Stephanie Gasana
00 : 12
>> Sa.G. : Bonjour Stéphanie.
>> St.G. : Bonjour.
>> Sa.G. : Merci de nous accorder une entrevue.
>> St.G. : Ça me fait plaisir.
>> Sa.G. : Je sais que tu as déjà participé
au projet Histoires de vie, donc je n’ai
pas besoin de te présenter le projet.
>> St.G. : Non.
>> Sa.G. : Alors, pour commencer, pour ceux
qui ne te connaissent pas encore, présente-toi.
>> St.G. : Je m’appelle Stéphanie Gasana,
j’ai 22 ans, je suis Rwandaise, je suis
étudiante à Concordia, en Communication,
et « … », qu’est-ce que je peux dire
d’autre [en train de réfléchir] ? J’ai
grandi en Éthiopie, [en train de réfléchir],
voilà!
>> Sa.G. : Très bien, une bonne introduction.
Alors, on va vraiment remonter dans tes souvenirs
les plus lointains, les plus lointains, « … » Est-ce
que tu as connu tes grands-parents?
>> St.G. : Je n’ai pas connu mes grands-parents,
ni du côté maternel, ni du côté paternel.
Par contre, j’ai tellement entendu parler
d’eux que j’ai l’impression de les avoir
connus. C’est, c’est vraiment ce point-là
surtout du côté maternel. Ma mère avec
qui j’ai grandi, donc toute ma vie, me parle
de sa mère, m’a parlé de sa mère pendant
toute mon enfance. Sa mère qui s’appelait
Adèle et son papa aussi. « … » elle
me parlait aussi de la mère de mon père,
beaucoup, beaucoup, beaucoup, elle me parlait
de ma grand-mère paternelle, et qui je pense
qu’elle était assez proche, et donc oui,
mais je n’ai pas eu l’occasion, je n’ai
pas pu les voir et ils sont morts pendant
le génocide. Je pense que ma grand-mère
paternelle est morte un peu avant, quelques
années avant, oui elle est morte en 1990
quand je suis née. Donc c’est ça, je n’ai
pas connu mes grands-parents.
>> Sa.G. : Euh…[en train de réfléchir].
Alors, parlez-moi de… vos plus lointains
souvenirs de vos parents. Comment c’était
la vie en famille ?
>> St.G. : La vie en famille! [en train de
réfléchir]. Ça me fait drôle d’y penser!
« … » les plus lointains souvenirs,
mon Dieu, comment c’était? [en train de
réfléchir]. Je pense que ça remonte à
mes trois-quatre ans, en Éthiopie. Avant
ça c’est flou mais, c’est…, c’est
ça, mes trois- quatre ans, en Éthiopie avec
ma maman, toujours avec ma maman. Et puis
c’est, c’était un dimanche, « … » tous
les dimanches ma mère m’amenait au restaurant,
[pause] restaurant éthiopien, moi j’aime
la bouffe éthiopienne et ma mère aussi.
Donc les dimanches, on allait des fois à
l’église ou des fois…, des fois non.
Et comme la bonne n’était pas là, donc
la bonne c’est celle qui prépare la nourriture,
était en congé, elle m’amenait manger
les tops qui est le plat traditionnel. Et
puis j’avais trois ans, elle disait : "raconte-moi
ce qui se passe à l’école, raconte-moi
ta vie". Et je me rappelle que je mangeais
et en même temps je racontais mes amis, ma
meilleure amie ce qu’elle m’avait fait,
pourquoi, … je parlais de toute ma vie.
Et ma mère m’écoutait attentivement comme
toi là, ce que tu fais tout de suite. En
me regardant comme ça, et tout ce que je
disais était très très important, et surtout
elle me demandait le lendemain comment ça
s’était passé, si j’avais fait la paix
avec mon amie, si, si je n’aimais pas ma
coiffure, je me rappelle que c’était une
période coquette, j’aimais pas les tresses
et puis elle me disait qu’on allait changer
et puis on me parlait vraiment de tout. Ah
je me rappelle de ces dimanches-là. Ces dimanches
où je mangeais des tops avec ma maman et
puis que je parlais de mes problèmes et j’en
avais beaucoup, beaucoup, beaucoup [rires].
>> Sa.G. : [Rires aussi] Oh c’est bien.
« … » [En train de réfléchir] donc
ça c’était les souvenirs les plus lointains,
« … », est-ce que vous avez des frères
et sœurs ? Est-ce que tu as les frères et
sœurs?
>> St.G. : Oui, j’ai trois grandes sœurs,
Solange, Sylvie et Sandra et deux petits frères,
Raul, Yano, ‘’Yan’’. « … » , Solange,
Sylvie et Sandra habitent ici au Canada avec
moi et mon frère Raul, qui est mon frère
adoptif, habite à Londres et mon autre petit
frère qui est mon demi-frère, habite à
Ottawa avec mon père. Et oui.
>> Sa.G. : C’est quoi la relation que vous
avez avec chacun d’eux ?
>> St.G. : Mes sœurs ?
>> Sa.G. : Et vos frères.
>> St.G. : Et mes frères ? « … » [En
train de réfléchir].
>> Sa.G. : En grandissant jusqu’aujourd’hui.
>> St.G. : Malheureusement, je n’ai pas
grandi beaucoup longtemps avec mes sœurs,
je suis née en 1990, mes sœurs étaient
en Libye avec mon père. Mes parents se sont
séparés quand j’étais très jeune, mes
sœurs ont grandi un peu avec mon père, donc,
j’étais fille unique, jusqu’à mes quatre
ans, je pense, et là mes sœurs sont venues
de Libye, puis ensuite « … », donc j’étais
très jeune, je me rappelle que mes sœurs
notamment ma sœur Solange était « … », aimait
se promener avec moi. Je me rappelle, elle
était là depuis 1993, elle, je pense que
oui, je me trompe, elle était là depuis
1993, c’était mes deux autres sœurs qui
étaient toujours en Libye, puis c’est ça,
elle aimait m’acheter des sucettes, elle
aimait un peu passer du temps avec moi. Ensuite
mes deux autres sœurs sont venues et je me
rappelle que j’étais très, très contente,
parce que, parce que j’avais encore beaucoup
plus d’attention et comme elles ne me connaissaient
pas très bien et me voyaient peut-être en
vacances, elles aimaient aussi passer du temps
avec moi… et puis j’étais gâtée, j’étais
choyée. De 1994 à 1997 on a habité ensemble.
Là, elles sont parties au Canada pour les
études et mon petit frère adoptif est venu,
donc « … », je pense. Non, mon petit
frère adoptif est d’abord venu et puis
ensuite mes sœurs sont parties. Mon frère
adoptif avec qui j’ai grandi de 1997 à
2008, notre relation « … ». On est très,
très proche ..., mes sœurs je les voyais
quand même pendant les vacances et tout ça,
donc oui on est proche, mais il y a une grande
différence d’âge. Ma sœur, la plus jeune
a dix ans de plus que moi, puis la plus vieille,
donc Solange, a quinze ans de plus que moi.
Ce qui fait que…c’est différent, très
différent. Mais on a réussi quand même
à se rapprocher, surtout plus je grandis,
plus on est proche, je pense, oui. Mon petit
frère, Jan euh…, que j’ai rencontré
quand il avait deux ou trois ans, je pense,
habite à Ottawa, il est très jeune, il a
onze ans maintenant … j’essaye d’être
là pour lui et j’essaye de passer du temps
avec. Euh puis… Oui, je pense qu’on est
assez proche aussi.
>> Sa.G. : Et alors quand tu étais à l’école
au primaire notamment maternelle, les souvenirs
sont vagues, quel souvenir tu gardes de ton
primaire?
>> St.G. : Mon primaire, mon primaire, … [En
train de réfléchir]. L’école primaire
à Addis Abeba, « … » je me rappelle,
ça c’est, je me rappelle de ma première
année au CP, qui est la première année
du primaire, j’étais en CP B et j’avais
un professeur qui s’appelait monsieur Lafenêtre,
je trouvais ça tellement drôle, c’était
hilarant, pour moi c’était hein… [Grande
exclamation !!]. Toute l’année je devais
dire à tout le monde que mon professeur s’appelle
monsieur La Fenêtre. Ça, ça me faisait
rire [gros rire de joie!]. Je me rappelle
que j’ai appris à lire cette année-là,
que ma mère me forçait à lire tous les
jours… et me forçait à faire mes devoirs,
surtout j’avais des devoirs à faire, j’avais
peut-être une phrase à lire, mais ma mère
m’obligeait à faire plus de travail, je
me rappelle que je n’aimais pas beaucoup
ça, et donc c’était combien d’années?
C’était cinq ans de primaire, « … » [En
train de réfléchir] où je j’avais quand
même une pression, il fallait que je sois
la première de la classe ou que ce soit près
de là, pour que ma mère soit fière. Donc
je me que « … », que je devais beaucoup
étudier plus que les autres « … », mais
sinon ça, ça reste des souvenirs, de bons
souvenirs, je jouais beaucoup, j’avais beaucoup
d’amis et je me rappelle que j’aimais
beaucoup sauter à la corde, jouer à la marelle,
« … » qu’est-ce que j’aimais faire
d’autre? [En train de réfléchir] C’est
ça, et puis j’ai fini par aimer étudier
et donc aimer lire, aimer faire mes devoirs
« … », je n’avais pas le choix, c’est
ça, donc j’étais plutôt la timide de
la classe, très timide, je sais que je n’aimais
pas, je n’aimais pas du tout avoir à réciter
les poèmes, c’était un moment très difficile
pour moi. « … », donc c’est ça, j’étais
un peu la fille qui aimait rester dans son
coin, qui s’asseyait souvent devant en classe
et puis « … », et puis qui était la
bonne élève, oui!
>> Sa.G. : Est-ce que tu avais une matière
préférée?
>> St.G. : « … » est-ce que j’avais
une matière préférée? [En train de réfléchir].
Oui, ça a toujours été le français, le
français, mes cours de français j’aimais
beaucoup, parce que ma mère aimait beaucoup
m’apprendre la grammaire et la conjugaison
et c’est quelque chose qui ne m’embêtait
pas par rapport aux autres élèves, je, j’aimais
bien écrire, faire une dictée sans faute
d’orthographe, hein, j’adorais ça, oui,
le français.
10 :13
>> Sa.G. : Et donc ton secondaire tu l’as
fait dans la même école ?
>> St.G. : La même école. Donc de la maternelle
de mes trois ans à 18 ans, j’étais 15
ans à la même école française d’Éthiopie
Lycée Guèbre-Mariam.
>> Sa.G. : C’est comment d’être à la
même école toute sa scolarité?
>> St.G. : C’est bien et ce n’est pas
bien [pause]. C’est, j’étais très contente
parce que je me sentais très à l’aise.
« … », surtout au secondaire où j’étais
vraiment celle qui accueillait les nouveaux,
puis c’était ma cour, c’était…c’était
un peu moi la seule, qui mettait les gens
à l’aise puis, là j’avais commencé
à être un peu plus sociable, je connaissais
les femmes de ménage, je connaissais, les
gardiens, qui m’avaient vu grandir, je connaissais
tous mes professeurs, parce que les professeurs,
surtout mes professeurs français ou même
les éthiopiens qui étaient là pendant plusieurs
années, ils me connaissaient aussi, m’avaient
vu grandir; donc c’est comme si j’étais
une famille, c’est une deuxième famille.
J’avais la famille à la maison et j’avais
une autre famille du lycée. Donc tous les
employés me connaissaient, ils m’appelaient
par mon nom et puis j’avais l’impression
que..., que c’était, voilà, je me sentais
très bien. En même temps, j’ai toujours
voulu être une nouvelle dans une autre école,
je me rappelle que je voulais déménager,
je voulais aller au Canada, je voulais même,
même n’importe où. Je me rappelle que
je disais à maman : "j’en ai un peu assez
de la même école, moi aussi je veux être
la nouvelle de la classe, je veux…, est-ce
que tu ne pourrais pas, est-ce qu’on ne
pourrait pas déménager ?" Mais bon, c’était
…c’était un rêve quoi, puisque je savais
très bien que je n’allais jamais quitter
l’Éthiopie. Donc…, non c’était ça,
c’est bien d’être dans son propre élément,
après quand tu changes de pays, beaucoup,
beaucoup de défis qui se présentent, puisque
j’ai toujours été dans la même école,
mais euh…, pendant le temps que ça a duré
quand même c’était bien, je me sentais
bien.
>> Sa.G. : Est-ce que tu avais des hobbies,
est-ce que tu avais des passe-temps en dehors
de l’école?
>> St.G. : Est-ce que j’avais des passe-temps,
qu’est-ce que j’aimais faire? [En train
de réfléchir].
>> Sa.G. : Au secondaire peut-être?
>> St.G. : Au secondaire « … », [en
train de réfléchir]. Mais c’est l’Afrique,
c’est l’Éthiopie et puis ce n’est pas
la même chose qu’ici, beaucoup moins de
choses à faire [en train de réfléchir].
Alors c’était beaucoup aller chez les amis
donc il y avait des fêtes d’anniversaire,
puis « … », puis sinon c’était passer
des après-midi chez les amis, et puis qu’est-ce
qu’on faisait, on regardait les films, puisque
qu’on regardait beaucoup de films, on empruntait
les DVD, des cassettes à l’époque et puis
les DVD ensuite, et « … », [en train
de réfléchir]. Il y avait les kermesses,
donc des activités organisées par l’école
où on se retrouvait et puis « … », puis
on jouait à des jeux, il y avait des compétitions.
Je n’étais pas très sportive, donc « … », je
ne faisais pas de sport comme d’autres ont
pu le faire. J’ai fait de la danse classique
un moment pendant deux ans. J’ai pris deux
ans de, des cours de piano, « … » [En
train de réfléchir]. Qu’est-ce que j’ai
fait d’autre? Ensuite, ouais, par la suite
j’étais très impliquée dans ma classe,
donc j’étais déléguée de classe pendant
une année. Déléguée de classe, c’est
s’occuper des problèmes de la classe, donc
il y avait des réunions avec tous les autres
délégués, puis il fallait organiser des
fêtes de fin d’année, moi j’aimais bien
ça. Donc j’avais quand même quelques activités
que j’aimais bien faire, oui.
>> Sa.G. : Et puis les grandes vacances,
est-ce que tu partais en vacances? Est-ce
que tu es allée au Rwanda? Comment ça se
passait l’été ?
>> St.G. : L’été! [En train de réfléchir].
Je suis allée au Rwanda en 1995 et en 1996.
Malheureusement je n’ai pas de, de souvenirs,
pas beaucoup de souvenirs je, j’ai quelques
petits souvenirs, imbeba [ça veut dire souris
en kinyarwanda]. Le seul vrai souvenir vraiment
que je garde c’est les souris, j’avais
peur des souris; il y avait des souris au
Rwanda et je ne voulais pas retourner au Rwanda
à cause de ça [rires]. Il n’y avait pas
de souris en Éthiopie, donc je n’avais
pas de problèmes. « … », donc oui j’allais
en vacances en 1995 et 1996. En fait c’est
comme si j’allais en vacances une fois sur
deux, je pense. En 1998, je suis venue au
Canada pour la première fois, ça je me rappelle
un peu plus, c’était tout ce dont j’avais
rêve que ce soit, hein! Comme dans les films!
Puisque j’étais aussi passée par Londres
avant, il y avait une amie à ma mère qui
travaillait là-bas, qui habitait là-bas
où j’ai passé quelques jours, ensuite
je suis venue au Canada où j’ai passé
deux mois, les plus beaux mois de ma vie,
je pense! Euh…, j’ai voyagé un peu aussi
dans le Canada, à Ottawa, Toronto. Je me
rappelle que cette année je suis revenue
à l’école à la rentrée, là j’avais,
j’en avais des histoires à raconter, j’étais
fière. J’ai beaucoup voyagé, je suis allée
aux Seychelles en 2000 avec toute ma famille.
« … », je suis allée, « … », non,
à l’île Maurice pardon, à l’île Maurice
en 2000, en 2004 je suis allée aux Seychelles,
je suis revenue au Canada en 2005 et en 2006.
Sinon, entre … entre tout ça, je passais
l’été en Éthiopie. Oui, j’ai voyagé
beaucoup, j’étais, j’étais très contente,
j’étais contente parce qu’il y avait
des élèves dans ma classe qui n’avaient
peut-être pas cette chance là et puis je
m’estimais heureuse de pouvoir faire partie
des gens qui allaient en vacances.
>> Sa.G. : Et puis donc c’est fini ton
baccalauréat, comment ça se passe ta dernière
année, terminale ?
>> St.G. : « … », Ça c’était en
2008, je, donc j’avais très, très hâte
de quitter l’Éthiopie après avoir passé
18 ans là-bas, j’étais prête à vraiment
commencer un nouveau chapitre de ma vie, et
puis à sortir de ce que j’avais toujours
connu. Et surtout comme je venais ici pendant
les vacances, j’avais déjà des amis, je
rêvais d’habiter avec mes sœurs aussi.
Et puis « … », donc ma dernière année
est très vite passée dans ce sens où je
planifiais, je rêvais tellement d’être
au Canada que, je ne sais pas, c’est passé
très vite. « … », je pensais que j’étais
très distraite, je… [En train de réfléchir]
justement parce que je pensais à tout ça,
et puis parce que j’étais très jeune,
je fais comme si ça faisait très longtemps
mais voilà c’était une période de ma
vie où l’école me préoccupait peu, c’était
plutôt penser « … » mon Dieu, c’est
ma dernière année et c’était un gros
bilan, je savais que je n’allais pas revenir
en Éthiopie avant longtemps, je préparais
mon départ, je « … », oui! C’était
une belle année!
17 :20
>> Sa.G. : Et puis tu es venue tout de suite
après ton bac ? Tu es venue l’été de
ton bac?
>> St.G. : Non je suis venue en novembre
2008, donc mes papiers avaient pris un peu
plus de temps que prévu et, voilà c’est,
c’est et surtout comme j’avais très hâte
de venir, le fait que ce soit prolongé, que
je n’aie pas mes papiers, c’était une
grosse frustration dans ma vie, je dramatisais
beaucoup les choses à l’époque; je me
rappelle que je n’étais vraiment pas contente
parce que tous mes amis étaient déjà partis
et moi donc pourquoi je dois rester? Et, tous
mes camarades de classe étaient en France
et j’avais choisi de ne pas m’y inscrire
et du coup j’ai regretté, je me disais,
hein, j’aurai été en France maintenant
au moins, il fallait que j’y pense, et donc
voilà, j’étais là, en Éthiopie, mais
bon ça a duré juste quelques semaines et
surtout mes sœurs étaient venues en vacances
à cette période-là, donc c’est passé
un peu plus vite et puis, puis je suis venue
au Canada, donc ça s’est bien passé finalement.
>> Sa.G. : Alors, raconte-nous ton arrivée
au Canada, comme tu connaissais déjà le
Canada mais y
arriver pour t’installer, c’était comment
?
>> St.G. : [En train de réfléchir]. Arrivée
pour m’installer à Montréal, je suis arrivée
le 12 novembre 2008, belle date pour moi,
oh mon Dieu, première fois que j’avais
voyagé toute seule, je suis passée par Washington
où j’ai passé plusieurs heures. Donc encore
là, j’avais hâte d’arriver à Montréal.
Il faisait froid, je me rappelle que c’était
pas si froid que ça finalement que je viens
de passer quatre hivers ici, mais il devait
faire peut-être zéro degré, je portais
un petit veston et puis j’ai senti le froid
que je n’avais jamais senti de ma vie. C’était
« … », là je me suis dit yaahh, peut-être
que ça ne va pas être si facile finalement
[rires]. Mais c’est ça, j’habitais avec
l’une de mes sœurs, Sylvie, et son mari
et sa fille « … », [En train de réfléchir],
c’est ça les premières, les premières
semaines se sont bien passées. C’était
la préparation, c’était les fêtes de
Noël, et puis c’est « … », c’est
vraiment célébré en grand ici à Montréal,
pas du tout la même chose en Éthiopie, j’étais
très impressionnée par les sapins de Noël,
les lumières partout, les décorations, les
shoppings de Noël, tout ça, tout ça c’était
tellement excitant. J’ai passé Noël avec
mon père pour la première fois, ça aussi
c’était « … », c’était une première
et puis j’étais habituée à passer en
fait Noël avec mon frère et ma maman. Des
fois, on allait visiter d’autres familles
mais ça c’était surtout au Nouvel An mais
à Noël, on était souvent à trois. Et puis
on fêtait avec un petit sapin bien préparé
et puis c’était tout! Alors que là, c’était
vraiment tra lala, les cadeaux, les quoi,
il fallait s’offrir les cadeaux entre nous
et puis on offrait aux autres, et puis « … » non
c’est ça, c’était une belle expérience
et j’étais overwhelmed. Je ne sais pas
comment on dit ça en français « … ».
>> Sa.G. : Dépassée.
>> St.G. : Dépassée, c’est ça, c’était
« … », tout m’impressionnait, je me
disais, oh mon Dieu, c’est à partir de
maintenant que « … », c’est ça que
ça va être mes Noël! Donc, j’étais très
contente, c’est un peu difficile parce que
c’est la première année où j’étais
loin de ma mère à Noël et de mon frère
aussi. Et « … », mais « … », on
va dire quand même que je me suis vite habituée,
oui!
>> Sa.G. : Et donc, c’est après Noël
que tu as commencé l’Université?
>> St.G. : Oui! Le 03 janvier 2009.
>> Sa.G. : Ok, c’était comment l’Université
pour la première fois ?
>> St.G. : Ah [soupir], c’était « … », même
rien que d’y penser j’ai un goût amer,
c’était vraiment une expérience horrible,
les premiers jours je pense il y avait une
tempête de neige et je m’étais perdue,
j’ai vu des histoires d’horreur où j’avais
une oreille qui avait, qui était gelée parce
que je n’étais pas assez couverte et que
je suis sortie du bus, je pense, trop tôt
ou trop tard, je ne trouvais pas mon building
« … », bon mon Université, et puis,
[en train de réfléchir], je me suis perdue
« … », et puis je ne savais pas où
me réfugier, il devait faire moins vingt
degrés et je commençais à pleurer [elle
se couvre le visage]. C’était trop pour
moi, c’était trop pour moi puisque je ne
connaissais pas tout ça, je venais à peine
de me débrouiller toute seule, devoir arriver
à l’Université par moi-même c’était
trop me demander. Donc, non, les premières
semaines étaient difficiles, c’était un
problème de traduction que je trouvais difficile
aussi « … », non, mon intégration n’était
pas vraiment à la hauteur de me « … », de
ce que j’avais espéré.
>> Sa.G. : Est-ce qu’à l’Université,
il y avait des services pour les nouveaux
arrivants et tout ça, pour les nouveaux étudiants,
l’endroit où tu pouvais aller « … »
>> St.G. : Il y en avait, il y en avait,
maintenant que je connais bien le milieu universitaire
je sais qu’il y a toute sorte d’aide mais
il faut aller chercher aussi, ce que je ne
savais pas faire. Donc avec le temps j’ai
appris, j’ai compris qu’il fallait aller
chercher mais comme je commençais aussi en
janvier ce n’était pas si évident. Septembre
c’est beaucoup plus, je ne sais pas si on
se voit plus, si c’était de ma faute, il
n’y avait aussi beaucoup de nouveaux aussi
dans mon programme, enfin de nouveaux immigrants
arrivants, c’était toutes des personnes
d’ici. Bon, je suis timide donc je n’allais
pas vers les gens, oui, si je pouvais refaire
ça, je vais changer beaucoup de choses et
même il y a beaucoup d’aide. Il faut juste
aller chercher et puis il faut s’informer
et sur internet et puis, il y a beaucoup,
beaucoup de services pour les nouveaux.
>> Sa.G. : Et donc, pendant combien de temps
tu as fait ce programme-là ? La traduction
?
>> St.G. :[En train de réfléchir] 2009,
je l’ai fait pendant un mois [un an?] et
demi, trois sessions, oui. Je l’ai travaillé
pendant trois sessions, la dernière session
j’ai réussi un peu à m’échapper parce
qu’il y avait une grande grève des chargés
de cours, je pense, et puis mes cours étaient
donnés par les chargés de cours, donc ils
nous ont donné l’option de soit pouvoir
rattraper les cours, il y avait une grève
de deux mois, je pense, c’était soit rattraper
les cours, donc pour que la session soit prolongée,
ou soit de se faire rembourser. J’ai, j’ai
pris, j’ai préféré me faire rembourser.
Donc, c’est comme ça que j’ai pu échapper
un peu à la troisième session. Et sinon
« … », oui, un an de traduction.
>> Sa.G. : Et pourquoi tu n’aimais pas
ça ?
>> St.G. : Je n’aimais pas ça, parce que,
la première session je pense que je n’aimais
pas ça parce que je n’excellais pas là-dedans,
donc je me suis dit ça doit être pour ça,
je pense que je m’étais mise à fond, j’avais
essayé. En même temps, il y avait plein
de choses qui se passaient en même temps
dans ma vie et je découvrais beaucoup de
choses, je me suis dite : "O.K., je n’ai
pas d’autres bonnes notes, alors je n’aime
pas le programme parce que je n’y ai pas
mis tous les efforts qu’il faut". C’est
pour ça [que?] j’ai décidé de me donner
une deuxième chance, qu’en septembre là,
j’ai vraiment pris le temps de me concentrer,
ça passait toujours pas, ça ne me plaisait
pas et puis quand quelque chose ne me plaît
pas c’est très difficile de, d’y mettre
l’effort [en train de réfléchir]. Voilà,
la troisième session c’était un peu pensé
à tout ça et puis trouver une solution et
surtout changer, et ce qui par la suite a
été de changer de programme. Mais c’était
« … », l’annoncer aux parents qui,
bien sûr, n’étaient pas contents, l’idée
de savoir que j’avais perdu un an et demi,
ce qui vraiment n’est pas dramatique maintenant
que j’y pense mais bon, à l’époque,
c’était waouh [rire sarcastique].
26 :00
>> Sa.G. : Et là comment vous avez pu changer?
Vous avez fait quoi après ça ?
>> St.G. : J’ai fait, j’ai pris des cours
à Concordia, histoire pour un peu me chercher
et puis savoir exactement ce que je voulais
faire. Et puis je suis tombée sur un programme
de communication qui m’intéressait beaucoup,
parce que j’étais impliquée dans un projet
qui s’appelait Happy Memories [ça veut
dire mémoires heureuses], qui un peu m’a
donné l’envie de faire ce programme-là.
Puis c’est un programme de communication
très pratique, donc on apprend à filmer,
à enregistrer et à faire du montage. Donc
comme je le faisais avec Happy Memories, je
me suis dit que ça allait sûrement me plaire
comme programme. Et puis c’est ça, c’est
ça je suis là depuis un an et donc « … », puis
j’aime ça je pense.
>> Sa.G. : Oui tu penses ?
>> St.G. : Oui j’aime bien ça! [Rires]
>> Sa.G. : Tu aimes bien ça mieux que la
traduction ?
>> St.G. : Ça se passe mieux que la traduction,
il y a de l’intérêt au moins, et puis
après il faut des efforts, tout programme
va être du travail mais « … », [En
train de réfléchir] mais j’aime ça au
moins.
>> Sa.G. : Est-ce que tu travailles en même
temps que tu étudies ou bien tu étudies
seulement ?
>> St.G. : Oui je travaille, je travaille,
je travaille les vendredis, je travaille une
fois par semaine, mais j’ai d’autres choses
aussi que je fais des fois sur le côté.
[En train de réfléchir] donc , c’est ça,
je vais chercher l’argent! Oui, je ne peux
pas, je ne peux pas me permettre de ne pas
travailler parce que j’habite en colocation,
donc, mes parents m’aident, ma famille m’aide
mais il faut un peu d’argent de poche aussi,
oui.
>> Sa.G. : Et euh…, est-ce que tu es impliquée
dans la communauté rwandaise de Montréal
?
>> St.G. : [Rires], oui, je pense que je
suis quand même assez impliquée, puis c’est
quelque chose qui est vraiment très important
pour moi, mes sœurs étaient très impliquées
dans la communauté rwandaise pendant plusieurs
années, donc à chaque fois que je venais
ici je voyais, je voyais que c’était quelque
chose de très important, qu’il y avait
un groupe de danse qui s’appelait Isangano,
que ma sœur « … », dans lequel ma sœur
dansait, et, il y avait aussi d’autres activités
qu’elle faisait, chacune avait un peu son
pied là-dedans et puis les premières personnes
que j’ai connues à Montréal sont des personnes
qui faisaient partie de la communauté rwandaise
et puis qui étaient dans Isangano ou autre.
Donc j’ai toujours su qu'en arrivant à
Montréal j’allais faire partie de cette
communauté-là, c’était, ça me plaisait
beaucoup. Je, je les aimais et puis « … », puis
j’aimais aussi retrouver des gens qui me
ressemblaient, mes semblables, qui parlent
comme moi, puis qui ont vécu à peu près
la même chose que moi, puis j’aime beaucoup
danser, c’était une des premières choses
que ma mère m’avait incitée à faire quand
j’étais plus jeune, donc, j’étais très
contente à l’idée de savoir que j’allais
faire partie d’une troupe de danse. Donc
c’est comme ça que j’ai commencé mon
implication, ensuite, ma sœur travaillait
pour le Centre d’Histoire Orale et elle
aimait, elle aimait beaucoup, beaucoup son
travail, et donc j’ai commencé un peu à
avoir de l’intérêt là-dedans, puis je
lui demandais de m’en parler et elle m’expliquait
beaucoup de choses, elle m’a inscrite à
des ateliers où j’ai appris un peu plus,
notamment dans des ateliers de vidéographie,
d'intervieweuse d’interviewés pour être
intervieweuse et puis cette idée de faire
des entrevues avec des gens, pour apprendre
un peu plus l’histoire de mon propre pays,
ça me plaisait beaucoup! Parce que, parce
que je voulais apprendre des choses sur le
Rwanda et puis je ne connaissais pas beaucoup
de choses sur le Rwanda.
30 :25
J’en avais assez que des gens me posent
la même question : "Ah tu viens du Rwanda?
Comment ça se passe là-bas ? Qu’est-ce
que c’est?" Alors que je n’en savais pas
plus qu’eux. Donc c’était, j’étais
complexée, des fois même je préférais
dire que j’étais éthiopienne parce qu’au
moins j’allais pouvoir plus parler d’Éthiopie,
j’en savais plus sur ce pays-là. Donc voilà,
c’est, c’est drôle à dire mais quand
je suis venue au Canada, je savais que j’allais
être plus rwandaise qu’en Éthiopie où
c’était plus facile d’être éthiopienne,
où surtout aussi les gens ne me posaient
pas des questions, je n’avais pas ce besoin
de m’identifier, expliquer d’où je viens
« … », c’est dans mon petit cocon
où j’étais rwandaise ou éthiopienne selon
ce qui me plaisait, et voilà! Donc c’était
très important pour moi de m’impliquer,
puis mon père était fier de moi, ma mère
aussi, les commémorations j’aidais ma sœur
aussi, puis c’est ça je commençais à
connaître les gens de la communauté et,
[en train de réfléchir], puis aujourd’hui
ça fait quatre ans, oui j’aime bien ça,
je vais continuer à faire ça.
>> Sa.G. : Est-ce que tu es aussi impliquée
dans la communauté éthiopienne ici à Montréal
?
>> St.G. : Non, malheureusement. Je ne
suis pas impliquée dans la communauté éthiopienne
parce que j’avais l’impression qu’il
n’y avait pas beaucoup d’éthiopiens ici,
par contre j’ai appris récemment qu’il
y a quand même une communauté, mais bon,
j’ai l’impression que maintenant je suis
un peu plus rwandaise qu’éthiopienne et
que je n’aurai pas le temps pour tout ça,
je choisis l’un ou l’autre. Mais il y
a une communauté éthiopienne, une très
petite communauté, mais [en train de réfléchir],
c’est ça, c’est intéressant, je n’ai
jamais pensé à m’impliquer vraiment, quoi
que ça me ferait plaisir quand même d’être
avec les Ethiopiens, je les croise parfois
et puis euh… je n’hésite pas à les voir
et en parler tout ça. Et puis euh…, c’est
ça, j’aime bien faire ça mais bon, c’est
moins évident parce que je ne ressemble pas
particulièrement à une Ethiopienne, ce n’est
pas comme si les Ethiopiens eux en me voyant
vont venir vers moi alors que, n’importe
quel Rwandais qui va me voir va venir vers
moi et puis ça y est, on va se rendre compte
qu’on se connaît, qu’on connaît les
mêmes personnes, et que c’est beaucoup
plus [propos inaudible].
>> Sa.G. : Mais est-ce que tu es encore en
contact avec des gens avec qui tu étais au
lycée en Éthiopie ?
>> St.G. : Oui, j’ai beaucoup d’amis
qui sont venus d’Éthiopie aussi, qui ne
voulaient pas aller en France pour, je ne
sais pas pourquoi, mais Montréal est devenu
une ville qui attire beaucoup de gens, parce
que c’est en Amérique du Nord mais c’est
quand même francophone, donc les gens veulent
venir ici, il y a de bonnes Universités,
c’est pas si cher que ça, le coût de la
vie non plus. Oui, j’ai beaucoup d’amis
d’ailleurs, j’ai eu la chance, j’ai
des amis que je ne côtoie pas autant parce
que justement je me suis fait dans un autre
cercle, que ce soit la communauté rwandaise
ou même quelques autres amis, donc [en train
de réfléchir], oui, je, j’ai quitté l’Éthiopie
pas pour la retrouver ici quoi, je, ce n’est
pas toujours quelque chose qui « … ». Mais
je passe quand même du temps avec eux des
fois surtout à l’occasion, ça me fait
toujours plaisir de les revoir, oui.
>> Sa.G. : Et est-ce que tu as l’occasion
de retourner en Éthiopie depuis ?
>> St.G. : Non, malheureusement.
>> Sa.G. : Depuis quatre ans ?
>> St.G. : Non, malheureusement pas mais
j’espère que je vais y retourner cet été,
j’ai très, très hâte! Euh… [En train
de réfléchir], ça me manque beaucoup, il
y a beaucoup, beaucoup de choses qui me manquent
de l’Éthiopie, euh…J’ai aussi envie
d’aller au Rwanda, parce que comme maintenant
je fais partie de la communauté rwandaise,
tout le monde parle du Rwanda, tout le monde
retourne au Rwanda, il y a beaucoup de choses
qui se font là-bas et c’est un pays en
pleine expansion, je veux faire partie de
ça aussi. Donc, je suis même, j’ai envie
d’aller au Rwanda plus qu’en Éthiopie.
J’ai plus envie d’aller à Kigali et puis
je côtoie beaucoup plus de Rwandais et j’habite
avec des Rwandaises et c’est ça, ils en
parlent tellement que ça donne vraiment envie
d’y aller. Donc voilà, en quatre ans je
ne suis pas encore retournée mais je retourne
cette année.
>> Sa.G. : Ok, et quels sont les projets,
donc vous allez terminer le bac à Concordia,
c’est quoi les projets après ça, est-ce
que « … »?
35 :04
>> St.G. : [En train de réfléchir] Je ne
saurais pas te dire exactement. Si ça dépendait
de moi, oui mais en fait ça dépend de moi,
c’est vrai, idéalement je « … », je
voyagerais un peu mais je ne pense pas que
ça va être possible puisque j’ai aussi
envie de continuer mes études. Je veux aussi
poursuivre mes études puisqu’aujourd’hui
il faut faire une maîtrise pour avoir un
bon boulot et « … ». Je me dis que tant
qu’à faire il faudrait que j’entame juste
après « … » [En train de réfléchir],
donc voilà, rester aux études ça veut dire
« … », ça implique beaucoup de choses.
Dans mon cas, le « … », la vie est quand
même chère et comme j’habite en colocation,
ce n’est pas évident pour moi, donc retourner
aux études à temps plein, ça veut dire
pas travailler et encore quelques années
dépendre de mes parents, ce n’est pas quelque
chose aussi qui « … », que je voudrais
faire. Donc voilà, je suis un peu dans un
dilemme, je ne sais pas si je vais faire ça
ou si « … », ou si je vais juste travailler
ou même si ce n’est pas dans mon domaine
travailler pour faire de l’argent et puis
continuer cette routine là et payer le loyer
et nanana [En train de gesticuler]. Mais « … », non
je ne pense pas, je pense que je vais « … », [En
train de réfléchir], je vais trouver une
solution, soit habiter chez mon père, donc
retourner, aller à Ottawa, ce serait une
bonne occasion pour moi de « … », d’habiter
avec mon père, de tisser des liens avec lui
et puis surtout parce que je pense ça lui
ferait plaisir que je poursuive mes études
et ça pourrait m’aider financièrement
aussi [en train de réfléchir], donc, c’est
une option qui m’est le plus « … », oui,
envisageable.
>> Sa.G. : Et est-ce que dans tes projets,
peut-être à plus long terme, est-ce que
tu te vois travailler au Rwanda?
>> St.G. : [En train de réfléchir], en
fait j’aimerais savoir, je, je, j’aimerais
« … ». Je pense que je vais avoir une
petite, une meilleure idée cet été quand
je vais y aller. Je me dis, ça dépend de
comment je me vais me sentir en fait. Je sais
qu’en Éthiopie j’aimerais par exemple
travailler là-bas, il n’y a pas de doute.
J’aimerais, j’aimerais vraiment m’établir
là-bas, avoir mes enfants là-bas et puis
je pense que, je serais très contente là-bas.
Maintenant, je suis quand même attachée
à Montréal aussi depuis quelques années,
donc je pense que, je vais quand même revenir
ici. Le Rwanda, je n’ai jamais, je n’ai
jamais habité là-bas, je ne me rappelle
même pas la dernière fois où je suis allée,
mais, la même vague dont je parlais tout
à l’heure, le fait que ce pays a tellement
de projets et que tout le monde en parle,
ce qui fait que je suis fière d’être Rwandaise
maintenant, d’ailleurs je le dis partout
et puis je pense que je vais trouver ma place
là-bas, je pense que moi aussi je peux participer
à ce développement-là. Et puis surtout,
je peux « … », je crois que je pourrais
amener de nouvelles idées, des choses qui
n’ont pas été faites, donc c’est ça
qui est cool! C’est ça qui pourrait être
intéressant, je ne pense pas que je voudrais
vivre là-bas longtemps, mais peut-être…
pourquoi pas, mais je suis plus, je ne sais
pas, je ne sais pas.
>> Sa.G. : Tu auras une meilleure idée quand
tu « … »
>> St.G. : Oui, quand je vais y aller. C’est
pour ça que j’ai, j’ai vraiment hâte.
>> Sa.G. : Ouh! Et comment tu trouves justement,
on dépeint le Rwanda dans les cinémas, dans
les films, et tout ça, est-ce que tu trouves
que c’est la réalité ?
>> St.G. : [En train de réfléchir] Je sais
que la plupart des personnes qui me demandent
d’où je viens et quand je dis que je suis
Rwandaise, ils me demandent tout de suite
si j’ai [vu?] Hôtel Rwanda [titre d’un
film] et puis c’est bien qu’ils aient
vu ce film, parce que, parce que ça explique,
ça raconte quand même, la même histoire
du génocide. Par contre, je ne sais même
pas s’il a été fait au Rwanda, les acteurs
ne sont pas Rwandais. Donc, non j’ai l’impression
que, le Rwanda qu’on nous montre dans les
medias « … », mais ça dépend au fait.
Avant je pense que c’était beaucoup plus
sur le génocide et puis, bien sûr, il y
avait souvent des effets comme sensationnels,
je pense que c’est le mot, sensationnel.
Je pense que, peut-être, il y a un peu de
de dramatisation, d’exagération, mais en
même temps-là, je vois, je lis les articles,
je vois des vidéos qui justement parlent
de « … », d’investisseurs qui retournent
au Rwanda puis du développement qu’il y
a là-bas, économique, dans tous les secteurs.
Et « … », et c’est ça, j’ai, j’ai
l’impression que cette image a changé en
fait. Il y avait une image très péjorative
avant, péjorative peut-être pas, mais juste
qu’ils parlaient un peu plus du génocide
et c’était que ça. Et « … », et
maintenant j’ai l’impression qu’on dit
plus du bien du Rwanda, oui.
41 :00
>> Sa.G. : Et on parle beaucoup, justement
de euh…, pas de génocide mais en ce moment
quand même beaucoup de transmission, de la
mémoire de génocide, comment c’est important
d’en parler aux plus jeunes justement, etc…,
qu’est-ce que tu penses de ça toi, est-ce
que tu penses qu’on devrait transmettre
cette mémoire aux plus jeunes ?
>> St.G. : Absolument. Oh mon Dieu! Je pense
que c’est vraiment, je suis impliquée dans
ce projet et c’est vraiment ça que ça
m’a appris, parce que euh…, [en train
de réfléchir], ça fait partie de l’histoire,
ce n’est pas quelque chose qu’on peut
effacer. Ce n’est pas quelque chose qu’on
peut oublier, c’est clair parce que ça
revient et puis, par exemple la fête de commémoration
arrive et euh…, c’est une période qui
est difficile pour toutes les personnes, enfin
surtout pour les générations de nos parents.
C’est quelque chose qui nous ont fait vivre,
veut, veut pas, que [silence], on a vécu
tous ensemble. Je me rappelle de, de, quand
je, j’ai entendu parler du génocide, les
premières fois où… j’ai su qu’il y
a une guerre dans mon pays [en train de réfléchir],
euh…, comment dire, c’est, c’est quelque
chose qui m’a marqué. Euh…, c’est quelque
chose que je sais qui a été douloureux et
je, je connais beaucoup de Rwandais de mon
âge, eux aussi qui ont vécu la même chose.
Et on essaie d’en parler, on essaie d’apprendre,
de demander à nos parents qui, bien sûr,
au début sont réticents parce qu’ils veulent,
ils ne veulent pas nous… [En train de réfléchir],
nous donner, nous transmettre cette peine-là.
Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que
ça fait partie d’eux, donc ça fait partie
de nous, on a l’impression qu’il y a quelque
chose qui nous manque, on ne peut pas, on
ne peut pas connecter, on ne peut pas, il
y a quelque chose qui manque. Sans cette transmission-là,
c’est comme s’ils nous cachaient quelque
chose [En train de réfléchir], et quand
on voit ça partout dans les medias, et que
tout le monde en parle, je veux dire, ça,
on ne peut pas…, se voiler les yeux, c’est
là, il faut faire quelque chose avec. Il
faudrait nous transmettre, moi aussi je vais
en parler à mes enfants aussi, je vais « … », j’en
parle à tout le monde déjà maintenant,
donc je sens que c’est très important oui.
>> Sa.G. : Et concernant la notion du pardon,
ça aussi c’est un autre élément qui est
à la mode au Rwanda, est-ce qu’on devrait
demander pardon? Est-ce qu’il y a moyen
de vivre côte-à-côte aujourd’hui au Rwanda?
Est-ce que vous pensez que c’est important
aux Rwandais de demander pardon ?
>> St.G. : Oui. C’est très important de
demander pardon. Le cas du Rwanda je, je ne
sais pas si c’est « … » [En train
de réfléchir]. Je pense qu’on a fait du
bon travail pour l’instant, il faut que
ça soit graduel. En fait, je pense que il
y a des « … », il y a eu des accords
qui ont été signes de paix, je pense qu’il
y a eu des, si je ne me trompe pas, je pense
que quand même il y a eu des personnes qui
ont demandé pardon sans doute. Mais comme
c’est encore frais, j’ai l’impression
que ça fait 18 ans, c’est beaucoup et en
même temps, pas assez en même temps. On
demande pardon mais comme je n’ai pas vécu
cette expérience-là, je ne fais que supposer,
je ne peux pas parler à la place de rescapés
et de personnes qui, qui l’auraient vécue.
Je ne sais pas si c’est« … », si c’est
assez en même temps, si on peut faire plus
en même temps. Je « … », c’est quelque
chose qui, je ne sais pas, je ne sais pas
quoi penser de ça. Mais il faut « … », il
faut définitivement pardonner à un moment
ou à un autre, parce que c’est comme ça
qu’on va avancer. Maintenant, je ne sais
pas si les générations ou du moins les rescapés,
les générations de nos parents sont prêts
à vraiment pardonner, c’est peut-être
trop tôt, c’est peut-être trop tôt. Mais
je sais que de notre génération du moins,
on essaye de pardonner et surtout non pas
de pardonner mais d’oublier ça, de pas
faire de différence entre les deux ethnies
ou les trois ethnies. J’espère que les
générations futures auront encore plus,
éviter de faire cette différence-là et
surtout se pardonner mutuellement. Mais je
ne sais pas, il faut quand même un peu de
temps, je pense, je pense.
>> Sa.G. : Et pour terminer, qu’est-ce
que vous voulez que les gens retiennent de
votre histoire?
>> St.G. : [En train de réfléchir] Qu’est-ce
que j’aimerais que les gens retiennent de
mon histoire!... [En train de réfléchir].
Que… waouh, c’est une question très intéressante,
qui mérite beaucoup de réflexions [Rire].
Mais, mon histoire, je, j’ai eu une belle
enfance, [silence], j’ai eu une belle adolescence,
je m’estime très, très privilégiée.
Je « … », j’ai beaucoup de choses,
d’ailleurs on me le dit souvent, j’étais
la plus gâtée, j’ai « … », je n’ai
jamais manqué de rien. Et puis euh…, et
puis c’est ça, je suis très contente par
rapport à ça, parfois ça ne veut pas dire
que…, que je n’ai pas eu de période de
crise, [rires], « … » notamment c’est
ça, identitaire ou même, oui je pense que
c’est plutôt ça. Et j’aimerais que les
gens sachent que c’est un peu de ça que
je faisais dernièrement. C’est « … », je
suis impliquée dans plusieurs projets, et
« … », on va dans des écoles pour parler
de nos histoires. Donc je parlais de mon histoire
à des écoles [écoliers?], un peu partout
à Montréal et je leur disais que c’est
très important de parler, de poser des questions,
au sein de sa propre famille, de sa communauté,
parce que je sais que moi ça m’a beaucoup
aidé et qu’aujourd’hui je me sens un
peu plus Rwandaise. En tant que Rwandaise
j’ai l’impression que « … », on
a tous vécu des choses très similaires,
j’ai l’impression que le génocide a eu
un très grand impact sur toutes les familles,
toutes les expériences, toutes les« … ».
C’est une richesse en quelque sorte, je
me dis qu’il faut voir ça d’un bon côté
et donc j’aimerais que les gens retiennent
plus « … », que c’est très important
de garder ça, de garder l’histoire de son
pays, d’en savoir beaucoup sur qui on est,
sur ce que notre famille a vécu, parce que
moi ça m’a beaucoup aidé, parce qu’aujourd’hui
je suis beaucoup plus à l’aise avec moi-même
et je pourrais continuer à m’informer,
puis à apprendre mais c’est ça, je suis
satisfaite et j’ai beaucoup, beaucoup de
rêves et j’ai beaucoup de projets et puis
« … », qu’est-ce que d’autre j’aimerais
qu’ils retiennent [en train de réfléchir],
qu’ils sachent [En train de réfléchir],
qu’il faut être reconnaissante de ce qu’on
a « … », [En train de réfléchir] et
puis voilà, je pense que c’est ça « … » [rires].
>> Sa.G. : Merci beaucoup pour votre entrevue!
>> St.G. : Merci![Rires]