idées concrètes, un projet, un projet déjà monté tout, tout, tout, puis voilà, viens avec quelque chose de concret. Viens pas nous voir en disant, ok je vais travailler chez vous, donnez-moi ce que vous avez. Non, toi viens avec quelque chose à apporter." Là je me rappelle que j'étais frustrée, je disais c'est quoi là, moi j'étais prête à venir ici travailler dans mon pays et ils ne me prennent pas au sérieux; je vais retourner chez moi, je retourne au Q.uébec. Là je reviens ici, puis je finis, ben j'avais fini mon Bac à ce moment-là, je fais toutes mes expériences ça, un peu d'enseignement, un peu de tout ce que j'ai appris à Concordia et tout ça. Et là peut-être que, si je retourne, bon il va me prendre un peu plus au sérieux, mais en effet, maintenant je pense que je suis peut-être un peu plus outillée pour penser à avoir une petite expérience là-bas. Maintenant, ce n'est pas demain que je partirai pour ça, mais je suis prête à préparer ce retour éventuel si retour il y a un jour. Oui, parce qu'entre temps, tu sais on ne sait jamais ce qui arrive, peut-être qu'il y a d'autres choses qui vont se présenter sur le chemin et qui vont m'emmener ailleurs qu'au Rwanda, mais moi j'aimerais, j'aimerais avoir une expérience au moins 1 année, ou 6 mois, puis voir comment c'est un quotidien, une routine au Rwanda, me réveiller et aller travailler au Rwanda. Pas me lever et aller en vacances, souvent j'y vais pour les vacances, mais avoir une routine là-bas, mais il faut que je convainque mon mari aussi de me suivre [rire] ça c'est pas gagné non plus. [rire]. Q.: Il ne voulait pas, peut-être pas aller au Rwanda? R: Mais je ne sais pas, on va voir après. C'est notre première expérience, on s'en va au mois d'août, donc il va découvrir le Rwanda pour la première fois, puis je vais voir. Après cette première fois je vais voir c'est quoi son impression, donc je vais voir aussi c'est quoi mon impression moi, puisque ça fait longtemps que je ne suis pas retournée, et puis peut-être après ça on va décider si c'est dans les plans ou pas. Mais j'aimerai ça. Q.: Tout à l'heure on parlait un petit peu de, le retour éventuel peut-être ou même un départ éventuel. Est-ce qu'il y a d'autres personnes de la communauté à Montréal qui sont retournées, est-ce que vous connaissez d'autres, est-ce que vous avez entendu des choses par rapport à....? R: Ah oui, beaucoup, beaucoup que je connais sont retournés. Beaucoup sont restés, ils ont aimé le retour, ils sont là aujourd'hui, certains qui sont retournés et qui n'ont pas aimé leur expérience et qui sont revenus à Montréal ou ailleurs au Canada. Voilà, j'ai vu les deux points de vue. Certain, parce que le retour s'est passé comme ils visualisaient ça, que ça se passe bien là-bas, et le retour à Kigali s'est bien passé, l'intégration à Kigali s'est bien passée. Mais d'autres, ils sont contents d'avoir fait cette expérience, mais "...", il y a encore quelque chose qui manquait et ils se disaient "je suis beaucoup mieux au Canada, je reviens au Canada, le Rwanda c'est pas pour tout de suite" et tout ça. J'ai vraiment vu les deux. Q. Les deux aspects? Vous avez vu les deux et est-ce qu'ils vous ont influencée? R: Oui. Oui, beaucoup. Beaucoup parce que tu te dis "ah moi ok, c'est possible de le faire, donc je ne suis pas la seule à vouloir le faire, donc je vois qu'il y en a d'autres". Tu sais, c'est bon d'apprendre d'autres. Pour ceux qui sont revenus, alors souvent je leur dis: "mais pourquoi ça n'a pas marché?" Q.u'est-ce que tu n'as pas aimé exactement? Q.u'est-ce qui ne te plaisait pas au Rwanda. Et puis bon, chacun avait sa raison, des fois c'est la mentalité, la mentalité rwandaise qui correspond pas forcement à notre mentalité canadienne, à la façon de faire les choses, le rapport avec les gens, le social ou les gens savent tout de toi dans un petit pays comme le Rwanda. Ici tu fais ce que tu fais, les gens ne sont pas au courant, tu as ta vie privée. Voilà, le côté vie privé/publique là, certains n'aimaient pas beaucoup ça. Donc oui ça m'a influencée, mais ça ne m'a pas découragée, c'est-à-dire que, je me dis que je ferai mon expérience à moi, mon vécu, mon parcours, et puis voilà quoi. Donc j'aime bien m'inspirer des autres, voir ce qui n'a pas fonctionné ou ce qui a fonctionné chez les autres, mais après ça je me dis "bon, moi je veux faire mon expérience et puis j'aurais mes leçons". Q.: "..." Si on parle des histoires, des souvenirs du pays, des histoires du pays, etc. dans le projet Histoires de Vie, donc il y a pas mal de... vous parlez quand même pas mal de votre pays, du Rwanda, depuis que vous avez emménagé à Montréal. Donc vous parlez du Rwanda avec qui? Dans quelles circonstances? Et puis est-ce qu'il y a d'autres aussi qui parlent du Rwanda dans la communauté? Des personnes, des conteurs? Alors ils parlent de quoi? R: Oui je parle beaucoup du Rwanda. En fait, j'ai remarqué que le Rwanda était présent, même au début, mais à l'université. C'est à dire à l'université, en journalisme à l'UQ.AM, chaque fois qu'il y avait des travaux à faire, des textes à rédiger, des articles à préparer, des reportages des fois en format d'article, mais plus en profondeur, 3/4, si ce n'est pas tous, avaient des liens avec le Rwanda. Et puis pourquoi, parce que c'était ce qui était accessible aussi pour moi, tu sais ah, écrivez un article sur tel et là j'arrivais à plugger le Rwanda quelque part, tu sais.. On devait interviewer un artiste, je m'arrangeais pour interviewer un artiste rwandais. Un article sur, il y avait le procès de Mugesera, Léon Mugesera à Ottawa, j'ai réussi à plugger ça dans un de mes cours. "..." bref, à chaque fois j'ai remarqué, et souvent ce n'était même pas par exprès quoi, c'est que voilà, c'était le premier truc qui me venait à l'esprit, qui était accessible pour moi, j'avais les sources, donc voilà, je le ferais. Alors du coup, à la fin de mon Bac, mes collègues à l'université, à chaque fois qu'il fallait parler du Rwanda, j'étais rendue l'experte du Rwanda de la classe, tu sais. Donc même quand quelqu'un d'autre, d'un autre cours, leur parlait du Rwanda, ils disaient "ah, allez voir Sandra dans l'autre cours là, elle s'y connait là, c'est la personne ressource dans la communauté". Mais bon, c'est à travers les cours et tout ça, les travaux, qu'ils ont remarqué ça. Donc oui, je ne sais pas, soit j'en parle aux gens directement à travers le travail, comme le projet Histoires de Vie, soit je fais des cours là-dessus, des travaux là-dessus, mais j'ai l'impression que le Rwanda m'a suivie, mais vraiment tout le temps ici. Et encore plus les trois dernières années-là, parce que le projet Histoires de Vie ça m'a permis d'aller en profondeur, d'apprendre encore plus de l'histoire que...; j'en connais plus sur l'histoire du Rwanda, après trois ans, que quand j'ai commencé dans ce projet-là par exemple. À travers les histoires de vie entre autres, mais aussi à travers les gens que je rencontrais. Alors du coup, comme je suis impliquée dans un projet comme ça, d'autres projets qui sont dans le même thème, ça m'intéresse, donc je parle avec des gens qui travaillent dans ce domaine-là aussi. Donc ces dernières années, ces trois-quatre dernières années, ça a encore été plus quoi, mon implication a augmenté de plus en plus, et autour de moi, j'ai l'impression que je suis entourée de gens à qui ça intéresse aussi, et qui travaillent là-de dans d'une manière ou d'une autre. Voilà. Q.:: Q.u'est-ce que vous en dites? Ou qu'est-ce qu'on en dit? R:: Q.u'est-ce qu'on en dit "..."....
R:: Mais ça dépend, ça dépend de la personne déjà, donc si elle est impliquée dans un centre de documentation, bon qui fait ce qu'on fait par exemple. On va parler de ce qu'eux ils ont, d'éventuels partenariats qu'on peut faire avec eux par exemple. On avait des gens qui étaient venus du Rwanda nous rencontrer il y a quelques mois, de l'IRDP par exemple. Voilà, ça c'est quelque chose qu'on veut continuer à avoir ces relations avec eux, ils travaillent sur le dialogue, la paix, ils travaillent sur les histoires de vie, la violence, donc voilà, il y a toujours des liens, tu sais, que tu peux créer. Alors souvent le thème qui revient, le thème commun à toutes ces discussions qu'on a avec tous ces gens-là, c'est le génocide à la base de tout ça. À la base c'est ça qui est là, mais après il y a plusieurs aspects maintenant qui viennent autour de ça, mais je pense que le dénominateur commun qu'on a, c'est le génocide à la base; avec toutes ces personnes-là, tous ces centres-là, et tout ça. Donc après je me, mais s'il n'y avait pas eu le génocide, est-ce que j'aurais été aussi impliquée dans la communauté? Est-ce que j'aurais travaillé trois ans dans un projet comme ça? Oui, non peut-être pas, parce qu'il n'y aurait pas eu un groupe Rwanda, et il y aurait pas eu... mais je sais pas, donc des fois tu te dis, à cause de ça, un élément peut complètement changer ton, mon parcours jusqu'à aujourd'hui. C'est à cause de ça quelque part, donc s'il n'y avait pas eu de génocide, peut-être que je serais, je sais pas moi, en sociologie, ou en je sais pas moi, en maths-informatique comme je voulais faire au début. Q.:: Peut-être que vous n'auriez pas quitté la Libye? R:: Peut-être que je n'aurais pas quitté la Libye. Non c'est fou, mais oui quoi, c'est incroyable comment cet élément, cet évènement a eu une influence sur le parcours de beaucoup de personnes qui n'auraient peut-être pas dû commencer ce parcours s'il n'y avait pas eu cet élément déclencheur là. Oui ; oui c'est intéressant. Q.:: Comment est-ce que les conteurs et les conteuses reconnus dans votre communauté parlent du passé?.
R:: Alors les conteurs et les conteuses de notre communauté? "...", on n'a pas vraiment un conteur, on a des histoires du Rwanda, on a des histoires du Rwanda ancien, mais on n'a pas des gens qui nous les racontent ici à Montréal. Au Rwanda peut-être, mais à Montréal, on n'en a pas. Mais, même si on n'en a pas, je trouve qu'on a développé différentes techniques d'en parler; une technique qui me vient là l'esprit là toute de suite, c'est le "playback théâtre" par exemple. Ce n'est pas des conteurs, mais c'est du théâtre spécial, original. Et ça je trouve que c'est une façon d'en parler, ce n'est pas traditionnel, c'est pas rwandais le playback par exemple, mais je trouve que, oui c'est une façon peut-être une peu plus moderne. Oui, c'est une façon qui, comment je peux dire ça? Le playback c'est quand même un cas spécial, je ne peux pas prendre ça comme exemple, mais le playback c'est un exemple, une façon qu'on a trouvé aujourd'hui de parler de ça, "...", à travers l'art. Il y a des pièces de théâtre qui existent, il y a la pièce de théâtre Isoko qui était la récemment. Oui, c'est une autre façon d'en parler, mais ce n'est pas forcément traditionnel, c'est pas l'histoire orale qu'on a été raconté à l'époque de nos ancêtres, mais oui, je trouve qu'on a une façon moderne de raconter notre histoire, avec les moyens du bord aussi. Q.:: Est-ce que vous avez des enfants? R:: Non, on n'a pas d'enfants. Q.:: Est-ce que vous comptez en avoir? R:: Oui, je compte en avoir [rire] beaucoup, beaucoup. Oui, j'aimerais ça. Q.:: Est-ce que vous savez comment vous allez leur en parler de tout ça? R:: Oui, j'aimerai ça leur parler du Rwanda, oui j'aimerai leur parler du Rwanda, j'aimerai leur parler de l'Éthiopie, j'aimerai leur parler du Canada, bon ils connaitront le Canada. Mon mari veut leur parler de la République Dominicaine par exemple, parce qu'il a des origines dominicaines, de la France, d'où sa maman venait. Donc, oui je pense qu'on a à leur raconter pas mal de choses; les pauvres enfants, ils vont être mêlés à un moment donné. Ils vont dire, mais "attends, attends, attends, on vient d'où là exactement là? C'est quoi nos origines?", parce que ça va être un gros brassage, mais je veux leur parler du Rwanda, et de ce qui s'est passé, et ouin ouin! Ah oui. Q.:: Est-ce que vous vous considérez une survivante? R:: Oh ya ya, cette question. Cette question je, vous la posez plusieurs fois, mais je ne sais pas comment y répondre. Alors, est-ce que je me considère comme une survivante? [réflexion]. Oui puis non, je pense, la question ce serait ça, la réponse ce serait oui et non. Oui parce que, parce que tout simplement si j'étais au Rwanda, c'est sûr que j'y serais passée, quasiment sûr, ou peut-être que j'aurais échappé; j'aurais été parmi les chanceuses. Mais je pense que, voilà, ce qui m'aura sauvé c'est de pas avoir été là-bas. Mais d'un autre coté aussi je me dis, non, parce que, une survivante qui était là-bas en quatre-vingt-quatorze [1994] et qui a survécu, je ne pourrai pas me comparer à cette personne-là non plus. Donc d'un côté, oui je me dis "mon Dieu, si mes parents n'avaient pas quitté en trois, si, si, si... si j'étais là-bas en quatre-vingt-quatorze [1994], voilà! Si je n'étais pas morte en quatre-vingt-quatorze [1994], j'aurais probablement vu des choses j'aurais... voilà! J'aurais survécu l'inimaginable, mais d'un autre coté j'ai eu la chance d'être à des kilomètres de là-bas, d'être en vie aujourd'hui, d'avoir, de pas avoir de cauchemars quand avril arrive".. J'ai la chance de pas, de pas avoir vécu les cent jours [jours?], et je ne pourrais jamais me comparer à quelqu'un qui a vécu ça, parce que c'est, voilà, tu peux pas imaginer ce que l'autre personne a imaginé, a vécu. Donc c'est une question très très difficile à répondre; je dirai oui puis non, pour les raisons que je t'ai expliquées. Q.:: Est-ce que parfois ça vous arrive d'essayer d'éviter de penser au passé, au Rwanda? R:: Non. D'arrêter d'y penser, d'éviter d'y penser? Non, non parce que je n'ai pas vraiment de raisons d'arrêter d'y penser. Tu vois, quelqu'un qui a vécu ça, oui je comprendrais qu'à un moment donné il veuille tourner la page, oui je comprendrais que cette personne-là dise: "Écoutez, j'ai vécu ça, je veux plus en parler, je veux faire [inaudible]", et puis voilà! Mais moi, justement parce que j'ai eu ce recul-là, que je n'étais pas présente, que j'ai d'autant plus de raisons de faire tout en mon possible pour pas qu'on oublie ce qui s'est passé quoi. Parce que, voilà, psychologiquement, j'ai les moyens de faire off si je veux, tu vois ce que je veux dire; voilà, je peux rentrer à la maison, dire "ok, là je coupe avec ça, ici tu as le boulot, là j'arrive..." Mais quelqu'un qui a vécu ça ne peut pas switch off quand elle veut, se remettre dans le bain quand elle veut, tu sais, Et non, non j'essaie pas d'arrêter d'y penser, au contraire, je pense que je ferai mon possible pour qu'on n'oublie pas, ouais. Q.:: Q.uand est-ce que vous pensez du récent évènement du Rwanda? Est-ce que vous avez une idée de ce qui se passe au Rwanda en ce moment? Par exemple, je ne sais pas moi, les Gacacaca, les commissions [inaudible] continuation, la commission du contrôle du génocide, les commissions... quelque chose comme ça? R:: Oui alors, oui je suis beaucoup, beaucoup, beaucoup se qui se passe au Rwanda; encore plus depuis ces dernières années. Alors je sais que le Rwanda est en train de se relever, mais vraiment bien. De se relever de ce qui s'est passé ; je trouve qu'ils s'en sortent plutôt pas mal, vu l'ampleur des dégâts, vu l'ampleur de ce qui est arrivé. De voir qu'aujourd'hui, voilà le pays se relève, le pays va mieux, les Rwandais vont mieux ; bon je vais aller le voir par moi-même, parce que c'est ce que j'ai entendu ces dernières années, mais j'ai l'impression que le Rwanda va mieux. Mais d'un côté aussi, il y a certaines choses avec lesquelles je ne suis pas trop d'accord, certains choix du gouvernement ; comme le gouvernement quand même tient les mains, ferme le pays. Mais en même temps il fait tellement de bonnes choses que, est-ce que ce n'est pas ça aussi qu'on a besoin? Q.u'on nous tienne comme ça pour que ça marche, tu sais? Je ne sais pas. Mais il y a des trucs avec lesquels je suis moins d'accord, certains trucs auxquels je tiens à fond:: les Gacaca je trouve que c'est une bonne chose, une bonne idée de, bon c'est une bonne alternative, vu le nombre de personnes à juger qu'il y avait, mais en même temps j'ai l'impression que ce n'est pas la solution à tous les problèmes, les Gacaca. Oui ça peut [inaudible: percher?] dans certains cas, mais dans d'autres ça... Oui c'est délicat; c'est délicat parce que des fois les gens te disent ce que tu veux entendre pour pouvoir être libérés, d'autres se font attaquer une fois que tu as témoigné à Gacaca, donc je ne sais pas. Il a ses bons côtés et ses mauvais côtés, c'est l'alternative pour le moment. Est-ce que c'est un succès? Je ne suis pas sûre.. Il y a peut-être des choses qu'aurait pu faire mieux ; je n'ai pas de solutions, mais il y a des choses qu'on aurait peut-être pu régler autrement, ou faire, mais sinon dans l'ensemble, je suis contente de là où le Rwanda se trouve aujourd'hui, comment c'est un exemple. Un tout petit pays comme ça, qui puisse être un exemple pour l'Afrique ; certains pays qui viennent au Rwanda pour s'inspirer de comment les choses marchent, comment ils ont éradiqué la corruption, pleins de trucs que tu te dis "wow, je suis fière; je suis fière qu'on parle du Rwanda pour dire de bonnes choses" et pas forcément "Oh le pays qui a connu le génocide". Mais je pense que, si on pouvait faire une petite session d'entrevue à mon retour là, je pense que je te dirai, je te dirai bien comment je me sens [rire]. Je vous donnerais les highlights là, à chaque jour. Q.:: Est-ce que vous avez l'impression que les causes de la violence au Rwanda ont été expliquées? R:: Les causes de la violence ont été expliquées? Ça, je ne sais pas ; ça je sais pas s'ils ont bien été expliqués, dans les écoles par exemple je sais comment ils expliquent ça aux enfants, aux jeunes. Nous aussi, on a des projets, on a des programmes, des cours qu'on essaie de monter à travers les Histoires de vie qu'on recueille, mais comment ça s'est fait là-bas? Est-ce que ces cours-là qu'on fait ici dans les écoles québécoises, est-ce qu'elles sont applicables là-bas au Rwanda? C'est quelque chose qu'on pourrait essayer de voir, mais non je ne suis pas suffisamment au courant, de voir comment, comment on le dit à des jeunes, à des moins jeunes aujourd'hui au Rwanda, je ne sais pas, je ne sais pas. Mais ça je pourrai vous le dire à la prochaine entrevue [rires] ; je me mets dans le..., je me mets dans le pétrin là. Q.:: Il y a une suite à "..." R:: J'ai bien peur que oui. Q.:: Comment on appelle ça dans les films? R:: Une séquence? Q.:: Est-ce que, vous avez vu déjà, vous en parliez tout à l'heure, vous avez vécu la communauté exprimer artistiquement sur scène, votre réaction par rapport à ça? La réaction de la communauté? R:: Alors, il y a certains films qui sont meilleurs que d'autres; il y a d'autres qui ... Il y a certains films qui sont bien inspirés de la réalité, très bien faits, très bien documentés, tu vois que la personne a fait de la recherche. Mais d'autres films, pour ne pas les citer, qui sont complètement hollywoodiens et puis qui essaient d'en faire à la façon Hollywood, alors que c'était à Kigali, et c'était loin de la façon Hollywood, ça j'aime moins. Mais bon, malheureusement c'est ces films-là qui ont plus de visibilité et qui sont les plus exportés ; donc, c'est ça qui est un peu dommage. Mais je pense qu'il y a de plus en plus de documentaires, plus de documentaires moi je dis, qui, qui sont très très bien faits. Encore là, il faut faire le ménage entre ceux qui sont bien faits et ceux qui sont un peu plus simplistes, mais, oui, non parfois je suis déçue de certains films et d'autres je dis "Wow, ok; ça c'est bon" et j'essaie de justement les faire circuler le plus possible autour de moi, parce que voilà, je veux qu'ils soient le plus près de la réalité possible quoi. Pas essayer d'embellir cette réalité-là, qui était très, très loin d'être belle, en ce moment-là quoi. Donc oui, parfois je suis déçue et parfois je suis agréablement surprise, et là je dis:: "Chapeau". Q.:: Puis est-ce qu'il y a des réactions à l'intérieur de la communauté que vous avez relevées? R:: Dans la communauté? Non, mais c'est souvent avec la communauté qu'on regarde ces films-là, qui sont nouveaux, qui nous viennent de partout. Souvent c'est en communauté, souvent c'est pendant les périodes de la commémoration qu'on décide de montrer un film ou un autre. Donc voilà, cet avis est pas mal partagé avec la communauté, enfin la communauté avec laquelle je m'implique, et donc souvent on dit "oh la la, qu'est-ce qu'ils nous ont fait là?". Et des fois même on décide de ne pas les diffuser, tout simplement parce qu'on trouve que le film n'est pas très réaliste.. Mais quand on trouve des bons films, des bons documentaires, c'est là qu'on décide de les montrer au plus grand nombre. Q.:: Vous en avez parlé un peu tout à l'heure, mais comment est-ce que vous pensez que vos histoires ou celles de votre communauté peuvent être montrées en classe, dans les musées ou théâtres, tout ça? R:: En fait, cette question, enfin le projet Histoires de Vie je trouve qu'il répond à exactement cette question. Dans les écoles, enfin il y a un groupe qui s'occupe spécifiquement de ça; d'ailleurs on travaille beaucoup avec ce groupe la d'éducation pour essayer de voir comment on peut organiser nos entrevues, comment on peut relever des thèmes qui seraient pertinents devant une classe. Le théâtre, le projet fait ça, le projet fait ça très très bien, à travers des différentes pièces de théâtre qu'on a fait pour le moment, le playback dont je parlais, etc. T'avais dit, éducation, les classes? Les musées, les musées, on a fait des expositions à travers, avec ce projet-là. L'année dernière, on a fait une grosse exposition dans le cadre du Congrès des sciences humaines de Concordia. Et encore là, en fait ce projet, ce genre de projets comme Histoires de Vie, ça a vraiment permis une plus grande, donc une sensibilisation, donc on essaie de sensibiliser le public à travers tous ces différents médiums. Mais justement, ce public-là, j'ai l'impression qu'après ça, ils en savent plus, et pas, et ça c'est dur de le montrer à travers un film tout simplement quoi. Et de le voir à travers des vécus des gens, les gens qui sont ici, qui pourraient être eux, leurs voisins, ça je trouve que c'est ça qui est bien touché l'humain. Q.uand c'est des histoires simples, mais vécues par les personnes, et racontées à travers les différentes façons, je pense que c'est là que ça vient les toucher. Donc oui, le projet Histoires de vie répond à toutes ces, à toutes ces points-là, il en faudrait plus les projets comme ça. Beaucoup plus et a plus grande échelle, oui. Q.:: Si je vous demandais, qu'est-ce que vous aimeriez que les gens, les personnes à l'extérieur de votre communauté, sachent de vous, donc sachent votre vécu? R:: À l'extérieur de ma communauté? Bien j'aimerais qu'ils sachent que [réflexion] En fait, je n'aimerai pas qu'ils retiennent que le génocide du Rwanda, j'aimerai qu'ils sachent qu'à part ça, il y a d'autres choses aussi. J'aimerais qu'ils ne s'arrêtent pas forcément sur "ok, tu viens du Rwanda ; ah et quoi, tu étais hutu ou tutsi? Est-ce que c'est toi qui tuais ou c'est toi qu'on tuait? " Des questions parfois simplistes, mais des fois tu te dis "ok c'est les médias qui véhiculent ça", donc il ne faut pas leur en vouloir de poser cette question tout de suite. Mais, je ne sais pas, d'en savoir plus sur ce pays, d'être aussi très, de faciliter l'intégration des Rwandais au Q.uébec. Dans ce cas, pas forcément les Rwandais, même les immigrants en général. Tu sais quand tu arrives dans ce pays, déjà ce n'est pas évident, l'adaptation et tout ça, mais de faciliter cette adaptation-là, en essayant d'apprendre de l'autre. Si c'est un Rwandais, mais d'apprendre de..., de pas de se limiter à cet évènement particulier, mais d'avoir le big picture. Et puis bien, d'être à l'écoute, d'être à l'écoute, d'être solidaires parfois dans nos activités. Oui, moi je dirais de pas se limiter à un seul évènement, puis d'aider la personne qui arrive ici avec tout ce bagage, voilà, à mieux s'intégrer, mieux se mêler à la masse et ne pas justement être pointée parce qu'elle vient du Rwanda et parce qu'elle a vécu le génocide quoi. Q.u'il y ait autre chose aussi quoi, voilà!. Q.:: Ça c'est ce que vous aimeriez que les personnes parlent de votre communauté et sachent de votre communauté. Et qu'est-ce que vous vous aimeriez que les personnes de l'extérieur sachent de votre vécu? R:: Les personnes de l'extérieur? Q.:: En dehors de votre communauté sachent de votre vécu? R:: Ah, à moi en particulier? Je les inviterais à regarder mon entrevue s'ils veulent savoir plus sur moi [rire]. Mais en gros, si je voulais, bien de mon vécu, écoute je suis "..." ; s'il fallait retenir quelque chose de mon vécu? Oui, je pense que je reviendrais sur ce que j'ai dit tout à l'heure quand je te disais que, des fois dans la vie, il y a un évènement qui chamboule peut-être ta vie, qui fait que tu prends des chemins et pas d'autres à cause de cet évènement-là. Eh bien voilà, j'aimerais juste qu'ils sachent que... et c'est dur de se limiter à un, un truc. Bien, oui, oui, je leur donnerais une chose, c'est que, à travers mon expérience, à travers mon parcours de vie, j'aimerais qu'ils sachent que, voilà je suis et je serai Rwandaise dans l'âme, malgré tout mon parcours je porterai toujours le Rwanda. Et je pense que je le..., c'est un grand mot de dire "je défendrai le Rwanda pour le reste de mes jours", mais en-tout-cas s'il y a un lien avec moi, si un moment donné si je croise ces personnes-là, c'est que c'est sûr qu'à un moment donné je leur parlerai du Rwanda, veut, veut-pas ça va venir dans la conversation, mais j'aimerais, je ne sais pas, transmettre peut-être un peu de, un peu de mon implication là, j'essaierais de transmettre un peu de ça aux gens. Voilà! Q.:: Une petite dernière comme ça. Vous voulez transmettre votre implication, et si les personnes, si je vous posais la question par rapport aux personnes [inaudible] qu'est-ce que vous voulez qu'ils sachent de votre vécu? R:: Wow ; qu'ils ne savent pas déjà? Oh la la, qu'ils ne savent pas déjà? Parce qu'ils me connaissent quand même, après toutes ces années dans la communauté, je pense qu'ils finissent, mais [réflexion] qu'est-ce que je pourrais leur dire? Bien, ça dépend en même temps des gens de la communauté. Moi je dirais aux personnes qui ont survécu qu'on sera toujours là pour les aider, pour les supporter pendant cette période justement de l'année qui est la plus difficile pour eux. Et pour ceux qui ont eu la chance de pas être là, de pas avoir été là en quatre-vingt-quatorze [1994], je leur dirai:: "c'est notre devoir, c'est notre devoir de...", en même temps ils le font quasiment tous, j'insisterais sur ce devoir qu'on a, parce que justement on est peut-être mieux outillé, on n'a pas..., à cause de ce recul-là, c'est notre devoir de toujours être disponibles, au moins pendant la période de commémoration. Au moins cette période-là, d'être disponible, d'être là, d'essayer d'offrir le plus de..., je ne sais pas. Mais souvent, ce qui est dommage, c'est que les rescapés, ils ne vont pas venir te demander:: "aide-moi, c'est difficile pour moi, etc. ". Mais il faut qu'on soit là, il faut qu'on devance, il faut qu'on fasse le pas, il faut qu'on aille vers eux. Il faut qu'on essaie de leur donner un semblant de, de leur donner le support disons. Voilà! Q.:: Est-ce qu'il y a des questions que tu aurais aimé entendre? R:: Oh, que tu ne m'as pas posées? Q.:: [inaudible] R:: Ah oui, d'accord [rires]. Une question ; non je pense que t'as fait le tour. Ce qui n'a pas été posé là a été posé la première session ; donc je pense que j'ai fait le tour. Q.:: Il y a une suite à venir. R:: Donc voilà, là je me suis moi-même mis dans le pétrin, mais vraiment, non je pense que ça me ferait, oui ce serait bien de voir "...", de voir mes impressions aussi. Tu sais, à chaud, à froid? En-tout-cas, bref. C'est ça. [rires] Mes impressions post-visite, direct post-visite. Et puis on pourra faire une troisième session avec vous. Merci. Q.:: En septembre? R:: En septembre..